Travailen silence , la réussite se chargera du bruit. 23 Oct 2021Chronologie 23 mai 2017Pedge sortait d’une nuit vraiment difficile. Elle n’avait pas fermé l’œil plus d’une demie heure consécutive et cela tenait au fait qu’elle se rendait malade toute seule, comme une grande, au point de vomir ses tripes dans les toilettes de ses quartiers. Et pourtant, Dieu seul savait qu’elle détestait vomir au point de faire des crises de panique. Elle n’était plus qu’une boule de nerfs. Elle ne voulait pas être aujourd’hui, et pourtant, le jour se levait, et avec lui, la nouvelle journée. Hier soir, elle avait pris une décision radicale. Aujourd’hui, elle démissionnerait. Et c’était cet état de fait qui faisait qu’elle n’avait pas dormi, qu’elle était malade de stress et de dégoût d’elle-même. Pourtant, elle était parfaitement lucide quand elle avait décidé de mettre un terme à sa carrière d’officier dans l’armée des Etats-Unis d’Amérique, et plus largement, dans l’armée terrienne qui était atlante désormais dans ce recoin de la galaxie de Pégase. Elle ne pouvait plus se regarder en face. Elle était coupable de tout ce qui s’était produit après sa capture par la reine Wraith. Elle avait appris, par une annonce, que l’ensemble des civils qui avaient évacué vers la planète de repli avaient été capturé par des vaisseaux Wraith. Cela, elle n’était pas directement responsable puisque Méda’lyda les avait piégés. Mais tout le monde n’aurait pas été pris si le Dédale était arrivé incognito pour tomber sur la gueule du croiseur. Mais voilà, elle avait bavé le nombre de vaisseau que les atlantes avaient, et le Dédale était tombé dans une embuscade, selon les informations qu’elle avait données. Et en cela, elle n’était plus digne de faire partie de l’armée. Elle aurait dû être jugée pour trahison, et se retrouver en prison à vie. Franchement, sa promotion n’était pas méritée. Qui voudrait d’un officier, d’un traître d’officier dans ses rangs ?! Qui ?! Personne, c’était évident. Elle ne pouvait pas faire honneur à son nouvel insigne, ni même à sa nouvelle qualification. Ce désastre humain était de son fait. Elle devait assumer son fardeau, et pour cela, elle devait être jugée par ses pairs. Elle en était malade, parce qu’en elle se disputait l’envie de faire carrière dans l’armée, carrière qui se déroulait bien et qui suivait une voie toute tracée vers des fonctions plus hautes, et à peine avait-elle mis le pied à l’étrier en sortant des hommes du rang et des sous-officiers qu’elle devait abdiquer. C’était insupportable. Son rêve de gamine traumatisée par un 11 septembre 2001 était en train de s’étioler. Elle venait de le toucher du bout des doigts, et elle devait s’en détourner en toute conscience, parce que c’était ce qu’il y avait à faire. C’était juste. Elle ne savait pas ce qu’elle ferait ensuite si elle n’allait pas au mitard. Qu’importe. Elle n’avait pas envie d’y penser. La douche lui permit d’avoir les idées plus claires, et elle se mit en uniforme, lissant le tout et cirant les rangers. Son béret bien calé dans son épaulière, elle se fit téléporter sur le croiseur qui était en train de subir des réparations lourdes pour à nouveau être opérationnel rapidement. Pendant l’embuscade, des membres du personnel étaient morts, et cela aussi, elle l’avait en tête. Elle ne devait pas faillir, et parce qu’elle était fière, elle allait à l’échafaud en étant parfaite. Personne ne lui reprocherait d’avoir jeté l’éponge sur son apparence cadrée et stricte. Quand enfin on l’autorisa à voir le Colonel Caldwell, le sous-lieutenant Allen salua de façon impeccable, et quand elle eut l’autorisation de passer au repos, elle posa une enveloppe cachetée sur le bureau de ce dernier. A l’intérieur se trouvait une lettre de démission, rédigée proprement et de façon protocolaire. Mon Colonel, je vous présente ma démission aujourd’hui-même. Je souhaite par ailleurs vous informer que je suis condamnable pour acte de haute trahison envers cette expédition et mon drapeau. » Elle regardait droit devant elle, sans sourciller, même si sa mâchoire se bloqua légèrement, signe qu’elle contrôlait ses nerfs et qu’elle ne voulait pas craquer. Elle était juste en train de se suicider toute seule comme une grande, comme le bon petit soldat obéissant qu’elle était au fond. Elle devait avouer que l’embuscade qu’avait subi le Dédale était de sa faute. Elle devait assumer. Le commandement ne l’aurait pas promu s’il savait qu’elle était à l’origine de la fuite. Torture ou pas. Pourquoi est-ce qu’elle venait présenter sa démission à Caldwell et pas à Sheppard ? Parce que ce dernier devait récupérer aussi, et elle ne savait pas s’il était de nouveau opérationnel. Cela faisait deux semaines qu’ils étaient tous revenus de l’enfer, et personne n’avait encore repris le service actif. Il fallait l’accord du personnel médical et subir des évaluations psychologiques. Peut-être qu’elle aurait dû se rapprocher des dirigeants… mais c’étaient des civils… Je signerai des aveux complets, et j’assumerai les conséquences de mes actes. » Elle se tut, demeurant silencieuse, et extrêmement calme alors qu’une envie de vomir venait lui titiller la glotte. Mais elle savait qu’elle garderait le dessus, parce que sa détermination était encore présente. Elle avait bien réfléchi, et c’était ce qu’il y avait à faire. Cela faisait deux semaines que l’équipage concentrait tous ses efforts sur la réparation du croiseur. Suite à la violente embuscade qu’ils avaient subi, le moral des hommes était en berne. La douzaine de morts recensé n’aidaient pas à les en relever d’ailleurs. Il y avait eu, en plus des nombreux blessés débarqués sur Atlantis, plusieurs cas de traumatismes psychologique. Le tout grevait encore plus les effectifs déjà particulièrement annulées, aucun service à terre, rotations d’équipes doublées et relevées uniquement à la fin des tâches. Les hommes s’acharnaient, la mine lasse et les épaules voûtées, sous les ordres d’officiers tout aussi abattus qu’eux. Le colonel Caldwell ne pouvait pas leur en vouloir ni même leur reprocher ce comportement. Mais il était le seul à faire exception de ce vent de défaite. Parcequ’il était à la tête de la galère, parce qu’il était l’exemple à suivre, le symbole et l’effigie du DSC-304 Dédale, il ne devait pas se montrer faible à un moment pareil. Il voulait que ses hommes finissent par se rendre compte que ce n’était que le début et non une fin. Que tous se relèveraient pour retourner à l’affront et faire payer au centuple cette défaite temporaire. Il y aurait d’autres combats à mener. Il y aurait d’autres batailles sanglantes et décourageantes. Et ses hommes traverseraient ces tempêtes sinistres sans faillir. Le colonel s’en faisait la il fallait procéder par CODIR avait été averti Caldwell ne descendrait pas sur Atlantis pour faire son rapport, en direct, tant qu’il n’aurait pas stabilisé l’état de son appareil. Depuis le début de l’expédition, le Dédale n’avait jamais été aussi sérieusement touché. Plusieurs ponts étaient inaccessibles, des incendies se redéclaraient parfois dans les zones condamnées de la salle des machines, les conditions atmosphériques étaient défaillantes, la gravité aléatoire. Des défaillances de sécurité en cascade étaient à peine réglées par l'ingénierie que des technologies Asgards compromises prenaient la était au point que les boucliers, à leur minimum depuis deux semaines, ne supporteraient pas la rentrée en atmosphère. Il était donc impossible d’amérir pour réparer. Tout devait se faire dans le froid, le silence et le danger sidéral. Caldwell avait refusé toute intervention depuis Atlantis, quitte à se quereller avec les dirigeants. Le danger était véritablement réel, concret, amenant l’officier à maintenir une téléportation d’urgence parée en cas de défaillance fatale pour la survie de ses hommes. Les seules téléportations autorisées concernaient les médecins, le matériel de transit et les quelques sergent-maître Tyrol, le mécanicien en chef du croiseur, n’avait dormi que quelques heures par nuit, tout comme lui. On aurait aisément pu comparer leurs cernes sans trouver de véritables différences. Lui-même avait retroussé ses manches pour effectuer les tâches qui ne nécessitaient pas de compétences techniques poussée. C’était également une façon de s’impliquer davantage dans la réparation progressive. Le maintien de son croiseur était une lutte de tous les instants et, en ce jour précis, l’équipage commençait enfin à reprendre l’avantage. Les bonnes nouvelles venaient...Après deux semaines de lutte acharnée, les réacteurs endommagés avaient enfin été stabilisé, les émissions de radiations supprimées. Les fuites d’atmosphère devenaient convenable et les émanations de gaz toxiques colonel Caldwell se trouvait au poste d’ingéniérie en train de faire le point avec le chef Tyrol, plusieurs techniciens et les ingénieurs. Il était satisfait, se trouvait avoir le coeur léger au point qu’il le montrait, alors qu’on lui expliquait que son bâtiment n’était plus à l’agonie mais simplement quelques hommes qui l’entouraient commençait à reprendre espoir. Ils étaient tous exténués mais rassurés. A présent, les cycles allaient devenir moins rudes, le repos s’organiserait petit à petit. Caldwell se brancha immédiatement sur sa radio pour une annonce générale //Votre attention. Vos efforts combinés ont eu raison de nos nombreuses avaries. Je vous annonce que la situation de notre bâtiment est enfin stable même si elle demeure préoccupante. Je vous félicite tous pour votre professionnalisme et votre ténacité. A tous les postes, reprenez les rotations classiques. Reposez-vous, vous l’avez amplement mérité...//Le Pôle-com lui répondit rapidement par un autre message. Le sous-lieutenant Pedge Allen lui avait demandé une entrevue la veille. Occupé comme il l’était, l’officier n’avait pas donné suite, laissant la requête en suspens. Il ne pouvait plus se permettre de laisser le soldat dans l’attente même si l’état de son croiseur demeurait son ultime d’un instant, l’homme se demanda si le CODIR n’allait pas se vexer de le voir accepter cette entrevue alors qu’il avait reconduit son rapport depuis quatorze jours. Steven accepta finalement en veillant à ce que le rendez-vous soit repoussé quelques heures plus fêter la réussite de l’équipage, Caldwell ordonna que les cuisines reprennent du service et disposent des stocks sans restriction. Il veilla également à ce que le pont douze, niveau des divertissements, et que les téléportations pour les quartiers libres soient accordés. Le tout en adéquation avec les besoins des demi-heure avant le rendez-vous, Caldwell atteignit enfin ses quartiers. Il remarqua son état lamentable, imaginant sans peine sa forte odeur de sueur témoignant de sa négligence, une première le concernant, et prit rapidement une prit une tenue neuve, commanda quelques boissons puis téléchargea sur son ordinateur le dossier militaire du soldat. Le nom en lui-même ne lui était pas inconnu. L’officier avait remis Allen a sa place, ainsi que le sergent-maître Eversman, pour avoir manqué à certaines règles éthique lors d’une mission diplomatique. Ils n’étaient pas entièrement en faute et le colonel avait opté pour des sanctions à orientation revanche, il n’avait pas hésité à mettre les pieds dans le plat lorsque le rapport du suivi psychologique, suite à la tentative de viol qu’avait subi Allen sur cette planète, lui avait semblé plat et incohérent. Steven avait compté sur les services du psychologue du Dédale, Sidney, pour relever ces erreurs et découvrir le véritable état de la jeune n’imaginait pas, à ce moment-là, qu’elle traverserait l’une des épreuves les plus dures et les plus destructrices qu’un combattant pouvait vivre. Si cela avait été un autre soldat, Steven aurait sûrement refusé l’entrevue, préférant de loin la réparation de son les mésaventures de la section “Cougar Natus” lui étaient parvenu sous formes de divers rapports, notamment médicaux. Caldwell avait ses propres problèmes, il avait survolé, lu en diagonale. Mais la torture de Pedge et Matt avait attiré toute son attention. Les rapports préliminaires avaient fait partie de ses priorités durant ses rares heures de colonel fût donc dans son bureau et prêt à recevoir Allen. On la fît entrer et il garda le silence tout du long, ne montrant aucune surprise lorsqu’il la vit déposer sa lettre de démission. En réalité, il ne posa même pas un regard dessus, se contentant d’observer l’allure parfaitement soignée de sa subordonnée. Il n’avait eu, pour seule réaction, qu’un clignement fugace et subtil de ses paupières. Le genre de signe qui ne voulait pas dire grand chose mais qui avait échappé au contrôle émotif du colonel. Et ce n’était pas garda un moment de silence, comme s’il était en proie à une intense réflexion, pesant le pour et le contre, avant d’ouvrir la bouche Repos soldat. Installez-vous. »Cela avait été clairement un ordre. L’état à peine perceptible du sous-lieutenant Allen ne lui laissait pas vraiment de choix. Soit il prenait le risque d’être avenant et à l’écoute, ce qu’elle n’était clairement pas venu chercher. Soit il se comporterait comme le colonel dirigeant ce navire endommagé et ayant bien d’autres chats à fouetter. Option pour laquelle il opta. Avant de signer de quelconque documents, je vous recommande de me faire part précisément de la nature et des circonstances de la trahison dont vous vous estimez coupable. » Caldwell lui servit son regard d’acier. Soyez honnête, directe et concise, soldat, ne me faites pas regretter de vous avoir accordé cette entrevue. »Le colonel sortit son fameux bloc note et tapota son stylo dessus. Il venait de chausser ses lunettes, exactement lorsqu’il avait procédé au jugement de ses actes passés, puis la fixa d’un air tout à fait neutre Je vous écoute. » Pedge n’était pas aveugle. Le vaisseau, d’ordinaire si posé, était en pleine ébullition, d’une ébullition à peine frémissante, fatiguée par les deux dernières semaines passées à réparer. Il y avait eu des morts dans cette embuscade, et le personnel devait en être affecté, comme tous les militaires lorsqu’ils perdaient des frères d’armes dans une bataille. Cela dit, c’était leur métier, et le risque faisait partie des conditions générales pour exercer. La jeune femme le savait, et elle était bien placée pour le savoir. Ca, elle pouvait l’encaisser. Mais ce qui était plus difficile à avaler, c’était que ces morts étaient de son fait. Si elle n’avait pas parlé, le Dédale aurait eu une chance d’arriver incognito et surprendre le croiseur Wraith en pleine rafle. Elle avait collaboré. Contre sa volonté, mais elle l’avait fait quand même. Car taire sa langue et ne pas divulguer des informations capitales auprès d’intelligence ennemie faisaient également partie des conditions générales pour servir. Les soldats pouvaient bien se dire que vue la solde, les conditions, et le fait qu’ils étaient des êtres humains à part entière, ils avaient le droit de disposer de leur vie, le fait est qu’ils n’avaient pas le choix en prêtant serment de défendre l’Amérique, et plus largement, l’espèce humaine. Après, certain se la mettait sur l’épaule et n’en avait rien à faire. Pas Pedge, aussi chaotique qu’elle puisse être dans sa tête de temps en temps. Caldwell était comme à son habitude. D’apparence tranquille, il transpirait l’autorité et l’austérité. Dans une autre vie, il avait dû être moine, un de ceux qui auraient fait bouffer leurs épées par le cul aux Vikings venus les dépouiller des reliquats de Dieu. Puis il se serait flagellé d’avoir pris une vie sacrée, avant de s’imposer des jeûnes et autres conneries de ce genre. Sa paroisse aurait été la plus dévote de l’empire chrétien. Il ne tiqua pas quand elle fit sa démission, et qu’elle l’informa de surcroit qu’elle était une traitresse. Elle n’était pas assez observatrice pour interpréter ce clignement fugace qui avait agité ses yeux, car tout à chacun clignaient des yeux régulièrement. Il ne répondait rien. Il faisait souvent cela. Certainement qu’il méditait les propos de la texane et qu’il cherchait une suite à leur donner. Pedge restait droite, rigide, et elle ne cherchait pas spécialement à croiser son regard, attendant le couperet. Il lui ordonna de s’installer. Elle ne se fit pas prier. Comme à son habitude, alors qu’elle s’asseyait, il la toisa durement, n’y allant pas par quatre chemins. Il voulait un résumé, il voulait des faits, des preuves, des circonstances. Ce vieux briscard fonctionnait toujours de la sorte. Il se basait sur une multitude d’informations qu’il avait en sa possession, des rapports, des expertises, des analyses, des descriptions, et il confrontait tout cela avec les principaux intéressés pour les démolir, ou pour les dédouaner. Je ne souhaite pas vous faire perdre du temps, aussi serai-je concise. » Elle inspira par le nez, cherchant sans doute du courage de se dénoncer, de se suicider militairement, et certainement civilement. Je ne peux aller voir le Colonel Sheppard qui est toujours en convalescence pour cela, et c’est pourquoi je m’adresse à vous. » Elle gagnait du temps pour se donner la foi, la foi d’avancer, de tendre le bâton pour se faire battre. Au final, elle aurait été une bonne sœur dans le couvent du moine Caldwell. Je suis responsable des avaries et des pertes humaines de votre vaisseau mon Colonel. J’ai divulgué à l’ennemi le nombre de nos bâtiments et c’est sans doute pour cela qu’ils savaient que vous seriez au maximum deux à vous rendre vers la planète de repli des Natus. » Elle était nerveuse. Habituellement, ses doigts restaient allongés sur ses cuisses, aujourd’hui, ils pianotaient entre eux. Elle savait qu’elle allait perdre beaucoup. L’expédition, le personnel de l’expédition, sa vie intéressante et sa carrière. Tout quoi. Elle ne vivrait plus sur une base extraterrestre à des milliards de parsec de la Terre, dans une autre galaxie. Elle ne franchirait plus l’horizon des évènements, elle ne reverrait certainement plus de peuple exogène. Namara n’aura plus jamais sa partenaire citée à l’ordre des vertueuses, et elle sera bien incapable d’enseigner leur façon de combattre en symbiose puisque sa double entité atlante ne serait plus là pour ça. Isia… Pedge ne savait que penser de cette histoire qui naissait entre elles. Simple caprice de deux adultes consentantes qui s’amusaient l’une avec l’autre, ou qui espérait plus ? Peut-être qu’elles se seraient lassées de tout ça et qu’au final, ça en serait restée là. Peut-être qu’elles auraient consommé cette énergie sexuelle en s’envoyant en l’air, et puis ce serait redevenu banal », sans intérêt puisqu’il n’y avait plus cette tension ? Ou peut-être qu’elle aurait fini par se poser un peu avec cette blonde. Peut-être également qu’elles auraient fonctionné comme cela jusqu’à ce que l’une ou l’autre ne parte, d’une façon ou d’une autre. Tant de possibilités, d’hypothèses à vérifier, qu’elle laisserait derrière elle. Au moins, elle garderait un excellent souvenir de cette femme et de cette relation particulière naissante qu’elles entretenaient, avec cette petite déception continuelle de ne pas l’avoir explorée jusqu’au bout. Mais le souvenir resterait beau. Ils ont donc basé leur stratégie sur les informations que je leur ai donné. » Pedge savait qu’il ne se contenterait pas que de ça. Une chose était certaine, elle ne dirait pas que Matt avait sans doute donné quelques informations lui aussi quand elle se faisait torturer sous ses yeux. Le simple souvenir de tout ça lui agita la main de tremblements involontaires et cette fois, elle crispa ses doigts sur sa cuisse pour les calmer. Quant aux circonstances… » Elle laissa un moment de flottement, moment où elle fixa un point invisible sur le bureau de l’officier. J’ai parlé sous la torture, mais j’ai parlé quand même », finit-elle par lâcher. C’était plus dur de l’avouer qu’elle ne voulait bien l’admettre, et c’était sans doute pour ça qu’elle ne détaillait pas plus. J’ai manqué à mes serments. J’ai été formé pour ça, pour résister, et je me suis montrée faible. » Sa main remonta vers son épaulette, où elle toucha du bout des doigts les galons d’officier qu’elle avait reçu depuis peu. Et maintenant, j’ai été promu sur des bases faussées et fallacieuses. Je ne mérite pas tout ça. J’ai merdé colonel. », conclua-t-elle en gardant son calme. Elle avait bien fait de dégueuler de tout son saoul dans la nuit, d’avoir chouiner dans son oreiller, de s’être rendue malade à en crever. Au moins, elle n’avait plus le courage de s’épancher émotionnellement. Et sa décision réfléchie lui permettait de garder son sang-froid habituel, malgré sa tête de déterrée et les cernes imposantes qui soulignaient son regard Lorsque l’on voit un soldat impeccable, une lettre de démission dans la main, avec le visage alourdi par les cernes et une neutralité forcée, il n’est pas difficile de faire le lien avec la mission très difficile qui avait eu lieu en début de mois. Caldwell n’avait pas lu tous les rapports de la Magna à cause des réparations et de la gestion du Dédale, il ne connaissait donc pas tout du combat qui avait été mené sur le terrain. En revanche, les écrits qui relataient en partie la torture subie par Matt et elle avaient été une priorité. Bien sûr, il n’avait pas eu accès aux témoignages et il ne savait même pas, d’ailleurs, s’il en Caldwell trouva donc dans la déclaration de Pedge une partie de ses propres déductions. Avec l’attaque soudaine des autres vaisseaux ruches et la certitude qu’ils avaient été attendu sur le champ de bataille, il ne fallait pas être un fin stratège pour comprendre que l’information avait filtré quelque part. Et puisque toutes les équipes d’exploration avaient été suspendues sur Atlantis au cours de ces deux jours de guerre pour les besoins d’utilisation de la Porte des Étoiles le cas de Pedge et Matt avait tout de suite permis plusieurs colonel, donc, n’afficha même pas un air surpris en la voyant se charger de la responsabilité de ce désastre. Il leva le nez, comme pour réceptionner l’information sans montrer de réaction brutale, et laissa son regard sombre courir sur elle. L’espace d’un instant, il sentit de la colère, une forme de haine monter doucement en lui. Cette femme se disait responsable et elle avait l’audace de venir jusqu’à lui pour se dénoncer ? Elle cherchait un sous-lieutenant continuait de s’expliquer, Steven gardait le silence, mais il relevait également les signes de stress chez elle. Pedge se malmenait les doigts et tremblait. C’était une colonel se rappelait parfaitement de la première fois où il l’avait recadré pour ses manquements sur la planète des Cowboys. Elle avait été en partie effrontée et avait su maintenir un contrôle de soi important, voir même exceptionnel. C’est pour ça, d’ailleurs, que lorsque ce rapport psychologique - qu’il avait tenu en main un mois auparavant - ne lui avait pas plu, que l’homme n’avait pas hésité à envoyer Sidney en passant outre l’autorité de lui, Pedge Allen avait un problème réel qui datait. Antérieur à cette histoire de viol et antérieur à la torture. Sauf qu’à présent, après de telles épreuves, l’officier sentait qu’il serait bien difficile de la faire changer d’avis. On aurait pu croire qu’elle s’était présentée de la sorte dans un besoin de subir la punition ou dans une quête de rédemption. C’était peut-être le cas d’ailleurs. Mais le colonel n’était pas un psychologue. Il n’était pas taillé pour repêcher les hommes de leur méandres de culpabilité. C’était un commandant et un d’un instant, il fut attiré dans ce même sentiment de culpabilité en regardant ses doigts. Le nom de Rick Welsh lui revint en tête. Il se rappelait avoir tourné la clé dans le boîtier déclencheur. Ce mouvement avait inondé le sas d’évacuation d’un sérieux incendie à base d’hydrogène deux milles trois cents degrés sur cet homme piégé qui avait lancé un hurlement qu’il n’oublierait jamais. C’était si puissant, si vibrant et humain, qu’il lui suffisait simplement d’y penser pour l’entendre de nouveau. Sa compagne secrète était arrivée pile à ce moment-là. Rompant le poste de combat pour voir ce qui restait de lui contre la porte blindée qui avait refusée la liberté. Et son hurlement, à elle aussi, Steven s’en c’était la guerre. L’éjection de l’incendie d’hydrogène avait sauvé le Dédale. Le tour de clé du colonel avait détruit deux vies pour préserver le reste. C’est un calcul horrible mais très simple à reporta son regard sur Pedge. Elle venait de terminer sa phrase par son impensable “j’ai merdé”, le colonel secoua négativement la tête, comme pour lui faire comprendre à quel point elle pouvait se tromper. Il se redressa lentement sur son siège en décroisant les mains de son bloc note. Il n’avait pas marqué une seule ligne. Sous-lieutenant Allen. Spécialiste de la Guerre non conventionnelle et instructeur des troupes étrangères. Vétérante de plusieurs missions à haut risque et survivante de plusieurs blessures de guerre. Vous partez à la rencontre d’un ennemi aguerri, êtes confrontés à l’adversaire le plus violent et le plus monstrueux qui soit, vainqueur d’une longue guerre contre les Anciens. Et vieux de dix milles ans. »Il l’invita du regard à intégrer ces informations. Vous ressortez de deux jours d’une guerre très brutale. Vous vous tirez d’une torture à peine concevable. Et vous venez vous porter responsable d’aveux arrachés sous la contrainte ? »L’officier garda le silence un instant avant de préciser son analyse. Je suis un colonel de l’US Air force et j’ai soixante-cinq ans. A votre avis, aurais-je été capable de résister autant que vous si nos rôles avaient été inversé ? » Elle ne voulait pas le regarder, mais immuablement, elle le toisait, essayant de lire son verdict avant qu’il ne tombe en déchiffrant ce non verbal tellement délicat à percer. Elle n’était pas assez observatrice pour ça, mais cela ne l’empêchait pas d’essayer quand même. Tout le monde le faisait, surtout quand le monde en question se retrouvait devant le peloton d’exécution. Serai-je condamné ? Ou bien vivrai-je ? Telle était la question à l’heure actuelle. Quand elle termina son récit par sa petite conclusion bien personnelle, elle le vit se redresser dans son siège, secouant la tête négativement. Son bloc note était resté vierge de toute écriture, et elle ne savait pas si cela était un bon ou un mauvais signe. De toute façon, maintenant qu’elle était là, il n’était plus question de reculer et d’aller lui lécher les pieds pour qu’il oublie tout ce qu’elle venait d’affirmer avec conviction. Il commença par faire un récapitulatif de sa carrière… Cela sonnait le glas de ses belles années de service non ? La sentence allait tomber, et sa tête avec. Qu’elle pessimisme, elle qui était si sûre d’elle, si prompte à se montrer effrontée pour défendre une vision des choses qu’elle pensait juste. Et là non, elle se serait volontiers fusillée elle-même si elle le pouvait. Pourtant, la suite de ce qu’il affirma à son sujet, ce récapitulatif, ne sonnait pas comme une condamnation. Plutôt comme une façon de remettre en perspective l’échec qu’elle s’octroyait. Oui, l’ennemi qu’elle avait combattu était vieux, aguerri, doté d’une expérience plus importante et d’un sadisme sans nom, et alors ? Elle était formée pour réfléchir autrement, pour anticiper. Le terme guerre non conventionnelle prenait tout son sens dans cette expédition, et elle avait été aussi utile qu’une pute dans un club échangiste ! Il reformula ce qu’elle venait de dire, l’obligeant à cesser de s’infliger des calomnies mentales pour se recentrer sur ses propos. La phrase qui s’ensuivit la laissa sans voix. Elle le toisa quelques secondes, dans un silence total. En gros, il sous-entendait qu’elle était bien sotte de venir se dénoncer de choses qui n’avaient pas lieu d’être. Pourtant, ce n’était pas son point de vue. Cela tenait aussi à sa culture martiale, au fait qu’elle en ait chié pour intégrer ce qu’elle considérait comme l’élite de l’armée des Etats-Unis d’Amérique toujours la même rengaine à qui aura la plus grosse entre les rangers de la Delta, les Seals, et les Forces Spéciales, et elle s’était montrée aussi brisable qu’une femme du rang. Elle ne voyait pas la résistance exceptionnelle qu’elle avait montré, pour elle, il n’y avait que l’échec, les morts du Dédale, et indirectement, les Natus kidnappés. Elle inspira. Toujours aussi larguée quand il s’agissait de mettre des concepts et des mots sur ses émotions, elle ne savait pas si elle ressentait de la colère de se faire prendre pour une débile, dans le sens où il lui faisait comprendre qu’elle n’avait pas à faire ce qu’elle faisait parce qu’elle n’y pouvait rien, ce qui pouvait sous-entendre qu’elle était faible même s’il se plaçait dans la balance et que donc son propos était autre, ou si c’était de la colère de voir qu’elle n’allait pas se faire radier de l’armée, comme elle l’aurait souhaité, ou si c’était de la colère de se faire pardonner, elle n’en savait fichtrement rien. Mon colonel », commença-t-elle, à la limite de la rupture au niveau du timbre de sa voix. Je suis des Forces Spéciales. Je suis censée pouvoir résister à n’importe quelle forme de torture. Vous nous donnez un couteau suisse et on vous renverse Cuba. J’aurai dû… j’aurai dû » une larme roula sur sa joue alors qu’elle l’essuyait un peu rageusement. J’aurai dû résister ! Je passe pour quoi maintenant ? Pour celle qui a vendu ce bâtiment et les hommes qui sont morts. » Elle le regarda un instant avec une intensité peu commune, les yeux brillants, tremblante, pour une fois très expressive, comme pour le mettre au défi de dire le contraire. C’était là toutes les limites du conditionnement des militaires. On leur apprenait la droiture, le respect à la hiérarchie, on brisait leur personnalité quand elles étaient trop rebelles pour en faire de bon petit soldat, et ceux qui étaient déjà de bons petits soldats comme Pedge, on leur renforçait ce sentiment, on les intégrait, leur faisait sentir toute la cohésion de l’armée, de la famille, et ensuite, quand les meilleurs se démarquaient, comme elle, on les envoyait dans des unités de choc, d’élites, et on leur disait maintenant qu’ils étaient les meilleurs, les plus beaux, les plus forts, mais qu’ils restaient quand même des toutous fidèles qui devaient assumer leur personnalité tout en restant dans le rang. Et maintenant, la plus belle, la plus forte, venait de se prendre la claque de sa vie dans les dents, et elle ne l’encaissait pas, mais alors pas du tout. Elle redevenait la petite fille que papa chéri cognait en même temps que maman chérie juste pour le plaisir d’assurer un semblant d’autorité à la maison. On lui avait vendu du rêve, du rêve américain, de grandeur, de défendre son pays, d’intérêt supérieur, mais au final, elle en revenait toujours au même point. Elle était celle sur qui on tapait, elle était celle qu’il fallait finir par rabaisser, aussi hargneuse soit-elle. C’était le bazar. Elle mélangeait tout. Son raisonnement intérieur n’était pas logique. En fait, c’était surtout une question de fierté. Elle aurait dû la fermer, ne pas venir dans ce bureau et attendre de se faire convoquer si telle était la volonté de l’état-major. Maintenant, elle venait faire sa crise existentielle auprès d’un homme qui allait lui demander de la boucler et respecter les gens qui étaient morts dans cette guerre, et d’arrêter de faire la petite écervelée qui veut se rendre responsable parce qu’elle est complètement masochiste, hautaine, et personnelle et que c’est plus facile de se faire porter le chapeau plutôt que d’assumer, de se pardonner, et d’avancer, plus fort demain qu’hier. Les pleurs dissimulés de devait faire un effort impressionnant pour se retenir et ne chasser que cette larmichette d’un coup de manche. Mais le chagrin se sentait dans sa voix, en même temps que toute sa culpabilité, cette rage contre elle-même. Combien de temps ce sentiment l’avait rongé avant qu’elle ne vienne l’affronter dans son bureau, au bord d’une rupture émotionnelle ?Le colonel se rappela de son entretien sur Terre, lorsqu’il avait été missionné pour juger les actes de la jeune femme sur PNF-627. Eversman et elle avaient déconné. Et Caldwell avait été contraint de la pousser à bout, jusqu’à ses derniers retranchements, pour qu’elle daigne enfin dire la vérité. Elle s’était montrée solide, dure à colonel avait parfois reçu des membres de son équipage qui en rajoutait. Qui parvenait à verser la larme dans le vain espoir de l’attendrir. Et ça ne marchait jamais. Mais dans ce cas précis, avec les informations que le gradé détenait sur Allen, et le fait que son comportement actuel était très loin d’être factice cela eut l’effet d’une piqûre d’épingle dans son coeur de allait mal. Et ce n’était pas du craignait d’être considérée comme une traître à sa patrie. Il n’y a rien de plus dur pour quelqu’un qui y est si attaché. De la façon dont elle l’avait formulé, on aurait pu croire qu’il s’agissait simplement d’une question de fierté, d’une image qu’elle n’acceptait pas de porter. Mais le colonel voyait bien que la blessure était beaucoup plus profonde. Cela lui rappela automatiquement l’attaque dirigée envers le major Frei alors qu’elle se remettait à peine de son viol. Il l’avait malmené volontairement pour lui enseigner une leçon, la forcer à protéger son grade pour l’ situation d’Allen était différente. Mais il comptait également intervenir auprès d’elle. L’homme n’était pas un psychologue chevronné contrairement à Sidney. Mais il faisait un parallèle avec son propre cas, en ayant tourné la clé qui avait mis fin à la vie d’un pauvre gars. Cette jeune femme avait besoin de comprendre que personne ne lui en voudrait pour avoir parlé...tout simplement parce que c’était la guerre. Qu’elle n’était pas la coupable mais la victime d’une torture qui avait dû durer des heures. Ce n’était pas de sa aurait pu argumenter, se lancer dans tout un tas d’explication pour l’encourager à revenir sur sa décision, à prendre les éléments sous un autre angle. Il en avait envie d’ailleurs. Mais il sentait bien que la militaire n’était pas en état de comprendre. Qu’ils s’enfonceraient tous les deux dans un dialogue de sourd. Et que rien de positif n’en ressortirait au il eut une autre idée. Est-ce que vous voulez vous racheter ? Est-ce que cela vous aiderait ? » Demanda-t-il la fixa dans les yeux. Il prit l’enveloppe contenant la lettre de démission avant de développer. Mon croiseur est en cale sèche. Nous devons encore y effectuer des réparations importantes celles qui nous permettront de rentrer sur Terre. » Il se pencha légèrement dans sa direction. Allen, je peux vous faire intégrer mon équipage. Acceptez d’oublier temporairement vos galons et votre fonction. Partagez la vie de mes hommes pendant deux semaines. Aidez-les à rentrer chez eux. Vous découvrirez au passage une réalité qui diffère de votre jugement. »Il la considéra un instant avant d’ouvrir l’enveloppe. Il parcourut rapidement la lettre avant de la contresigner et de la tamponner. C’était comme s’il avait accepté sa démission. Mais au lieu de lui rendre le document, il le plaça dans son tiroir. Là où il y avait le dossier de Frei et les différentes affaires qui lui tenait à coeur. Caldwell referma le tiroir avant de conclure. Si à l’issue de cette période vous n’avez pas changé d’avis, j’entamerai personnellement votre procédure de démission. Et vous serez reconduite sur Terre. » [right]Il n’eut pas l’affront de répliquer quoique ce soit, et elle en fut fortement contrariée. Elle avait envie de rentrer dans quelqu’un, de se confronter, de prouver à la Terre entière qu’elle était mauvaise, et à l’heure actuelle, elle n’avait que lui dans cette pièce. Bien entendu, c’était une forme de manœuvre autodestructrice puisqu’elle savait que si elle s’en prenait verbalement à l’officier, elle risquait tout aussi bien sa place. Mais il ne lui rentra pas dedans non plus. Au lieu de ça, il lui proposa de se racheter. De me racheter ? », fit-elle en écho à ses propos, juste avant qu’il ne développe son idée. La notion même de rachat voulait dire qu’il reconnaissait qu’elle était fautive et qu’il lui offrait la possibilité d’obtenir une forme de rédemption par un acte fait en contrepartie. Sa colère était retombée comme un soufflet, alors qu’elle le toisait. Elle ne tremblait plus, et l’envie de pleurer l’avait quitté pour de bon, même s’il restait quelques reliquats accrochés à ses cils, rendant son regard brillant. Ce qu’il lui proposa n’était pas dénué de sens chez elle. Son père, aussi con qu’il était, lui avait toujours dit qu’elle devait assumer ses erreurs et corriger les torts qu’elle avait pu faire. Si elle acceptait cette proposition, elle pourrait aider concrètement à rendre à ce vaisseau sa splendeur d’antan, tout en côtoyant les hommes et les femmes qui lui donnaient son âme, sa vie, sa personnalité, sous la férule de son commandement. Néanmoins, quelque chose la bloquait quelque peu. La honte. La honte et la crainte. Elle avait tout bonnement peur de se retrouver au milieu de cet équipage, qu’on la tienne responsable, qu’on la juge, qu’on la rejette. Mais c’était sa pénitence, et elle ferait avec. Elle se fit le genre de promesse qu’on ne tenait jamais, qui consistait à vouloir changer un trait de sa personnalité pour le futur, mais tout le monde savait que le naturel revenait bien souvent au galop. Toujours est-il qu’elle se promit de se montrer humble dans sa tâche et sa condition, pour expier, d’un point de vue moral et non religieux, les torts qu’elle avait provoqué. Qui plus est, le deal était correct. Si elle ne changeait pas d’avis, elle repartirait. Le colonel Caldwell venait de s’y engager, et elle savait que la parole de cet homme était fiable. Je ne pense pas que ma décision changera, surtout après avoir côtoyé l’équipage. » Elle s’était rembrunie, mais son allure neutre était revenue, elle. Consciencieusement, elle défit ses galons sur ses épaulettes, ainsi que les différentes médailles honorifiques qu’elle avait pu avoir, et elle posa le tout sur le bureau du colonel. Mais j’accepte votre proposition, au moins, ma décision sera utile à d’autres. » Elle retombait au bas de l’échelle militaire. Elle ne savait même pas si elle était de nouveau une première classe, ou pire. On dirait bien que je vais vraiment finir cantinière au mess. », finit-elle par dire, amer, prouvant là aussi qu’elle n’avait toujours pas digéré l’affront de sa menace lorsqu’elle s’était retrouvée devant lui en compagnie d’Eversman pour une soi disante faute professionnelle. C’était bon dernière réplique de la jeune femme indiquait qu’elle se reprenait déjà et cela rassura intérieurement le colonel. Sa proposition avait fait mouche et son aspect s’était déjà renforcé. Il retrouvait un peu plus la militaire de ses souvenirs. Il préférait voir cet aspect effronté et quasiment provoquant sur son visage plutôt que ces larmes douloureuses. Cette offre était la seule qu’il comptait lui faire et un refus aurait tout bonnement mis fin à leur entretien. Heureusement qu’elle l’avait accepté sans rechigner sinon il l’aurait renvoyé auprès de Sheppard. Caldwell acquiesça tout en récupérant les grades et décorations. Il plaça le tout dans son fameux tiroir. Il n’y a rien de dégradant à servir au mess. Ce n’est pas une punition ou une corvée ici. Le Dédale est la maison d’une grande famille. » Expliqua doucement l’officier. Connaissez-vous le sergent-chef Tyrol ? Il s’agit du mécanicien en chef du Dédale, responsable de toutes les réparations brutes du croiseur. Il devrait être en train de préparer les affectation de l’équipe soir. Je vais le prévenir de votre arrivée. »Le colonel décrocha le combiné mural et le porta à ses oreilles. Il signala au pôle-com l’adhésion de Pedge en tant que technicienne volontaire et ordonna à ce qu’elle bénéficie d’un accès par téléportation afin de pouvoir récupérer certaines de ses affaires sur Atlantis. Des bagages limités. On le mit en relation directe avec le chef Tyrol et le colonel dialogua un certain temps avec lui. Il fût court et précis, comme d’habitude, et ne révéla pas la raison de la présence de Pedge. Pour les techniciens, elle était une courageuse volontaire qui oubliait temporairement son grade pour les aider à réparer le Dédale. Pas d’histoire de rédemption, pas d’information quant à sa torture et la culpabilité qu’elle en tirait. C’était une inconnue qui venait d’Atlantis. Lorsque ce fut fait, Steven raccrocha puis se tourna vers la militaire. Première classe Allen, vous pouvez retourner sur Atlantis pour préparer vos affaires. Inutile d’emporter vos uniformes, l’intendant principal se chargera de vous fournir une dotation adaptée. Présentez-vous à seize heures trente aux quartiers de l’équipage technique du pont six, vous y trouverez le sergent-chef Tyrol. De mon côté, je vais préparer les modalités de votre adhésion parmi l’équipage auprès de notre autorité respective. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter ? » Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle avait accepté. Elle était certaine de se faire avoir dans l’histoire. Comment, elle ne savait pas, mais qu’importe. Au moins, elle passera du temps à réparer les conneries dont elle était responsable. Cela ne rendrait pas les morts à son croiseur, mais peut-être que sa conscience s’en trouverait soulagée. Et puis, elle allait côtoyer les gens qui font la vie de ce bâtiment… Elle allait découvrir un monde dont elle ne soupçonnait pas même l’existence, en retournant dans le rang des communs. Elle fit non » de la tête quand il lui demanda si elle connaissait le sergent-chef Tyrol, préférant ne pas revenir sur le fait que ce ne soit pas une corvée que de servir au Mess quand on était sur le Dédale. Pour un soldat comme elle, se retrouver cantinière ne lui disait que moyennement, même si elle devait reconnaître qu’elle était bien contente d’avoir sa purée à la louche dans son plateau quand c’était l’heure de se restaurer. Il lui expliqua rapidement la fonction de Tyrol, et il prit le temps de le contacter pour introduire la nouvelle » dans ses équipes. Pedge prenait sur elle sur ce coup-là, car elle n’aimait pas se retrouver dans des situations de faiblesse. Elle entendait par là qu’elle allait être dans un environnement où elle ne maitriserait absolument rien, si ce n’était sa dextérité et sa capacité d’adaptation. Elle n’était pas technicienne, et on ne pouvait pas dire que c’était une tronche en matière de technologie. Son cursus professionnel et scolaire ne l’avait pas conduite à faire beaucoup de science, ou de truc comme ça. Quant à la mécanique… Ce n’était tout bonnement pas sa tasse de thé. Enfin, elle s’était portée volontaire pour se racheter, elle ferait du mieux qu’elle pourrait, comme elle le faisait toujours d’ailleurs. Elle crut comprendre lors de l’échange que le colonel entretenait avec son interlocuteur, qu’elle aurait le droit de retourner sur Atlantis récupérer des affaires pour ensuite revenir sur le croiseur prendre son affectation. Quand il eut fini, il confirma ce qu’elle avait compris, tout en lui indiquant quelques modalités d’usage, comme le fait qu’elle serait dotée très certainement des uniformes de bord et pas de ceux d’Atlantis. Qu’importe. C’est bien compris mon Colonel. » En passant, elle eut également la confirmation qu’elle était redevenue une première classe et cela ne la dérangea pas le moins du monde. De toute façon, elle était juste en sursis. Et puis, elle avait ce petit côté soumis qu’on retrouvait chez les nippons dans les cours d’arts martiaux ou les titres et les grades étaient honorifiques, et si le maître, en l’occurrence le colonel, jugeait qu’elle devait redescendre dans l’échelle social du Dojo, alors elle s’y plierait avec humilité. Certes, cela l’embêtait quand même, elle qui avait voulu être officier dès qu’elle était entrée dans l’armée, par la petite porte en plus, mais c’était provisoire. Quand elle démissionnerait, ce serait sous le grade de Sous-Lieutenant. La première marche du piédestal. Adieu rêve d’être général. Certainement une première pour une femme. Mais ce ne serait pas elle. Je n’ai rien à ajouter. Si je peux disposer, je vais rassembler mes affaires et me préparer à la téléportation. » Elle avait du temps devant elle, mais autant faire les choses le plus rapidement possible. Merci pour cette proposition. » Elle salua et quand elle obtint la permission de rompre, elle s’en retourna sur Altantis. Ses effets étaient minces. Elle laissa son album photo, ne pensant pas le compléter sur le Dédale. A dire vrai, elle n’avait que des vêtements à emporter, et des effets personnels comme des bibelots, photos et autres. Elle fourra tout ça dans un petit sac de campagne militaire, qu’elle mis sur son dos. Elle allait quitter sa chambre quand la bague d’Isia tapa sur le dossier de la chaise qu’elle remettait proprement sous le bureau, faisant un bruit métallique. Elle bogua un instant. Elle n’en aura rien à foutre, crétine que tu es. » Mais elle tira sa chaise en poussant un soupir d’exaspération. Elle alluma son ordinateur, relié au réseau intranet de la cité, et elle commença à rédiger un mail à l’attention de la Taylor Laurence Allen _Objet___Message de Doudou_Date & Heure ___23/05/17 à 13h58 Isia, Votre Doudou s’absente quelques jours sur le Dédale pour aider aux réparations. Je souhaiterai vous parler à mon retour. Je sais que je n’ai pas besoin de vous demander la permission, mais je préfère vous prévenir d’avance. PAR SUANAElle n’était pas satisfaite de ce mail, le trouvant affreusement impersonnel, sans parler du fait qu’il envoyait une image d’elle un peu péjorative. Péjorative dans le sens où Isia pouvait se demander pourquoi diantre avait-elle besoin de la prévenir de son absence, péjorative dans le sens où quoiqu’elle en dise, elle demandait la permission d’aller lui parler, bref, elle avait le sentiment d’avoir une obligation envers la blonde, une forme de préoccupation à l’informer, alors qu’elle n’avait pas de compte à lui rendre, si ? Mais voilà, elle était dans sa vie maintenant, et bien qu’elle puisse penser le contraire pour le moment, une forme de lien s’était créée de leurs différentes rencontres des jours derniers. Quoi comme lien ? Pedge n’en savait strictement rien, et elle ne préférait pas trop y penser pour le moment. Bref, une fois l’e-mail envoyé, aussi peu satisfaisant soit-il, elle était fin prête pour se faire téléporter. Vue l’heure, elle allait avoir du temps à tuer. Aussi fit-elle le ménage dans sa chambre, mit-elle son lit au carré proprement, ainsi, tout serait nickel quand elle reviendrait. Pour laisser propre ensuite pour le prochain occupant. Elle eut un regard amer. Maintenant qu’elle était au pied du mur, elle n’avait pas envie de tout ça. Le ranger allait mal le vivre, et elle savait qu’il n’avait pas besoin de ça en plus, mais elle devait avant tout penser à elle… D’ailleurs, pourquoi est-ce qu’elle pensait à lui maintenant ? Peut-être parce qu’ils avaient été dans la même galère. Elle aurait peut-être dû le consulter avant de réagir comme ça. Mais bon, il n’était pas vraiment en état d’être lucide. Elle fut téléportée à l’heure dite, et sa nouvelle existence provisoire allait pouvoir commencer. Le Pôle-com contacta Pedge dès qu’elle fut téléportée sur le Dédale pour son admission. Elle avait son bagage et quelqu’un était venu lui apporter un ordre de transfert pour l’équipe soir des techniciens du Dédale. Tout était donc prêt et officialisé pour son changement temporaire de vie. L’opérateur lui indiqua le chemin pour se rendre sur le pont de l’équipage technique du pont six en lui conseillant plusieurs détours. Avec les dégâts, plusieurs endroits étaient inaccessible et il fallait donc allonger la route pour atteindre la n’était pas évident. Plusieurs coursives verrouillées contraignaient à des déviations complexes. Il fallait parfois prendre une échelle pour atteindre la salle des anneaux arrières, puis redescendre ensuite pour aller chercher une nouvelle échelle de service qui permettrait de remonter jusqu’au pont six. Heureusement, la route semblait sûre et malgré les dégâts visibles - comme des supports endommagés, des câbles dénudés et inertes, des traces de brûlures électrique, des éclairages mobiles et des systèmes de retraitements annexes de l’oxygène - tout allait plutôt pont six était surtout réservé aux techniciens. Les hommes semblaient avoir personnalisé l’endroit puisqu’il s’agissait surtout de leur lieu de vie. A l’exception du travail et du pont des divertissement, ils y passaient l’essentiel de leur temps. Le colonel semblait donc avoir accepté ces petites modifications qu’ils avaient apporté dans le couloir principal. L’agencement des lieux, d’ailleurs, permettait d’apprécier une vie en communauté. La coursive principale menait à trois dortoirs imposants où une ardoise avait été montée au-dessus de chaque porte. Pedge y lu ceci “Les Bouffeurs de boulons - matin” ; “Les douze clés de midi - jour” ; “Les poètes du cambouis - soir”. Un peu plus loin, il y avait les douches communes non mixte, les latrines, une intendance qui ressemblait beaucoup à une petite coopérative avec l’effigie du courrier postal, le centre technique, des sas pour les équipements dangereux. Et la remise du priori, l’affectation de Pedge se faisant sur l’équipe soir, elle se rendrait dans le dortoir des Poètes du cambouis. C’est là qu’elle devait retrouver le chef Tyrol. L’intérieur était assez particulier et ne ressemblait en rien aux quartiers des passagers. C’était plus restreint et surtout beaucoup plus simple. Une dizaine de lits étaient encastrés dans les murs métallique avec divers rangements au-dessus et en-dessous. Des lumières personnelles, des rideaux pour avoir un peu plus de tranquillité, et deux casiers marquant la séparation entre chaque série de l’équipe était présente. Pedge vit des hommes et des femmes habitués à vivre en communauté. Elle ne sut si c’était un hasard particulier mais un vieux jukebox restauré entonnait l’air de “Sweet Home Alabama”. Il était pendu au plafond entre les différents éclairage et une boule disco qui tournait lentement. Il y avait aussi des lumières de boîte de nuit mais elles n’avaient pas été branchée. Le tout donnait une certaine ambiance très conviviale. Au centre de la salle, plusieurs tables servaient à quelques hommes lancés dans une partie de cartes. Ils pariaient des cigarettes, imperturbables, et inconscient de leur nouveau visiteur. Certains restaient à les regarder, emportés par le la particularité se trouvait au fond du dortoir, à l’endroit où se trouvait la ventilation de retraitement. Les techniciens avaient retiré les tables, raison pour laquelle elles étaient si rapprochées au centre de la salle, pour y bricoler diverses installations. Pedge ne rêvait pas, c’était bien un barbecue de fortune, au milieu de plaque de cuisson bricolées, où l’un des techniciens préparait plusieurs grillades pour l’équipe. Le retraitement de l’aération avait été modifié pour servir de hotte aspirante. Et elle était si efficace qu’on ne sentait même pas l’odeur de la gauche, une caisse en composite enroulée dans un feuillage très particulier diffusait un léger brouillard. Quelqu’un vint l’ouvrir pour tirer une grille sur laquelle était rangée des dizaines de bouteilles de bières dénaturées, ainsi que des sodas et des bouteilles comportant des noms de l’équipe. Un frigo de fortune ! Réalisé intelligemment avec cette caisse et un circuit d’azote liquide servait de réfrigérant... Deux femmes, de l’autre côté, ouvraient un vestiaire pour prendre des couverts, des assiettes et des verres. Elles discutaient gaiement et rigolaient. Elles préparaient visiblement la ce temps, le reste de l’équipe s’occupait comme si Pedge n’avait jamais été là, comme si c’était un fantôme. Elle eut l’occasion de prendre en compte toute l’importance de son nouvel environnement. L’un des techniciens, par exemple, était en train d’écrire une lettre. Il y avait d’ailleurs une vieille boîte aux lettres forgée à la main avec son petit drapeau Américain, fixé contre le mur d’en face. Le témoin indiquait qu’on y avait déjà déposé du autre homme était allongé en jouant avec une vieille gameboy. Il agitait son pied droit au rythme de la musique en exhibant sa chaussette trouée et son gros orteil. L’autre, dans une couchette à côté, faisait de la couture pour rapiécer l’uniforme abîmé d’une collègue qui le chambrait sur l’équilibre du pouvoir des dernier se tenait plus loin, sur une piste de golf de fortune faite avec les moyens du bord. Des morceaux de métaux forgés servaient de club et de la résine solidifiée dans un moule avait permis d’en faire les balles. Il visait un ouvrage qui avait été forgé pour présenter différents trous sur des élévations et des angles différents. L’homme rata son tir et enragea gentiment en donnant un billet à son à l’écart, sur l’une des tables libre, il y avait un homme un brin plus vieux. Et beaucoup plus préoccupé. Il était penché sur des plans papiers d’une section du Dédale et semblait l’étudier avec beaucoup d’intérêt, dessinant dessus avec son crayon à papier. Il alternait parfois avec sa tablette, cherchant visiblement des informations, puis il écrivait ensuite sur son calepin. Par moment, il effectuait des conversations radio en utilisant un jargon très technique. Son aspect trahissait l’accumulation des heures de travail et le manque de sommeil. Ses joues étaient tachées par des traces de cambouis et son uniforme fluo semblait terni par la saleté. Surement dans un élan de détente, il avait ouvert toute la partie haute de sa combinaison unique et avait noué les manches autour de sa taille pour respirer. Sa tenue verte classique se voyait en-dessous mais il avait visiblement laissé tomber la veste réglementaire pour un t-shirt gris, personnalisé, et à moitié troué. Le genre de t-shirt bidon qu’on offre à un le dos, parmi la multitude de signatures provenant sûrement de tous ses techniciens, on y lisait dans une très belle écriture l’inscription suivante “Boss, botteur de culs bien aimé !”Equipe soir A peine arrivée qu’elle était contactée. Tout le monde était localisable sur ce rafiot, avec les puces sous cutanée. La société de demain, à n’en point douter. Machinalement, elle se frotta le bras à l’endroit où on la lui avait injectée. Elle avait son ordre de transfert dans les mains, et elle était fin prête à rejoindre sa nouvelle affectation. L’opérateur du Dédale lui fit un briefing rapide sur la façon de se rendre aux quartiers des techniciens, tout en lui suggérant des itinéraires afin qu’elle ne tombe pas sur des coursives inemployables. Pont six. », fit-elle en tournant sur elle-même pour localiser une quelconque indication. A défaut, elle suivit donc les conseils de l’opérateur. En temps normal, le cheminement était plus direct, mais après les différentes avaries dont avait été victime le Dédale, la route directe pour aller au pont six n’était plus. Il fallait donc innover, utiliser le labyrinthe de coursives pour parvenir à destination. Elle avait un peu de temps devant elle, aussi ne stressa-t-elle pas inutilement pour rien quand elle commença à se dire que ça faisait un moment qu’elle tournait là-dedans. Il fallait monter, descendre, le plus souvent par des échelles de services, et partout les dégâts de l’affrontement étaient visibles. Des câbles dénudés et des traces de brûlures électriques essentiellement. Les débris étaient ramassés depuis longtemps, et les éclairages défectueux étaient compensés par des lampes mobiles. Quant au retraitement de l’oxygène, il s’effectuait par le biais de stations elles aussi mobiles, qui permettaient de conserver un accès à l’ensemble du croiseur, du moins dans les zones sécurisées. Elle arriva finalement au pont six. Celui réservé aux techniciens militaires, ce qu’elle était désormais. Le couloir donnait sur différents lieux de vie, et notamment sur les dortoirs des différentes équipes. Elle put lire les différents noms des différentes équipes, lesquelles étaient réparties sur un modèle de trois huit, où chacune opérait sur une huitaine. Une fois que l’on était dans l’une, on ne devait plus pouvoir être dans une autre. Pour elle, ce serait le dortoir qui affichait le délicat nom les poètes du cambouis ». Les différents noms ne cassaient pas trois pattes à un canard, mais c’était sympa d’avoir donné une touche personnelle à tout ça. Il y avait également les vestiaires et les douches dans ce couloir, les latrines, une intendance, une réserve et un local. Pedge en fit rapidement le tour, sans pousser une quelconque porte pour le moment. De toute façon, cela devait bien ressembler au reste du croiseur. Elle s’arrêta devant la porte de son dortoir. Elle embrassa du regard l’endroit, sur le seuil de la porte. Une pointe d’excitation et de crainte mêlée s’empara d’elle. Elle découvrait une nouvelle affectation, une nouvelle unité. Quand elle avait commencé, elle s’était retrouvée avec des recrues toutes fraîches et tout le monde était là pour la même chose se former et défendre le pays, dans l’environnement nouveau qu’était l’armée. Ils avaient tous découvert la rudesse de l'entraînement, la volonté de fer des instructeurs à faire d’eux des hommes, des vrais, des durs, des putains de GI américain. Tout le monde se serrait les coudes, on ne laissait tomber personne, et des amitiés se faisaient dans la dureté de l’apprentissage. Elle était arrivée dans l’armée en pensant gravir les échelons, à la différence de nombreux de ses camarades qui n’avaient pas son ambition aussi démesurée. Et puis, Pedge avait toujours eu les dents longues et elles raclaient tellement le parquet qu’elle se pensait supérieur aux autres. Elle avait appris l’humilité, ainsi que la volonté de se surpasser, déjà soi-même, mais surtout cet enculé y en a toujours un qui possédait des facilités à écœurer tout le monde, et qui semblait toujours vous surclasser d’une tête pour tout, et sans forcer. Bref, elle découvrait la compétition alliée à l’esprit de franche camaraderie militaire. Et puis elle avait été affecté à une compagnie. La 101ème aéroportée. Rien que ça. La compagnie des aigles hurlants », leur blason légendaire, leur histoire historique. Elle a été de toutes les guerres depuis la seconde guerre mondiale et le fameux débarquement en Normandie. Vietnam, guerre du Golf, Irak, Afghanistan. Elle avait eu son premier casque marqué d’un Pique » comme sur les cartes à jouer, symbole de son bataillon au sein de la 101ème. Cela remontait maintenant… Presque 20 ans. Elle avait ensuite suivi un cursus scolaire en parallèle pour passer une maîtrise de science politique et militaire, et elle avait candidaté en interne pour rejoindre les Forces Spéciales. Et elle s’était retrouvée dans la compagnie d’appuis du 2nd bataillon du 5ème groupe des FP américaines. Spécialisation guerre non conventionnelle, et formation des troupes étrangères. Nouvelle équipe, nouveau régiment, nouvelle intégration, nouveau connard à surpasser et nouvelles amitiés. Rebelotte avec Atlantis quelques années plus tard. Alors quoi ? Devait-elle être intimidée par des techniciens ? Ils étaient tous militaires, comme elle, et cela ne changerait pas de ses précédentes affectations. Elle ferait sa place en temps et en heure. Certain ne l’aimerait pas, d’autre oui, et il en irait de même pour elle. Elle ne s’inquiétait pas trop. Les militaires étaient habitués à la mobilité, au changement de vie, d’affectation, de base. Ce n’était qu’une fois de plus. Mais voilà, sur elle pesait le spectre de la trahison. Le décorum était spartiate, comme l’on pouvait s’y attendre. Rangées de lits, casiers, rideaux, lumières personnelles. Rien de bien folichon. Au moins n’était-elle pas dans les sempiternelles tentes dortoirs avec lits superposés. Partout où l’humain s’installait, il personnalisait son lieu de vie, pour en faire un chez soi communautaire, acceptable par tous. D’où la présence de nombreux effets personnels, d’un jukebox qui entamait un air que Pedge affectionnait. Des hommes jouaient aux cartes, des lumières faisaient leur petit effet, tandis que des hommes entouraient le groupe de joueur pour mater la partie tout simplement. Non, elle n’était pas vraiment dépaysée. Tout cela était commun au monde militaire. Charge aux nouveaux de s’intégrer dans ce gloubi-boulga en prenant ce qui était déjà établi et en proposant des nouveautés si le cœur lui en disait. Tant que cela convenait à l’ensemble des personnes déjà présentes, ce n’était que du bonus. Mais comme elle était dans l’antre de techniciens, il y avait des particularités assez… surprenantes. Ce barbecue par exemple. C’était dingue. Et drôlement sympa. Sans parler de ce frigo bricolé à même du circuit de refroidissement ! Pedge se demanda l’espace de quelques secondes si le colonel était au courant de tout ça. Probablement que oui, et comme tout commandant qui se respecte, il laissait faire tant que l’équipe était efficace et que cela ne nuisait pas à l’intégrité de son croiseur chéri. Personne ne vint la saluer, personne ne vint couper son observation latente des lieux. Au moins, elle avait le loisir de poser les yeux n’importe où, l’épaule appuyée sur le chambranle de la porte. L’endroit fourmillait de vie. Chacun y allait de son petit passetemps. Et personne ne faisait chier personne, ce qui rassura Pedge, qui se disait que si elle voulait se caler dans son plumard pour bouquiner, on ne l’embêterait pas. Des fois, il y avait des personnes assez chiantes et envahissantes, et soi le groupe tenait avec, soit il finissait par l’écarter petit à petit. Bon il était temps. Pedge avait repéré Tyrol. C’était sans doute le plus sérieux de tous ceux qui jouaient à la console, au golf, ou même à la couture. Elle s’était promise d’être humble, aussi n’entra-t-elle pas avec toute son arrogance habituelle. Mais bon, cela restait Pedge, et elle arma une fois, puis deux fois, puis trois fois son poing, pour le faire cogner contre la partie métallique de la porte, espérant avoir un minimum d’attention. Bonjour, je cherche le sergent chef Tyrol », fit-elle quand elle capta son auditoire. Elle savait très bien qui c’était dans la pièce, mais qu’importe. C’était, selon elle, plus efficace de demander l’information aux membres. La volonté d’être serviable envers un nouvel arrivant permettait souvent de se faire une idée des gens présents. Il y en aurait forcément un pour lui faire de la lèche, et vouloir tout lui montrer tandis que d’autres seraient plus réfractaires, plus réservés avec elle. Peut-être qu’elle se tromperait et que tout le monde l’ignorerait, et dans ce cas… ben elle prendrait sur elle pour aller voir directement le concerné. Equipe soirFinalement, il n’y eut que très peu de réaction. Les deux femmes qui mettaient la table s’étaient contentées de lui faire un geste de loin pour lui dire de rentrer. Les hommes demeuraient imperturbables sur leur partie de carte. Le type à la console se contentait de la fixer étrangement, une clope éteinte coincée dans le coin de la bouche, avec un air véritablement au deux qui faisaient de la couture, la femme à la coiffure très loin de la réglementation fronça les sourcils tandis qu’elle donnait un coup de coude à son ami pour la pointer du doigt. Dès que cet homme rencontra la silhouette de Pedge à la porte, il fronça également des sourcils en cessant sa regard de Tyrol s’était détourné vers l’accès et il acquiesça. Oui, par ici ! » Fit-il brièvement en levant la main. L’autre était plaquée contre son oreillette. // Non. Non, il fallait découper la zone trois en premier. Celle que je vous avais pointé ! Tout devait être prêt pour demain matin ! L'Athena est déjà en train de...// Le technicien grommela, visiblement agacé par la mauvaise surprise. Il replia négligemment ses cartes pour les coincer sous son bras alors qu’il quittait la table.// Vous ne bougez pas de là ! Je vous rejoins...attendez que...//En passant à côté d’elle, le sergent-chef s’immobilisa soudainement et se tourna vers ses hommes. Hé ! J’en ai pour quelques minutes...faites-lui faire le tour du proprio ! » Il repartit aussitôt, toujours en conversation radio. Il laissa dans son sillage une très forte odeur de transpiration et de saleté. Le silence retomba soudainement comme du plomb. Le Jukebox sauva quelque peu l’ambiance en enchaînant immédiatement sur l’air de “Run to the jungle”. A part ceux qui jouaient aux cartes, le reste de l’équipe se contentait de jauger la nouvelle arrivante. C’est la blonde à la coiffure non réglementaire qui quitta la couche pour s’approcher d’elle, son ami délaissa sa couture pour faire de même. Regardez donc ce que le vent nous amène... » Fît Marta en la regardant de la tête au pied. Impeccable l’allure pas même un pli sur l’uniforme de madame. »L’homme était tout aussi peu accueillant. Il répondit du tac au tac Ca pue l’élite militaire à plein nez ça… » Tiens donc ! Les petits pète-culs qui se pensent les meilleurs parce qu'ils ont trainés dans la boue. T’es de ceux-là ? Qu’est-ce que tu viens faire par ici ? » Franck haussa les épaules et la considéra dans un air assez hostile. Elle doit croire qu’on peut pas se débrouiller avec un type en moins… » Ou elle vient faire sa bonne petite action parce qu’elle a rien à foutre de sa vie chez les gars d’en bas, c’est ça ? »Le type à la gameboy, Harry, décolla sa clope pour intervenir d’une voix plus forte sans quitter sa couchette. Vas-y mollo avec la nouvelle. Je l’ai vu passer chez le vieux, c’est une sardine. »Marta écarquilla les yeux, comme si l'élément était encore plus à la décharge de Pedge. Elle se retourna vers Welsh. T’es pas sérieux ! » Un lieutenant je crois, avec un béret vert à l’épaule. »Il hocha la tête avant de retourner sur sa console. Le regard de requin revint se poser sur Pedge. C’était apparemment encore pire. Et ben ça alors, mon lieutenant, comme ça on vient fricoter avec la valtingue ? On veut des petites histoires à raconter à ses copains gradés. Se vanter à la crème de la crème des péteux ? La peau de mon cul ouais ! » Elle lui fît face de tout son long dans un élan de complète provocation. Franck faisait pareil en se tenant à côté silencieusement. Soit il suivait aveuglément, soit ses pensées étaient encore plus sombres et ils les gardaient pour lui. Marta ne tarda pas à les traduire. Écoute-moi bien, boulet. Rien à cirer de ton grade ou de la raison pour laquelle tu viens jouer les touristes dans notre piaule. Je sais pas ce que t’as fait de “bon” au vieux pour qu’il t’envoie. Mais t’a rien à foutre chez nous. »Lipton referma son jeu de carte avant de les balancer nerveusement sur la table. Il se retourna en fusillant Marta du regard. Tu vas la fermer oui ? Le chef dit qu’elle restera deux semaines. Ca arrivera vite. Alors fait pas de vagues, t’es déjà sur la sellette. »La blonde regarda son collègue et secoua la tête avant de lui répondre Hé ! T’es dans quel camp toi ? On paume un de nos gars et même pas deux semaines après, on reçoit “ça” en guise de renfort ? Faut le prendre comment ? » Comme ça vient. Alors écrase maintenant ! »Lipton s’était levé, il alla jusqu’au trio et repoussa doucement Marta du chemin de Pedge. Retourne dans ta couchette, je m’en charge. » Ouais...c’est ça. » Fît la jeune femme très acide. T’habitue pas trop aux draps, boulet. Tu auras pas le temps de les réchauffer. » Tu devrais rendre service à tout le monde en te cassant. Content de t’avoir connu... » Lâcha Frank dans un coup d’épaule provoquant avant de suivre serra la mâchoire. Il n’était pas d’accord sur le comportement mais comprenait le fond de la situation. Une part de l’équipe était encore au beau milieu d’un deuil au moment où une gradée volontaire les rejoignait. Et il faut dire que l’élite militaire souffrait d’un préjugé assez péjoratif. Pedge représentait donc ce que ces deux-là détestaient. Bon. Je m’appelle Carwood Lipton. Tout le monde ici m'appelle Lip. Ton nom, c’est quoi ? » Ce n’était pas la farandole pour l’accueillir, mais en même temps, ce n’était pas étonnant. Ils devaient bosser d'arrache pied depuis que le Dédale était en réparation, et ils étaient en plein moment de décompression. Néanmoins, elle s’attendait à un peu plus de considération, surtout dans une équipe réduite comme celle-là. Peut-être parce qu’elle avait toujours été habitué à l’entraide et à la fraternité militaire, celle qui faisait qu’on intégrait le nouveau qui était susceptible de mourir demain. Mais elle devait se rappeler qu’elle n’était pas dans une section de combat, mais dans une section d’appuis. Ils pouvaient subir des pertes, puisqu’ils subissaient l’épreuve du feu indirectement eux aussi mais proportionnellement ils étaient moins exposés que le connard qui avançait dans une rue où les positions d’embuscades étaient légions. Certes, ce n’était peut-être pas aussi vrai dans un croiseur soumis à des tirs ennemis, puisqu’ils se retrouvaient en première ligne pour gérer les avaries, et Dieu savait qu’elles pouvaient être nombreuses dans un affrontement. Il pouvait y avoir tout un tas de facteurs qui entraient en ligne de compte et qui pouvaient expliquer cette réaction d’indifférence générale ou presque. Le Sergent-Chef Tyrol se manifesta quand même et c’était tout ce que voulait l’ex sous-lieutenant. De ce fait, elle allait pouvoir se placer sous son commandement au plus vite, et intégrer l’équipe officiellement. Sauf que voilà, ce dernier n’avait manifestement pas le temps. Bien », fit-elle en guise de réponse dans le vent alors qu’elle se poussait légèrement pour laisser passer l’homme à l’odeur rance. Elle ne manifesta rien de plus alors qu’elle se repositionnait pour regarder à nouveau dans le dortoir. Il n’y avait plus qu’à se faire indiquer sa couchette pour installer ses maigres affaires dans le casier qui était juxtaposé à tout ça, et faire connaissance avec l'équipe. Mais elle n’eut pas le temps d’ouvrir à nouveau la bouche qu’une des femmes du dortoir approcha, accompagné du mec qui faisait de la couture quand elle était arrivée. Au regard des tronches qu’ils tiraient, la jeune femme estima rapidement qu’ils n’allaient pas être accueillant, mais elle resta de marbre, se contentant de les regarder approcher tranquillement. Elle fixait surtout la jeune femme à la coupe de cheveux particulière. Si elle n’avait pas accroché son regard dans un premier temps, c’était surtout parce qu’elle lui tournait le dos et que le côté propre » de sa tignasse ne l’avait pas choquée. Mais l’autre côté… C’était particulier. Pedge aimait assez en fait. Elle exprimait sa personnalité, même si l’accoutrement capillaire laissait à désirer pour un militaire, surtout que c'était agrémenté d’un tatouage assez imposant. Mais les temps étaient plutôt au laxisme pour tout ça, surtout dans les groupes spéciaux. On laissait les personnalités éclore, pour les magnifier et non les brimer comme avant. Son impression se confirma dès qu’elle ouvrit la bouche, tout en la détaillant d’un air arrogant, voir prédateur. Elle avait raison de fixer son attention sur la jeune femme blonde. L’autre n’était qu’un accessoire de la belle qui portait clairement la culotte dans leur duo » de cul terreux. Aussitôt, des barricades s’érigèrent et sa mine resta résolument neutre, tandis qu’ils commençaient à essayer de la jauger. Leur petit jeu était lisible assez facilement. Elle lui posait les questions sans attendre spécialement de réponse, et l’autre répondait sans attendre qu’elle ne réagisse. De toute façon, elle ne comptait pas lui répondre, préférant rester mutique et attendre que ça passe. C’était une forme de bizutage. Rien de plus. Il a fallu qu’un des types présent la voit chez le colonel, et avec ses galons en plus. A croire que c’était une tare d’être officier dans leur monde. C’était déplaisant. Il y avait des relents d’une lutte des classes affichées, chose qui ne devait pas être dans l’armée. Qu’est-ce qu’elle avait envie de lui rentrer dedans. Cette brebis ne serait rien sans un officier qui la magnifiait en lui bottant le cul. Mais madame se pensait supérieure… En fait non, elle faisait clairement un complexe d’infériorité entre les techos militaires et les soldats des sections de combats, sans parler des soldats du rang versus les gradés. Pourtant, les sections d’appuis étaient fondamentales à une armée pour assurer un front logistique et technique qui faisait à lui seul la différence entre deux armées et qui permettait de remporter une guerre. Et puis… même si elle était une sardine de l’élite militaire » qui avait traîné dans la boue », elle venait d’une section d’appui elle aussi, et elle avait connu le regard des vrais », les fameux qu’on envoyait avec un couteau suisse renverser Cuba, qui avaient une nette tendance à rabaisser tous les autres. Sauf que sans la logistique, ils ne mangeraient pas, sans parler de l'hygiène et de tout le reste. En plus de ça, elle essuyait régulièrement des commentaires désobligeants sur sa fonction à instruire des arabes qui demain seraient les ennemis des États-Unis. L’islamophobie était une gangrène et elle en faisait les frais. Pourtant il suffisait de partager le quotidien de ces gens pour s'apercevoir qu'ils n’aspiraient qu'à la paix et à rentrer chez eux vivant le soir pour retrouver leur s'était sentie démunie au milieu de cette culture étrangère qui avait du mal, comme en Occident il fut un temps, à faire une place aux femmes dans leur société. Son grade ne suffisait pas à asseoir son autorité et elle avait dû faire preuve de charisme pour parvenir à se faire respecter. Ce serait la même chose ici vue qu'elle n'était qu'une première classe. Donc qu’elle aille se faire foutre cette connasse en pensant la juger sans la connaître ; en la mettant dans un panier dont elle ignorait même la contenance. La méfiance n'était pas une raison, de même que l'adversité, pour être insultante gratuitement, surtout à ce degré de violence verbale. Si elle n’avait pas compris cela, elle n'avait rien à foutre dans l'armée, et son broute minou également. Pedge était calme. Elle la regardait, sans animosité, avec une certaine forme de quiétude sur les traits, qui provenait surtout de ses yeux aux paupières lourdes. Certes elle avait entrouvert sa bouche pour respirer amplement par le nez et expirer par ses lèvres, cela lui permettant de se réguler et de ne pas céder à une pulsion regrettable. Elle avait les bras le long du corps, et elle ne semblait pas le moins du monde craintive de l'intrusion dans son espace personnel. Néanmoins, à l’intérieur, même si elle avait le sentiment que cette colère n’était pas uniquement dirigée sur elle, elle encaissait. Cette pimbêche pensait sûrement qu’elle avait tout vu tout vécu, et c’était tant mieux pour elle, mais elle était loin du compte à son sujet. Elle crut comprendre qu’ils avaient perdu quelqu’un dans l’affrontement avec les croiseurs Wraith, et cela n’arrangea pas le sentiment de culpabilité dévorante qui tiraillait les entrailles de la texane. Mais si cette femme n’avait connu que la mort d’un proche dans sa carrière militaire, alors elle pouvait aller se rhabiller. Une envie de lui mettre un coup de boule émergea dans son esprit, ou même de lui cracher à la gueule, mais elle se fit violence pour ne pas passer à l’action. Elle avait une envie impériale de l’écraser comme un moucheron, de lui montrer qu’elle était insignifiante et détestable, et qu’elle pouvait lui faire fermer sa grande gueule en deux secondes. A elle, et à son copain soumis. Le sous-entendu sur les passes droits qu’elle aurait obtenu en faisant une gâterie au Colonel lui passa au-dessus. C’était regrettable que ça vienne d’une femme, mais ce n’était pas la première fois qu’on la lui faisait celle-là. Pedge n’avait pas bougé d’un pouce quand elle s’étendit comme un serpent devant elle. Non, elle la toisa sans rien dire, la respiration calme et posée, maitrisée, toujours dans une position relâchée, les mains le long du corps. Elle était prête à se défendre néanmoins. Cela dit, ce n’était pas une greluche qui allait lui faire péter un câble. Et puis, elle s’était promise d’être humble. Elle entrait par la petite porte, et faire pénitence dans un environnement pareil serait salvateur… Peut-être. Qu’est-ce qu’elle penserait d’ailleurs, la blondasse, si elle savait qu’elle avait vendu les informations qui avaient permis aux Wraiths d’attaquer leur vaisseau, et qui avait tué l’un dès leur ? L’espace d’un instant elle se demanda si elle ne devait pas avouer qu'elle était à l'origine de la fuite. Ce serait risqué vu l’animosité ambiante. Et puis elle était déjà jugée sur sa simple apparence, ce serait suffisant pour aujourd' des hommes essaya de prendre la défense de l’américaine, tant bien que mal, même s’il essayait simplement de tempérer les ardeurs du binôme. Bon voilà, elle avait officiellement son nouveau surnom. Boulet ». Ce n’était pas mal. Elle s’en accommoderait. Elle avait eu déjà pire. Suppot d’Allah » ; Le glaçon » ; Lèche Cul » ; Miss balai dans le cul », bref celui là avait le mérite d'être poli. Quoiqu'il en soit, quiconque l’appelerait comme ça se verrait gratifier d'une ignorance totale et royale de la texane. Elle ne comprenait pas qu'on traite de la sorte quelqu'un qui venait filer un coup de main. Cela la dépassait clairement. Le geste physique du type passa, par contre, très mal. Pedge crispa la mâchoire pour ne pas l’attraper par l’arrière de la nuque et lui propulser la tête contre un lit afin de lui péter les dents. Au lieu de ça, elle soupira en effaçant l’insulte et l’agression du plat de la main, en lissant son uniforme, comme pour le débarrasser de la saleté de ce type. Toute façon, les petits roquets à sa mémère comme ce genre d’individu ne savait pas s’exprimer autrement que par la violence. Il avait grillé sa cartouche d'entrée de jeu. La prochaine fois, elle ne laisserait pas passer. Allen », finit-elle par répondre au dénommé Lip, alors que son regard finissait de lâcher les deux abrutis et que ce dernier se présentait à elle. Enchantée. » Elle embrassa la salle du regard. A part lui, personne n’avait vraiment bougé. Une myriade de phrase cynique lui vinrent en tête, comme on m’avait dit qu’elle mordait mais c'était plutôt une caresse » ou encore la blondasse a fini de rouler des muscles, elle peut pisser sur mon lit aussi si elle veut, pour marquer son territoire », et d'autres joyeusetés de ce genre mais ce serait purement de la provocation gratuite et ça remettrait de l’huile sur le feu. Je crois que mon sergent instructeur serait jaloux d'un pareil accueil. », finit elle quand même par dire sans baisser la voix. Tout le monde pouvait entendre et elle n’en avait rien à foutre. Elle était aigrie et elle n'arrivait pas à le contenir. Tu peux me montrer ma couchette s'il te plaît ? Je vais me poser un moment. ». Equipe soirSur le moment, Lip ne releva pas la remarque. Il n’avait probablement pas l’intention d’abonder dans le sens de Pedge même si, il le reconnaissait intérieurement, cette façon d’accueillir une nouvelle n’était absolument pas réglo. L’homme aurait pu alors s’investir de la mission de lui assurer un tout autre jugement sur le reste de l’équipe en faisant toute la présentation. Mais à vrai dire, le spectre du défunt de l’unité planait encore chez tout le monde. Il l’invita d’un geste simple à le suivre jusqu’au centre de la salle, au niveau des tables, où se trouvait le compagnon de jeux. Il comptait un certain nombre de cigarettes qui se trouvaient face à lui et les rangeaient dans un vieux paquet usagé. Lorsque Pedge demanda où se trouvait sa couchette, le silence retomba l’espace d’une seconde, comme si elle avait lâché une bombe avant que tous ne se rappelle immédiatement qu’elle ne pouvait pas savoir...et que c’était également la seule de désarma gentiment en lui souriant. Pas tout de suite, Allen. Autant que je te présente les autres, que tu te fasses ton idée qu’après avoir rencontré tout le monde... »Là, il venait de répondre aux deux pointa le compagnon de jeu du doigt avant de reprendre. Donc Donald Malarkins, c’est un peu le joueur invétéré de la bande. Sympa au quotidien mais impitoyable quand il s’agit de te plumer aux cartes. Les jeux d’argents sont interdits à bord, sauf au pont douze...et encore tu ne repars jamais avec tes gains. Donc on parie des clopes, ça reste bon-enfant. » Je suis quand même riche Lip, tu y as laissé toutes les tiennes ! » Fît Donald en rigolant. Sans annoncer le geste, il balança le paquet de cigarettes reconstitué dans les mains de son camarade. Il fixa ensuite Pedge. Toi, on se revoit vite sur ma table de jeu...j’ai hâte de savoir ce que tu vaut ! »Lipton laissa un fin sourire étirer son visage. Il rangea les cigarettes dans la poche intérieure de sa combinaison orange fluo puis pointa ensuite son doigt en direction du joueur de golf. Eugène Rhoes, le mec avec le club de golf. Il en a pas l’air comme ça mais c’est un sacré forgeron. Il a conçu avec quelques gars cette petite piste et la boîte aux lettres. Il a tellement de cales sur les doigts qu’il est le seul à pouvoir se vanter de prendre les grilles du barbeuc à pleines mains. »L’homme en question leva son club de fortune avec un fin sourire, un simple signe de bienvenue qui ne voulait pas dire plus que ça. Il se contenta simplement d’observer Pedge de loin sans rien dire. Il se retourna finalement, quelques secondes plus tard, pour reprendre sa bifurqua vers les deux jeunes femmes qui terminaient de poser les couverts. Il y avait onze places sur deux tables qu’elles venaient de rapprocher entre elles. Les deux brunes se tenaient un peu comme des soeurs inséparables. En les voyant, on sentait clairement qu’elles passaient le plus clair de leur temps à déconner ensemble. C’était une camaraderie très avancée qui devait dater d’un bon nombre d’années maintenant. L’une d’elle, presque hilare, repoussa Lipton de ses deux mains comme pour le chasser du giron de Pedge. Sans dec, Lip, tu présentes comme un pied, c’est horrible !!! »L’homme rigola. Tu sauras faire mieux alors ? » J’en suis sûre. Tu parles comme un bouquin, elle va crever d’ennui avant de toucher une clé la fille ! Laisse-moi faire. »Carwood souriait. Il fît un clin d’oeil sans se vexer de cette petite pique et salua silencieusement Pedge avant de s’en retourner à sa partie de carte. La petite brune qui l’avait accueilli l’approcha et l’invita à s’installer à la table. Qu’elle soit au centre du duo. Je suis contente. Une nouvelle femme dans l’équipe c’est de l’oestrogène en plus dans ce monde de primate, j’y croyais plus ! Je m’appelle Katleen. Et elle, en face, c’est Matty, ma meilleure amie. »Elle lui tendit la main pour la serrer. Sa “jumelle” fît pareil avant de compléter Ouais, Marta s’est chargée de faire le surplus de gènes de CroMagnon dans l’équipe. C’est la viking qui t’a accueilli tout à l’heure ! Elle est plus sympa qu’elle en a l’air. Et le soumis qui fait sa couture s’appelle Franck. D’ailleurs !!! » Elle capta son attention en élevant la voix. De loin, Marta fusillait Pedge du regard en voyant son intégration se faire. Franck leva le nez de sa couture pour fixer Matty. Tu fais aussi dans la lingerie fine Franck ? J’ai des dessous qui mériterait bien d’être raccommodé. Vu que tu as l’air plus doué de tes doigts pour faire ça ! »L’homme répondit d’un magnifique doigt d’honneur levé en l’air. Puis il secoua négativement la tête en rigolant. Bon. Autant te le dire tout de suite, ta couchette c’est celle du collègue qu’on a perdu. Alors évite de poser trop de questions sur lui. On a vidé ses tiroirs pour te faire un peu de place, ton casier c’est celui qui porte le nom de “MAC”. »Le sourire de Matty s’était défait. Elle parut beaucoup plus sérieuse. En fait, ne pose simplement pas de questions, surtout à Marta. Je pense que le reste devrait rouler pour toi. » Oh, Matty, ferme ta foutue gamelle... » Fît Marta dans une voix particulièrement agressive. Bref. » Reprit-elle en ignorant la viking. Tu sais pas trop dans quoi tu as mis les pieds alors on t’a préparé un petit cadeau de bienvenue. »Katleen déposa sur la table, devant Pedge, un sac de transport réglementaire de l’armée. Il était plus petit qu’un sac à dos classique et contenait, ficelé avec du ruban de fortune comme pour signaler le cadeau, plusieurs effets à son attention. Tiens. C’est de la part de toute l’équipe. Même de ta “meilleure amie” et elle n’a pas craché dedans ! Enfin, pas encore... »Les deux femmes la regardèrent, confiantes. Vas-y, ouvre. »Il y avait une bonne demi-douzaine de déodorant en gel, deux bouteilles de diluant, un vernis réparateur pour les ongles, une crème contre les irritations cutanées, un gel douche qui semblait avoir été confectionné sur le Dédale. Une inscription faite au feutre indiquait “Napalm-tout”. Il y avait aussi une cartouche de cigarette et des couches pour incontinents. Le kit de démarrage du technicien novice ! » Fît Katleen avec humour. Tout ça te sera utile. Ce n’est pas une connerie et ça t’évitera les mauvaises surprises. Alors garde-les à portée de main. D’accord ? » Saucisses ou entrecôtes ? » Fît une voix inconnue, en les coupant dans leur Calamy, le plus imposant et le plus solide de tout le groupe, s’était approché en portant un tablier beaucoup trop petit pour lui. Il tenait une spatule dans la main et mâchouillait nerveusement son cigare du coin de la bouche alors qu’il considérait Pedge. Les deux filles rigolèrent de son entrée catastrophique, ce qui accentua la nervosité du dernier qui ne lui avait pas encore été présenté. Il n’avait pas l’air d’avoir peur de Pedge. Mais il semblait véritablement mal à l’aise en parlant à une femme. Attaquer ce groupe de trois pour poser la question avait dû lui demander un effort considérable et rien que ces rires, pourtant bon-enfant, le gênait beaucoup. Il était déjà sur le point de faire grande habituée qu’était Matty, elle l'agrippa par la manche au moment même où il initia le mouvement et le retint d’une pression légère. C’était comme si elle en avait toujours eu l’habitude de ses réactions, au point qu’elle avait parfaitement anticipé le mouvement dans un automatisme stupéfiant. La jeune femme n’avait même pas eu besoin de regarder où elle mettait la main pour le garder auprès d’elle. Et elle ramena ce gros nounours à elle en lui souriant, comme pour le s’immobilisa et la fixa. Ses doigts jouèrent machinalement sur la spatule en trahissant un stress important. Peter, la nouvelle s’appelle Allen. Elle se joint à nous pour deux semaines, tu es au courant non ? »Il grommela en signe de réponse positive. Super...dans ce cas merguez pour moi. Entrecôte pour Kate. » Son regard se tourna vers Pedge. Peter fît de même en machouillant davantage son cigare. Son expression témoignait d’une certaine méfiance et il ne lâchait pas un seul mot. Et toi Allen ? Qu’est-ce que tu prends ? » Le blanc qui suivit sa question sur la couchette finit de faire comprendre à Pedge qu’ils n’étaient pas spécialement en colère contre elle, mais plutôt sur le fait qu’elle remplaçait, peut-être un peu trop rapidement, la personne qui était morte récemment. Manifestement, cette personne comptait beaucoup dans l’équipe sinon le malaise ne serait pas aussi perceptible. Le pire dans tout cela était qu’elle ne pouvait pas légitimement se dire que ce n’était pas de sa faute. N’importe qui se serait dit ça, n’importe qui sauf Pedge, puisqu’elle savait qu’elle était à l’origine des informations qui avaient fuité. Elle était donc indirectement responsable. Est-ce que le vieux singe avait fait exprès de la coller dans cette unité ? Spécialement celle-là ? C’était risqué au demeurant. Elle pouvait fort bien dire qu’elle était une traître et l’immersion en terre inconnue tournerait vite au pugilat. Peut-être qu’il testait aussi sa capacité à être franche, et à assumer ses actes comme elle le faisait en démissionnant… Elle n’en savait rien et elle ne comprenait pas bien la démarche. Pourquoi est-ce qu’il l’invitait à reconsidérer sa demande de quitter l’armée après deux semaines, s’il la collait précisément dans un endroit où elle pouvait prendre en pleine face les conséquences de ses actes ? Parce que oui, elle n’avait aucun doute quant au fait qu’elle allait pouvoir s’intégrer dans ce groupe, ce n’était qu’une question de temps, mais elle allait le faire de façon sournoise, sans leur dire la vérité, et franchement, cela ne lui ressemblait pas. Elle avait envie de faire pénitence et de se faire juger par ses paires, c’était précisément ce qu’elle avait demandé à Caldwell. Alors ? Est-ce pour cela qui l’avait mise ici ? Qu’elle avoue à ses paires et qu’ils fassent justice comme il se doit ? Probablement. Le colonel escomptait surement qu’ils lui pardonnent et ainsi, qu’elle soit soulagée de ce poids et qu’elle ne revienne sur sa démission. Et si tel n’était pas le cas ? Ben, ce serait une question de deux semaines avant de prendre le large. Elle allait donc devoir leur dire, maintenant qu’elle semblait avoir comprise la démarche du Colonel du Dédale. Pour l’heure, c’était le moment des présentations. Elle allait pouvoir se faire une idée de ses futurs compagnons de bords pour les quatorze jours suivants. Franchement, elle n’avait pas du tout envie de les connaître, surtout que pas un seul d’entre eux à part Lip ne s’était manifesté pour empêcher la blonde et son sbire de lui tomber sur le coin du râble alors qu’elle n’avait strictement rien demandé. Elle aurait été témoin de ce genre de comportement dans sa section qu’elle aurait tout simplement botté le cul de sa collègue. Mais bon, elle reverrait sûrement son jugement en les connaissant, et, pour ne pas passer directement pour la coincée de service, chiante, bornée et casse-couilles, elle opina du chef. Elle se tourna vers le compagnon de jeu de carte de Lip. C’était donc le monsieur carte de la petite bande. Il y en avait toujours un. Elle nota son nom mentalement en y associant son visage. Elle était assez physionomiste et d’avoir géré des classes d’Afghans, elle savait que sa mémoire des patronymes était excellente. Pedge était une quiche aux cartes, et la dernière fois qu’elle avait joué à un jeu comme-ça, c’était sur la planète des cowboys. Cela avait mal fini. Mais bon, entre militaire de la même base, c’était plutôt bon enfant. Bien entendu, elle ne se démonta pas le moins du monde. Quand tu veux. », lui répondit-elle du tac au tac en appuyant ses propos par son regard. Au moins, s’il rendait les cigarettes, il devait continuer de trouver des mecs à plumer proprement. Parce que bon, il fallait reconnaître que se faire ramoner à chaque partie de carte n’aidait pas à vouloir y retourner. Le regard de Pedge suivit l’indication de Lip, l’invitant d’un geste à considérer une autre personne. Le golfeur. Elle répondit d’un signe de tête au bienvenue du jeune homme. Il était vrai qu’il n’avait pas du tout l’air d’un forgeron, avec ses traits délicats et ses airs d’adulte sortit tout droit de l’adolescence. Il n’ajouta rien de plus, et elle fit de même, se tournant une fois qu’il reprenait sa partie pour passer à un autre membre d’équipage. Elle vit à ce moment-là la complicité qui régissait les lieux et dont elle était pour le moment exclue. Fallait dire que l’accueil avait plutôt jeté un froid. Il venait de passer aux deux femmes de la bande si on mettait la blonde de côté, lesquelles s’occupaient de mettre la table. Les voir ne faisait pas de doute quant au lien qui les unissait, certainement depuis longtemps. L’une d’elle vira Lip en lui disant qu’il présentait les gens très mal, et cela amusa Pedge même si elle resta de marbre. Elle ne s’ennuyait pas des explications de Lip, mais ce dernier fut évincé de la suite des joyeusetés, et il retourna légitimement à son jeu de carte. Quant à elle, elle se retrouva au milieu du duo, lesquelles lui serrèrent la main amicalement en guise de bonjour. Elle se détendait peu à peu. Sans s’en rendre compte, elle était restée crispée sur un mode défensif suite à l’agression verbale dont elle avait été victime en arrivant, et petit à petit, elle baissait sa garde, reconsidérant les membres d’équipage qui essayaient de faire bonne figure malgré tout. Les deux femmes étaient donc meilleures amies, ce qui expliquait l’espèce d’harmonie qu’il y avait entre elles. Les deux jeunes femmes se chargèrent de faire les présentations du reste de l’équipe, et il ne restait que les deux connards. Marta et Franck. Pedge essayait de ne pas trop leur en vouloir, de considérer que peut-être, il y avait eu quelque chose de fort entre le défunt et ces deux-là, mais ça n’excusait pas tout, surtout que de base, ils ne savaient pas qu’elle avait parlé à la Wraith. Donc, ils s’en étaient pris à elle gratuitement, et c’était surtout cela qui avait du mal à passer. Mais bon, les fortes têtes, elle connaissait, et elle allait gérer. Ce serait difficile de s’imposer comme leader naturel sans ses galons qui la plaçait au-dessus. Mais tout bon officier qui se respecte devait acquérir une autorité naturelle et légitime auprès de ses hommes, même au-delà du simple grade. Elle ferait son trou. De toute façon, elle ne comptait prendre la place de personne. Dans deux semaines, elle était partie, et à l’heure actuelle, elle n’était qu’une exécutante. Elle ne voulait pas de responsabilité particulière. Cela faisait du bien de se laisser guider. Quoiqu’il en soit, Marta et Frank semblaient irascible envers les autres même si c’était plutôt bienveillant. Katleen mit les pieds dans le plat en lui disant ce qu’elle savait déjà. C’était la couchette du défunt. Logique. On n’allait pas lui faire un lit tout nouveau. Je ne pose pas de question. », répondit-elle en guise d’assentiment. Pas même qu'elle ne dirait qu’elle était désolée. C'était de sa faute et elle l'était, mais ce n'était pas ce qu'il voulait entendre. Elle allait devoir s'en ouvrir, c'était certain. Elle fut tirée de ses réflexions par un sac posé devant elle. Un cadeau de la part de toute l'équipe. Ils savaient qu'elle venait, la preuve résidait sur la table dans le nombre de couvert. Onze. Bon elle pouvait aussi se dire qu’elle n'était pas comptée puisqu’actuellement ils n'étaient que neuf et il manquait Tyrol. Donc dix. Il en manquait un, ou deux. Après, le sergent chef avait dû prévenir le reste de l'équipe qu’ils allaient avoir une nouvelle. Enfin bref, elle préférait pas trop se projeter positivement vu l’accueil. Mine de rien elle restait sur la défensive. Avec prudence elle ouvrit le sac, pour y découvrir toute une panoplie de déodorants, savons, vernis réparateur, crème hydratante, et même du produit composé artisanalement, portant une mention assez explicite. Les couches interpellèrent la jeune femme. Qu'est ce que ça foutait là ça ? Pedge ne fumait pas mais elle préféra garder la cartouche de cigarettes pour les futures parties de carte. C'était comme obtenir un peu d’argent. On lui confirma que ce n'était pas une blague. Soit, elle faisait confiance aux vétérans du domaine pour préjuger ce qui était bon ou pas. Et bien m…. », allait elle dire quand on la coupa dans son élan par une question un peu sortie de nulle part. Entrecôte ou saucisse. Elle se retourna vers la personne qui venait de causer pour se retrouver face à un type imposant qui mâchouillait un cigare éteint. Pedge le toisa puisqu’il était en train de la considérer. Il ne semblait pas bien à l’aise, engoncé dans son tablier trop petit pour lui. Elle eut rapidement la certitude qu’il avait un problème pour causer avec les femmes, mais pas parce qu’il était macho, mais plutôt timide. Il fit demi-tour aussi sec sans avoir obtenu de réponse, ce qui fit arquer un sourcil à la jeune femme. Heureusement, Matty le rattrapa, apparemment habituée aux frasques de monsieur. Elle l’orienta gentiment vers les deux autres, afin qu’il finalise sa demande. Il était vraiment stressé. C’était le genre de petits détails qu’une prédatrice comme Pedge enregistrait l’air de rien. Salut », fit-elle sans trop s’avancer, alors qu’elle se faisait présenter. Autant le dérider tout de suite, même si son problème venait surtout de la gente féminine à première vue. Entrecôte, ça ira bien merci. ». Elle conservait son air neutre. Néanmoins, la perspective de manger une pièce de viande grillée au barbecue avait de quoi faire saliver son appartenance texane. Cela devait faire une éternité qu’elle n’avait pas mangé de la sorte. Equipe soirPeter grommela. Une sorte de grondement positif et rustre qui lui permettait d’éviter de parler davantage, ne pas montrer entièrement sa timidité, et ainsi “répondre sans répondre”. Il malmena son cigare entre ses dents tout en jetant un regard mêlant un peu de curiosité à la méfiance sur la nouvelle. Puis il se retourna pour repartir sur son barbecue. La viande était en train de rissoler sur le grill, quelques saucisses aussi. Il n’avait pas demandé la cuisson alors il fallait s’attendre à avoir du saignant. L’odeur aurait pu mettre en appétit mais la ventilation modifiée en hôte aspirante était véritablement efficace. La peluche de la section ! Il fait ours avec son air peu avenant et intimidé mais c’est un gars adorable. Et il a le coeur sur la main. » Fît Katleen avec une certaine tendresse qui l’avait entendu, se contenta de hausser nonchalamment les épaules sans les regarder. C’est comme s’il s’en fichait complètement, quitte à s’en montrer insensible, alors que c’était en réalité l’inverse. Il appréciait ces jeunes femmes qui avait saisi son problème et le respectait sans moquerie. C’était un peu comme des petites soeurs sur lesquelles il veillait le plus souvent. Et aussi étonnant que ça puisse paraître Marta faisait également partie du chef Tyrol apparut soudainement par l’ouverture du sas en portant trois gros saladiers recouverts d’une feuille d'aluminium. L’un d’eux dégageait des filets de fumée dans le faux jours et le plastique transparent s’était teinté d’une buée. Fini de jouer les gars, j’ai rapporté la graille ! »Lipton et Marta s’était tout de suite approché pour l’aider à porter les saladiers. Donald quitta sa couchette et sa game boy pour sortir de son casier une énorme poche de chips tandis que le forgeron, Eugène, sortait les bières. Le sergent-chef échangea quelques mots avec ses hommes avant que son regard ne se porte sur Pedge. Hé, Allen, c’est ça ? » Questionna-t-il de loin. Suis-moi, on va aller chercher ta dotation avant que ça ferme. »Les deux filles lui firent une tape avec une synchronisation complètement involontaire, une sur chaque épaule. Katleen prit son sac d’offrande et son propre barda tandis que que Matty s’exprimait Vas-y, fonce. On fait pas attendre le “botteur de culs” ! » Fît-elle en accompagnant l’exclamation d’un clin d’oeil. On te laissera tes affaires sur ta couchette Go ! »La jeune femme opina du chef à l’attention de Tyrol quand ce dernier revint avec de la nourriture supplémentaire et qu’il l’interpella. Quelque part, Pedge ne comprenait pas pourquoi ils n’allaient tout simplement pas au Mess régulièrement, et qu’ils faisaient ce genre de repas plus sporadiquement, plus exceptionnellement. Après tout, ils devaient être débordés par le temps, et les minutes qu’ils passaient à rassembler les victuailles n’étaient pas gagnées ailleurs. Enfin qu’importe, ils fonctionnaient bien comme ils le voulaient, elle n’était personne pour remettre en cause des habitudes… Et peut-être qu’ils avaient fait ce repas simplement pour lui souhaiter la bienvenue. Une possibilité qu’elle ne devait pas laisser de côté. Je ne comptais pas le faire attendre », répliqua Pedge à l’attention des deux jeunes femmes. Elle inclina la tête à leur attention. Merci les filles », fit-elle d’une voix détendue, même si son faciès n’exprimait rien de plus que d’habitude. Elles s’y feraient. Comme eux tous d’ailleurs. Elle se permit un clin d’oeil en retour avant de se porter vers l’entrée du dortoir pour aller chercher sa dotation, comme le lui avait si bien dit le sergent-chef. Peter, c’est prêt dans combien de temps ? » Questionna indépendamment le sergent. Dix minutes, chef. »Gallen fixa Pedge sur son arrivée et hocha la tête. Il prit la direction de la sortie avec elle. Ok, ça nous laisse le temps de faire un tour. Bel accueil protocolaire hein ? Tu débarques à peine et je me sauve... » Il tourna dans le couloir en direction des douches communes, un peu plus loin se trouvait l’étrange coopérative. Tu n’arrives pas au meilleur moment Pedge. C’est la course ! On est à flux tendu ici. »Il avait utilisé son prénom de manière personnelle, il appelait tout le monde ainsi dans son unité, même les nouveaux. Et il avait dû obtenir cette information de la part de Caldwell, c’était certain qu’ils avaient dû discuter ensemble avant son retour sur le Dédale. Mais la proximité dont il faisait preuve, et qui échappait quelque peu au protocole militaire dans un endroit si strict, témoignait surtout du fait qu’elle était en présence de la base de la pyramide. En quelque sorte, on pouvait dire que ces techniciens étaient les enfants des gueules noires qui travaillaient le charbon dans les cales des navires d’antan. Le travail était dur, physique et éreintant. Ils étaient tous dans la même galère et partageait le même amour du métier. Alors on ne s’encombrait pas du grade tant que le respect demeurait. Tes débuts ne seront pas une partie de plaisir avec nous. On vient tout juste de terminer les réparations d’urgences. Il y a encore une centaines d’opérations à effectuer et nous devons être dans les délais pour retourner à l’ancrage. Les gars dépassent allègrement les douze heures par jour, ça peut parfois monter jusqu’à quinze. On est tous à bloc. »Donc les horaires par huitaine ne concernait que les services habituels. Le Dédale avait tellement subi dans l’embuscade que ses techniciens enchainaient les longs cycles sans les compter. Ce n’était pas une blague ! Et ils tenaient ce rythme impressionnant depuis un certain temps déjà. Et que dire de Tyrol puisqu’il chapeautait les trois équipes à la fois pour ensuite faire son rapport au colonel. S’en était démentiel. Et c’est là-dedans que Pedge avait mis les pieds. S’il savait pour l’accueil protocolaire… Est-ce qu’il serait contrarié ? Peut-être. Peut-être pas. Il mettrait ça sur le compte des chamailleries de dortoir, et il laisserait surement passer. Elle haussa des épaules Les priorités avant tout, je n’allais pas m’envoler », répliqua-t-elle d’un ton égal. Elle comprenait parfaitement que c’était la course, ne s’offusquant pas de se faire appeler par son prénom. Elle n’était pas le moins du monde effrayée par la montagne de travail qui attendait. Elle servait dans l’armée depuis plus de quinze ans maintenant, et les journées de huits heures, elle ne connaissait pas. J’espère que ma présence sera plus utile que le contraire, afin de soulager un peu l’équipe. Pas évident de former une novice dans ces conditions. ». Au moins, elle gardait la tête froide, et elle avait conscience qu’elle ne serait pas dans une posture des plus simples, tant sur le plan humain que sur le plan des compétences qu’elle n’avait pas. Néanmoins, le travail ne lui faisait pas peur, et cela, il s’en rendrait vite compte. Ils approchèrent du comptoir. Un homme un peu plus âgé s’y tenait, il était vêtu de sa tunique orange fluo, démontrant son appartenance à une autre équipe de technicien. Il était couvert de saleté et des grumeaux d’une matière étrange étaient encore collés à ses cheveux. Gallen poursuivi en chemin Je sais que tu es une sardine. Mais je ne peux pas réorganiser mes gars pour convenir au respect de ton grade. Ca va être à toi de t’adapter à nos méthodes, à notre façon de vivre. Ca ne sera pas rose. Tu vas vivre des moments difficiles. Mais je pense que tu t’y attends non ? » Il lui fît un sourire entendu. Une certaine aura chaleureuse se dégageait de lui. Gallen était quelqu’un de particulièrement humain qui gérait ses gars au mieux. Il ne savait pas tout de Pedge ou des raisons de sa présence. Mais il préférait mettre les choses au point pour éviter les frictions. Il ignorait encore, à ce moment là, l’accueil un peu brutal dont elle avait été la cible. La règle est simple tu n’es pas venue aux portes ouvertes des techniciens. Je te veux motivée, volontaire et à bloc. Tu es l’une des nôtres maintenant. Alors ne te laisse pas dire le contraire. Suis les habitudes des gars sans rechigner, accepte les moments de cohésion et surtout ne t’isoles pas du reste du groupe. Tu auras tes moments à toi, bien sûr, mais je ne veux pas voir de division dans la section, c’est enregistré ? » Effectivement, je m’y attends, et je suis une première classe pour l’heure, donc la sardine fera ce qu’on lui dit. », répliqua-t-elle sans ambages. Elle n’avait pas de problème avec cela. Qui plus est, elle était la première à prôner l'obéissance à son supérieur, alors elle n’allait pas traîner des pieds parce qu’elle était censée être plus gradée. Il fit une mise au point parfaitement inutile pour la jeune femme, mais ce n’était pas un mal de remettre les points sur les i » de temps en temps, surtout avec un nouvel élément dans l’équipe. Au moins, la règle était fixée dès le départ et elle ne bougerait plus. Les termes étaient clairs. Reçu », répondit-elle en tout et pour tout. Pedge n’était pas une fainéante, et elle n’avait pas besoin de le dire. Elle le prouverait amplement dans les prochains jours, et les actes valaient tous les beaux discours. Pour ce qui était de la cohésion d’équipe… Elle ferait au mieux. Elle ne voulait pas se mettre quelqu’un à dos, mais il fallait croire que sa simple présence dans l’affaire était rejetée par au moins deux personnes. Mais bon, ça leur passerait surement, elle en était convaincue. Ils apprendraient à la connaître. Le temps de se renifler le cul tous ensemble et on dira par la suite qu’elle avait toujours été là. Les voilà qui étaient désormais auprès du technicien qui tenait la technicien qui tenait la coopérative salua chaleureusement le chef. Hé ! Salut patron ! Tu m’amènes enfin de la chair fraîche ? » Il eut un rire un peu lourdingue. Mais à voir son état, et la dure journée qu’il avait dû avoir, on pouvait comprendre qu’il se contentait d’un minimum en terme d’humour. Pedge Allen. Elle va nous aider pendant deux semaines. Tu as sa dotation ? » Ah, ouais ! Elle est arrivée il y a une heure. »Le technicien se pencha puis souleva un ballot réglementaire de l’armée qu’il posa sur le comptoir. Il y avait plusieurs tenues fluorescente ainsi qu’une bandoulière d’outils dont elle ne comprendrait pas l’utilité. Voilà. Tu as tout ce qu’il te faut là-dedans. J’ai reçu une allocation de points de ressources pour toi. » L’homme lui donna une carte magnétique puis tendit la main en direction de l’arrière boutique où se trouvait plusieurs étalages. Il y avait une petite partie épicerie avec des articles provenants de la Terre. Des objets plus rares venant de la culture Athosienne. Des produits de première nécessité, quelques livres et magazines. Enfin, tout ce qu’il fallait pour améliorer un petit peu plus la vie difficile des techniciens. Elle acquiesça, n’ajoutant rien voyant qu’il n’avait pas fini. Elle espérait qu’il lui expliquerait en quoi consistait les points, parce qu’elle ne voyait pas bien de quoi il s’agissait. Au pire, ce serait un sujet de discussion avec les membres de l’équipe. Le gérant bénévole poursuivit son explication, il pointa une petite tablette au passage qui faisait office de catalogue. Il parla avec fierté Donc, quand tu passes ton temps à bucher et que tu veux pas passer par les voies classiques. Si tu veux pas t’emmerder à patienter chez l’intendant principal ou si tu veux du rhab, un truc qui sort de l’ordinaire, passe faire tes courses ici midinette. Moi, je suis le type qui te dégote tout ce que tu veux...enfin soit raisonnable, me sort pas “j’veux le pistolet de ronon, lolilol, lol et re-lol”. Nan, ça, ça marche pas... » Je pense qu’elle a saisi, Brad. »Pedge le regardait fixement. Il pensait sérieusement qu’elle parlait comme ça ? Pourtant, quand on la considérait deux minutes, il semblait évident qu’elle n’allait pas sortir ce genre débilités sans nom. Ok ok, chef, je finis. T’as deux cents cinquante points sur ta carte. Si on est pas là, tu fais tes courses toute seule comme une grande. On connait pas les voleurs dans le coin, alors t’y mets pas ! Mais fait les durer, tes points, ça peut partir vite. Tu verras que quand tu passes ton temps à cavaler, cet endroit, c’est comme ton antre d’ali-baba personnel. Hésite pas si tu as des questions, il y a aussi Derek qui la tient quelques heures le matin. Et Ellie en journée. Ils sont tous très sympas tu verras. » Tu as ce que je t’ai demandé ? » Mais bien sûr, patron. Pour qui tu me prends ? C’est dans le sac de la jeune. »Gallen acquiesça. Parfait. Je lui montrerai tout à l’heure. »Il pressa le bras de Pedge pour la guider vers les douches communes qui se trouvaient non loin. D’ailleurs un technicien venait d’en sortir en ayant le draps enroulé autour de son bassin. Il passa devant eux, torse nu, sans se sentir gêné et apparemment très soulagé de s’être décrassé. Le côté femme se trouve sur la droite. Il y a un coin pour se changer. Débarrasse-toi de ta tenue réglementaire et enfile le reste. La combinaison se resserre automatiquement autour de tes membres et de ton corps en appliquant une pression assez particulière. C’est le système de protection alors ne sois pas surprise, c’est normal. » Heureusement pour elle, il lui expliqua ce qu’il entendait par nombre de points sur sa carte. C’était sympa, et plutôt utile, et cela permettait de faire sauter le circuit habituel, qui était, il fallait le reconnaître, assez long. D’accord, je n’hésite pas. », finit par dire Pedge quand il eut terminé. Non, elle n’hésiterait pas à passer se ravitailler. Finalement, les cadeaux de l’équipe prenaient tout leur sens, puisqu’ils avaient utilisé des crédits personnels pour lui acquérir les différents produits indispensables à tout technicien. Elle était curieuse de savoir ce dont il retournait. De quoi parlaient-ils ces deux là ? Qu’est-ce que Tyrol devait lui montrer ? Si Pedge n’était pas très expressive, elle devait reconnaître qu’elle était assez curieuse de nature, et qu’elle avait du mal à résister à la tentation de savoir. Mais comme il confirma au taulier de la coopérative qu’il allait lui montrer prochainement, elle fit preuve de patience, récupérant son lot d’affaire. Bandoulière avec divers outils, tenues bien voyantes, et tout le toutim. Il orienta la jeune femme vers les vestiaires, pour qu’elle se change et arbore directement la tenue qui serait la sienne pendant les deux prochaines semaines. Changement d’uniforme, pour un changement d’unité, pour un changement de vie radical. Quelque part, elle avait hâte de l’essayer, histoire de voir à quoi elle allait ressembler. Elle fut tirée de ses pensées par un apollon torse nu qui s’extirpait de la porte des vestiaires pour repartir vers son dortoir, probablement. La jeune femme laissa trainer ses yeux sur les formes dessinées du buste du jeune homme. Discrètement ou presque. Sur la droite, d’accord », fit-elle en reprenant le fil de la conversation avec Gallen. Il la tutoyait, elle ne se priverait donc pas de le faire. Elle n’aimait pas trop ça avec ses supérieurs, mais cela semblait être la norme, et adopter la norme était une condition sine qua non pour s’intégrer dans un groupe. Ne t’inquiète pas, j’ai l’habitude de porter du cuir », répliqua-t-elle pour le rassurer quant à la pression de la combinaison. C’était faux, c’était de l’humour à la Pedge, dit sur un ton qui pouvait laisser penser le contraire. Elle entra dans le vestiaire des femmes, et elle se changea, délaissant, presque à regret, son uniforme réglementaire d’Atlantis pour enfiler celui des techniciens de bord du Dédale. Il n’était pas trop chiant à enfiler et comme le sergent chef lui avait dit, elle se resserra toute seule sur son corps quand elle fit grimper la fermeture éclaire sur sa poitrine, épousant ses formes à la perfection. C’était enveloppant, et assez sympa en fait. Ce n’était pas serré au point de couper la circulation sanguine, mais cela faisait comme une seconde peau. Elle aimait bien ce style de vêtement, moulant agréablement. Bon, le côté carotte nucléaire ne lui plaisait pas des masses, mais elle s’y ferait rapidement. Cela deviendrait son uniforme. Elle fit vite, pour ne pas faire attendre le reste de l’équipe. Les dix minutes ne devaient pas être loin d’être écoulées, et elle ne voulait pas les faire patienter. Marta trouverait sûrement un prétexte pour râler. Elle défit son chignon strict pour se faire une queue de cheval, moins coincé que ce qu’elle portait en arrivant. Elle ressortie du vestiaire pour rejoindre Gallen. Je suis prête », dit-elle en approchant. Elle avait passé la bandoulière de la sacoche, sans trop s’intéresser encore à son contenu. Il y avait différents appareils déjà accroché à la combinaison, dont un dosimètre servant à mesurer le débit de dose que le porteur recevait en étant exposé à une source de radiation. Etait-il passif ou actif, elle n’en savait fichtrement rien. Même les chaussures étaient renforcées, ce qui était logique. La semelle était confortable, mais elle sentait que son pied allait devoir prendre sa place pour que la chaussure s’adapte à elle. Elle tenait son casque d’une main, et les gants étaient pliés à l’intérieur de celui-ci. Les lunettes high tech étaient posées sur son nez. Elle ne se faisait pas à l’écran HUD qui trônait dans les verres. C’était… déroutant. Il y avait une barre de chargement avec marqué dessus protocole de pratique novice » et un titre persistant qui signifiait aucune objectif actuel. Elle ne savait pas si elle devait les garder sur le nez, alors dans le doute… Même si à la réflexion, elle s’était dit que personne ne les portait quand elle était passée voir sa nouvelle et chaleureuse équipe. Pedge technicienne de l’espace était de sortie. Le défilé de mode pouvait commencer. Lorsque le chef vit Pedge le rejoindre en tenue complète, le casque sous le bras avec les gants dedans, les lunettes d’apprentissage sur le nez, il eut l’impression de se voir à ses débuts, lorsque le Dédale était sorti de l’usine de montage. L’homme avait eu son expérience sur la base d’ancrage du Prométhée mais ce croiseur-là, SON croiseur, lui avait donné un feu d’enfer une ivresse d’apprentissage et d’exercice sans le fait qu’on s’économise en gagnant en expérience, le sergent avait reçu des recrues pleines d’entrain, un peu foufou, le genre à se dire que les anciens ont perdu l’ardeur et qu’ils les remplaceront sans peine. C’était, quelque part, un peu touchant de voir chez les autres ce que l’on avait autrefois Gallen voyait arriver une Pedge qui s’était visiblement transformée en ce qu’il lui avait demandé quelqu’un de motivé, volontaire et à bloc. Il ne pu s’empêcher de rire en secouant la tête, dans un ton bien loin de toute moquerie, et qui témoignait surtout d’un attendrissement face à l’aspect novice de la militaire. Peut-être comprenait-elle également, puisqu’elle avait entraîné des troupes étrangères, en ayant vécu des expériences similaire de troupes inexpérimenté prête à faire un massacre. Des gars qui savaient pas encore se servir d’un fusil et pourtant prêt à tout visa le visage de Pedge de ses deux doigts, veillant à ce qu’elle ne bouge pas, pour lui retirer les lunettes qu’elle avait sur le nez. Ca, Pedge, ce n’est pas pour tout de suite. Ne me les abime pas surtout, c’est un matériel d’expérimentation créé par tes collègues d’Atlantis. C’est le seul exemplaire. Alors ils me pendront par les... »Le chef n’eut pas le temps de terminer la fin de sa phrase. Lui qui était face à Pedge en la pointant des lunettes alors refermées, dans un air parfaitement pédagogue, fût figé dans le flash d’un appareil photo. Il tourna la tête pour voir Brad, derrière son comptoir, qui remontait déjà la roulette de l’appareil jetable. Il se contenta de hausser les épaules toute en s’écriant Et bien quoi ?!? Faut bien qu’elle se ramène des souvenirs ! »Et il envoya l’appareil photo dans les bras de Pedge malgré le fait qu’ils soient encombrés par le casque. Elle avait intérêt à avoir des réflexes. C’est mon petit cadeau perso, jeunette. C’est un nouvel univers que tu explores alors profite-en pour capturer les moments qui te plaisent. » Toujours très attentionné ce Brad. Allez, on va se dépêcher. Les autres vont râler de devoir nous attendre... » Fît Gallen en lui rendant les lunettes. Le rire de Tyrol accompagna le retour des vestiaires de Pedge. Celle-ci ne le prit pas pour de la moquerie, mais plutôt comme de l’affection bienveillante d’un mentor sur un novice, et sans trop savoir pourquoi, cela l’agaça un peu. Elle ne savait pas si c’était de la pitié, de la compassion, ou bien tout simplement de la gentillesse, toujours est-il qu’elle détestait se sentir dans la peau d’une néophyte. Et pourtant, c’était bien ce qu’elle était et elle allait devoir faire avec. Il voyait surement en elle quelqu’un de motivée, qui en voulait, et qui avait les dents qui rayaient le parquet. En tant que formatrice, elle en avait vu des types gonflés à bloc, prêt à tout casser, à en découdre, et ce n’était pas tout le temps les meilleurs même si leur motivation, bien canalisée, se révélait être un moteur de réussite puissant. Néanmoins, elle n’était pas là à vouloir tout révolutionner, non, elle restait dans son rôle de nouvelle, prête à tout, mais sans le dire. Elle ferait ce qu’on lui dirait de faire, en bonne subordonnée qu’elle était. Bref. Il lui retira les lunettes qu’elle avait mise sur son nez, en prenant soin de montrer son geste avant toute chose, fait qu’elle apprécia car elle était typiquement capable de se reculer sa tête juste pour qu’il ne la touche pas. Pour le coup, elle le laissa faire, continuant de se faire guider dans cet univers qu’elle ne connaissait absolument pas. Il lui expliqua rapidement qu’elle était la nature des lunettes, sans avoir vraiment le temps de poursuivre qu’ils furent illuminés brièvement par le crépitement d’un flash d’appareil photo. Le type derrière le comptoir en tenait un et manifestement, il était content de lui. Elle réceptionna l’appareil jetable à deux mains pour qu’il ne tombe pas, le plaquant sur son torse dans la réception. Il aurait gueulé réflexe ! » en le jetant que c’était pareil. Heureusement, le casque qu’elle tenait ne l’encombra pas pour la manœuvre. Elle aurait détesté, mais d’une force, montrer une maladresse d’entrée de jeu, même si le lancer n’était pas fairplay. Merci Brad », fit Pedge en le prenant en photo pour ponctuer son propos, avant d’emboiter le pas du chef Tyrol pour repartir vers le dortoir. Elle appréhendait un peu de voir les réactions des autres maintenant qu’elle était intégrée, du moins par l’uniforme, dans le groupe. Groupe qu’elle ne devait pas diviser. En chemin, elle en profita pour poser une ou deux questions à Gallen, histoire de ne pas rester sur sa faim. Et donc, ces lunettes servent à quoi exactement ? A me guider en tant que novice dans les tâches techniques ? ». Cela la stressait un peu à dire vrai. Elle n’avait aucune connaissance théorique sur le sujet, et elle n’aimait pas beaucoup ça. C’est ça... » Répondit Tyrol. Tes collègues d’Atlantis ont accepté de réaliser ces lunettes qui intègrent une intelligence artificielle. Celle-ci se comporte comme une surface d’analyse qui cible et souligne tes objectifs. »Il poursuivit son chemin tout en continuant son explication. Ces lunettes sont encore en l’état de test. Elles ont été conçues dans le cas où les réparations devraient se faire par des membres d’équipages inexpérimentés. Elles ne remplaceront jamais notre expertise. Mais pour un débutant, c’est un atout incontestable... » Je vais essayer de ne pas les casser alors », dit-elle, n’étant pas certaine d’être à la hauteur de la tâche. Elle espérait qu’elle ne ferait pas de connerie. Le pire serait de blesser un membre de l’équipe involontairement par son inexpérience… Elle se garda bien de s’en ouvrir à Tyrol, continuant sa marche silencieusement. Equipe soirIls retournèrent ensemble en direction du dortoir. Toute l’équipe s’était mise à table et consommait une bière en attendant le retour du binôme. Ils riaient tout en discutant. Seul Peter restait à son barbecue, il avait réchauffé les viandes et les disposaient sur un plateau. Matty fût la première à voir revenir Pedge dans sa nouvelle tenue. Elle fît un geste à son voisin de tablée, Harry, pour qu’il lui passe la télécommande qui gérait le jukebox. Elle appuya sur plusieurs boutons, un air goguenard sur le visage, et les premiers pas de Pedge en direction de l’équipe fût accompagné par la musique de “Bad to the Bone de ZZ top”. Une véritable terminator de la mécanique qui se présentait à équipiers s’esclaffèrent tous en levant leurs bières dans sa direction. Matty et Katleen lui avait reservé une place entre elles deux et, avant qu’elle ne puisse s’installer, Gallen fît baisser la musique pour faire une annonce. Bon, je sais que vous avez eu le temps de faire connaissance. Mais autant finir ça de manière officielle. Je vous présente Pedge Allen, qui se porte volontaire pour nous aider durant deux semaines... »Les équipiers s’étaient regardés avec une étincelle dans les yeux. Ils s’étaient mis d’accord d’un simple regard et entonnèrent en choeur, avec des voix dignes d’enfants de maternelle, dans un son d’accueil général BONJOUR PEDGEEEEEEEEEEC’était comme si une dizaine de gamins souhaitaient la bienvenue à leur professeur le jour de la rentrée. Tyrol répondit par un rire gêné tout en leur demandant de se calmer. Dans le lot, seule Marta avait gardé le silence. Elle maintenait un regard noir et hostile à l’encontre de Pedge. Ne comprenant visiblement pas pourquoi elle était si bien accueillie par le reste de l’équipe. Le fait que Franck avait participé pour chambrer Tyrol lui avait également déplu. Alors elle se contenta d’avaler une gorgée de sa bière comme si elle faisait un signe de croix dans son dos. Le genre de signe qui dit “cours toujours, tu m’auras pas, moi.”Les deux filles invitèrent Pedge à s’installer. Peter lui déposa une entrecôte bien chaude dans l’assiette et lui annonça, toujours dans sa façon un peu bourrue, qu’il lui avait fait sa cuisson saignante. C’est que t’es sexy dans ta combi orange fluo ! Tu pourrais poser pour le calendrier du Dédale ! » La taquina Katleen en lui passant une bière. Elle lui fît un clin d’oeil, comprenant très bien que ce n’était pas son genre, déjà, et que c’était une belle connerie à ne pas compléta dans cet étrange environnement d’amitié symbiotique Elle blague. Mais le pire, c’est que ça existe vraiment. Il y en a un tous les ans. » Un délire de l’équipage qui se vend sous le manteau avec les points de ressources. » Intervint Donald, le joueur de carte, en se servant dans l’un des saladiers. Il était en face de Pedge et s’attaquait à une énorme entrecôte avec un amas de frites. Il lui tendit le saladier après le refus de Kate. Les frites étaient encore fumantes et dégageaient une odeur appétissante. Pas de visage, c’est la règle. Pour l’anonymat et la discrétion. Mais les femmes y sont si rares...je pensais au moins t’y voir Matty ! » Qui te dit que je n’y étais pas l’année dernière ? Si ça se trouve, je prends mon pied à afficher mon sublime corps de rêve sur un calendrier à la con pour faire baver la moitié des mâles en rut du vaisseau. C’est ton rêve, hein mon grand ? »Ils s’esclaffèrent. Moi je vois bien Marta, avec son air de viking effarouchée, quelques clés à molette et du cambouis plein ses contours...hum...ce délice... »La concernée l’ignora royalement en finissant sa bière. Le sourire de Kate se mua en une expression génée. Je t’ai connu plus drôle... » C’est l’imposture qui me file la gerbe...Et puis merde, tiens. J’ai pas faim. » Fît Marta en repoussant son sous-entendu était à peine voilé mais l’ambiance ne retomba même pas. Il était maintenant évident qu’elle se comportait ainsi depuis un certain temps et ses collègues ne répliquèrent pas, la laissant dans son air boudeur alors qu’ils discutaient ensemble. Au moins, la règle d’interdiction d’isolement de Gallen semblait être respectée par tous, y compris elle. Car elle ne quitta pas la table et se contenta d’observer. A un moment donné, elle participa même à la conversation, se radoucissant quelque peu, comme si elle était venue elle-même à la conclusion que sa réaction était un petit moment, le groupe dina dans la joie et la fraternité tout en composant des sous groupes. Certains allaient de leurs petites histoires de réparations, d’autres racontaient d’anciennes anecdotes. Lipton et Franck prévoyaient d’aller faire un saut le lendemain sur le pont douze pour assister à un match très attendu. Marta et Eugène s’accordaient sur le dessin d’un avion biplan à forger pour le cadeau d’anniversaire d’une amie sur politesse, Katleen et Matty n’avait pas envahie Pedge de questions, préférant la laisser manger tranquillement. Mais à leurs visages, on voyait bien qu’elles crevaient de curiosité à son égard. Car après tout, ce n’était pas souvent qu’on tombait sur quelqu’un venu participer aux réparations durant la période la plus rude. Mais une question, surtout, les intéressaient davantage. Matty et Katleen ne se génèrent pas en se départageant mystérieusement à “pierre-feuille-ciseau”. Kate perdit la partie et tira la tête en arrière, maugréant sa malchance, avant de tourner son visage vers Pedge. Bon. C’est à moi de te demander alors...ta bague, c’est une alliance ou des fiançailles ? On est pas d’accord à ce sujet et moi je soutiens que tu n’es pas mariée. Ca va venir ou je suis complètement nulle en déduction féminine ?!? » Comme toujours, et malgré la musique qui venait de changer pour accompagner son arrivée, Pedge resta impassible. Ce n’était pas évident pour elle d’être la dernière arrivée, et elle détestait se taper l’affiche. Mais bon, il fallait bien passer par différents rituels pour s’intégrer complètement dans une unité, et elle accepta tout cela avec philosophie, même si elle ne fit rien pour coller au rôle de madame muscle qu’on voulait lui donner. Tyrol officialisa sa présentation en la présentant à l’équipe. L’ambiance était déjà plus chaleureuse qu’à son arrivée, plus conviviale, et les choses passaient dans l’ordre. Toute à l’heure, elle avait un peu été jetée dans la fosse aux lions avec un peignoir de soie et un peigne à cheveux comme seule arme. Elle inclina modestement la tête quand ils firent un bonjour » général digne d’une section de maternelle. Cela l’amusa quelque peu. Elle était capable de répondre quelque chose comme bonjour les enfants », mais elle se retint, de peur que la chienne agressive de la meute ne montre les crocs en le prenant mal. Pourtant, ça n’aurait été qu’une réponse qui suivait le thème de ce qu’ils lui donnaient comme accueil actuellement. Cette dernière était d’ailleurs en train de la fusiller du regard, mais cela ne déstabilisa pas du tout la texane qui savait à quoi s’attendre désormais. Son regard passa sur elle, comme sur tous les autres, sans vraiment s’arrêter. Elle faisait partie du décor de la pièce, de la vie commune de l’unité, et elle ferait avec. L’idée même de prendre une photo maintenant lui passa au-dessus de la tête. Pourtant, cela aurait fait un souvenir sympa. Elle alla prendre place entre les deux meilleures amies, lesquelles lui avait laissé un petit bout de banc pour se faufiler. L’entrecôte saignante arriva à ce moment-là, et elle mit l’eau à la bouche de la jeune femme. Une pièce de viande cuite au barbecue. Le pied total. Et le gars s’y connaissait en cuisson. Elle aurait détesté manger une semelle. L’idée même du calendrier n’était pas étonnante en soi. Il y avait toujours ce genre de chose qui circulait dans les armées. Enfin… Bien souvent, c’était des calendriers tout fait, style Pirelli », avec des bombes atomiques qui irradiaient le cul avec leur seins et leurs derrières galbés et bien retouchés outrageusement. Pedge n’était pas contre ce genre de pratique. Elle ne voyait pas de mal à admirer un corps bien fait, et si cela permettait à certain mec ou à certaine femme de se faire du bien en pensant à ces mannequins… Il n’y avait pas mort d’homme. D’ailleurs, vue la réaction de Marta, Pedge en vint à se dire qu’elle devrait se mettre les doigts dans la culotte de temps en temps pour faire moins mal baisée. Tout comme les autres, elle l’ignora, préférant ne pas rentrer dans son jeu. Elle cherchait simplement le conflit pour exploser, et elle n’avait pas envie d’être le déclencheur, déjà qu’elle était le catalyseur de son humeur exécrable. Bien malgré elle. Je ne prends que le mois de juillet ou d'août », finit-elle par ajouter dans la discussion sur le calendrier. Ces deux mois étaient connus pour accueillir que les plus beaux clichés. Bien entendu, elle blaguait, entrant dans la conversation comme elle le pouvait. Jamais elle n’irait s’afficher sur ce genre de support, cela serait assez néfaste pour sa carrière, selon elle, et puis, elle n’était pas exhibitionniste. Elle avait déjà suffisamment de défaut comme ça sur le plan sexuel pour en ajouter davantage. Les frites étaient bonnes, la viande aussi, et il n’y avait pas meilleure façon pour accueillir un texan chez soi. Pedge se régalait. Elle appréciait aussi qu’on ne lui posait pas trop de question. Elle prenait ses marques, sans trop parler, comme à son habitude. Néanmoins, elle avait une oreille qui trainait et elle n’hésitait pas à répondre ou participer si on la sollicitait, quand elle n’écoutait pas les anecdotes et autres histoires intéressantes. Tout était nouveau pour elle. Un autre monde commençait à s’étaler devant ses pieds. Et c’était grisant, elle devait bien le reconnaître. Son humeur augmentait de façon positive. La militaire observait le petit jeu des deux filles, étant donné qu’elle était calée entre ces deux-là. Elle ne comprit pas tout de suite qu’elles essayaient de déterminer laquelle des deux allait lui poser une question plutôt personnelle. Question qui tomba sur sa bague. Machinalement, Pedge la caressa du bout des doigts. Isia avait dû répondre à son mail d’ailleurs… Ni l’un ni l’autre. » Elle savait qu’elles ne se satisferaient pas de cette réponse, aussi expliqua-t-elle un peu. C’est une amie qui me l’a offerte suite à un pari. Nous avions passé la soirée de la saint Valentin ensemble, et c’était pour simuler un couple que nous ne sommes pas vraiment. » Et pourtant, elle l’affichait et la gardait, comme un lien d’appartenance à la chirurgienne. Elle la fit tourner distraitement entre ses doigts. C’était un peu la seule chose qui la rattachait à Atlantis désormais. Elle espérait avoir comblé leur curiosité, néanmoins elle s’attendait à quelques réactions. Elle comprenait que c’était atypique comme cadeau », surtout quand il était porté. Equipe soirLes âmes soeurs parurent déçues l’espace d’un s’attendaient à une histoire beaucoup plus palpitante, comme un déclaration d’amour enflammée au beau milieu de la cité, avec une demande en mariage et une romance bien ficelée. Mais non. Un cadeau ? Cadeau qui se plaçait à l’annulaire et qu’elle ne retirait pas ? Pire encore, Pedge jouait avec en expliquant une mise en scène plutôt étrange. Les deux jeunes femmes se penchèrent en arrière pour s’échanger un regard en ayant eu exactement la même pensée. C’était plutôt original et très romantique comme façon de faire “On est pas ensemble hein, c’est une blague, juste un délire...mais on garde la bague au doigt...et du coup...ben on est ensemble…”Matty et Katleen rièrent de bon coeur face à la même déduction. C’était plutôt mignon et attendrissant comme situation. Pour elles, c’est comme si Pedge se trouvait une excuse pour ne pas assumer directement, envers elle-même et les craintes qu’elle pourrait avoir, son attirance pour son élue. Elles répondirent à sa confidence en entrant dans son jeu. C’est génial comme relation, je trouve. » Fit Matty en lui donnant un petit coup d’épaule complice. La simulation a dû te plaire... » Elle est jolie ta “fausse” petite amie ? Tu as une photo à nous montrer ? » Ce n’est qu’un jeu entre deux personnes adultes, ce n’est pas ma petite amie, fausse ou non. », répondit Pedge du tac au tac, même si elle se sentait gênée sur le moment, surtout que les deux filles ne semblaient pas dupes. Mais la texane faisait tout pour le dissimuler, d’ailleurs, elle rangea ses mains sous la table. Oui elle est jolie mais je n’ai pas de photo à vous montrer. ». Ce qui n’était pas faux. Elle comprenait que les deux filles se gargarisent de sa réponse un peu bancale, qui ne demandait qu’à poser des questions supplémentaires. Elle est libre de faire ce qu’elle veut et moi aussi. Voilà tout. », finit-elle par ajouter, se sentant obligée d’apporter des précisions, mal à l’aise. Elle ne s’était pas fermée, assumant parfaitement de papillonner comme elle le voulait. Elle sentait qu’elle allait avoir le droit à d’autres questions, et c’était de bonne guerre. Voilà tout... » Répéta ironiquement lui fît un clin d’oeil avant d’ajouter J’ai bien l’impression que ton histoire n’est pas aussi banale que tu le prétends.» Ouais, tu minimises un max, Pedge. T’es grillée... » Et pas de photo ? Dommage. Tu verras pas celle de mes enfants... » Fit-elle en feignant une gros chantage plutôt bancal. La concernée haussa des épaules, ne sachant pas trop quoi répondre qu’une attitude parfaitement innocente. Kate et Matty n’étaient pas moqueuses. Elles trouvaient ça très original et le malaise de leur nouvelle amie les amena à ne pas poser plus de questions. Matty avait simplement glissé à l’oreille Pedge, comme en guise de conclusion Tu n’es pas sauvée, Pedge. On en reparlera forcément ! » Quand vous voulez les filles, je n’ai rien à cacher », fit-elle avec un clin d’oeil. Le malaise passait tranquillement. Cela ne tenait pas vraiment à leur question, mais plutôt à celle que les interrogations des deux amies suscitaient en son for intérieur. Au final, elle était bien en peine de définir la relation qu’elle entretenait avec la doctoresse, et elle se rendait compte qu’elle ne souhaitait pas forcément savoir pourquoi elle s’attachait à repas touchait à sa fin. Le comportement de Marta s’était dégradé tout au long du repas malgré ses différentes conversations. Son regard nerveux et colérique se posait souvent sur Pedge sans qu’elle ne prononce le moindre mot. Le chef semblait s’en être rendu compte mais il n’était pas intervenu tout de suite. Il savait pourtant que sa technicienne était une vraie bombe à retardement. Assis en bout de table comme un patriarche, occupant un siège apparement incontesté, Gallen Tyrol préparait les affectations pour la vague de réparation suivante. Malgré l’environnement joyeux et bon enfant, une pression de plomb s’était soudainement abattu sur tout le monde. Gallen se racla la gorge et prit la parole. Il se leva en posant son casque au milieu de tous en s’exclamant Allez les enfants, toutes les bonnes choses ont une fin. C’est l’heure... »Tous les hommes démontèrent tranquillement la seconde plaque de leurs dog tag sans broncher celle que l’on retirait à la mort d’un soldat. La lenteur de leur geste et le silence gênant témoignait d’une anxiété très intense mais que tous dissimulaient. Quelque chose qui était loin d’être exagéré et que Pedge ignorait totalement les concernant. C’était comme s’ils étaient soudainement devenus des soldats condamnés à mener une attaque impossible. La même tension tirait leurs traits. Les uns après les autres, ils placèrent leur plaque dans le casque de protection de Tyrol. Chaque choc de plaque produisait un son métallique qui ressemblait étrangement à des pièces de monnaies tombant dans une donna une tape sur l’épaule de Pedge et secoua négativement la tête. Non, toi, tu gardes tes plaques. »Cette phrase déclencha soudainement la colère de Marta. Comme si c’était l’étincelle attendue dans la poudrière nationale. Le cataclysme du siècle était en développa sans se rendre compte de ce qu’il se tramait Ca va te paraître très glauque mais généralement, quand on perd quelqu’un au boulot, on ne retrouve plus grand chose de lui. » Faire des réparations sur des dommages et des avaries d’une telle envergure nous exposent à tout un tas de risques. On intervient sur des secteurs qui sont loin d’être sûrs. Et si on le fait pas, c’est le reste de l’équipage qui est menacé. Alors on se choisit par le hasard, c’est un peu devenu notre tradition. » Compléta Lip en déposant sa plaque. Marta l’imita rapidement. Au passage, elle ajouta dans son éternelle provocation et en contredisant totalement les propos de Kate Ouais. Moi j’attends de voir si notre starlette à les couilles de nous suivre face au danger. Vu que certains tirés au sort partiront faire la “valse”...tu n’as qu’à poser ta plaque avec les nôtres, Pedge. » Son regard noir et irritant la défiait clairement. Après tout, t’es une béret vert en plus d’une sardine. C’est bien comme ça que tu te baladais en allant voir le vieux non ? Les gens dans ton genre, ça pisse toujours plus loin que les autres et ça porte le melon. Alors tu vas nous le prouver... »Le chef intervint rapidement d’un air sévère Ta gueule, Marta. Tu vas te calmer et la mettre en sourdine tout de suite. Je te rappelle que c’est une volontaire, elle ne sera pas affectée sur les zones à risques. » Ouais » Répondit-elle, mauvaise. C’est bien ce que je pensais. Brillante idée de nous foutre ce boulet dans les pattes, chef. Pile quand on doit passer notre temps à risquer notre peau. Sacré renfort qu’on a là. Perdre Mac, ça suffisait pas ? Il en faut un autre ? » Soldat, vous dépassez les bornes ! »Gallen était devenu le gradé et avait quitté toute notion d’humanité chaleureuse. Quelques collègues tentèrent d’intervenir mais en vain. Tout ça était monté si vite et d’un rien qu’une bonne moitié de l’équipe se contentait d’observer, complètement surpris, la scène qui se déroulait devant eux. Leur voix s’étaient tues contre la montée progressive de la tension entre Gallen et Marta. Elle s’était levée, les mains à plat sur la table, et déclarait d’une voix vibrante de colère et loin de toute objectivité C’est parfait, chef. PARFAIT ! Cette connasse n’a qu’à aller se branler dans les draps de Mac, se taper son rata et se foutre les pieds sous la table en nous attendant. Pendant qu’on court les risques. »Elle explosa de colère en fixant l’assemblée. Mais continuez à la couvrir de vos sourires. Avec vos petits rires, vos bisous et vos caresses. Tas de fayots ! »Un silence total venait de recouvrir le dortoir. Ils étaient tous atterrés. Marta en pleurait de rage. On aurait cru que Pedge avait été l’élément déclencheur, qu’elle disait tout haut ce que tout le monde pensait tout bas. Et qu’elle seule n’avait pas su tenir. Après tout, si on crève comme des cons, on sera vite oublié. En même pas un mois, comme Mac. C’est bien ce qu’il faut en déduire non ? » Suivez-moi soldat, j’ai deux mots à vous dire ! »Gallen était rouge de colère. Il l’embarqua avec lui jusqu’au couloir en laissant le reste de l’équipe dans une ambiance complètement défaite. La plupart tentèrent de retourner à leur occupations ou discussions mais ce fût en vain. Elle va vraiment si mal ? » Hasarda acquiesça lentement en fixant le reste de l’équipe. Elle m’a dit qu’elle le voyait partout...elle n’arrive pas à se le sortir de la tête. »Peter machouilla son cigare puis soupira dans un grognement de son côté, Matty fît un coup d’épaule à Pedge en murmurant Hé, désolé pour ce qu’elle t’a dit. Je voudrais que tu oublies ses conneries, c’est la haine qui parle. Elle est invivable depuis quelques temps. Et pour nous tous... »Tyrol revint un instant plus tard. Il semblait plus calme et Marta ne le suivait pas. Il l’avait surement envoyé en cellule pour lui apprendre le respect. Mais le problème était beaucoup plus profond et difficile à chef récupéra le casque puis le tendit à Pedge. On continue. Pedge, c’est à toi. Une main innocente pour faire le tir au sort. »Il insista particulièrement sur le mot “innocente”.C’était sa façon à lui de s’excuser pour l’attaque dont elle venait clairement de faire l’objet. Une ambiance de plomb tomba soudainement sur le groupe quand Gallen sonna la fin des réjouissances. Ils défirent tous leur plaque d’identification, et forcément, pour coller au corps du groupe, la texane commença à en faire de même, un peu curieuse de savoir pourquoi ils faisaient cela, quand Katleen l’en empêcha. L’explication vint de sa comparse. Pedge n’était pas super ravie de se voir mettre de côté et protégée de la sorte, mais elle s’était promise de ne pas faire de vague, aussi préféra-t-elle la fermer… Pour le moment. Elle comprenait néanmoins qu’ils fassent cela. C’était glauque, mais réaliste, et Pedge était seulement en train de prendre conscience de la réalité dangereuse que côtoyait ces techniciens, surtout après le complément de Lip. Elle n’avait pas Marta dans son champ de vision, sinon elle aurait certainement vue que la blonde s’apprêtait à entrer en éruption. Elle commençait à la gonfler d’être la cible facile de son aigreur. Mais sérieusement. Et après on venait lui parler de symbiose d’équipe, comme quoi elle ne devait pas foutre le bordel et tout ça. Sa simple présence était une erreur, alors que pouvait-elle y faire ? La texane se ferma et, plus par crainte de faire la conne, elle alla chercher du regard un élément du décor intéressant pour ne pas la regarder. Elle commençait vraiment à la saouler. Sa journée avait été éprouvante, elle était loin de son milieu naturel, loin de son affectation de base, elle se retrouvait dans un vaisseau qu’elle ne connaissait que pour l’avoir emprunté quelques fois, et elle portait sur son dos le poids de la culpabilité des morts de son équipage dans un engagement inégal face à trois croiseurs Wraiths. Et maintenant cette pouffiasse lui collait une tartine à la moindre occasion. L’officier préféra intervenir. Pedge ne savait pas si elle était frustrée de cette intervention ou si elle était soulagée, mais cela ne calma pas vraiment Marta qui remit une couche, provoquant l’ire de Tyrol qui avait perdu toute bienveillance à son égard. Avec toute la volonté du monde, Pedge encaissa la nouvelle charge agressive de Marta, qui déversait sa haine sur elle comme un adolescent le faisait sur un mouchoir. Elle regardait un point dans l’espace, en attendant que ça passe. Gallen avait pris les devants, et elle ne pouvait pas le supplanter. Mais elle avait une furieuse envie de se barrer, et bien malgré elle, elle se crispa, la mâchoire verrouillée. En fait, elle avait surement raison, la Marta. Elle n’était qu’une usurpatrice. Non seulement elle était responsable des avaries et des morts, mais en plus de ça, elle venait dans une équipe de technicien prendre la place d’un mort qu’elle avait tué indirectement. Elle n’écoutait plus vraiment ce qui se passait dans le dortoir. Ses oreilles sifflaient. Elle en voulait à Caldwell. Au final, elle avait demandé à démissionner et à être jugé, et il avait refusé la première demande. Par contre là, il satisfaisait la seconde. Il l’avait placé dans une équipe lésée par ses actions sur la Magna, par son bavardage à cette reine, et elle prenait en pleine face toute sa culpabilité. C’était parfait. Absolument parfait. Pedge était plus seule que jamais, et sa tourmente ne faisait que commencer. Elle avait pris la décision d’être transparente, et après l’évènement Marta, il aurait certainement été plus sage de la fermer, mais au point où elle en était… Elle laissait les membres de l’équipe, qui n’était, au final, pas la sienne, divaguer sur le sujet maintenant que Marta était partie en compagnie de Tyrol. Pedge restait mutique, et elle n’eut aucune espèce de réaction quand Matty tenta de rattraper le coup. La goutte d’eau vint de Tyrol et de sa putain de main innocente. Un violent tremblement la parcouru, tandis qu’une peur sauvage s’emparait de ses tripes. Elle devait leur dire, et, elle devait bien se l’avouer, elle avait les pétoches. Elle se condamnait volontairement, en se jetant en pâture aux lions en affirmant haut et fort qu’elle était une gazelle. Marta à raison. Je ne mérite pas d’être ici. », commença Pedge sombrement, n’esquissant pas un mouvement pour saisir une plaque. Elle ne savait pas trop comment tourner la chose, et après une inspiration lente par le nez, elle présenta les choses comme elles lui venaient dans la tête L’embuscade Wraith contre le Dédale n’était pas un hasard. » Comme toujours lorsqu’il s’agit d’embuscade. Elle gardait une mine résolument neutre. Ils ont eu des informations, et c’est moi qui les leur ai données. Je suis responsable directement des morts et des avaries. » Elle baissa les yeux, provoquant l’échappée de sa mèche de cheveux qui vint se placer devant son visage. Elle la remonta derrière son oreille un peu nerveusement. En fait, elle était à deux doigts de perdre toute contenance. Elle ajouta néanmoins, faisant preuve d’une maîtrise et d’un sang-froid exceptionnel. Ce matin, la sardine que je suis, est allée démissionner. Le colonel Caldwell a refusé ma démission et m’a envoyé ici. Je voulais être jugée par un tribunal militaire, et maintenant je comprends que ça ne devait pas lui suffire. Donc j’accepte que ce soit ses propres hommes, sa famille, qui me juge. » Le silence était pesant, et désormais, Pedge attendait les réactions. Elle ne pouvait faire que ça. Elle ne pouvait pas se lever et s’en aller. Ce serait une insulte de plus à l’ensemble de ces hommes et femmes. Non, elle devait faire face, accepter son châtiment. Il n’y avait rien de plus terrible que de se faire juger par ses pairs dans l’armée. Pas par les pontes qui pouvaient se trouver dans un tribunal militaire, non, par ceux qui faisaient le sel d’une armée, son corps, son âme, sa vie. Les gars du rangs quoi. Permission de ce forumVous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum Faiston travail et tes projets en silence, la reussite se chargera du bruit. #Seul_Le_Travail_Bien_Fais_Paye 1 i K?'* -v ETHICS ETH-BIB 00100002598889 fèdr p&ts ÉTUDES L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES EN 4862 Paris. — Imprimerie P .-a. Bouiidik» cl Oie, rue Mazarine, 30. ÉTUDES SUR UNIVERSELLE L’EXPOSITION DE LONDRES EN 4862 RENSEIGNEMENTS TECHNIQUES SUR LES PROCÈDES NOUVEAUX MANIFESTÉS PAR CETTE EXPOSITION PAR MM. ALCAN , professeur au Conservatoire des Arts et Métiers; BECQUEREL , id. — BOQU1LLON , bibliothécaire du Conservatoire ; CHAMBRELENT, ingénieur des pouts et chaussées ; DEHÉRAIN, professeur au Collège Cliaptal ; — EUG. FLACHAT, ingénieur ; CH. LABOULAYE, directeur des Annales du Conservatoire ; Général MORIN de l’Institut, directeur du Conservatoire; Contre-amiral PARIS ; — PAYEN de l'Institut, professeur au Conservatoire SAINT-EDME , préparateur du cours de physique ; • S AL VET AT, chimiste à la manufacture de Sèvres ; H. TRESCA , professeur et sous-directeur du Conservatoire. Ouvrage illustré LIBRAIRIE SCIENTIFIQUE, INDUSTRIELLE ET AGRICOLE EUGÈNE LACROIX, ÉDITEUR L I B R A l R B DB LA SOCIBTB DBS 1N OBNIBURS CI V ILS 15, QUAt MALAQUAIS, 15 1863 Reproduction interdite. . /... i I il K^'^/KU A ij ui miiV, ' /. mâi . i g m HüKfjarr i jiiinf . jm . " fç»» .uas-rw^s»»' • ' -u TW'U'ÎH-ii'tîWi ti,’Ct;’S 'Vv fl -Uvÿï*-T-i stii* .!!'• ' " fjr; . 3f* >?3 ***' *U 3 T»û$ ,X?CAJ di! Ht ! ne co ™^. pas trente millions d’habitants ; ce n’est pas le sixième e population de ses colonies. . . , A mesure que l’industrie s’est développée chez nos voisins, e colonies ont été pour le gouvernement l’objet de 1 étu e a p us attentive la production des matières premières s y est eve op pée, pour ainsi dire, suivant leurs ordres et suivant leurs esoins. Si la guerre américaine ne s’était produite que dans que ques années, les cotons de Surate auraient suppléé, pour une arge proportion, à ceux dont nous sommes aujourd hui prives. us que les nôtres, les manufactures anglaises souffrent de la stagna tion du marché américain, mais la persévérance de ses liabitan s trouvera dans ces souffrances mômes une raison de plus pour activer la production indienne. Moins de 600 mètres avaient suffi en 1851 pour contenir les produits des colonies anglaises, parmi lesquels ceux de l’Australie avaient fait une si grande sensation aujourd’hui, deux mille mètres carrés ne sont pas assez, et cette progression nous montre bien l’importance toute vitale de ces colonies pour l’Angleterre. Nous voulions essayer de caractériser les diverses possessions anglaises d’après les produits envoyés par elles à l’Exposition; mais nous avons dû renoncer à cette tâchetout s’y trouve mines, denrées alimentaires, graines, épices, drogues, filaments, sucres, huiles et graisses, et cette plénitude même est sans contredit le gage le plus éclatant de la puissance industrielle du pays dont nous nous occupons; la lecture seule des catalogues des colonies est la meilleure étude de géographie industrielle que l’on puisse faire. Nous remettons au prochain numéro l’examen des expositions des autres nations. H. T. CLASSE 2- PRODUITS CHIMIQUES. par M. PAYEN. PARAFFINE ET HYDROCARBURES LIQUIDES. EXTRACTION, RAFFINAGE, APPLICATIONS. Déjà plusieurs comptes rendus de l’Exposition de Londres, ont pu donner une idée générale de cette grande agglomération des produits des diverses industries, artistiques, agricoles et manufacturières des nations. Cependant le plus grand nombre des produits chimiques qui s’y trouvaient rangés dans les vitrines, ne pouvaient être appréciés à la simple vue, quel que fût l’examen que l’on en eût pu faire dans le palais de Kensington ; la plupart, en effet, préparés à dessein en vue de soutenir la comparaison avec les plus beaux spécimens, avaient été obtenus dans des conditions exceptionnelles, irréalisables en cours d’une fabrication soutenue, on ne sera donc pas étonné qu’à leur égard, la formule sacramentelle imposée par la règle de la commission royale ait pu être très-souvent, trop souvent sans doute, adoptée on peut ajouter qu’en général ces produits excellents étaient, en réalité, d’une qualité tout à fait exceptionnelle, car on n’aurait pu en rencontrer de semblables dans les magasins du commerce. Pour bien juger, du mérite des exposants, il était donc nécessaire de remonter aux origines des inventions et des principaux perfectionnements; on devait s’assurer, en outre, de l’état actuel de chacune des industries dans les usines elles-mêmes. C’était là, sans doute, une partie fort délicate de la tâche que se sont imposée plusieurs jurés internationaux. Pour mon compte, je dois déclarer qu’il m’eût été impossible de la remplir, si l’extrême bienveillance des manufacturiers français et anglais, la gracieuse et toute libérale hospitalité britannique n’eussent rendu nos PRODUITS CHIMIQUES. examens approfondis et comparatifs très-faciles, intéressant , agréables et fort instructifs. L’Exposition universelle a donc offert une excellente occasi d’étude à différents points de vue, mais ce fut surtou en c e vor _ de cette exposition elle-même et dans les ateliers i e rance e d’Angleterre que les principales comparaisons ont P us r a ise f’ tout en profitant des renseignements précieux recuei îs auprès des manufacturiers et des savants jurés, qui représentaien es nations les plus avancées dans les diverses applications es sciences à l’industrie. f , Au nombre des industries chimiques de création recen e, qui manifestaient leur existence manufacturière par de très-ro u mineux et magnifiques spécimens, on remarquait particulièrement, dans le palais de Kensington, les échantillons de para me exposés dans les vitrines anglaises, françaises, belges et a e mandes ; l’attention était particulièrement attirée vers un b oc blanc, demi translucide, d’un demi-mètre cube, exposé par M. Young de Batligate; ce n’était pas là, évidemment, un échantillon de laboratoire, pas plus que les trois ou quatre blocs présentés par MM. Cogniet et Maréchal, des fondrières près de Nanterre Seine, ni que plusieurs autres envoyés par les manufacturiers allemands; au surplus, la question importante à résoudre n’était pas dans la possibilité de fabriquer la paraffine en grand, mais bien de savoir quelles étaient les matières premières et les procédés industriels qui pouvaient la fournir avec une économie réelle ; sur ces deux points j’ai pu obtenir les renseignements les plus positifs et suivre dans une usine des plus progressives toutes les opérations graduellement perfectionnées qui ont conduit au but atteint depuis peu de temps. Ce . sont ces procédés ingénieux et très-efficaces que je me propose surtout de décrire ici; mais d’abord je dois éclaircir un point resté jusqu’ici plus ou moins douteux dans la science et 1 industrie, relativement aux matières premières de la paraffine et aux produits différents que l’on en tire. L’examen isolément fait des produits exposés, eût encore été fort insuffisant pour élucider les questions intéressantes à ce double point de vue. Ainsi, par exemple, on voyait dans l’Exposition la plus large ment installée, celle de M. Young, sur le bloc de paraffine, les différents hydrocarbures liquides légers et lourds, successive- 20 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. ment obtenus pendant la distillation et les rectifications fractionnées, puis des schistes d’Ecosse bog-liead des lignites, plusieurs variétés du cannel-coal anglais, des houilles de Newcastle, etc., etc. Or quelles étaient parmi ces matières premières les plus économiques? S’y trouvaient-elles toutes, et toutes pouvaient elles être employées manufacturièrement? suivant quels procédés? quels étaient les produits principaux de cette industrie au point de vue de la valeur vénale? était-on même fixé sur les propriétés utiles de la paraffine? cette belle substance était-elle variable dans ses propriétés suivant les matières différentes d’où on l’extrait et les procédés mis en usage pour l’obtenir? Telles étaient alors les questions ardues qu’un simple examen des objets exposés ne pouvait approfondir ni résoudre ; il n’a pas fallu moins, pour y parvenir, que l’étude des opérations manufacturières, complétée par quelques recherches expérimentales dans le laboratoire. Nous rappellerons en quelques mots l’historique, les propriétés et la composition de la paraffine avant d'indiquer les procédés actuels de son extraction et ses applications principales. La paraffine, découverte, en 1829, par Reichenbach, ainsi que l’eupione, dans les produits goudronneux de la distillation du bois et de diverses autres substances organiques, a été observée parSelligue et par Laurent dans les matières volatiles de la distillation des schistes. Elle a été étudiée par Gay-Lussac, Laurent, Magnus et plusieurs autres chimistes. Selligue, en 1834, avait indiqué les quatre groupes principaux des produits de la distillation des schistes bitumeux, hydrocarbures légers et très-volatils, huiles moins légères, huiles lourdes et graduellement plus chargées de paraffine ; il avait même signalé plusieurs applications spéciales de ces produits, à la dissolution des résines, à la fabrication et à la carburation du gaz de l'éclairage, à l’éclairage direct dans des lampes particulières et au graissage des machines. MM. Tribouillet, Hugon, Young, et surtout MM. Cogniet et Maréchal, ont fait connaître des conditions nouvelles et plus favorables de son èxtraction et de son raffinage en grand. . La propriété caractéristique de cette substance est une résistance remarquable à toute combinaison définie; de là le nom qu’on lui donne [paraffine, parum affinis, indiquant en elle l’ab- 27 PRODUITS CHIMIQUES. sence d’affinité; en effet, elle n’éprouve aucune action de la part du chlore, des acides ni des bases alcalines, on a mis • P cette résistance dans les procédés employés pour sa purification. A l’état pur, sa composition élémentaire peut être am 1 présentée C 48 II 50 . C’est donc un carbure d hydrogène hydrocarbure. Elle est blanche, plus ou moins cris a me, 1 transparente, solide à la température ordinaire, fusible à m 44 degrés, suivant les premiers auteurs qui s en son ’ 31,86 d’après Laurent, ou 65,37, suivant Bolley, ou es e pératures intermédiaires 62, Brodie, 52, Esling, * , Anderson indique 45,5, pour la paraffine cristalline du bog-heau, 52 id. pour la paraffine amorphe de la même provenance, pour celle de la tourbe, et 61 pour la paraffine tirée u na P * e de Rangoon. On a dû supposer que ces degrés de fusion ' » 10,1 leum qui s’effectue, dans des alambics spéciaux. . 1. On a expédié parfois des mines du sud de l’Angleterre un sens e an mais plus lourd south, bog-head], contenant une plus forte proportion e su de fer donnant A la distillation des hydrocarbures infects et en quanti moindres que le schiste d’Écosse. . fond, entre lesquels circule la vapeur d’eau. On obtien ainsi un liquide brun-rougeîltre ayant à peu près la nuance c e a i r forte. Ce liquide est soutiré au siphon dans un vase c enn cj in drique chauffé de même par la vapeur, muni d un couverc mobile et d’un agitateur mécanique; celui-ci est forme e ias adaptés en hélice perpendiculairement à l’axe. Dans cette soi e de pétrin, on ajoute de l’acide sulfurique concentré, b h b p. du poids de la matière, puis on met en mouvement 1 agita eui pendant deux heures environ - , il se dégage des vapeuis t aci sulfureux dirigées par une cheminée en bois au-dessus de a oi ture. On laisse alors reposer et l’on sépare du dépôt gou ion neux acide, le liquide clair par décantation. Ce liquide, distri ue dans des moules ou cristallisoirs plats, se prend en une masse cristalline, formant des plaques de 2 centimètres d’épaisseur, qui ont la hauteur et la largeur de la bâche d’une presse horizontale, analogue aux presses des fabriques d’acides gras solides. C’est en effet dans ces presses hydrauliques que l’on soumet les plaques de paraffine, enveloppées d’une forte toile à voiles, aune pression graduellement plus énergique. Afin de rendie cette épuration plus efficace, on fait circuler dans toutes les plaques creuses de la presse un courant d’eau tiède qu amène chacune d’elles un tube en caoutchouc en communication par un tube mécanique horizontal avec le réservoir contenant cette eau, graduellement échauffée aux températures de 30, 35, 40 et jusqu’à 45 degrés centésimaux, et s’échappant après avoii circulé de haut en bas et de bas en haut dans l’intérieur de c laque plaque creuse par un deuxième tube flexible vers une pompe qui le remonte au réservoir. 1. M. Cogniet employait naguère pour cette refoule le sulfure de caibone lui produisait l'effet voulu, c'est-à-dire l’élimination des hydrocarbures étrangers à la paraffine, et pouvait épurer complètement les cristaux d’une deuxième îefonle, mais ayant bien constaté les inconvénients, les dangers même, inhéienls à 1 em ploi de ce liquide délétère qui agit toujours défavorablement sur la sauté des hommes, il est parvenu à substituer un agent relativement inoffensif, et qui n’a plus en effet exercé la moindre influence défavorable sur les ouvriers. EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. - •42 Les tourteaux obtenus après cette pression à chaud doivent alors être refondus en y ajoutant 0,2 de leur poids d’hydrocarbure liquide léger et parfaitement rectifié. Les plaques obtenues par la nouvelle cristallisation de ce mélange sont soumises à la presse, et l’on renouvelle une ou deux fois encore cette épuration par dissolution dans l’hydrocarbure léger, cristallisation et pressage énergique. 11 ne reste plus qu’à débarrasser la paraffine de l’hydrocarbure volatil interposé entre ses cristaux dont il retient une partie en dissolution; on y parvient sans peine en soumettant cette paraffine à l’action de la vapeur d’eau, que l’on fait passer pendant deux ou trois heures au travers de la matière que la chaleur a liquéfiée, par les trous nombreux d’un tube contourné en spirale au fond de la-cuve en bois doublée de plomb. Au bout de ce temps, aucune odeur n’indiquant plus la présence de l’hydrocarbure volatil dans la vapeur d’eau', cette épuration est terminée; on laisse déposer, on décante la paraffine surnageante, puis on la dessèche complètement en la chauffant à 140 degrés environ, dans un vase à double fond où la vapeur circule ; il ne reste plus alors qu’à la filtrer sur des cônes en toile garnis de feuilles de papier non collé. La paraffine limpide, versée dans des auges en fer-blanc, se prend en masses cristallines incolores; on l’expédie en cet état. On voit qu’en définitive M. Cogniet, par le traitement au moyen de la distillation à sec des résidus goudronneux, a créé une source nouvelle de paraffine dont on comprendra l’importance d’après les résultats pratiques et comparatifs suivants qu’il a obtenus 100 kilog. d’huiles brutes du bog-hcad donnent, en moyenne Essence et huile légère . 50 Huile paraffinée . 20 Résidus goudronneux restés dans la eucurhile .... 25 Perte. 5 Or 100 parties de ces derniers résidus goudronneux donnent Essence et huile légère . 20 1 Huile paraffinée, environ. 59 > 100 Coke dur, 15, et gaz, 1 . 21 > Des deux parts les hydrocarbures légers sont semblables; 1. Quoique le point d’ébullition de la paraffine soit très-élevé 370° environ, cependant la vapeur d’eau en entraîne toujours un peu avec l'hydrocarbure, on PRODUITS CHIMIQUES. 43 mais tandis que V huile paraffinée des liuiles brutes ne ^ ne à 7 centièmes de son poids de paraffine fusible + 0 / les huiles paraffinées provenant de la distillation ' sec c eS dus fournissent 15 à 48 centièmes de leur poids d paraffine fusible à 45»; celle-ci est donc plus abondante et de meilleur q lité. Les huiles de naphte brutes de couleur brune vert r ’ pétroleum de Pensylvanie et du Canada, sur lesque es ren de la Rue a le premier appelé l’attention des manu ac ’ sont soumises, comme les huiles pyrogénées des bog- îeac , distillations fractionnées en apportant de grands soins. a s -1 ration des premiers produits très-volatils à odeui or t. a 1 raffine se concentre de même dans les résidus moins vo a 1 ’ que l’on traite comme nous venons de le dire, poui en ex ia\ la paraffine épurée. M. Cogniet, dans ses distillations en grand, en a obtenu 1. Gax et vapeurs non condensables, à la t. de .. 0 j 2. Hydrocarbure éthéré, densité GAO il 100, bouillant à -f- AO". . >°l 3. ij 1 léger il. 700 à 700, —15 it 50 4. id. plus stable id. 7 GO à 800 . 20 i 5. Huile paraffinée, densité 800 à 825 . 6. Résidus laissés dans la .. ' La distillation des résidus avec décomposition it sec, dans les cylindres, a donné 1. Huile d’une densité de 785 5 800 .. 2. id. id. 800 à 830. il00 60l 3. id. paraffinée. 4. Coke et déperdition galeuse. A la sortie des serpentins, tous ces produits sont plus ou moins infects; ce n’est qu’après les traitements par Vacide su unque, la soude caustique, les lavages et la rectification attentivemen tractionnée, qu’ils deviennent beaucoup moins odotans,que même les huiles lourdes peuvent acquérir une odeur sensiblement balsamique. Les premiers hydrocarbures éthérés bien rectifiés sont bm- aperçoit en effet des traces blanchâtres de paraffine sur les murs vers lesquels te courant de vapeur se dirige, mais ce sont des quantités insignifiantes, aupoi vue économique. 44 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. pitiés, incolores, d’une mobilité extrême lorsqu’on en répand sur le papier, ils s’évaporent aussitôt, ne laissant aucune trace sensible. Leur énergie dissolvante est remarquable; ils pourront sans doute remplacer le sulfure de carbone et l’éther dans plusieurs de leurs applications; leur prix ne dépasse pas le quart de celui de l’éther. Les huiles moins légères remplacent les huiles de schiste pour l’éclairage dans les lampes spéciales. Les huiles lourdes dépouillées de paraffine servent au graissage dans les filatures. La principale application de la paraffine consiste dans la fabrication des bougies dites diaphanes. On a éprouvé des difficultés assez grandes dans le moulage, ou plutôt pour le démoulage de cette matière, qui prend peu de retrait et dont le point de fusion est moins élevé que celui de Yacide stéarique, même commercial. Cette difficulté a été vaincue en chauffant les moules au moment de couler jusqu’à 70 degrés, et la paraffine à la même température, puis soumettant après le coulage les moules à un refroidissement brusque par un courant d’eau froide à l’aide de dispositions analogues à celles employées par M. Wilson pour les bougies d’acides gras distillés et mixtes, dispositions que nous décrirons plus loin, on comprend sans peine que l’alliage bon conducteur étain et plomb permet aux moules de se refroidir vite en se contractant aussitôt, tandis que la paraffine, liquide encore et chaude, remonte en partie dans la masselotte, et sa quantité pondérale se trouvant ainsi diminuée, lorsqu’à son tour elle acquiert en se solidifiant la même température que le moule, son volume se trouve amoindri, et par suite du retrait plus grand qu’elle a éprouvé sous ces conditions, le démoulage devient facile; relativement à quelques variétés de paraffines très-adhésives; lorsque ces précautions sont insuffisantes, on peut vaincre toutes les difficultés en échauffant un instant l’extérieur des moules par une injection de vapeur au moment de démouler. Nous avons vu que les paraffines les plus fusibles, comme celle qu’on obtient du bog-head distillé à une température très-mé- nagée, avaient une valeur commerciale moindre'. C’est qu’effec- 1 . Sous ce rapport, on peut classer les parafllnes en trois catégories 1 ° celle du bog-head distillé avec ménagement de façon à obtenir le maximum de produit èn poids, qui ont une valeur commerciale de 200 l'r.; 2° les paraffines des goudrons de bog-head distillé à haute température dans la fabrication du gaz, et AK PRODUITS CHIMIQUES. tivement les bougies que l’on confectionne avec ces pat affines sont plus assujetties à couler, s’amollir et se couiber c ans a mosphère chaude des salons où se trouvent rassemblées es re nions nombreuses. Les bougies de paraffine produisent une belle umi re, qui pourrait devenir fuligineuse, si l’on ne réduisait le nom re es fils de la mèche à 55, comme l’a conseillé M. Cogniet, au ieu 70 fils qui forment la mèche des bougies stéariques, cet e re uc tion amène d’ailleurs une diminution notable dans la consom mation de la paraffine, et la lumière obtenue en devien p us économique. Toutefois il arrive encore, surtout dans es mouve ments de l'air un peu rapides, que la flamme de ces ougies laisse échapper quelques traces de fumée ù la combus ion, i y aurait donc un certain intérêt à modérer l’ascension capi aire de la substance liquéfiée. J’ai eu l’occasion dobservei cet e e utile de l’amoindrissement de l’ascension capillaire dans es bougies de paraffine teintes en nuances très-légères; il serait peut-être utile d’essayer d’obtenir des résultats analogues en employant des doses minimes de diverses substances incolores qui pourraient engorger très-légèrement les pores ou interstices des filaments du coton de la mèche. La paraffine s’emploie avec avantage en vue de donner de la demi-translucidité et un plus beau poli aux. bougies stéariques, 10 à 15 centièmes suffisent pour produire ce résultat en même temps que l’intensité lumineuse de la flamme est augmentée sensiblement. En raison de sa grande fluidité à chaud et de son inflammabilité facile, elle peut être substituée avantageusement ù 1 acide stéarique pour imprégner le bois de la partie inférieure des allumettes à frottement en bois, sans soufre. Mélangée avec la cire, elle sert à confectionner les allume! es- bougies à mastic inflammables par frottement, dont on fait un usage habituel dans le midi de la France. On fait entrer la paraffine dans quelques apprêts des étoiles, des huiles de naphte bruts Pétroleum de Pcnsylvanie et du Canada, qui se vendent 250 IV.; 3° les paraffines des schistes d’Autun, de 1 Allier, de 1 Aideche, la tourbe et des huiles du naphte de Rangoon, dont la valeur s’élève à 275 et 300 tr. les 100 kilog. EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. 4i dans la préparation de certains papiers photographiques et dans la composition de plusieurs vernis. Sa résistance aux acides et aux alcalis permettrait sans doute de s’en servir pour luter les bouchons en verre ou en grès maintenus d’ailleurs par une toile solidement fixée à l’aide d’une ligature, dans les tubulures des bouteilles ou bombonnes contenant certains produits à expédier notamment de l’acide sulfurique, de la soude en solution concentrée ou môme en fragments; on éviterait ainsi l’adhérence trop forte des luts ou mastics résineux difficiles à enlever, et qui exposent à casser le col des tlacons lorsqu’on veut les ouvrir. Nous avons indiqué les principales applications des hydrocarbures liquides et plus ou moins volatils des schistes; les produits analogues des huiles de naphte brut ou pétroleum, ont de semblables applications plus nombreuses même et plus variées peut- être, parce que convenablement rectifiées, elles ont une odeur moins forte, plutôt balsamique que fétide ; qu’en outre, parmi ces produits épurés du pétroleum, les hydrocarbures multiples, incolores, très-légers et volatils, dont la densité varie de 640 à 760, et le point d’ébullition de—f-40 à 50°, ont un pouvoir dissolvant énergique et une volatilité complète au-dessous de 100° qui pourront sans doute, en beaucoup de circonstances, les faire substituer avec avantage à l’essence de térébenthine pour les peintures à l’huile, à l'alcool dans certains vernis, à l’éther, à la benzine, pour dissoudre les matières grasses, gonfler le caoutchouc, et surtout au sulfure de carbone dont ils n’ont pas, à beaucoup près, les propriétés délétères. Nous avons vu que déjà M. Cogniet a réalisé une fort utile substitution de ce genre dans les opérations du raffinage de la paraffine. Par ce qui précède, on a pu voir que l’Exposition universelle a donné l’occasion de reconnaître les immenses progrès acquis et en voie de développement de l’industrie des hydrocarbures liquides et de la paraffine. On a pu constater en même temps la part très-large que nos inventeurs ont prise à la création et aux perfectionnements de cette industrie moderne. ALCOOL Obtenu à l’aide des transformations de l'hydrogène bicarboné. Après avoir parlé des produits utiles que fournissent les schistes PRODUITS CHIMIQUES. 47 et en particulier le bog-liead, une des matières premières les plus productives d’un gaz de l’éclairage des plus riches en hydrogène bicarboné, il ne sera pas inutile d’ajouter un mot sur un produit qui excita une grande attention à l’Exposition de Londres, et qui bientôt après causa une émotion plus grande en France; car ce produit, l’alcool pur, tel qu’il apparaissait dans une des vitrines françaises, semblait devoir être obtenu manufacturière- ment sous des conditions exceptionnellement économiques au moyen du gaz de la houille. Telle était du moins l’annonce du fait inattendu publié en France, deux mois environ après l’ouverture de l’Exposition universelle, qui répandit l’inquiétude parmi tous nos fabricants d’alcool, et jeta dans l’hésitation plusieurs agriculteurs manufacturiers, au moment même où ils se disposaient à installer dans leurs exploitations des distilleries de betteraves, c’est-à-dire une des plus grandes améliorations que l’on ait réalisées dans ces derniers temps en économie rurale manufacturière. Bientôt heureusement la vérité se fit jour, quelques mots suffiront pour la faire connaître. Et d’abord il sera bon que l’on sache que le litre d’alcool pur exposé, loin de représenter un produit manufacturier ou de fabrication courante, avait été préparé en y employant du gaz hydrogène bicarboné, sensiblement pur, qui lui-même provenait de la décomposition de l’alcool; or, si l’on tient compte de toutes les dispendieuses opérations, de la recomposition de ce litre d’alcool pur, on ne sera pas éloigné de croire qu’il aura coûté près de 1,000 francs. La concurrence d’une pareille fabrication n’était donc pas redoutable, et Ton n’avait évidemment fait autre chose que de répéter un peu plus largement l’une des remarquables synthèses qui, entre les mains extrêmement habiles et heureuses de ont fourni de si beaux et nombreux résultats dans une voie peu explorée jusqu’alors et purement scientifique. „ Mais bientôt nous est venue d’une de nos villes manufacturières cette annonce d’un procédé tout nouveau, du moins dans ses résultats extraordinaires;-car, disait-on, il suffisait d’un appareil combiné dans ce but pour obtenir avec la houille introduite à 1 une des extrémités, du gaz d’éclairage directement transformé en alcool s écoulaut pur à l’autre bout de l’appareil. Un tel résultat 48 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. était contraire à ce que la science actuelle pouvait admettre ; la consommation seule du combustible et des matières premières, de l’acide sulfurique notamment, dont il aurait fallu employer théoriquement plus de six fois le poids de l’alcool à obtenir, l’extrême difficulté d’éliminer les produits volatils à odeur forte, accompagnant les éléments de l’alcool, devaient rendre le prix de revient beaucoup plus élevé que celui des distilleries ordinaires. Telle a été la conclusion définitive à laquelle sont arrivées les personnes consciencieuses et compétentes qui ont essayé d’approfondir cette question; elle n’a donc pas d’importance réelle dans l’état actuel de la science et de l’industrie manufacturière. BLEU DE PRUSSE ET PRUSSIATE de POTASSE Cyanoferrure de potassium. NOUVEAUX PROCÉDÉS DE FABRICATION Dans les résidus ou les produits accessoires de la fabrication du gaz de la houille, deux inventeurs français ont indiqué les sources nouvelles du cyanogène et de ses composés applicables à l’industrie ; nous allons décrire la série des opérations à l’aide desquelles on peut parvenir à ces résultats. Chacun connaît les résidus infects de l’épuration du gaz, au sein desquels se sont accumulées les matières volatiles à odeur forte, la plupart plus ou moins insalubres ou incommodes à des degrés différents. Dans l’intérêt de la salubrité, les règlements administratifs imposent aux compagnies d’éclairage l’obligation d’épurer le gaz en éliminant le sulfliydrate et le carbonate d’ammoniaque, au moins jusqu’à ce que les papiers imprégnés, soit d’acétate de plomb, soit de teinture bleue de tournesol, n’ac- cuseut plus la présence de ces sels par une coloration brune pour les premiers, ou rouge quant aux seconds. * L’épuration du gaz de la houille s’effectuait naguère à l’aide de l’hydrate de chaux, qui fixait seulement l’acide sulfhydrique ; la réaction était quelquefois précédée de celle du plâtre humide, qui arrêtait principalement le carbonate d’ammoniaque par simple condensation dans la masse poreuse, ou par une double décomposition produisant du carbonate de chaux et du sulfate d’ammo- PRODUITS CHIMIQUES. 49 niaque, fixes l’un et l’autre aux températures atmosphériques ordinaires. Très-généralement aujourd’hui dans les grandes usines, on épure le gaz en le faisant filtrer d’abord au travers de masses de coke continuellement arrosées avec des eaux de condensation et quelquefois ensuite avec de l’eau simple. Cette sorte de lavage arrête la plus grande partie des matières goudronneuses tenues en suspension et qui forment dans le gaz une sorte de brouillard; elle fixe en outre, en grande partie, les composés ammoniacaux qui se dissolvent et dont on doit ultérieurement extraire l’ammoniaque. Après cette première épuration, le gaz est dirigé vers d’autres filtres où il traverse méthodiquement à deux reprises, des couches épaisses d’un mètre environ, disposées sur plusieurs claies horizontales, d’un mélange de sesquioxyde de fer hydraté, contenant du sulfate de chaux et allégé par une interposition de sciure de bois. Cette substance épurante que l’on revivifie de temps il autre par une simple exposition à l’air, et l’action oxydante qui reproduit le sesquioxyde, se charge de plus en plus, et contient lorsqu’enfin il faut la renouveler, outre ce qui peut rester de sesquioxyde de fer et de sulfate de chaux, du carbonate de chaux, du sulfate d’ammoniaque, du soufre, du sulfure, du cyanure de fer et du sulfo-cyanure ; enfin divers hydrocarbures, quelques acides et bases organiques, et des composés ammoniacaux. Ce sont ces résidus à composition si complexe que M. Gautier-Bouchard parvient à utiliser en les traitant de la manière suivante on les soumet d’abord, à des lavages par l’eau froide pour éliminer le sulfo-cyanure, et les autres composés directement solubles. O11 mélange intimement ensuite la matière lavée, avec de l’hydrate de chaux, environ 30 kilogrammes par mètre cube de résidu, puis elle est soumise à un lessivage méthodique avec de l’eau ordinaire. Les premières solutions les plus denses sont décomposées par du carbonate de potasse, il se forme un précipité de carbonate de chaux; le cyanure de potassium reste en dissolution, on extrait à l’aide de la concentration du liquide par simple évapo- lation. Quant aux dernières eaux de lavage, trop faibles pour être économiquement concentrées, on les précipite au moyen du pio o-sulfate de fer, puis on avive le précipité par des additions lypochlorite de chauxet d’un léger excès d'acide chlorhydrique. 50 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Le bleu de Prusse se dépose ; il est facilement recueilli sur des fdtres, après que l’on a décanté le liquide clair surnageant. Le bleu obtenu directement ainsi, sous forme pâteuse ou soumis à la dessiccation, se trouve doué d’une remarquable intensité de ton, double à peu près de celle des bleus anglais ordinaires, à quantité égale de substance sèche. Il est facile de s’en rendre compte à cet effet on délaye une quantité égale des bleus à comparer, en mélangeant chacun d’eux d’une façon très-intime avec dix fois son poids de belle céruse très-blanche, dite blanc d'argent , après cette addition les nuances sont assez affaiblies pour être facilement comparables, et l’on a reconnu que pour arriver à une teinte égale, le bleu de résidu pouvait supporter une quantité de blanc double de celle qui a été mélangée avec le bleu anglais. A l’aide du traitement ci-dessus indiqué, l’inventeur obtient d’un mètre cube du résidu des usines, 15 kilogammes de bleu de Prusse. Au moment où l’exposition fut ouverte, les 1,500 mètres ' cubes livrés parla C ie parisienne du gaz avaient produit 22,500 kilogrammes de bleu de Prusse. PKOCKDÉ NOUVEAU DE EABItICATION DU I'KUSSIATE DE POTASSE. La seconde source nouvelle de la production des cyanures et du bleu de Prusse, sans avoir encore reçu la consécration d’une pratique suffisamment prolongée, permet d’espérer un succès définitif dans les localités surtout où, comme en Angleterre, certains produits accessoires de la fabrication du gaz de la houille dépassent les besoins actuels de la consommation; de temps à autre ils sont livrés à bas prix, dans des circonstances qui se représentent périodiquement et qu’il est utile de connaître ce sont surtout les produits ammoniacaux qui se trouvent accumulés dans les magasins. Alors les compagnies ainsi encombrées font vendre ces produits aux enchères; les acheteurs qui se présentent n’ont pas ordinairement le placement immédiat de ces marchandises, mais ils les achètent souvent ù des prix fort inférieurs aux cours habituels, puis attendent une occasion favorable pour les revendre. C’est une spéculation qui permet d’obtenir le sulfate d’ammoniaque à 25 francs les 100 kilogrammes, quelquefois au-dessous. On comprend donc le succès pro- PRODUITS ClUMIQUKS. a * bable d’une industrie fondée sur les cours périodiquement favorables des produits ammoniacaux, dont on pourrait sans peine s’assurer un approvisionnement régulier 1 ; on profiterait d’ailleurs du prix de revient très-bas de la houille en certaines localités. Cette circonstance se rencontre fréquemment en Angleterre ; elle permettra de se procurer à bon marché le sulfure de carbone acide sulfo-carbonique, autre matière première de la fabrication inventée par M. Gélis. Quant au soufre, l’une des trois substances qui concourent à la production du cyanogène, il se trouve sans cesse régénéré dans les opérations. M. Gélis compare son action au rôle que remplit l’acide azotique dans la production de l’acide sulfurique. De même, en effet, que le bioxyde d’azote est, en définitive, l’intermédiaire qui transporte l’oxygène de l'air sur l’acide sulfureux, de même le soufre est un agent intermédiaire entre le carbone etl’azote, qui, parleur union, doivent former le cyanogène. Voici en quoi consistent les opérations du nouveau procédé. En mélangeant à froid l’acide sulfo-carbonique et le sulfhy- drate d’ammoniaque dans un vase clos muni d’un agitateur, on obtient aisément le composé mixte, sulfo-carbonate de sulfure d’ammonium. Celui-ci, traité par du sulfure de potassium à la température de 100° dans un vase disüllatoire à double fond, où la vapeur d’eau circule et à retour de l’eau condensée, laisse dégager des vapeurs de sulfhydrate de sulfure d’ammonium et d’acide sulfhydrique; ces vapeurs, recueillies par condensation st saturées d'ammoniaque, serviront pour l'opération suivante. Quant au résidu fixe, formé de sulfo-cyanure de potassium, il suffit de le dessécher et de le traiter à la température du rouge sombre, puis de le soumettre à une lixiviation pour en obtenir d une part du sulfure de fer insoluble et une solution de cyarto- ferrure de potassium, qu’une simple concentration amène à 1 état convenable, pour donner par refroidissement le prussiate de potasse cristallisé, livrable au commerce ou très-facilement transformable en bleu de Prusse par les sels de fer et les moyens usuels. Les ustensiles et appareils à l’aide desquels ce procédé a été exécuté déjà sur plus de 1,000 kilogrammes à la fois se composent 1° Du mélangeur clos, dans lequel s’opère à froid la combi- 1. A cet égard les conditions durèrent peu en France par suite de l’accroissement de la production du gai. S2 EXPOSITION UNIVERSELLE LE LONDRES. naison du sulfure de carbone avec le sulfhydrate d’ammoniaque, produisant le sulfo-carbonate d’ammoniaque 2 C S 1 + 2 S II 4 Az] = C 4 S 4 , S J H 8 Az 2 . 2° Un alambic pour la décomposition du sulfo-carbonate d’ammoniaque et sa transformation en sulfo-cyanure de potassium ; cet appareil, une chaudière dans laquelle on chauffe à 100° le mélange de deux équivalents de sulfo-carbonate d’ammoniaque avec un équivalent de sulfure de potassium, réaction qui laisse un résidu de sulfo-cyanure de potassium et dégage du sulfhydrate de sulfure d’ammonium et de l’acide sulfhydrique C J S 4 , S J IP Az + K S = C J Az, S ! K + S II, S II 4 Az + 3 II S. L’appareil doit donc comprendre une chaudière close à produire l’ammoniaque gazéiforme, un cylindre en tôle, complètement entouré d’eau, dans lequel se condensent les produits dégagés des deux chaudières, sortes de cucurbites, c’est-à-dire d’une part l’ammoniaque, de l’autre l’acide sulfhydrique et le sulfhydrate de sulfure d’ammonium, reformant par leur réunion du sulfure neutre d’ammonium applicable aux opérations suivantes. Si nous ne décrivons pas ici ces appareils ni dans leurs détails les condensateurs à réfrigérant d’eau, c’est que la fabrication n’étant pas définitivement installée, ils pourront être modifiés encore, leur construction d’ailleurs n’otfre aucune difficulté. Quant à la bassine en fonte où l’on chauffe le sulfo-cyanure de potassium avec du fer réduit, elle est munie d’un couvercle en tôle qui la clôt hermétiquement; la transformation en prussiate de potasse s’y effectue d’après l’équation suivante 3 C 1 Az, S’ K -f 6 Fe = 2 C J Az K, C s Az Fe + 5 S Fe + S K. Les principaux avantages de ce procédé consisteraient dans la production économique du prussiate de potasse en quantité égale, sensiblement à celle que la théorie indique, tandis qu’en suivant l’ancienne méthode du traitement des matières animales à demi carbonisées, on emploie en grand excès le carbonate de potasse et l’on ne peut utiliser qu’une partie de l’azote, en occasionnant une déperdition au préjudice de l’agriculture, qui partout manque de substances azotées en doses suffisantes pour produire le maximum de récolte. A ces différents titres, le procédé ingénieux de M. Gélig mérite d’être recommandé à toute l’attention de nos manufacturiers. PRODUITS CHIMIQUES. ^ S3 Voici quelques autres conditions importantes à remplir relaù veinent à la préparation des matières premières et à 1 emp oi c es résidus, en vue du succès économique de l'opération et que M. Gélis a bien voulu m’indiquer. L’oxyde de fer réduit se prépare en employant les éclats e er et de fonte enlevés à la gouge, que l’on trouve exempts t nn e dans les ateliers d’ajustage. Le fer, à cet état est trans orme aci lement en peroxyde hydraté en l’exposant humide, en couc îe mince à l’action de l’air. Cet oxyde, séparé des fragments par e tamisage, est ramené à l’état métallique en le chauffant avec 2ï> centièmes de poussier dans un cylindre en fonte, h fou p a semblable aux cornues à gai, chauffé sous une voûte et seu e ment au rouge sombre; le charbon s’emparant de loxyg ne ce l’oxyde forme du gaz oxyde de carbone qui se dégage ; 1 opération est terminée dès que le dégagement du gaz cesse le produi obtenu est entièrement privé d’oxygène, il contient un petit excès de charbon qui ne présente aucun inconvénient. Une autre source de l’oxyde de fer hydraté vient de l’opération elle-même, elle est le résultat de la production du sulfure de fer ; en effet, ce sulfure étendu it l’air et arrosé d’eau afin d oxyder le fer et d’isoler le soufre sans produire de grillage ou de combustion, donne cet oxyde hydraté que l’on réduit par le charbon dans les conditions indiquées ci-dessus. Nous avons vu comment dans le cours des réactions s engendre le sulfhydrate d’ammoniaque ; ce composé se reproduisant sans cesse en quantité surabondante, on en tire facilement parti en le décomposant par le peroxyde de fer hydraté dont nous venons d’indiquer les deux principales sources. Cet oxyde agit en dégageant sous forme gazeuse l’ammoniaque qui sert directement à la réaction, il laisse du sulfure de fer mélangé de soufre dans la chaudière où sa décomposition s’est faite 3 SU Az H 3 + Fe 2 O 8 = Az 11 3 + 2 Fè S + S + 3 110 • Le sulfure de fer obtenu ainsi peut être utilisé de plusieurs manières 1° En le soumettant au grillage dans un four, on produit de l’acide sulfureux applicable à la préparation des sulfites ou des hyposullites ou à la fabrication de l’acide sulfurique dans les chambres de plomb. 54 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. 2° En régénérant le soufre par la méthode suivante ce dépôt de sulfure de fer étendu et entretenu humide sous un hangar, absorbe rapidement l’oxygène de l’air et comme nous l'avons vu déjà se change en sesquioxyde laissant le soufre libre à peine se produit-il des traces de sulfate de fer la réaction étant ainsi représentée 2 Fe S + O 3 = Fe 3 O 3 - f S. Si ce mélange est employé à la décomposition d’une nouvelle quantité de sulfhydrate d’ammoniaque, à chacun des traitements successifs, il se chargera d’une proportion plus forte de soufre. M. Gélis a pu obtenir ainsi des mélanges renfermant 9 parties de soufre pour ! d’oxyde. Or, il est facile d'extraire économiquement le soufre d’un pareil mélange, en le soumettant à l’action dissolvante du sulfure de carbone dans un appareil semblable à celui de M. Deiss, que nous décrirons prochainement. L’oxyde de fer, débarrassé du soufre, peut servir aux opérations suivantes. Enfin, deux autres précautions observées récemment par M. Gélis consistent, l’une à enlever complètement le dernier équivalent d’eau qui reste uni au sulfocyanure de potassium, on y parvient en le chauffant à feu nu, dans un vase en fonte, à la température de 140 à 160°, et l’agitant sans cesse pendant trois heures. L’autre précaution a pour but de clore très-hermétiquement la bassine en fonte dans laquelle on chauffe le sulfocyanure de potassium avec le fer réduit. Cette fermeture devant prévenir tout accès d’air qui détruirait du cyanogène en formant de l’ammoniaque est produite en ménageant dans le bord de la bassine une rainure demi-cylindrique, et terminant les bords du couvercle par un bourrelet qui s’engage à frottement dans cette rainure et intercepte tout passage d’air à l’aide d’une couche légère de terre argileuse. Enfin, un petit ajutage adapté à la partie supérieure de ce couvercle permet de laisser, au commencement de l’opération, dégager les dernières traces de vapeur d’eau et vers la fin, de s’assurer que la transformation est complète, en prenant une minime quantité du produit au bout d’une baguette de verre et constatant qu’il ne donne plus d’indice de sulfocyanure avec une solution de sel de fer 1 . 1. A ces renseignements, que je lui dois, M. Gélis a bien youIu joindre les éléments qui PRODUITS CHIMIQUES. 5 DÉGRAISSAGE ET DÉOOUDRONNAGE DES LAINES par le. sulfure de carbone. L’industrie nouvelle que nous allons décrire se fonde sur une application du sulfure de carbone dans des conditions fort re marquables qui ont assuré son succès en grand, il 1 aide une modification très-légère. Faute de cette innovation cependant, le traitement des laines, en vue d'en extraire les matières grasses par ce dissolvant, déterminait une altération telle de la substance filamenteuse, qu’il avait fallu renoncer à l’emploi de ce moyen. Ce procédé d’extraction des matières grasses et goudronneuses a été perfectionné et rendu manufacturier par M. Moison, l u * a fondé pour son exploitation une très-intéressante usine près e Mouy Oise. Il repose sur l’action dissolvante et sur la volatili e du sulfure de carbone, et permet de dissoudre ces matières étrangères dont les laines sont imprégnées; de les isoler et de recueillir la plus grande partie du dissolvant par distillation et condensations continues. Cette opération, facile en apparence, présentait dans son application de sérieux obstacles. Les plus grandes difficultés étaient, d’une part, de produire un dégraissage régulier et complet; d’un autre côté, d’expulser, sans détériorer suivent pour établir un pria de revient approximatif base sur une fabrication de 30,000 kilogr. rte pruMtcUc de potasse par sou procédé. Sulfure de carbone brut.. 35,000 kilogr. à 45 îr. les 100 kilogr. 15» • r * Sulfate de potasse. . » . — 40 — Sulfate d’ammoniaque. . 25,300 — 35 •— Fer réduit . 50,000 — 10 — Chaux vive grasstf. . . 17,500 — 4 — Frais pour ti ausfurmcr \e sulfate de potasse en sulfure de potassium, 3 100 kilogr., main-d’œuvre et combustible. 1,092 Main-d’œuvre 12 hommes à 3 fr. 50 peudaut 30 jours. CobusliWe ... ,000 Loyer et frais généraux pour un mois ...» .• • • ' J* . Déficit sur matière première et pertes, 15 p. 100 rte la dépense . 1 Total des frais. ..•••* 56,139 fr. X déduire pour la valeur des produits rentrant dans les opérations 1\3 de la potasse à l’état de carbonate.. 5 >000ï g 25,000 soufre à 13 fr. 3,2501 _ Hesie net, pour 30,000 kilogr de prussiate*.47,889 d’ou l’oa tire pour prix coûtant de i kilogr., 1 fr. 59. .. , v _* m ;ère est Si dans ces calculs le fer réduit n’est compté qu’à 10 fr., c est que la ma i V ' l e fournie par les résidus il n’y a donc à faire de dépense que pour la maui-aœu combustible. Le soufre recueilli n'est compte qu’à 13 fr. les 100 kilogr. ou moitié d différence étant attribuée aux frais de revivification. notasse pw te barbon dans Le sulfure de potassium est obtenu eu décomposant le sulfate P un four à réverbère four à soude. 56 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. la laine et de recueillir le sulfure de carbone dont la laine reste imbibée après le dégraissage. L’eau bouillante, et mieux encore la vapeur d’eau injectées au travers de la laine dégraissée volatilisent et chassent parfaitement le liquide sulfuré, mais non sans altérer la substance textile sous l’influence combinée de l’eau , de la température et de l’acide sulfo-carbonique, elle est durcie, devient adhérente et prend une couleur jaunâtre plus ou moins brune, teintes variables encore suivant que les laines sont demeurées depuis plus ou moins longtemps en contact avee les corps gras. Ces inconvénients disparaissent si l’on effectue le dégraissage par l’injection du sulfure de carbone dans la laine comprimée en masse exempte de trop d’humidité, pourvu que l’expulsion de ce liquide très-volatil ait lieu seulement à l’aide d’un courant forcé d’air chaud à une température de 70 à 80° centésimaux, au plus au travers de la masse après le dégraissage. Cette opération s’effectue facilement dans un appareil construit par M. Moison et présentant les dispositions qu’indique la figure ci-dessous. A, cuve en fonte parfaitement close, c’est-à-dire qui se ferme hermétiquement au moyen d’un couvercle également en fonte. Elle est enveloppée d’une chemise de tôle qui laisse tout autour un intervalle vide de quelques centimètres entre elle et la cuve. Un tuyau amène à volonté de la vapeur dans cette double enve- PRODUITS CHIMIQUES. 37 loppe, afin d’écliauffer la cuve au moment de produire l’insufflation de l’air chaud. Le couvercle porte près de sa circonférence une rainure circulaire remplie de plomb. La bande de plomb rend le joint herm tique par la pression que l’on exerce à l’aide de boulons ar 1 culés sur le bord anguleux de la cuve. A quelques centimètres du fond de cette cuve se trome un faux fond solide percé de trous ou un grillage en fonte sur e quel on pose la laine à dégraisser. Un disque en fonte percé de trous est fixé à trois tiges c e er filetées à leur partie supérieure et lisses dans leur partie inférieure, glissant chacune dans une boîte à étoupe adaptée à 1 ajutage, qui fait corps avec le couvercle. Ce disque sert à comprimer a laine par des vis qui terminent les tiges et forment, au moyen de trois écrous correspondants, une véritable presse. La cuve A étant remplie avec 100 kilogrammes de laine, celle-ci se trouve réduite à la moitié de son volume par la pression. Une pompe aspirante et foulante C en fonte de fer et piston plein prend à volonté le sulfure de carbone dans un récipient en tôle D par son tuyau d’aspiration et le conduit par le tuyau de refoulement sous le faux fond à claire-voie. Un tuyau G, adapté h la moitié de la hauteur de la cuve, conduit le liquide, chargé, après sa filtration, de corps gras, ou goudronneux, ou résineux, dans un alambic B. Ce vase distillatoire est chauffé à la vapeur au moyen d un double fond, ou mieux encore d’un serpentin contourné en spirale, en fer creux, à retour d’eau. Un robinet est adapté au fond de l’alambic pour retirer es corps gras après la distillation et le barbotage de la vapeui d eau. Un deuxième serpentin en fer creux, mais percé de trous et placé entre les spires du premier, est destiné à faire traverseï chaleur d’agir d’une manière plus efficace; on arrivera sans doute à produire beaucoup par mètre carré de surface de chauffe, mais les générateurs qui jouissent de cette propriété sont loin d être les meilleurs, et les gaz brûlés ne sauraient être convenablement refroidis dans une chaudière de ce système. On voit, par ces détails, que l’Exposition de 1862 ne se fait pas remarquer par d’importants perfectionnements dans la construction des chaudières à vapeur; mais il n’en est pas pas de même quant aux accessoires des générateurs ; de très-heureuses modifications ont été introduites, soit dans les procédés d’alimentation, soit dans les moyens d’éviter les incrustations, soit enfin dans les moyens de prévenir la fumée, si gênante, surtout dans les grandes villes, des foyers où l’on brûle de la houille. Parmi les solutions nouvelles de ces importantes questions, l’injecteur Giffart est sans contredit le plus remarquable faire qu’un jet de vapeur émanant d’une chaudière àvapeur produise, .. par succion latérale, l’appel, tout au pourtour de ce jet, d’une certaine quantité d’eau, qu’il se condense dans cette eau en lui fournissant le travail nécessaire pour qu’elle rentre dans la chaudière, malgré la pression qui s’oppose à cette introduction, c’est là sans doute un fait aussi bizarre qu’inattendu. Lorsqu’une invention entre mille est appelée à un grand succès, il n’est pas difficile de trouver toujours quelques recherches antérieures, faites dans la même direction, et l’opinion publique accueille avec une déplorable facilité la pensée que la chose n’est pas nouvelle. L’injecteur Giffart lui-même n’a pas échappé à ces arguments rétrospectifs, quoique son action soit basée sur des phénomènes très-différents de ceux sur lesquels reposent les appareils qu’il remplace dès aujourd’hui; mais il a eu du moins l’honneur d’un succès exceptionnel. Bien qu’inconnu encore à l’Exposition de 18o5, il en est déjà sorti des ateliers de M. Flaud fils plus de deux mille exemplaires, sans compter ceux que les compagnies de chemins de fer ont été autorisées à construire dans leurs ateliers. , Nous sommes loin de considérer l’injecteur Giffart comme la machine élévatoire la plus économique ; mais pour l’application spéciale de l’alimentation des chaudières à vapeur, c’est sans contredit uiî très-bon appareil, rustique, bien que délicat dans son fonctionnement, sûr dans son action, entre certaines limites, fonctionnant sans aucune transmission mécanique, et par consé- u V S 'o " O 4 a Z Z .2 a "S o t; 05 -2 s I I ” w — ^ fl” ^ 3 . tS ta □ U Ph Oh Ph Ph û 3 > tn 2 9 .s * Æ Z • sohhkün O»C0tHiOCi1>00©© Le tableau ci-joint fait connaître la composition et la quantité 102 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. des eaux employées pour le service de cette locomotive depuis le 30 décembre 1859 jusqu’au 4 juillet 1860. Les dépôts des plaques ont été pesés après un service de quelque durée, et l’on a ainsi reconnu que leur poids total représentait 311 k 80, l’appareil a donc permis d’éliminer 311 k 80 sur 441 k , soit 0,76; les sept dixièmes des incrustations avaient été évités par l’emploi de ces quelques plaques. On voit déjà que la composition des eaux est notablement modifiée quant à la proportion relative des sulfates et des carbonates; ce fait est d’ailleurs mis en lumière, avec plus de précision encore, par les expériences de M. Durenne sur l’appareil Wagner à basse pression. INDICATION DES SELS. COMPÛSITIO de la Seine Avant son introduction dans l'appareil. N DE L'EAU par litre. A sa sortie do l'appareil. PROPORTION de matières élimiuées par l’appareil. Bicarbonate de chaux et de magnésie. gr. 1*140 gr. gr- Sulfate de chaux et de magnésie. Silice, chlorures, matières végétales, et pertes. On retire donc beaucoup plus de carbonate que de sulfate, et l’eau introduite dans la chaudière renferme, à la suite de son épuration, la même teneur, à peu près, en chacun de ces genres de sels. Ces chiffres suffisent pour montrer toute l’importance des appareils de cette nature et des déjecteurs. La suppression de la fumée des machines à vapeur fixes ou mobiles est certainement un des problèmes les plus intéressants de notre époque. Parmi les procédés qui ont le mieux réussi, nous pouvons citer la grille inclinée de M. Tembrinck, adoptée après des essais concluants sur le chemin de l’Ouest et sur celui de Paris à Orléans. Les grilles inclinées possèdent ce grand avantage que, si l’angle d’inclinaison a été choisi convenablement pour la grosseur et la nature du combustible, le bas de la MACHINES MOTRICES. 103 grille est toujours rempli de coke incandescent, qui laisse pénétrer dans le foyer de l’air neuf, acquérant à son contact une température suffisamment élevée pour déterminer la combustion des hydrogènes carbonés, gazeux ou volatils, qui auraient échappé il l’action comburante des gaz à l’entree du foyer. Ces gaz sont d’ailleurs obligés de se mouvoir parallèlement à la grille, et ils rencontrent dans ce parcours une sorte de bouilleur qui utilise, dans la boîte à feu même, une partie de la chaleur dégagée. M. Couche a fait, sur les foyers de M. Tembrinck, un rapport qui sera consulté avec intérêt, et auquel nous ne saurions mieux faire que de renvoyer nos lecteurs pour les détails. Nous pensons que cet appareil ne brûle si complètement les produits fuligineux de la houille que parce qu'il emploie une quantité d’air surabondante. On peut d’ailleurs en dire autant de la plupart des appareils fumivores, et c’est pour cela qu’en général ils donnent lieu, quoi que l’on ait dit, à une augmentation de consommation ; la proportion dans laquelle la consommation peut être augmentée est d’ailleurs si faible, qu’elle ne peut en aucune façon être un empêchement à un progrès qu’une circulaire récente de M. le ministre du commerce et de l’agriculture vient de rendre obligatoire sur nos lignes de fer ; si nos compagnies ont un si grand intérêt à substituer au coke ordinaire la houille crue, elles pourront bien employer une petite portion de la différence dont elles profitent à l’amélioration de la condition des voyageurs. Tous les procédés reviennent donc à introduire une plus grande quantité d’air pour la même consommation de combustible, et tout porte à croire que l’injection de plusieurs filets de vapeur dans le foyer agissent à cet égard comme une véritable machine soufflante. M. Thierry fils, en France, réussit parfaitement par ce procédé, dont il attribue l’efficacité à ce que la vapeur serait surchauffée, et il réalise cette condition en faisant circuler la vapeur dans, des tubes disposés autour du foyer lui- même. M. Clark, en Angleterre, a réussi tout aussi bien par un moyen analogue; mais, tandis que M. Thierry cherche à donner à la flamme une longueur plus grande en soufflant dans le sens de son mouvement, M. Clarke souffle de façon à rompre ces cou- 104 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES, rants, et il mélange plus parfaitement les gaz brûlés, la vapeur et l’air affluent. La figure ci-jointe donne l’idée de l’application du système de M. Clark, dans son application aux boites à feu des locomotives. La vapeur étant introduite dans le tuyau A, vu en coupe, forme, lorsqu’elle s’écoule par l’orifice a, une sorte de gerbe conique qui s’introduit directement dans le tube à air WN, à la bouche duquel on adapte une ouverture évasée; c’est par cette ouverture que l’air ambiant est entraîné par la vitesse du courant de vapeur, et porté simultanément jusque dans la boîte à feu ; le rôle de la vapeur dans cette circonstance est tout mécanique, et remplace celui d’une machine soufflante qui serait chargée de fournir un excès d’air chaud à la combustion. D’après les dessins originaux, la vapeur devrait être injectée par la partie du foyer qui remplace l’autel, et par conséquent en sens inverse de l’air appelé par la grille et par la porte, pour activer la combustion ; cette différence radicale est la seule que l’on remarque entre l’appareil français et le nouvel appareil de M. Clark, mais elle ne laisse pas que d’avoir une grande importance. M. Clark a lu dernièrement à l’Institution des ingénieurs civils de Londres un important mémoire, dans lequel il a examiné les divers procédés fumivores qui commencent à être appliqués aux locomotives anglaises, et il a comparé particulièrement les résultats obtenus par M. Mac-Connell, par M. Beathe et par M. Cud- worth. Le système de M. Mac-Connell est basé sur l’emploi de larges grilles avec addition de tubes à air, en front de la chaudière et sur les côtés; en même temps la boîte à feu est prolongée jusqu’à une certaine distance dans le corps cylindrique de la chau- MACHINES MOTRICES. 105 dière, de manière à augmenter dans une grande proportion la chambre de combustion, dans laquelle les gaz se mélangent et doivent se brûler. Dans le système de M. Beathe, il y a réellement deux foyers successifs avec deux portes superposées. La porte supérieure sert à introduire, sur un plan incliné, le combustible frais, qui descend pendant qu’il brûle, et tombe dans le premier foyer quand il est déjà parvenu à l’état de coke l’air qui arrive par la partie de la grille qui correspond à ce foyer est donc toujours amené à une haute température avant d’arriver sur la houille neuve ; l’air peut en outre pénétrer par les portes et par le fond de la boîte à feu, et la température est maintenue très-élevée partout, au moyen de garnitures et de séparations en terre réfractaire et en briques qui s’étendent même à une certaine profondeur dans le corps de la chaudière, formant ainsi un prolongement notable pour la chambre de combustion. M. Cudworth combine la grille inclinée avec un long parcours des gaz ; la boîte à feu est très-longue et divisée longitudinalement en deux parties, par une cloison qui règne jusque vers la naissance des tubes. Le système de M. Clark a l’avantage de pouvoir s’adapter aux machines existantes, tandis que ces différentes dispositions exigent une construction spéciale ; les auteurs ont tous pensé qu’il était convenable de séparer le foyer en deux parties, de manière à charger alternativement d’un côté et de l’autre. Bien que certaines houilles de l’Angleterre soient très-fumantes, elles ont pour le chauffage des locomotives un avantage bien précieux, résultant de leur pureté même elles donnent très-peu de résidus et encrassent par conséquent moins les grilles que les charbons employés en France. Il résulte de là que les entrées d air par la grille sont moins fréquemment obstruées, et que par conséquent la combustion doit donner lieu à moins de fumée . c’est à cette circonstance qu’il faut attribuer sans doute la facilité avec laquelle cette fumée disparaît sous la seule influence du tirage produit par l’échappement dans la cheminée aussi les diverses compagnies suppléent-elles à cet échappement, pendant les temps d’arrêt, par un jet de vapeur spécial dirigé dans la cheminée, et qui suffit à peu près à la suppression de la fumée, tout autant par l’action physique que cette vapeur exerce EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. 106 pour entraîner, au moment de sa condensation, les particules charbonneuses, que par l’excès d’air qu’elle peut aider à introduire dans un foyer sans activité. Il en est tout autrement pendant la marche, et l’échappement détermine alors une introduction d’air considérable. Les tableaux qui accompagnent le Mémoire de M. Clark établissent les chiffres de la consommation par tonne et par kilomètre ces consommations sont les suivantes Indication des appareils. Consommation par tonne et par kilomètre. M. Mac-Connell. 0 k ,088 M. Ileallie.. 0 ,067 M. Cudworth. 0 ,063 Les chiffres fournis par le procédé de M. Clark sont les plus favorables, et cette circonstance doit être attribuée sans doute à ce que son insufflation de vapeur dans la boîte à feu n’est pas nécessaire pendant la totalité du parcours ses orifices d’entrée d’air sont suffisants lorsqu’ils obéissent à l’action de l’échappement dans la cheminée, et son soufflage ne fonctionne le plus ordinairement que pendant les temps d’arrêt. Le problème du remplacement du coke par le combustible naturel, tel qu’il sort des houillères, est certainement une des plus importantes questions du moment tous les faits que nous avons indiqués semblent établir que ce remplacement n’est possible qu'à la condition d’admettre une quantité d’air surabondante dans la boîte à feu. Les expériences récemment faites par la Société industrielle de Mulhouse ont établi que cette condition ne saurait être avantageuse que si la chaleur, habituellement perdue par les gaz de la combustion, pouvait être utilisée dans des réchauffeurs spéciaux de l’eau d’alimentation. Tel n’est pas le cas dans les locomotives, mais ces nouveaux procédés doivent cependant produire une économie notable, résultant de ce que le kilogramme de houille coûte moins cher que le kilogramme de coke; voici, d’ailleurs, quant à la consommation en poids, quelques chiffres comparatifs M. Mac-Connell dépense une fois et demi autant de charbon que de coke; M. Cudworth seulement 0,94 de charbon, par rapport au poids du coke consommé dans les mêmes circonstances, mais ce résultat tient à ce qu’il em- MACHINES MOTRICES. 107 ployait un charbon d’un pouvoir calorifique exceptionnel [Lord Ward’s coal et Ruabon coal. M. Clark a dépensé sur différentes lignes 1,08 du poids du coke, et l’on doit considérer ce chiffre comme s’approchant de la véritable valeur comparative des deux combustibles. Cette même transformation s’opère en France avec tout autant d activité qu’en Angleterre, et notre Compagnie du Nord, par exemple, tend de plus en plus à remplacer le coke par du charbon on en jugera par le tableau suivant de la consommation annuelle EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. dJlçuiojpi aed auDD/Cora MOIIVKHOSüOD OS * sdsreôtrsjj 89xiomooO sap SHflOOUYd MACHINES MOTRICES. 109 Le procédé de M. Clark a été employé avec le plus grand succès aux générateurs de l’Exposition ; nous avons obtenu le même résultat par l’application du procédé Thierry à l’une des chaudières du Conservatoire, et l’on peut aujourd’hui considérer pour certain que l’injection de la vapeur dans le foyer résout d’une manière complète le problème de la fumivorité, sans une augmentation notable dans la dépense du combustible. La fumée n’apparaît que pendant l’allumage, jusqu’à ce que le jet de vapeur puisse fonctionner c’est là un inconvénient que nous avons évité récemment en ajoutant à l’appareil un petit fourneau à gaz capable de produire dès les premiers instants la vapeur nécessaire à l’alimentation du jet. Nous ne quitterons pas M. Clark sans dire un mot de son ré-., chauffeur de l’eau d’alimentation, qui n’est autre chose que l’injecteur Giffard, appliqué dans un but différent l’eau envoyée par la pompe s’introduit par un orifice annulaire autour du jet de vapeur, qui se condense en totalité et porte l’eau à une température élevée. La différence consiste précisément en cette circonstance, et M. Clark, après avoir obtenu dans la pratique courante des locomotives une température de 50° pour l’eau d’alimentation, a pu porter cette température jusqu’à 90° dans une machine fixe de 20 chevaux. On sait que l’injecteur Giffard ne fonctionne pas à cette température, mais on pourrait peut- être arriver à un résultat satisfaisant en associant à l’appareil alimentaire uninjecteur spécialement chargé du réchauffement. Nous citerons encore parmi les appareils destinés à empêcher la fumée le système de M. Chodsko, qui reproduit avec quelques modifications de détail la grille à deux étages déjà proposée pour cet objet, et le système de M. Palazot de Bordeaux, qui fait arriver derrière la grille la quantité d’air nécessaire à la complète combustion des gaz fumeux ces deux appareils peuvent donner de bons résultats lorsqu’ils sont convenablement conduits, et ils étaient tous deux exposés au palais de Ken- sington. Les machines à vapeur sont en très-grand nombre à l’Exposition, mais elles ne présentent non plus que des modifications de détail, dont la somme cependant finira par produire une transformation assez notable dans la construction de ces moteurs. no EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Nous ne parlerons pas des machines ordinaires, agencées plutôt au point de vue de la simplicité de la construction qu’à celui de la meilleure utilisation du combustible. Beaucoup de machines anglaises sont dans ce cas absence d’enveloppe, absence de condensation; ce sont là les anciennes conditions de nos machines; mais les enveloppes sont aujourd’hui chez nous d’un emploi général, et l’on doit certainement à MM. Thomas et Lau- rens d’avoir fait connaître et d’avoir réalisé les avantages de l’extension de cette pratique jusqu’aux couvercles des cylindres. Comme machines réalisant les meilleures conditions sous le rapport de la consommation de vapeur dans un seul cylindre, nous en trouvons dans l’exposition française les différents types la machine Farcot, de 60 chevaux, pouvant fonctionner avec ou sans condensateur, est munie du nouveau modérateur à bras croisés, qui satisfait à cette condition des modérateurs paraboliques de régler la machine à la même vitesse pour toutes les puissances auxquelles on la fait fonctionner; l’introduction pour la puissance normale est seulement de 1/15 de la course à la pression de 5 atmosphères. Dans cette machine, l’assemblage du cylindre intérieur avec l’enveloppe est obtenu au moyen d’un cercle en fer interposé avec mattage ce mode d’assemblage remplace d’une manière heureuse les masticages toujours incertains, qui finissaient toujours par se détruire et donner passage à des fuites de vapeur. Dans une machine, également de 60 chevaux, construite par M. Lecouteux, la pression sur le tiroir est en partie équilibrée par l’emploi d’une contre-plaque et l’interposition d’une lame de caoutchouc le choix de cette matière, entre deux surfaces métalliques immobiles, nous paraît parfaitement convenable pour déterminer cet isolement, sans craindre de produire le moindre grippement entre les parties rottantes du tiroir ce perfectionnement aux tiroirs à entraînement nous paraît être d’un réel intérêt. A l’exemple de M. Farcot, M. Lecouteux a d’ailleurs fractionné les orifices de manière à rendre l’ouverture et la fermeture des lumières plus rapides. M. Cail, et MM. Varrall, Elwell et Poulot emploient la détente de Meyer, à deux excentriques, variable à la main au moyen du déplacement des plaques de détente, par une même vis à pas opposés; ces deux usines ont plus ou moins modifié dans ses lii MACHINES MOTRICES. détails la disposition primitive, mais ce qui recommande surtout la machine de M. Varrall, c’est la variété du modérateur parabolique, que ce constructeur a réalisé d’une manière très-commode, en articulant les tiges du manchon un peu en dehors des tiges des boules du pendule. Cette disposition est certainement la plus simple de celles par lesquelles on a cherché à atteindre la possibilité de régler la marche à une vitesse constante. MM. Varrall, Elwell et Poulot ont en outre chargé leur axe central d’un poids considérable, comme nous le verrons en parlant du régulateur américain de Porter. Ce poids additionnel dans la machine exposée est de 47 kilogrammes, et nous verrons l’influence que son action doit exercer nécessairement sur la régularité de la machine. Nous avons aussi remarqué que, suivant la pratique anglaise, plusieurs des pièces de cette machine sont entièrement terminées sur le tour, sans aucun travail ultérieur à la lime. Nos constructeurs gagneraient beaucoup à entrer dans cette voie tout à la fois favorable, selon nous, à la pureté de l’exécution et au prix delà main-d’œuvre. La machine également horizontale dont MM. Thomas et Lau- rens ont seulement exposé les dessins, diffère des précédentes en ce que le modérateur à houles est remplacé par un modérateur à air, qui fonctionne très-bien également, et en ce que la limite de la course des plaques de détente est déterminée par une cale en forme de trapèze, qui remplitle même objet que la rame. Le régulateur, dit la notice jointe aux dessins, agit sur la pression de la vapeur pour les puissances supérieures à la force normale de la machine, et sur la durée de l’introduction pour les puissances inférieures à cette limite. » Dans le réglage par le modérateur, il est certain que l’on peut satisfaire à la dépense de la machine, soit en admettant davantage avec une pression trop faible, soit en admettant le moins possible avec la pression normale; cette dernière solution est évidemmentla meilleure, et dans la crainte que le chauffeur ne préfère la première, MM. Thomas et Laurens veulent que l’on soit obligé de fixer à la main la limite de l’admission, suivant les diverses conditions du travail; il nous semble qu’une surveillance convenable serait toujours facile à exercer à cet égard, et que la détente par le régulateur est à tous les points de vue préférable. Lorsque la machine est H2 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. très-chargée, le degré le plus élevé de la pression est pour ainsi dire obligatoire, et même dans l’opinion de ces messieurs, il n’y a plus aucun inconvénient à confier au régulateur le soin d’agir automatiquement sur le tiroir de détente. Toutes ces machines sont supérieures à la plupart des machines anglaises, et même à toutes celles de l’Exposition, si nous en exceptons toutefois la machine du système américain de Cor- liss, qui est représentée par deux modèles de vingt chevaux, construits dans deux usines différentes du Zollverein. Lecylindre de cette machine est aussi horizontal, à enveloppe de vapeur sur les couvercles et sur le cylindre, mais elle diffère de toutes les autres par le mode d’attache de ce cylindre, et par tous les détails de la distribution. Le bâti se compose d’une grande poutre horizontale, sur le côté de laquelle le cylindre est boulonné, ce qui donne à l’ensemble un aspect tout particulier les glissières, au lieu d’être dans le même plan horizontal, sont placées l’une au-dessus de l’autre ; mais comme elles sont fortement reliées au bâti, elles présentent toute la rigidité désirable. La détente est variable par l’action d’un modérateur de Porter à contre-poids, qui détermine par un déclanchement la fermeture rapide de l’admission â l’instant convenable. Les tiroirs sont rémplacés par quatre robinets de dispositions particulières, qui sont symétriquement commandés par un plateau central animé d’un mouvement de rotation alternatif ; les organes de cette distribution ont été décrits et figurés en détail dans le Polyteck- nisches Journal de Dingler, tome 161, page 321 1861, et l’on trouvera dans l’article qui a été consacré à cette machine toutes les particularités qu’il importe de connaître à cet égard. On y a reproduit plusieurs diagrammes quipermettentd’apprécierlebon fonctionnement de cette machine, dans laquelle on peut obtenir séparément l’avance convenable, soit à l’admission, soit ù l’échappement, puisque la fonction de chacun des tiroirs circulaires est limitée à l’une ou l’autre de ces fonctions. On assure que la machine Corliss fonctionne couramment en Amérique, avec une consommation de 1 kilogramme de charbon par force de cheval et par fleure, et cette indication, jointe à celles que l’on peut tirer de l’examen des diagrammes, suffira sans doute pour que nos constructeurs eh étudient avec soin les dispositions. MACHINES MOTRICES. Nous aurons à parler ultérieurement d’une autre machine américaine de Allen, également remarquable par les circonstances de sa distribution. Parmi quelques dispositions originales de machines à un seul cylindre, celle de M. Cowan mérite une mention particulière. MM. Burgh et Cowan, qui en sont les inventeurs, ont cherché à obtenir les avantages que présentent les machines à fourreau par rapport à l’allongement de la bielle, sans tomber dans l’inconvénient de ces énormes stuffing-box que l’emploi même des fourreaux rendait nécessaires. Htfc' au;-J n;rrr f Dans leur disposition, le piston annulaire est muni de deux tiges a a , faisant corps avec une forte pièce à T, désignée sur la figure par A; c’est cette pièce qui se prolonge dans le fourreau fixe B, dans l’intérieur duquel elle glisse, et qui porte l’extrémité de la bielle motrice C. Quant au piston, il est prolongé par une sorte de poche D, assez profonde pour ne jamais rencontrer le fourreau, et le cylindre lui-même est muni d’une poche semblable E, pour laisser place à cet appendice du piston. Cette disposition esttrès-ramassée, mais la saillie du fond du cylindre compense pour une certaine part la diminution de longueur totale, que l’on cherche à obtenir par l’emploi des fourreaux. D’un autre côté, les stuffing-box sont réduits à leurs dimensions ordinaires, et le piston n’a besoin que de la seule garniture extérieure, qu’on serait obligé de lui donner pour toute machine de même dimension. Les machines horizontales sont en Angleterre comme en France II!. 8 ii4 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. les plus employées, et sous ce rapport l’Exposition actuelle est très-remarquable. Depuis dix ans il s’est fait un changement radical dans l’opinion publique à l’égard des machines de cette espèce. Les locomotives, les locomobiles, les bateaux ont montré les avantages de cette disposition l’installation est plus facile, la fondation moins coûteuse pour les machines fixes, le nombre des pièces est diminué, et elles sont toutes d’un abord plus facile. Ces avantages ont été si généralement reconnus que l’on a cherché à y appliquer le principe de Woolf; c’est là peut-être le caractère le plus saillant de l’Exposition actuelle, relativement aux dispositions générales des machines à vapeur. Des tentatives analogues avaient été faites en France, particulièrement à Rouen, où la machine de Woolf est en grand honneur à cause de sa régularité, mais jamais nous n’avions vu autant de tentatives de ce genre. En Belgique, M. de Landtsheer place ses deux cylindres l’un à côté de l’autre, et les fait agir sur des manivelles dans le prolongement l’une de l’autre en désignant par A et A' les extrémités contiguës des deux cylindres, par B et B' les extrémités opposées, il fait arriver les vapeurs de la chambre A dans la chambre A', celles de la chambre B dans la chambre B', et il arrive ainsi à faire mouvoir constamment les pistons en sens contraires l’un de l’autre, tandis qu’ils marchent dans le même sens dans la machine de Woolf ordinaire. Le système de M. de Landtsheer n’est représenté que par un dessin, mais par l’accouplement de deux systèmes semblables, à angle droit sur un même arbre, et il est facile de voir qu’il obtient précisément le même résultat qu’avec deux machines doubles à balancier, c’est-à-dire la régularité la plus parfaite que l’on ait encore obtenue dans les machines à vapeur. M. Scribe de Gaud a cherché la même solution au moyen de deux cylindres placés bout à bout; l’un des pistons est conduit, par une tige centrale, à la manière ordinaire, l’autre par deux tiges latérales guidées par le premier cylindre, et l’on voit que les deux pistons ainsi attelés sur un même arbre et marchant dans le même sens, exigent que la vapeur d’échappement de la chambre extrême du petit cylindre soit ramenée pour produire son action de détente dans la chambre opposée du grand cylin- MACHINES MOTRICES. u5 dre il y a là un parcours considérable, tandis que les deux chambres séparées seulement parleurs couvercles donnent lieu, vers le milieu de la machine, à une distribution bien plus favorable. Cette disposition est bien encombrante par sa longueur, et l’on assure cependant que plus de cinquante machines de ce système fonctionnent dans les principales filatures de la Belgique. Le modèle qui figure à l’Exposition de Londres est de 30 chevaux le constructeur compte sur une diminution de plus de 40 p. 400 dans le prix de revient, par rapport aux machines à balanciers ordinaires. La machine suédoise de Bergsund est aussi à deux cylindres accouplés suivant le principe de Woolf, mais ici le petit cylindre est placé dans le grand cette machine de 60 chevaux est des- tinéeàune chaloupe canonnière elle doit fonctionner à 120 tours par minute, et la détente est au total prolongée jusqu’à cinq fois le volume primitif; on a eu soin d’équilibrer par des contrepoids les différentes pièces, condition sans laquelle il serait impossible de marcher régulièrement avec une si grande vitesse. Le condenseur est disposé dans le bâti même de la machine, par conséquent de manière à occuper le moins de place, et le changement de marche s’opère comme dans la machine de Carlsund, si bien appréciée en 1855, au moyen d’une bague excentrée, que l’on manœuvre par une glissière taillée en hélice cet organe très-simple est parfaitement approprié à sa destination. Nous avons dit qu’en Angleterre aussi la machine horizontale à deux cylindres dans lesquels la vapeur fonctionne d’après le principe de Woolf paraissait être l’objet d’un grand nombre de dispositions; la figure ci-jointe représente l’une des applications Fig. 4 . les plus simples de ce principe dans cette machine de MM. Car- 116 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. rett, Marshall et Cie de Leeds, les deux pistons ont la même course et leurs bielles sont fixées sur des manivelles M et N à 180 degrés l’une de l’autre il en résulte que le cylindre B se remplit de vapeur pendant que le piston A marche en sens contraire du premier, et que les deux cylindres, ainsi placés l’un à côté de l’autre, permettent à la vapeur de passer directement de A à B par une communication établie contre les fonds adjacents des deux cylindres. La distribution peut alors se faire par un seul tiroir, chargé tout à la fois de permettre à la vapeur nouvelle d’entrer dans le petit cylindre A, et à celle qui a déjà fourni dans ce premier cylindre son travail de pleine pression, de pénétrer dans le grand cylindre B de détente. Cet unique tiroir est représenté en coupe dans la figure 5, mais il semble que l’on pourrait utilement réduire le volume de la boîte-de distribution qui paraît ici très-exagéré; la durée de l’introduction dans le petit cylindre est d’ailleurs réglée par l’action du modérateur, le tiroir commun permettant ainsi de fonctionner toujours suivant la puissance dépensée, dans les conditions d’économie les plus satisfaisantes. On remarquera d’ailleurs que le piston du grand cylindre est soutenu par sa tige, qui se prolonge de manière à faire fonctionner la pompe à air à double effet qui est placée dans le même axe. Afin d’éviter les temps morts auxquels donneraient lieu les deux manivelles, placées comme nous l’avons dit dans le prolongement l’une de l’autre, MM. Carrett, Marshall et Cie leur font d’ailleurs faire un petit angle afin que la machine puisse se mettre facilement en marche, et qu’il y ait dans toutes les positions des pistons une petite force agissante. Les dimensions de cette jolie machine sont les suivantes Course commune 0 m ,786 diamètre 0 ra ,317 et 0 m ,533, ce qui correspond à un rapport de 1 à 3 entre les sections ; force normale, 14 chevaux. Nous pourrions citer quelques autres exemples de dispositions analogues, mais nous avons hâte de parler des diverses dispositions proposées pour réchauffer la vapeur après sa sortie du premier cylindre et avant son admission dans le second. Dans le courant de 1860 nous avons assisté, sur la Seine, aux F'S. S- MACHINES MOTRICES. 117 expériences de M. Normand fils du Havre, sur le bateau à vapeur le Furet , transformé par lui d’une manière analogue. L’un des cylindres de ce bateau fonctionnait alors comme cylindre de détente d’une machine de Woolf, et la vapeur d’échappement du premier cylindre n’y arrivait qu’après avoir parcouru, dans toute sa longueur, un tuyau de conduite placé dans la chaudière même; c’est cette même idée qui est aujourd’hui, en Angleterre, l’objet des principales préoccupations. Nous en trouvons une première application à une machine fixe dans le modèle exposé par M. May et Cie de Birmingham. Voici la description de cette intéressante machine m ïW*> JM Fig. 6. ' v,t Am q”, pt O 1 ,53 de diamètre, Les cylindres ont respectivement 0 ,45 et . . une che _ et la course de chacun des deux pistons e pnveloope mise de vapeur alimentée directement par la chau g A les deux cylindres. La vapeur s’introduit dans e p 1 5faction [fig. 6j à la pression même de la chaudière, et *>°n m certaineS cesse à partir de la moitié de la course comme . oir c, machines à détente; elle s’échappe ensuite dans un î de placé sous la plaque de fondation, et entièremen en J ^ vapeur; elle est emmagasinée dans ce réservoir jusq 18 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. la manivelle b du plus grand cylindre, calée à angle droit de la manivelle a du petit, aient amené le piston correspondant à l’extrémité de sa course ; alors seulement le tiroir du grand cylindre s’ouvre à l’admission et laisse entrer dans ce cylindre la vapeur du réservoir, également jusqu’à demi-course elle agit enfin par sa détente et s’échappe dans le condenseur D, qui dans la machine exposée était un condenseur à surface le mouvement de la pompe à air est commandé par la traverse de la tige du grand piston. On s’est approché le mieux possible des conditions les plus favorables à la continuité d’une action uniforme en traçant théoriquement les diagrammes auxquels diverses combinaisons auraient conduit. On remarquera que la vapeur est déjà détendue au double de son volume primitif dans le premier cylindre, et que ce volume détendu, après être venu occuper pendant l’introduction la moitié du volume du grand cylindre, remplit en fin de compte ce volume tout entier, et comme ces volumes sont dans le même rapport que les carrés des diamètres 0,53 2 0,25 J =4,5, on voit que chaque demi-cylindre du grand cylindre se détend jusqu’à occuper un volume neuf fois plus considérable que son volume primitif. Le même principe est encore réalisé dans la locomobile de M. Wenham, exposée sous le nom de Thermo-expansive steam engine. La patente de Wenham est du 23 mai 1860, et nous y lisons à peu près que Cette invention est principalement applicable aux machines marines à condensation, par la détente de la vapeur à haute pression, ainsi qu’il suit Le pignon d’un arbre à manivelles, tournant par l’action d’un ou plusieurs cylindres à haute pression, engrène avec l’arbre principal des machines à condensation, soit au moyen d'une roue dentée, soit au moyen de tout autre organe, les machines à haute pression faisant ainsi un plus grand nombre de courses ou de révolutions que les machines à condensation. La vapeur à haute pression arrive directement de la chaudière aux machines sans condensation, et après y avoir agi par sa détente, elle se rend dans une série de tubes placés dans la boîte à fumée pour s’y surchautfer, et ensuite dans les cylindres à condensation où elle peut encore agir par détente avant de se rendre dans les conduits. » MACHINES MOTRICES. 1,9 Ea locomobile exposée répond exactement à cette description de la patente, et voici maintenant la traduction littérale de la note appendue à cette locomobile. Puissance mesurée au frein 10 chevaux et demi. Consommation de combustible en 10 heures 152 k ,21. Consommation d’eau en 10 heures 1170 litres. Pression effective 6 atmosphères et demie. Diamètres des cylindres 0,127 et 0,216. Poids de la machine 2500 kilog. La machine qui était destinée à l’Exposition n’ayant pas été terminée, on lui a substitué celle-ci qui est destinée à faire comprendre le principe. » Cette dernière indication n’était pas inutile, car l’exécution laissait beaucoup à désirer. Quoi qu’il en soit, nous voyons que les chiffres ci-dessus reviennent à une consommation de 1 k ,45 par cheval et par heure en combustible, et en eau à 11 k ,53 seulement. Ce dernier chiffre surtout est remarquable, et suppose une vaporisation très-admissible de 7 kilog. d’eau par kilogramme de charbon. Voilà donc trois dispositions, nous dirons même trois résultats analogues, car les essais ont donné pour chacune dfelles des chiffres également avantageux. Depuis les expériences de 1860, M. Normand n’a cessé de donner ses soins à cette question importante il atrouvé dans plusieurs circonstances une économie notable, mais seulement pour les machines sans enveloppes, telles que sont la plupart des machines de mer. Si nous sommes bien informé, on construirait en ce moment deux grands steamers sur le même principe, déjà appliqué au Loiret, dont la machine se compose de trois cylindres parallèles, celui du milieu alimentant les deux autres, qui représenteraient ensemble le deuxième cylindre de Woolf. On nous assure également qu’en Angleterre, après 1 essai qui en a été fait par un industriel, l’amirauté serait disposée à augmenter encore le champ de cette application, en portant jusqu’à quatre le nombre de cylindres successifs, de capacités nécessairement croissantes, entre chacun desquels la empérature primitive de la vapeur serait ainsi restaurée par un réchauffage méthodique. L importance que semble prendre cette question nous fait un devoir de revendiquer pour notre compatriote le bénéfice d’une 120 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. antériorité qui nous semble surabondamment constatée par ses essais de 1860 et par la communication que nous avons faite de ses premiers résultats à la séance de la Société d’encouragement du 5 décembre Le brevet de M. Normand est d’ailleurs daté du 26 juin 1856. A la suite de ces appréciations générales nous dirons quelques mots sur un certain nombre d’organes spéciaux sur lesquels il nous paraît utile d’appeler l’attention de nos constructeurs. La figure ci-jointe représente une disposition proposée par Allen pour opérer plus rapidement l’ouverture et la fermeture des orifices de distribution. Fig. 7. L’introduction se faisant en A et en B, et l’échappement en e, les choses sont ainsi disposées que le canal MN intervienne pour faciliter l’introduction par l’ouverture d’orifices supplémentaires. Le tiroir marchant de droite à gauche, l’admission commencera, comme à l’ordinaire, aussitôt que l’arête a sera venue coïncider avec l’arête b, la vapeur entrera librement en A, mais en même temps l’arète n aura dépassé l’arête pet la vapeur entrant aussitôt dans le conduit supplémentaire MN débouchera aussi par son orifice M dans la lumière d'introduction A. Pendant toute la durée de l’admission, la vapeur entrera donc comme si l’orifice ordinaire était d’une largeur double, ce qui est d’un grand intérêt pour la meilleure utilisation de la vapeur. Dans la disposition que représente la figure 7, les largeurs de bande sont réglées pour que la détente commence aux deux tiers de la course. 1. Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, t. LIX , page 740. MACHINES MOTRICES. 12t Comme exemple de distribution à détente variable à un seul excentrique nous citerons encore la machine de ce même Allen, ouvrier mécanicien de New-York. Cette petite machine fonctionne avec une régularité parfaite, à une vitesse de 150 tours, elle a quatre orifices spéciaux, destinés deux à deux à la distribution, à chacune des extrémités du cylindre. L’excentrique unique est calé sur l’arbre dans la direction de la manivelle; son mouvement horizontal fait osciller la bielle de suspension avec laquelle la coulisse est articulée, et son mouvement vertical détermine pour cette coulisse un mouvement de va-et-vient autour de son pivot, qui devient ainsi le centre de rotation d’un mouve- vement de sonnette. Cette disposition, très-remarquable par sa simplicité, est compliquée dans la machine qui nous occupe en ce que l’on a voulu obtenir tous les déplacements de tiroirs avec de très-petites amplitudes dans les organes que nous venons de décrire, et que pour obtenir ce résultat, il a été nécessaire d’avoir recours à des leviers multiplicateurs dont les articulations doivent prendre rapidement du jeu par l’usé. • Cette question des distributions à un seul excentrique est certainement l’une des plus intéressantes et des plus nouvelles, en ce qui concerne la simplification des machines à vapeur et le meilleur emploi de ce fluide. M. Elwell, de Paris, s’est beaucoup occupé de ce problème, et il est parvenu à le résoudre par des procédés analogues, mais plus sûrs, soit par une coulisse rectiligne, soit par une c', qui lui sera transmise, ne sera pas assez grande pour satisfaire à la relation il _ p R __ ^ r R. ’ p P Plus p sera petit par rapport à R et plus l’instrument sera paresseux. On devra donc donner à p une assez grande valeur, mais le contre-poids de M. Porter permet également de résoudre laques tion si, en effet, nous désignons par P son action verticale sur les boules, les raisonnements qui précèdent se traduiront dans 124 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. le même ordre par les égalités suivantes, dans lesquelles nous n’aurons point à faire participer le poids P, au développement de la force centrifuge FA= p-f Pr F = — ’r, d’où „. = i-F = i. X f +Pî = l E±ï pr pr 'h h p F'A= p + P + Rr d’où F' = — »'»r; 9 '* = -£ F = X p + P + R f = ' *• *• * h h pr et enfin p r •>'’ _ M-P+R _ 00 mètres à l’heure, sont à peine suffisants si la Chambre des communes est pleine. 1. Page 210. 138 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Or, d’après des relevés rapportés par le D r Reid, le nombre des personnes présentes s’est élevé au plus à 800. Le volume ci-dessus correspondrait donc à 105 mètres cubes par heure et par individu, ce qui excède les évaluations que j’ai données, et que quelques personnes sont tentées de trouver exagérées. Malgré ce chiffre élevé, la ventilation, même avec les améliorations qu’elle a reçues, ne paraît pas satisfaisante. Le mode d’introduction à travers des tapis que l’on a adopté et que j’indiquerai plus loin, doit apporter très-probablement, à l’arrivée de l’air nouveau par les orifices disposés à cet effet, un obstacle qui empêche son volume d’atteindre celui de l’évacuation et déterminer, comme j’ai eu l’occasion de le constater, des courants d’air très-considérables, entrant par les portes et les ouvertures accidentelles. Dispositions proposées pour la Chambre des communes. M. le D r Reid ' donne la description d’un projet qu’il avait proposé pour la ventilation de la Chambre des communes et dans lequel l’admission de l’air devait avoir lieu par le plafond et l’extraction par le plancher. Les dispositions déjà existantes et que l’on ne voulut ou que l’on ne put sans doute pas changer, dans un 1. G82, page 302. 139 RENSEIGNEMENTS SUR LA VENTILATION- bâtiment construit, empêchèrent l’adoption de ce système ra tionnel et obligèrent V auteur à laisser produire à l’inverse Ventrée par le sol et l’échappement par le haut, ce qui ne lui a pas réussi, non plus qu’à ses successeurs. À l’appui de la disposition qu i proposait, le D r Reid a fourni l’exemple dune grande sa e de réunion qu’il avait fait construire à Edimbourg et dont il onne la coupe que nous reproduisons dans la figure ^ ci-contre. L’on voit de suite le mode d’introduction et de sortie proposé par l’auteur et qui consistait dans l’évacuation et 1 introduction de l’air par appel. Disposition pour éviter les inconvénients de l'emploi du gaz d'éclairage à l'intérieur. Une autre question, qui lui était aussi soumise, était celle de l’emploi du gaz d’éclairage à l’intérieur des salles et des moyens d’en éviter les inconvénients. Il en indique les solutions suivantes que l’on comprendra de suite à l’examen des figures. Pour le cas d’un éclairage à l’aide de lustres placés au-dessous d’un pendentif, il propose ou de conduire les gaz brûlés par un tuyau traversant le pendentif et les évacuant directement à l’extérieur [fig. 2, ou de les verser %• s. dans des conduits, qui, après généraux de toiture, redescendraient aux conduit du gai et de la l’appel [fig. 3. Dans ce dernier cas, l’hiver la combustion pourrait être en partie utilisée pour me température des locaux éclairés. U indique que QU un position peut être appliquée au cas où il y a e La éclairage à travers des panneaux honzont éclairer figure 4 fait comprendre la disposition ex eu 140 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. tout le pourtour d’un plafond par une corniche en panneaux transparents. iît Fig. 3. » m 1 W V Fig. 4. Le gaz afflue par deux tubes, l’un c destiné à alimenter les becs permanents, l’autre b qui ne sert qu’à l’allumage. Le premier porte environ 60 becs et le second est percé d’une infinité de trous. En allumant celui-ci en un seul point, la flamme se communique, de proche en proche, sur toute sa longueur et allume tous les becs permanents du tuyau c. Cela fait, on ferme le robinet du tuyau d’allumage b et les becs permanents seuls restent lumineux. Par ce dispositif, une seule ouverture est nécessaire pour l’allumage général, et le léger 'échappement de gaz qui se produit 141 RENSEIGNEMENTS SUR LA VENTILATION, ne présente pas d’inconvénients, parce que la corniche creuse est toujours soumise à l’action de l’appel général de ventilation. L’auteur indique enfin, par une sorte de plan général qu’il est inutile de reproduire, que, pour la Chambre des communes, les lustres principaux placés au plafond devaient avoir leurs con- i» duits spéciaux d’évacuation des gaz brûlés, et que ces conduits recevaient par des branchements particuliers les gaz de tous les autres appareils. Des vannes régulatrices étaient d’ailleurs disposées de manière à modérer le tirage particulier de chacun des appareils. Enquête de 1854. En 1854, la Chambre des lords a fait une enquête très-détaillée sur les résultats obtenus avec les différents appareils de chauffage, de ventilation et d’éclairage employés ou à employer dans le nouveau palais du parlement. Les questions relatives à ces parties du service sont traitées et décidées séparément par chacune des deux Chambres, quoique les lieux de leurs séances et toutes leurs dépendances soient situés dans le même bâtiment et très-rapprochés les uns des autres. v Déjà, à cette époque, la salle de la Chambre des communes était chauffée et ventilée par les appareils que nous décrirons plus loin, mais la Chambre des lords l’était encore au moyen de ceux que le D r Reid avait établis. Dans cette enquête, M. Goldsworthy Gurney, à qui la Chambre des lords a définitivement confié la direction des travaux et du service du chauffage et de la ventilation des parties du palais qui lui sont affectées et qui avaient déjà reçu les mêmes attributions de la Chambre des communes, a exprimé des opinions que nous allons chercher à résumer ainsi qu’il suit Les émanations de la transpiration cutanée altèrent davantage la pureté de l’air que les effets de la respiration. L extraction de ces émanations au niveau ou au travers du plancher les entraîne avant qu’elles n’aient pu s’élever et se / mêler à l’ai r qui doit être respiré, et plus tôt elles peuvent être ' es udeux cela vaut 1 . Il insiste pour montrer qu’une fe e partie de 1 ’air vicié tend naturellement à se maintenir 1* N°* 432 ’ j P ge sa, e j 434 p a g e 42 d e3 procès-verbaux de l’enquête de la Chambre des lords, 24 mars 1854. 142 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES, près du sol, tandis que l’air provenant de la respiration et de la chaleur développée par le contact des corps tendrait à faire monter l’azote, à moins qu’une cause contraire ne s’y oppose. Son opinion définitive est qu'il est désirable que l’air nouveau arrive par le haut et que l’air vicié soit extrait par le bas \ Il ajoute 2 que, dans les lieux où il a établi une ventilation, l’air entre par le plafond et sort par le plancher, mais que dans certains cas on peut renverser le mouvement avec grande facilité, par l’action d’un petit foyer, tandis que l’emploi d’une machine de 20 chevaux, alors en usage au parlement, cause une sujétion dont on peut se dispenser. Il assure que les courants descendants ont été trouvés plus agréables et plus efficaces que les courants ascendants. Relativement à l’influence relative de la température, de la vitesse et du degré d’hygrométricité de l’air, il s’exprime en ces termes 3 Des courants partiels à la surface du corps sont incommodes, parce qu’ils lui enlèvent la chaleur par l’effet de l’évaporation. Il y a en outre une autre cause de la sensation du froid, c’est l’état hygrométrique de l’atmosphère. J’ai entendu, dit-il, des personnes se plaindre du froid dans des lieux où le thermomètre marquait 21 degrés, et j’en ai également vu d’autres qui avaient trop chaud, quand la température n’était que de 15°,5. La cause n’était pas, dans le premier cas, l’évaporation produite par les courants d’air, mais l’état de sécheresse de l’air qui produit exactement le même effet. Lorsque l’hygromètre marque 8 ù 9 degrés mesure anglaise, l’air est sec, il dessèche la peau comme un courant et produit la même sensation. Le terme le plus convenable d’hygrométricité est à 4 ou 5 degrés. » M. Ch. Barry, architecte du palais, déclare qu’il est tout à fait impossible d’éviter le désagrément de courants partiels, quand l’air est admis par le plancher et près des personnes *. M. Ed. Pleydell Bouverie, membre du parlement, interrogé dans l’enquête, dit 5 que le projet de M. G. Gurney, dans sa per- 1. N 441, page 41, de l’enquête de la Chambre des lords. 2. N 0 * 469, 410, 41 1, 412. 3. N° 694, page CI. 4. N° 505, page 41 de l’enquête de laXhambre des lords. 5. N 166, page 15. 143 RENSEIGNEMENTS SUR LA VENTILATION. .fection, était défaire arriver l’air parle haut, mais qu’il n’a eu ni le temps, ni les moyens de le faire à la Chambre des communes et qu’il a été obligé de le faire affluer par le bas. Lord Ch. Fox Russell 1 déclare que la ventilation a été très- améliorée parM. G. Gurney,etil pense que sous ce rapport le plus grand perfectionnement consiste en ce que l’on a obtenu l’effet si désirable de la fraîcheur de l’air chaud, ce qui n’avait jamais existé dans cette Chambre. L’air chaud semblait toujours auparavant torride, brûlé, tandis que maintenant l’on a de l’air chaud et en même temps rafraîchissant. Cela tient évidemment au procédé employé pour donner en tout temps à l’air le degré d’humidité convenable. A côté de ces déclarations favorables aux dispositions que M. G. Gurney a été obligé d’adopter, contrairement à son opinion, il y a certaines objections assez graves contre l’introduction de l’air par le plancher, et qu’il importe de prendre en considération. M. R. Vernon-Smith, membre de la Chambre des communes, reconnaît que les dispositions adoptées par M. G. Gurney ont apporté un grand perfectionnement au système précédent, que l’on n’éprouve plus, dans la chambre cette sensation oppressive que l’on ressentait toujours avec le précédent dispositif, et qu’il est sensible pour chacun que l’air paraît plus frais et plus léger. Mais qu’il s’élève beaucoup de poussière au-dessous des personnes; que quand on arrive dans la chambre, quoique les tapis posés sur le grillage en fonte soient, à ce que l’on assure, battus tous les matins, l’on aperçoit encore une grande quantité de Poussière qui s’élève ; quand on frappe quelque peu avec les Pieds, il s’en dégage encore davantage. Cet inconvénient existait avec l’ancien dispositif, et il n’a pas disparu avec le nouveau, où l’on a été obligé de conserver l’admission de l’air par le plancher. M- Ed. Stilling-Flut-Cayley, membre du Parlement, reproche à 1 introduction de l’air par le plancher, que cet air est souvent iop' froid, ce qu’il attribue à l’emploi de la fonte, malgré la ou e épaisseur du tapis. Cette explication est probablement eironee, et la sensation éprouvée tient uniquement à ce que l’air I. N° 839, pape 83. 144 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. affluent est toujours un peu plus frais que l’air intérieur, et surtout à une température inférieure à celle du corps. De ce résumé de l’enquête de la Chambre des lords l’on peut conclure que les opinions ont été unanimes pour reconnaître la supériorité des dispositions adoptées par M. G. Gurney, qui a procédé par aspiration, sur celles de M. Reid, mais que M. Gurney, s’il avait été complètement libre, aurait préféré, comme M. Reid lui-même, l’introduction de l’air par le haut et l’appel par le plancher, à la disposition contraire qu’il a dû conserver, et que, malgré les précautions qu’il a prises, il n’a pu éviter les inconvénients de l’élévation de la poussière et du refroidissement des pieds par l’effet de l’air affluent à travers le plancher. D’une autre part, les effets favorables des moyens employés pour conserver à l’air le degré convenable d’hygrométricité et pour le rafraîchir en été, paraissent avoir eu l’approbation générale et mériter une sérieuse attention. Chauffage etventilation des salles des séances du parlement. D’après ce qui précède, on voit que l’on a essayé, pour assurer le chauffage et la ventilation de ces salles et des bureaux qui en dépendent, divers procédés avant d’arriver à celuiiqui est aujourd’hui en usage depuis trois ans et dont on se dit satisfait. Vers 1845 à 4847, on a essayé le système de l’insufflation à l’aide de deux ventilateurs qui existent encore, mais qui ne fonctionnent plus depuis longtemps. L’un se composait de deux roues à aubes planes, de 6 mètres de diamètre sur 1 mètre environ de largeur chacune; l’autre de 6 mètres de diamètre, à aubes courbes, entourées de deux enveloppes tronconiques, offrant à la circonférence extérieure une largeur de 0 m ,75. L’air que ces ventilateurs devaient refouler était, au préalable, chauffé par des jeux de tuyaux à vapeur verticaux en très-grand nombre et de 0 m ,10 à 0 m ,12 de diamètre. Tous ces appareils sont complètement abandonnés. On a également renoncé à l’emploi de l’eau chaude, auquel on reprochait, dit-on, la lenteur de réchauffement. Le système qui fonctionne aujourd’hui d’une manière qui paraît assez satisfaisante, au moins quant à la température, est uniquement basé sur l’aspiration. Sous chacune des salles d’assemblée des lords ou des com- RENSEIGNEMENTS SUR LÀ VENTILATION. ' 14S munes se trouve, au rez-de-chaussée, une salle de même dimension et d’environ 5 m ,50 de hauteur, partagée par un plancher intermédiaire, dont la plus grande partie est formée par des grilles. Sur le sol inférieur régnent quatre rangées parallèles de tuyaux chauffés à la vapeur et qui n’ont que O" 1 ,025 de diamètre intérieur. Ces tuyaux sont, de distance en distance, renflés et entourés de plaques de tôle carrées destinées à absorber par conductibilité fig. 5 et à transmettre à l'air la chaleur abandonnée par la vapeur condensée, que des tuyaux de retour ramènent aux chaudières. rstht. mÆ Fig. 5. Les tuyaux principaux d’arrivée de la vapeur ont environ ê m ,025 de diamètre intérieur. Ils sont soigneusement enveloppés. Ceux de retour d’eau ont à peu près 0 m ,014 de diamètre. L’air nouveau, que l’on veut faire pénétrer dans les salles, entre dans ces chambres inférieures par de très-larges ouvertures, égales en surface au moins à la moitié de chacun des grands côtés, et devant lesquelles sont étendues verticalement des espèces de rideaux en canevas à grandes mailles, que l’air est obligé de traverser avant d’entrer dans les salles et contre lesquelles il se débarrasse de la poussière. Cet air est pris au rez- de-chaussée et au niveau des cours. Afin qu’il ne devienne pas trop sec, même l’hiver, par suite de ec îaufïernent qu’il éprouve, on a placé les tuyaux de retour de vapeur dans une auge où il y a de l’eau, qui, échauffée par celle qui piovient de la condensation, se transforme en partie en vapeur. L été, p our rafraîchir l’air, on a disposé devant chaque orifice d entrée de l’air un petit tuyau percé d’un orifice capil- UI. io • EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. 140 laire et qui, au moyen d’un robinet, permet de répandre en avant du canevas et en dehors de la salle une sorte de poussière aqueuse qui, en se vaporisant, refroidit très-notablement eet air au moment où il arrive. Cette évaporation de l’eau produit un effet très-remarquable car, d’après ce que l’on m’a assuré, quand la température extérieure était de 26° environ, l’on a pu abaisser celle de l’air dans les chambres à air à 18° et même à 12°. Si ce résultat, que je chercherai à faire constater, est exact, il y aurait là un moyen assuré de. rafraîchir l’air à introduire pendant l’été dans les lieux à ventiler. Il convient d’ailleurs de remarquer que le volume d’eau ainsi répandu dans l’air est excessivement faible, qu’il est divisé en poussière aqueuse à peine perceptible, et qu’il en arrive très-peu sur le sol, qui est dallé et pourrait être bitumé. L’air qui est ainsi entré par appel dans la chambre inférieure pénètre dans la salle d’assemblée, située immédiatement au- dessus, à travers des grillages en fonte qui régnent sur toute son étendue et qui laissent libre pour son passage au moins le tiers de leur surface totale. Cet air débouche sous tous les gradins latéraux et sous tous les bancs et passages. Sur les marches et dans une partie des couloirs, les grilles sont simplement recouvertes d’une sorte de lilet ou tapis de sparlerie à larges mailles, laissant des ouvertures à peu près égales en surface à celles des orifices des grilles. Mais, aux places des membres des assemblées, il y a sur les grilles un premier tapis aussi en spar- terie, à tissu très-ouvert, que l’on recouvre d’un vrai tapis, assez mince et perméable à l’air. Cette disposition, qui a pour but d’éviter aux personnes l’inconvénient de l’arrivée de l’air frais vers les jambes, apporte un obstacle sensible à l’introduction de l’air, et il paraît même que, pour quelques personnes, elle n’est pas encore suffisante, attendu que j’ai vu, à quelques places, qu’entre les deux tapis on en a inséré un troisième en toile peinte et tout à fait imperméable. Un autre inconvénient du passage de l’air à travers les tapis, c’est de donner lieu à l’élévation d’une grande quantité de poussière dès qu’on marche dessus. C’est ce qui a été déclaré dans l’enquête de 1854, comme on l’a dit plus haut. Outre ces orifices d’accès de l’air, on en a ménagé d’autres RENSEIGNEMENTS SUR LA. VENTILATION. U7 plus libres dans certains endroits, soit par des conduits verticaux, qui débouchent à 2 mètres environ au-dessus du sol, soit dans quelques parois verticales des passages de circulation. D’une autre part, la température à laquelle on élève l’air dans la chambre A air est, à très-peu près, celle que l’on veut conserver dans la salle pendant l’hiver. Ainsi, quand l’air est à zéro à l’extérieur, on peut l’échauffer dans la chambre à air à 16 ou 17°, et la température de la salle ne dépasse pas, assure-t-on, 18 à 20°. On a vu que l’été, par l’évaporation de l’eau, on peut aussi ramener l’air extérieur A 18° environ. Il résulte de IA que, dans toutes les saisons, l’air introduit est A une température très-peu différente de celle que l’on veut maintenir dans les salles d’assemblée. Ce résultat mérite confirmation; mais on comprend de suite qu’il ne peut être obtenu que par l’admission et l’extraction d’une quantité d’air assez cort- sidérable, A moins que l’étendue des surfaces refroidissantes des murs et des fenêtres ne compense l’effet de réchauffement produit par la présence des membres et du public. L’extraction de l’air vicié se fait par l’aspiration énergique que produit une cheminée qui est ménagée dans une des hautes tours du palais. Cette cheminée a environ 115 mètres de hauteur sur 1 m ,80 de diamètre intérieur à la base; on la chauffe à l’aide du coke. L’air vicié sort des salles de deux façons différentes. Dans la partie assez restreinte qui est occupée par le public, il est appelé ^ travers les grilles qui ne sont recouvertes d’aucun tapis et à travers les contre-marches de quelques gradins voisins. Dans les autres parties de la salle, J’air nouveau arrivant au contraire par les planchers, l’air vicié s’échappe par les caissons du plafond, dans lesquels de nombreux passages sont ouverts. Dans les deux eas, cet air vicié descend vers des conduits inférieurs, qui le mènent à la base de la grande cheminée d’appel. msi 1 évacuatioh se fait par appel en bas, comme dans les anciennes chambres du parlement. En résumé, l e système de la ventilation par insufflation a été abandonné, après des essais infructueux, et remplacé par l’introduction et l’extraction par appel. 148 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES, La Chambre des communes a 22 m ,27 de longueur, 13™,72 de largeur et 12 m ,50 de hauteur au centre du plafond, ce qui correspond â une capacité de 3922 mètres cubes environ. La chambre à air ayant 5”,50 de hauteur et la même superficie, on voit que la 5 50 1 capacité de cette chambre est d’environ = — de celle de la 12Ov ü salle d’assemblée. Cette large proportion facilite beaucoup l’arrivée de l’air et l’uniformité de sa température. Le nombre des membres de cette Chambre est de 373. En tenant compte des absents et de la présence du public, il n’y a au plus que 800 personnes dans la salle, et le rapport de sa capacité à celui des personnes présentes est d’environ 70 à 80 mètres cubes par personne. Aucune expérience n’a été faite pour déterminer les volumes d’air entrés, et je n’ai pu me procurer d’autres résultats que ceux que j’ai rapportés précédemment. Quelques pairs que j’ai consultés se plaignent que l’air intérieur des salles est lourd et porte au sommeil. Ils assurent qu’ils sont parfois obligés de réclamer l’ouverture des fenêtres; mais il faut observer que les séances ont lieu le soir, après le dîner, et se prolongent souvent assez tard. Salle des ingénieurs civils à Londres. Cette salle peut contenir 200 personnes. Elle est éclairée par deux lustres relevés à fleur du plafond et presque logés dans sa surface, qui est, à cet endroit, garnie d’une plaque de fonte percée d’un grand nombre de trous et communiquant avec un tuyau d’échappement de l’air. C’est par ces deux tuyaux que se fait l’évacuation de l’air vicié fortement échauffé et appelé par les lustres. L’air nouveau arrive par un grand nombre de trous de 1 pouce ou 0 m ,025 environ de diamètre, percés sous les bancs, presqu’en arrière et le plus loin possible des jambes des assistants. L’arrivée de l’air est très-sensible. Le dessous de l’amphithéâtre peut communiquer avec l’air extérieur, qui n’est pas chauffé. Le 13 mai 1802, à la séance à laquelle nous avons assisté, il faisait très-chaud dans cette salle, et il y avait une certaine odeur de gaz. Il nous a été assuré que l’été il y faisait excessivement chaud. RENSEIGNEMENTS SUR LA. VENTILATION. 149 Le nombre de trous percés dans le plancher, quoique déjà considérable et pouvant, dans certain cas, donner lieu à une introduction d’air assez gênante, n’est cependant pas suffisant pour alimenter l’appel que détermine la chaleur développée par la combustion du gaz. Il en résulte qu’il s’établit parla porte supérieure d’admission, dans les amphithéâtres, un courant d’air rapide et incommode. Maison particulière d Londres. L’intérieur de cette maison est éclairé au gaz. Il y a au rez-de-chaussée, dans la salle à manger, deux lustres de trois becs chacun et autant au premier étage, dans les deux salons. Au-dessus de chaque lustre, au plafond, est une rosace offrant à l’air chaud et aux produits de la combustion des passages d’évacuation. Dans l’épaisseur du plafond on a ménagé un canal de 0 m ,20 environ de hauteur sur 0 m ,30 de large, qui conduit l’air vicié dans une cheminée située dans le mur mitoyen et qui contient un poêle annulaire à eau chaude, destiné à activer l’appel. Dans la salle à manger, où le buffet est placé dans une sorte d’alcôve, il y a en outre, à l’un des angles, vers le plafond, une large ouverture, tout à fait libre, de 0 ra ,30 de diamètre environ, formant l’origine d’un tuyau qui se rend dans la cheminée de l’usine contiguë. Enfin la cheminée, chauffée au charbon, contribue aussi à l’évacuation. On obtient ainsi l’évacuation de l’air vicie par un appel activé par la chaleur. L introduction de l’air nouveau est déterminée à l’aide d’un ventilateur dont la vitesse est réglée par divers appareils ingénieux qu'il est inutile de décrire. Elle se fait 1° par les joints du plancher, qui est composé de madriers d’environ 0 m ,I5à 0 n, ,16 de largeur, laissant entre eux des ouvertures de 0 m ,006 à 0,008 ^ peu près; 2° par un intervalle de même dimension qui r ^gne à peu près tout autour des pièces, sous la plinthe, qui est as du lambris. Les planchers sont, à cet effet, établis à une *M^T Ce Convena fd e du plafond de l’étage inférieur. .f • ’ c ? mme cette introduction d’air, relativement frais, serait vert°rT re s ^ nan te, le plancher est, selon l’usage anglais, recou- f’ , , ™ a P' s ffui repose sur une sorte de thibaude végétale. es ravers ces deux tissus, dont le supérieur est en moquette assez paisse, que l air doit p asser pour entrer dans les apparte- ISO EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. ments. On conçoit facilement qu’il éprouve au passage une résistance très-sensible, qui, pour être vaincue, exige que l’air acquière, par l’action du ventilateur, une certaine pression. Cet effet se manifeste d’une manière très-notable dès que l’on ouvre la communication, qui permet à l’air d’affluer sous le plancher. Le tapis se soulève alors sur la plus grande partie de son étendue et jusque vers les extrémités de la pièce, en se bombant de 0 m .10 à 0 m ,12 au moins dans les endroits où il n’y a ni meubles ni personnes. Le passage de l’air à travers ces tapis est cependant assez sensible, car en posant une bougie allumée à sa surface, la flamme de cette bougie est légèrement agitée. Quant aux orifices ménagés sous la plinthe du lambris, on y sent très-bien à la main l’arrivée de l'air, et elle doit y être naturellement d’autant plus rapide, qu’il y a sur le tapis plus de meubles et de personnes qui gênent l’arrivée de l’air à travers son tissu. Cette dernière circonstance doit avoir pour résultat de restreindre d’autant plus l’arrivée de l’air à travers le tapis qu’il y a plus de monde dans les appartements, ce qui montre l’un des inconvénients d’une semblable disposition pour des appartements de réception. Des ventelles mobiles à volonté, de l’intérieur de l’appartement permettent de régler, de modérer ou de suspendre, à volonté et selon les circonstances, l’arrivée et l’évacuation de l’air. Cette maison renferme une foule de dispositions ingénieuses pour assurer l’ouverture et la fermeture des portes dès qu’on s’en approche, pour éclairer l’intérieur par des becs de gaz placés au dehors, pour fermer les volets sans y toucher, etc. Palais de Sydenham. Ce bâtiment est établi sur un terrain en pente assez prononcée pour que d’un côté Ton arrive de plain- pied au rez-de-chaussée, tandis que de l’autre cet étage est à plus de 4 mètres au-dessus du sol. Cette circonstance a permis d’établir sur toute l’étendue du rez-de-chaussée un vaste espace vide, dont on a tiré parti pour la ventilation et pour le chauffage. La température qu’il est nécessaire d’entretenir dans l’espace destiné aux plantes tropicales, que l’on nomme le Tropical department, étant bien supérieure à celle dont on peut se contenter pour le reste de l’édifice, l’on a été obligé d’établir une séparation à peu près complète dans toute la hauteur du bâtiment. RENSEIGNEMENTS SUR LA VENTILATION. loi Elle est formée par un immense panneau vitré, qui, par l’effet rie sa transparence, interrompt le moins possible la continuité de l’aspect général. Dans le même but, on a placé sous cette partie, un nombre proportionnellement beaucoup plus considérable de chaudières et de tuyaux de chauffage. Le plancher du rez-de-chaussée est formé de madriers de 0 m ,22 de largeur moyenne, séparés les uns des autres à peu près uniformément de 0 m ,015 h O m ,OI8, de sorte que l'espace vide qui permet, comme on va le voir, le passage de l’air, est d’environ 1 ,'1 2 de la surface totale, ou de 1/15 en tenant compte des parties recouvertes par différents objets. G’est sous ce plancher, et du côté de la pente générale du terrain, que sont établies les chaudières, au nombre de vingt-cinq, destinées à procurer partout la température convenable, qui est d’environ 16 à 18 degrés dans l’ensemble, et de 30 à 35 degrés pour la partie réservée aux plantes tropicales. Toutes ces chaudières sont semblables, et ont la forme d’un demi-cylindre annulaire de 1 m ,30 environ de diamètre intérieur, de O 1 »,45 d’épaisseur, et de5 m ,50 de longueur. Au sommet de ce cylindre s'élèvent deux tuyaux de départ de l’eau chaude, de 0“,20 de diamètre, et vers le fond pénètrent deux tuyaux de retour du même diamètre, qui sont en communication avec les Précédents, comme dans le chauffage par circulation d’eau par te tuyaux généraux d’aller et de retour. Dans ce système, analogue à celui des serres, il n’y a pas de récipient supérieur, et les chaudières étant d’ailleurs à basse pression, cela a permis d’em- Rloyer des tuyaux de fonte d’assez grands diamètres, que l’on * est contenté de réunir par un emboîtement, comme les conduites d’eau ordinaires. Tout le système des tuyaux d’aller et d retour étant sous le plancher du rez-de-chaussée et au-dessus Un S °1 non utilisé, les fuites d’eau, assez faibles d’ailleurs, qui de^ r ^ UlSen ^’ n ' on l P as d’inconvénient, mais il n’en serait pas Cha me ^ 3ns c l' au l res conditions, de t " Ue c ^ lau dière alimente à p eu près en moyenne 3200 mètres di d 1 ^*!* c rcu l a l* on aller et retour compris, et la totalité , ,^ Ve ° PP ei nent de tous ces tuyaux est d’environ 75 à 80 ki- ome res, cest-à-dire à peu près la distance de Londres à Douvres. r 152 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. L’air nouveau qui doit être admis dans l’intérieur, est introduit sous les planchers par de larges et nombreuses ouvertures ménagées dans les soubassements du bâtiment. Il s’y trouve en contact avec les tuyaux de circulation de l’eau, et est ainsi naturellement appelé dans l’intérieur. Si l’on se rappelle que l’espace libre laissé dans le plancher est d’environ 1/15 de sa surface, et par conséquent de 0 mq ,066 par mètre carré, l’on voit qu’en supposant seulement à l’air une vitesse d’admission de 0 m ,20 par seconde, à peine sensible aux organes les plus délicats, l’on peut, par ce dispositif, introduire, par heure et par mètre carré de plancher, 0 m' nouvelle fraction, sans être une moyenne entre les deux, donnera un résultat plus fort que celui de la première et plus faible que celui de la seconde. Si sa décomposition présente un nombre premier trop considérable, on pourra l’additionner terme à terme avec les deux fractions dont elle dérive, et ainsi de suite ; obtenant par là, à volonté, de nouvelles fractions se rapprochant de plus en plus de l’exactitude, et parmi lesquelles on peut trouver des nombres successivement décomposables et s’appliquant à des mobiles de dimensions convenables. Pour rendre sa méthode plus pratique, M. Brocot a fait imprimer une table des fractions ordinaires dont le dénominateur n’excède pas 100, et en regard la fraction décimale qui y correspond. Cette colonne de fractions décimales a pour but de faciliter les recherches, en ce sens qu’elles sont classées par ordre de grandeur, et qu’ainsi on arrive, de prime-saut, à la fraction ordinaire qui se rapproche le plus, dans la table, de la fraction qui résulte du problème posé. Telles sont les conditions générales de la Nouvelle méthode du calcul des rouages , dont M. A. Brocot n’a encore fait imprimer que la table en question, et sur laquelle nous regrettons vivement de ne pouvoir nous étendre davantage. Nous ne quitterons pas M. Brocot sans le signaler comme le constructeur de pièces de cheminée marchant un an, au moyen d’un dispositif inventé par M. Maurel 1 , et qui consiste en une série de barillets se commandant réciproquement et successivement par les arbres et les viroles, de manière à se restituer simultanément, par portions égales, la force dépensée par le barillet moteur immédiat du rouage, condition analogue à celle qui résulterait du remontage permanent d’un seul chaque" instant de l’année. Si les barillets se commandaient réciproquement dans les mêmes conditions, c’est-à-dire soit par tous les axes, soit par toutes les viroles, le résultat serait une augmentation de force proportionnelle au nombre des barillets, sans affecter la durée de la marche. Mais la commande se faisant alternativement par 1. M. Maurel est aussi l’inventeur des ingénieuses machines à calculer que 1 Académie des sciences à jugées digue du prix de mécanique de la fondu lion Mimljon. 192 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. l’arbre du premier barillet sur la virole du second dont l’arbre commande la virole du troisième, etc., la force du dernier barillet reste la même que s’il était seul, et c’est la durée de la marche qui devient proportionnelle au nombre des barillets. M. Redier est un industriel qui, avec les labeurs d'une immense fabrication de pièces courantes, sait concilier les patientes et incessantes méditations qui font passer les théories scientifiques dans le domaine de la pratique son exposition à Londres en fait foi. Nous y remarquons d’abord deux régulateurs de luxe, compensés au mercure; mais, au lieu du tube unique qui constitue ce genre de compensation partout où nous l’avons rencontré, M. Redier en a employé deux, non-seulement pour satisfaire aux conditions de symétrie d’une pièce de prix, mais surtout parce que, ainsi divisée, la masse de mercure se met plus rapidement en équilibre de température avec l’atmosphère. Nous nous rappelons qu’en 1839 M. Duchemin, prédécesseur de M. Redier, mû sans doute par les mêmes considérations, avait aussi multiplié le nombre des tubes qui, communiquant ensemble, pouvaient en outre prendre, sur la tige du pendule, une position plus ou moins inclinée, ce qui permettait dérégler, avec une extrême précision, la longueur virtuelle de ce pendule. La symétrie manquait, il est vrai, à cet ensemble; mais cette espèce de tlûte de Pan, se balançant dans l’espace, produisait un effet très-original. L’horlogerie de précision ne peut que gagner à ces résurrections de bonnes conditions pratiques trop facilement abandonnées, et nous savons très-bon gré à M. Redier d’avoir exhumé celle-ci au profit da la génération qui s’élève. Deux autres régulateurs où M. Redier a eu la précision comme but essentiel, comportent un échappement sans fourchette; condition bien antérieurement appliquée, l’un à ancre, l’autre à chevilles, et qui diffèrent des échappements connus en ce que la levée et la chute J , ali lieu de se faire sur des leviers rigides, 1. On désigne sous le nom de levée, la disposition qui restitue au pendule la vitesse perdue pendant une oscillation simple ou double, suivant le cas. La chute est l’espace parcouru par l’organe qui donne l’impulsion , dent ou cheville de la roue d’échappement, après l’impulsion donnée, pour atteindre l’organe de repos, qui arrête périodiquement le rouage, jusqu’à la prochaine impulsion. HORLOGERIE. 19a s’opère sur des leviers flexibles dont l’élasticité amortit le coup; de sorte que cette même chute peut être accidentellement forte ou faible, sans que la marche du pendule en soit sensiblement affectée. 11 en est de même de la levée, qui, étant flexible comme le repos, cède sous l’action de la roue d’échappement, quand cette action n’est pas en rapport avec la marche du pendule. 11 en résulte que certaines conditions de précision, d’une nécessité absolue dans la construction ordinaire, n’ont plus qu’une importance secondaire; que, lorsqu’une cause perturbatrice de l’égalité du moteur se présente, les conséquences sont plus lentes à se produire, et qu’enfin , dans les vices de cette nature provenant des engrenages, la cause disparaît souvent avant que l’effet soit produit. Pour vérifier expérimentalement les résultats de cette disposition, M’. Redier a construit des échappements dont les leviers deviennent, à volonté, flexibles ou rigides. Voici les résultats de ses expériences Avec des leviers flexibles, il faut moins de force motrice pour obtenir les mêmes arcs d’oscillation. Lorsque la puissance motrice vient à augmenter brusquement, les arcs demeurent encore fort longtemps de même étendue, tandis qu’ils grandissent rapidement avec des leviers fixes. Enfin, quand la force motrice vient à diminuer brusquement, les résultats sont à peu près les mêmes pour les leviers flexibles que pour les leviers rigides. U y a là évidemment un résultat important, que confirmera très-probablement l’observation de longues marches. Un exposant anglais, dont le nom a disparu de nos notes, présente aussi un échappement fixé sur le pendule et à leviers flexibles mais d’un dispositif tout à fait différent de celui de M. Redier. L’absence de cet exposant, ainsi que la distance à laquelle la pièce se trouve des visiteurs, ne nous a pas permis d’en bien voir les détails, et par conséquent de nous faire une opinion sur son compte. Depuis longues années la maison J. Wagner neveu construit des échappements dont les leviers sont susceptibles de s’écarter l’un de l’autre, et ne sont maintenus à la distance normale que par l’action d’un ressort de traction. Mais cette flexibilité n’a d autre but que de prévenir la rupture des chevilles de la roue III. 13 m EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. d’échappement, lorsque la négligence du remonteur de l’horloge a laissé le poids moteur descendre jusqu’à terre, ce qui arrête nécessairement le rouage mais non le lourd pendule, qui continue à osciller pendant un certain temps. Si, dans ce cas, une des chevilles de la roue d’échappement se trouve en face de l’un des becs de l’ancre, sa rupture aurait lieu, si le bec n’avait pas la faculté de céder en tendant le ressort en question. Mais revenons à M. Redier. Son compas chronométrique est une espèce de montre à secondes indépendantes, dont on peut mettre l’aiguille en coïncidence parfaite avec l’aiguille de secondes d’un autre instrument, et qui indique, en même temps, à moins d’un 20° de seconde près, la différence qui existait primitivement entre les deux instruments. D’importantes applications peuvent résulter de ces conditions, qui permettent d’éviter le transport, toujours chanceux, d’un chronomètre, du bord à terre, pour en vérifier la marche pendant la traversée que le bâtiment vient de faire. Il suffit, pour cela, de mettre en coïncidence l’aiguille des secondes du compas chronométrique avec celle du chronomètre de bord, puis de transporter le compas chronométrique à terre, et de déterminer la même coïncidence avec un régulateur donnant exactement l’heure du lieu d’atterrage. La différence indiquée par l’instrument donnera la marche du chronomètre depuis la dernière observation, en tenant compte nécessairement de la différence, en longitude, des lieux de chacune d’elles. On obtient la coïncidence en question en faisant tourner le fond de la boîte soit à droite soit à gauche, selon que le compas chronométrique avance ou retarde sur la pièce avec laquelle on veut le mettre d’accord ; en d’autres termes, en faisant tourner concentriquement les deux rouages d’une montre à secondes indépendantes. Les personnes familières avec ce dernier mécanisme comprendront en effet que le mouvement dans un sens retardera l’action d’un rouage sur l’autre d’une durée proportionnelle à la grandeur de l’arc de déplacement, et, réciproquement, que le mouvement en sens contraire accélérera cette action dans la même proportion. L’échappement à ancre, employé habituellement par M. Redier, fait dix oscillations par seconde. Il en a expérimenté avec succès qui en donnent vingt. On voit par là que sa tendance ' HORLOGERIE. 199 est de se rapprocher le plus possible du mouvement continu, tendance qu’expliquent les nombreuses expériences qu’il a faites sur le pendule conique, dont nous allons dire quelques^mots. Le pendule conique s’appelle ainsi parce qu’au lieu de se mouvoir dans un plan perpendiculaire à l’horizon, chacun des points de sa longueur décrit un cercle qui va toujours s’agrandissant depuis le point de suspension jusqu’à son extrémité inférieure, de sorte que l’espace circonscrit par ces points forme un cône. Huyghens est le premier qui s’en soit occupé, mais à un point de vue plus théorique que pratique; car aucun de ceux qui, postérieurement, en ont voulu faire l’application, ne paraît avoir pu saisir sa pensée sur le mode d’application. Un compteur à secondes décimales, faisant partie des collections du Conservatoire, paraît être le plus ancien modèle existant de l’emploi du pendule conique, tel que l’ont compris et utilisé MM. Bréguet, Foucault, Pecqueur, Cuel, Vérité, llalliman, Laurendon, quelques artistes anglais, et entin M. Redier. La principale difficulté que présente l’application du pendule conique réside dans la suspension. Un fil de métal se rompt après très-peu de temps de service, celle à quatre couteaux est d’une exécution difficile pour arriver à la perfection. Nous donnons la préférence, de tous points, à celle à quatre lames qu’emploie M. Redier au moyen d’un dispositif très-ingénieux, qui, laissant à chaque couple de lames une entière liberté, leur assigne rigoureusement la même position par rapport au pendule. Les marches qu’il en a obtenues sont parfaitement comparables à ce qu’on peut obtenir du pendule ordinaire. Le but principal que s’était proposé M. Redier, était la solution du problème important de la transmission à distance de l’heure astronomiquement exacte d’un lieu donné. L’est par suite des expériences faites au moyen du pendule conique, q u ’il es t arr ivé à la construction de son compas chronométrique. On savait, par les expériences de M. Foucault, que le pendule ordinaire a la propriété de conserver son plan d’oscillation. Le expériences de M. Bravais ont constaté la même propriété dans le pendule conique. Si on place, sur un plateau horizontal, mobile autour de son centre, une horloge à pendule conique dont la vitesse soit exac- 196 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. tement d’un tour par seconde, et si l’on fait tourner le plateau dans le même sens que le pendule, l’horloge retardera. Elle avancera si le mouvement du plateau est en sens contraire. Un tour entier du plateau, dans un sens ou dans l’autre, produira un retard ou une avance d’une seconde, de deux pour deux tours, etc., etc., ou d’une fraction de seconde exactement proportionnelle à la fraction de tour qu’on aura fait faire au plateau. • Rien n’est donc plus facile que d’établir la coïncidence précise de l’heure, entre un régulateur ordinaire et une horloge à pendule conique, ou entre deux horloges de cette dernière espèce; la distance entre les deux pièces n'étant plus un obstacle, au moyen des facilités que donnent les communications électriques. Si nous avons été assez heureux pour être compris dans notre description trop succincte du compas chronométrique de M. 11e- dier, on reconnaîtra facilement, dans les deux cas, l’heureuse application du même principe. M. Ch. Couet fils expose une pendule de cheminée, à rouage visible, exécutée âvec une perfection de main-d’œuvre héréditaire dans sa famille. Rien que le pendule n’ait que la longueur donnant la demi-seconde et qu’il reçoive deux impulsions par seconde, d’un échappement de Graliam, l’aiguille donne seulement la seconde, ce qui produit, dans la vraie acception du mot, un échappement à coup perdu. La tige de secondes porte deux roues, dont l’une est folle et reliée à la roue fixe par un ressort bandé par le mouvement que fait celle-ci à chaque double oscillation, sous l’action d’un remontoir. A l’exception du coup perdu sur lequel notre mémoire nous fait défaut, ce dispositif de remontoir à double roue n’est pas nouveau, sans que nous puissions toutefois y attacher un nom. Mais ce que nous ne nous rappelons pas d’avoir vu ailleurs, ce sont les dispositions au moyen desquelles M. Ch. Couet est arrivé à réduire au minimum l’influence de la force motrice sur le dégagement du remontoir, et à soustraire, en très-grande partie, le pendule à cette même influence. Le dégagement n’ayant lieu que pour une oscillation sur deux, cette influence se trouve nécessairement réduite de moitié. Il s’opère au milieu de la levée, et par conséquent dans le moment le plus favorable, et non, comme dans le plus grand nombre des cas, pendant l’arc supplémentaire. HORLOGERIE. 197 Enfin la détente sur laquelle vient s’appuyer l’une des branches du remontoir, n’oppose à l’action du pendule, pour opérer le dégagement, que la résistance d’un ressort dont on peut régler à volonté la tension de manière à n’avoir que la résistance rigoureusement nécessaire pour la sûreté de l’effet. Si cette pièce, d’ailleurs si remarquable dans son exécution, ne justifie pas, dans toute sa rigueur, l’expression d e force constante 1 , dont M. Couet fils s’est servi pour la caractériser, nous croyons pouvoir dire qu’elle est une de celles qui en approche le plus. Il est de principe en horlogerie de donner au pendule des pièces fixes un poids assez considérable pour atténuer, par l’inertie de sa masse, les variations qui peuvent survenir dans la force motrice qui, dans ce cas, deviennent d’autant moins sensibles que cette masse est plus considérable. On agit rarement ainsi dans les pièces portatives dont on réduit -autant que possible le volume et par conséquent Celui de l’organe moteur. On est ainsi logiquement conduit à diminuer proportionnellement la masse du balancier dont la marche varie nécessairement avec les variations de la force motrice. M. H. Robert a sagement conservé le balancier lourd et augmenté la force motrice, non en modifiant la hauteur ou l’épaisseur du ressort moteur, mais en faisant agir, pour une même durée, une plus grande longueur de ce même ressort; ce qu’il obtient en augmentant la vitesse angulaire du barillet; en d’autres termes, en modifiant convenablement les nombres de dents qui constituent le rouage. Pour ses pièces astronomiques, M. II. Robert supprime la minuterie ou quadrature, c’est-à-dire le mécanisme spécial qui permet de rendre concentriques plusieurs ou toutes les aiguilles d’une même pièce; ce qui, dans les régulateurs les plus soignés, produit 1. Nous ne connaissons que deux systèmes d’horlogerie auxquels cette expression puisse s’appliquer dans toute son exactitude. L’un est du fondateur de la maison Bréguet, l’autre de M, Vérité, de Beauvais, qui, depuis l’exposition de 1844 à laquelle il a fait son apparition, commande, dans toutes les pièces du monument où siège le tribunal de Beauvais, un très-grand nombre de cadrans, sans que son admirable marche s’en trouve altérée. Depuis lors, les dispositions fondamentales de cette horloge ont été appliquées à des pendules électriques, par >1. Vérité d’abord, puis par un certain nombre d’autres horlogers. 198 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. toujours des frottements variables qui se traduisent en variations dans la marche de la pièce. Chaque aiguille a son cadran et est montée sur le pivot prolongé de la roue à laquelle elle appartient. D’autres dispositions, se rattachant à la fabrication même, lui permettent d’établir, sans tâtonnement, soit le parallélisme ou la perpendicularité de certains organes, et par conséquent d’établir des pièces de précision à un bon marché assez notable. M. H. Robert est lauréat de la Société d’encouragement pour ses pièces ù l’usage civil auxquelles il a, depuis longues années, apporté d’heureuses modifications. Il est arrivé à donner à ses compteurs à secondes un degré de précision remarquable. Celui qui figure à l’exposition peut enregistrer photographiquement les diverses phases d’une éclipse de soleil, en ouvrant et fermant automatiquement le passage de la lumière projetée sur un papier sensibilisé. Depuis longtemps M. II. Robert exécutait des cadrans solaires et autres appareils destinés à donner l’heure par le soleil. En ce moment, lui et son fils terminent un appareil dont la précision est au moins décuple de celle de tous les cadrans solaires connus. Une carte horaire, qui en est l’accessoire obligé, permet de résoudre graphiquement, à l’instant et sans calcul, tous les problèmes d’angles horaires, notamment ceux-ci Trouver l’heure, la hauteur du soleil et la latitude du lieu de l’observation étant données. Conclure la latitude au moyen de deux observations de la hauteur du soleil, etc. La solution de ce dernier problème intéresse surtout les navigateurs, qu’elle dispense de calculs aussi long6 que fastidieux. Si l’exposition de M. Oudin-Charpentier ne se composait que des pièces qui attirent le plus particulièrement l’attention de la masse des visiteurs par la richesse et le bon goût des ornements ; s’il n’avait que des croix-montres de styles divers, exécutées sur commande pour des têtes couronnées, nous garderions sur son compté le silence le plus complet, parce que nous ne verrions pas, dans ces pièces, le genre de progrès que nous avons mission de rechercher et de signaler à nos lecteurs, quand nous avons le bonheur de le rencontrer. Mais, à eôté de questions de joaillerie, qui ne nous regardent pas, nous rencontrons divers essais HORLOGERIE. 199 dont le but et les moyens sont tout à fait de notre compétence et dont nous allons dire quelques mots. Dans la notice qu’il a publiée au sujet de son exposition, M. Oudin-Charpentier annonce avoir constaté la supériorité de marche des régulateurs accrochés à la muraille sur ceux dont le support est le parquet de l’appartement. Depuis très-longues années et très-probablement déjà pendant la direction personnelle du fondateur de la maison Bréguet, les régulateurs exécutés dans cette maison ont toujours été disposés de manière à être accrochés à la muraille pour leur assurer la plus grande stabilité possible. Nous n’en félicitons pas moins M. Oudin-Charpentier d avoir introduit, dans sa fabrication, une condition qui, bien qu’ancienne, n’était pas sérieusement entrée dans la pratique générale. Il y a quelque chose de plus nouveau dans l’idée de faire battre la seconde à un pendule raccourci de près de moitié, appliqué à des régulateurs suspendus, pour les accommoder à l’exiguïté de nos appartements modernes. Toutefois, la nouveauté n’est pas absolue, car ce pendule, déjà employé dans la pendule branlante d’Abraham Bréguet, est encore celui que Maelzel a appliqué i\ son métronome, dont l’usage est aujourd’hui si vulgaire, et qui consiste à placer, au-dessus du point de suspension, une masse additionnelle dont le poids ou la distance à ce même point règle la durée des oscillations. . Mais le pendule d’un régulateur doit être nécessairement compensé; et, comme les moyens employés pour compenser la portion placée au-dessous du point de suspension sont tout à fait sans influence pour la portion placée au-dessus, ce genre de pendule exige impérieusement une double compensation très-délicate à produire et par conséquent coûteuse. Cette dernière question n’est toutefois que secondaire dans tous les cas où les exigences locales ne comporteraient pas, avec la nécessité d’un régulateur, la possibilité d’un emplacement suffisant pour un pendule ordinaire, ou bien encore, dans les cas beaucoup plus nombreux où l’art règne en souverain absolu et subordonne, à ses caprices plus ou moins légitimes, les conditions techniques les moins discutables. G donc, en définitive, un progrès réel que M. Oudin-Char- PntÎAï 1 O pentier a réalisé. en rendant possible l’accord des deux incom- patibihtes que nous venons de signaler. 200 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Le bruit qu’a fait en France l’adoption d’un diapason normal a engagé M. Oudin-Charpentier à en placer un dans ses montres spécialement destinées aux musiciens de profession. C’est le moyen de l’avoir toujours à sa portée. Mais si ce bruit a eu quelque retentissement au dehors, il est aujourd’hui bien atténué car notre oreille n’a pu en percevoir le plus faible écho dans le palais de Kensington. Les pièces d’horlogerie exposées par MM. Desfontaiues, Leroy et fils sont d’une grande richesse extérieure et d’une belle exécution. On y remarque diverses espèces d’échappements visibles d’une disposition originale, ayant le même but qu’un certain nombre de ceux que nous avons déjà signalés, celui de faire marquer la seconde à des pièces dont le pendule 11 e bat que la demie. Les chronomètres de marine, exposés par M. Vissière du Havre, n’offrent rien de nouveau dans leurs dispositions. Nous n’avons donc à les signaler ici que pour rappeler la réputation légitimement acquise par M. Vissière, par la perfection des pièces qu’il livre aux navigateurs. Les renseignements nous ont complètement fait défaut sur les Il en est de même pour l’exposition collective de Besançon. L’idée d’appliquer l’électricité dynamique, comme force motrice des appareils destinés à la mesure du temps, est contemporaine de celle qui a eu pour but la transmission, par le même agent, de la pensée humaine à des distances quelconques ; et il est peu de personnes, s’occupant de télégraphie électrique, qui n’aient songé à son application chronométrique, soit comme moteur d’un premier appareil, soit, surtout, comme moyen de transmission, à distance, de l’heure donnée par un régulateur mû par un moteur quelconque. Mais, soit faute d’être suffisamment familiarisés avec les phénomènes électriques, soit toute autre cause, les auteurs des nombreuses tentatives faites dans ce double but étaient loin de l’avoir atteint, lorsqu’en 1853, M. Vérité, de Beauvais, qui s’était déjà fait connaître,dès 1844, par un régulateur dontle pendule est constamment indépendant de la force motrice de l’horloge, et par conséquent des variations de cette force, non-seulement quant à l’impulsion, mais quant au dégagement du rouage, réussit, avec HORLOGERIE. 201 un égal bonheur, à substituer l’électricité dynamique à la force motrice, poids ou ressort, qu’il employait précédemment. Le rôle de l’électricité se borne, dans cet appareil, à faire attirer successivement, par deux électro-aimants placés à droite et à gauche du pendule, une bascule dont le milieu est formé d’une substance non conductrice, et dont les extrémités sont en fer doux. Chaque bras de cette bascule porte un petit poids suspendu à un fil métallique très-flexible, au-dessus d’une barrette faisant la croix avec le haut du pendule. Le circuit s’établit du pendule à la pile, et de celle-ci aux électro-aimants, au moyen d une bifurcation du fil conjonctif qui se termine, à sa sortie de la bobine, par le fil beaucoup plus fin qui suspend les deux petits poids au-dessous de la bascule. Supposant le pendule écarté de la verticale jusqu’à son contact avec le petit poids de gauche; le circuit est fermé, le courant s’établit et l’électro-aimant de gauche attire à lui le bras gauche de la bascule, ce qui fait peser le petit poids sur le bras gauche de la barrette du pendule et donne à celui-ci l’impulsion de gauche à droite; impulsion qui se continue pendant toute la durée du contact entre la petite boule et la barrette du pendule. Lorsque ce contact a cessé, le pendule continue son mouvement en vertu de la vitesse acquise, et le bras droit de la barrette arrive au contact de la petite boule de droite. Le circuit se trouve de nouveau fermé, mais le courant passe dans l’électro-aimant de droite qui, attirant le bras droit de la bascule, laisse au petit poids de droite toute son action pour donner l’impulsion de droite à gauche, et ainsi de suite jusqu’à épuisement de la source électrique qui, dans les conditions établies par M. Vérité, peut marcher six mois et plus sans qu’on ait besoin d’y toucher. Si nous avons été assez heureux pour nous faire comprendre de nos lecteurs, ils reconnaîtront que, quelles que soient les variations de la force électrique, elles sont absolument sans influence sur la marche du pendule, puisque, si rapide que puisse ^tre l’établissement du courant, quand le contact a lieu entre le pendule et la petite boule, celle-ci se trouve soulevée d’une certaine quantité, en vertu de la vitesse que le pendule conserve encore, et que ce n’est que lorsque cette vitesse est complètement anéantie par la résistance que lui oppose la petite boule que l’impulsion commence, de sorte que cette impulsion a tou- 202 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. jours pour mesure la hauteur constante d’où descend la petite boule jusqu’au moment où cesse le contact. Cette pièce est donc véritablement à force constante, dans toute la rigueur du mot. A l’exposition de 1855, où elle figurait, on a pu voir une horloge de M. Froment, basée sur le même principe. La seule différence consistait dans l’emploi d’une seule boule donnant l’impulsion au pendule d’un seul côté. On voyait également, dans l’exposition de M. Detouclie, des pièces de M. Robert-Houdin, où les boules étaient remplacées par des ressorts relevés par l’action du courant, pour agir en temps utile sur le pendule, lorsque le circuit se trouvait interrompu. Nous avons maintenant à nous occuper d’une nouvelle horloge électrique qui figure également dans l’exposition de la môme maison Detouche. Bien qu’elle fonctionne et doive fonctionner dans les meilleures conditions de marche, nous regrettons d’avoir à dire qu’elle s’écarte de ce caractère de simplicité qui distingue si éminemment ses aînées, et qui, selon nous, doit constituer la condition fondamentale de toute horloge électrique. M. Detouche peut, il est vrai, nous répondre que, tout le mécanisme étant en vue, l’amateur donnera nécessairement la préférence à la pièce plus compliquée, qui attirera d’avantage l’attention, sur la modeste simplicité des dispositifs décrits plus haut. A cela nous n’avons rien à répliquer; et, tous les goûts étant dans la nature, nous acceptons qu’au point de vue industriel on fabrique plus volontiers ce qui plaît au plus grand nombre. Cette réserve faite, nous n’avons que des éloges à donner au dispositif adopté, dont le principe réside dans l’emploi d’un remontoir, faisant fonction de force motrice sur le pendule, pour lui restituer la portion de vitesse qu’il perd à chaque oscillation. Ce remontoir est formé par une roue satellite engrenant avec une autre roue concentrique à la roue d’échappement, sur laquelle elle est fixée, avec cette condition, qu’au moyen d’un encliquetage la roue satellite ne tourne que dans un sens autour de l’autre, c’est-à-dire quand elle est remontée. Devenue alors solidaire avec la roue d'échappement, son poids tend à faire tourner celle-ci, qui est successivement dégagée, à chaque double oscillation du pendule, dont le mouvement repousse une pièce d’arrêt. Une cheville de la roue d’échappement agit alors HORLOGERIE. 203 sur l’unique bec d’une demi-ancre, pour restituer au pendule ce qu’il a perdu de sa vitesse. Le pendule ayant la longueur qui convient à la demi-seconde, et la roue d’échappement ne se déplaçant qu’une fois pour deux oscillations, une aiguille fixée sur son axe donne par conséquent la seconde entière. C’est encore un échappement dit il coup perdu. Toutes les dix secondes, une pièce appartenant à la monture de la roue satellite, qui est descendue au point le plus bas de sa Bourse, agit sur un autre arrêt qui maintient soulevé un ressort droit en cuivre. Ce ressort dégagé retombe sur l’extrémité d’un autre ressort droit, ce qui ferme le circuit, et détermine l’attraction, par deux électro-aimants, d’une pièce en fer doux, dont le mouvement produit l'ascension d’une tige verticale, armée de deux projections. L’une, la supérieure, placée au-dessous de la roue satellite, soulève celle-ci par son axe, et la remonte à son point de départ. L’autre, mobile sur un axe et formant une espèce de pied de biche, soulève les deux ressorts dont le contact ferme le circuit, et remet le ressort supérieur en prise avec sa pièce d’arrêt, puis continue sa marche ascendante au delà de ces mêmes ressorts, ce qui permet au ressort inférieur de se séparer du premier en vertu de son élasticité. Le circuit est rouvert, l’attraction des deux électro-aimants cesse, et la tige verticale retombe par son propre poids, sans être gênée, dans cette descente, par le pied de biche qui tourne sur son axe lors de son contact avec les deux ressorts. Telles sont les conditions générales delà nouvelle horloge électrique; conditions qui nous ont paru devoir atteindre complètement le résultat cherché. Nous croyons pouvoir ajouter, qu’au Point de vue industriel, les formes et les dispositions des divers organes employés révèlent autant' d’intelligence que de sagacité. Les autres pièces de la très-riche exposition de M. Detouche ne contenant que des conditions entrées depuis longtemps dans m pratique industrielle, nous n’avons pas à nous en occuper ici. Quelques mots sur XHorloge Perreaux, dite Sablière. Cette horloge, aux yeux du plus grand nombre des personnes qui la voient fonctionner, paraît plutôt un pas en arrière qu’un progrès, et nous ramener vers l’époque où le sablier, dont les applications sont aujourd’hui si restreintes, était l’unique indicateur de la marche du temps. 204 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Sans vouloir assimiler l’horloge Perreaux à une pièce de précision, nous dirons qu’elle peut donner la mesure du temps à un degré remarquable d’approximation, et à un prix très-modéré, parce que son mécanisme est aussi simple que rustique, et n’est guère sujet aux dérangements. Bien que l’orifice par lequel s’écoule le sable soit réglé de grandeur, comme dans le sablier, pour produire un écoulement déterminé dans un temps donné, c’est le poids de ce même sable agissant comme moteur, et non son volume qui donne la mesure du temps. Sur l’axe de l’aiguille des minutes est fixée une roue à rochet. Un levier a ce même axe pour centre de mouvement, et est maintenu dans une position voisine de l’horizontalité, tant par un contre-poids que par un cliquet qui le rend périodiquement solidaire avec la roue à rochet. A l’extrémité libre de ce levier est un auget dans lequel s’écoule le sable placé dans une trémie supérieure, et dont l’écoulement est, comme nous l’avons dit, convenablement réglé. Lorsque le poids du sable accumulé dans l’auget est suffisant pour vaincre le frottement et l’inertie des pièces mobiles du système, ce levier, en s’abaissant, fait tourner la roue à rochet, et, avec lui, l’aiguille indicatrice des minutes; l’auget se vide du sable qu’il contenait, et le contre-poids du levier relève celui-ci à sa hauteur primitive sans faire tourner la roue en sens contraire, parce que le cliquet cède dans ce mouvement rétrograde, et vient se placer dans la dent voisine de celle qu’il occupait d’abord. N’oublions pas de dire que le mouvement de descente du levier a produit l’occlusion de l’orifice d’écoulement, qui n’est rouvert que lorsque l’auget récepteur du sable s’est complètement vidé et s’est convenablement replacé sous l’orifice d’écoulement. On comprend qu’au moyen d’une quadrature ordinaire l’aiguille des minutes peut conduire celle des heures, et que quant à la sonnerie, elle peut se produire en temps utile par l’ouverture automatique d’un second orifice dont le sable s’écoule dans des augets successifs, dont le mouvement produit, pour chacun, un coup de marteau. La sécheresse ou l’humidité du sable produite par l’état variable de l’atmosphère paraît n’exercer aucune influence sur la marche de la pièce. Plus humide, le sable coule moins vite par HORLOGERIE. •205 un même orifice, mais pèse davantage et réciproquement; de sorte qu’il s’établirait là une double compensation. Lorsque nous aurons signalé les ressorts de tous genres exposés par les frères Montandon , dont les bonnes qualités nous ont été attestées par tous ceux des exposants auxquels nous avons demandé des renseignements à ce sujet, nous aurons terminé la trop courte nomenclature des produits qu’il nous a été donné d’étudier dans l’Exposition chronométrique de la France. Ainsi que nous l’avons dit plus haut, notre récolte hors de l’horlogerie française a été des plus minces. Nous signalerons toutefois les conditions générales d'un échappement anglais qui paraît avoir une certaine vogue en Angleterre, car nous l’avons vu se reproduire, à très-peu de différence près, chez un certain nombre d’exposants quil’appliquentparticulièrementà de petites horloges de clocher. Nous en avons entendu attribuer l’invention à M. Cole, dont la réputation faite depuis longtemps est un bon préjugé en faveur d’une disposition dont certains détails ont pu nous échapper, attendu que, lors de nos visites si infructueuses dans l’horlogerie anglaise, tous les spécimens de cette pièce étaient en mouvement. Mais décrivons ce que nous avons vu ou cru voir. L’axe de la roue d’échappement est dans la verticale occupée par la tige du pendule au repos. Elle se compose d’un disque d’où rayonnent un certain nombre de bras en étoile. La face du disque est occupée par autant de chevilles, placées circulai- rement. Deux pendules beaucoup plus petits sont suspendus 1 un a droite l’autre à gauche du grand pendule. Ils ont la forme d un arc de cercle, dont la concavité reçoit le disque à chevilles de la roué d’échappement. Tous deux portent un petit bras servant successivement d’arrêt aux branches de l’étoile de cette même roue. En un point convenable de leur hauteur, est un plan légèrement incliné sur lequel agissent les chevilles qui, les écartant de la verticale,les mènent, en temps utile, tour à tour, à une même hauteur, où les maintient une branche de l’étoile s’arc-boutant sur le bras d’arrêt. Enfin ces petits pendules sont terminés par une boule qui vient successivement au contact delà tige du grand pendule pour lui donner l'impulsion. 11 est bien entendu que, lorsque l’un des petits pendules, amené 206 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. au plus haut point de sa course, y est maintenu par l’arc-boutement d’une brandie de l’étoile, l’autre est complètement libre. Examinons maintenant la marche de la pièce. Supposons le grand pendule arrivé à l’extrémité de l’arc parcouru de droite à gauche. Il est au contact du petit pendule de gauche, qui vient d’être rendu libre; tous deux, en vertu de leur poids, commencent une nouvelle oscillation de gauche à droite, le petit pendule ajoutant son poids à celui du grand dont il accélère en outre la vitesse, puisque, isolé, il marcherait plus vite que lui. Il accompagne ainsi le grand pendule, dépassant, la verticale avec lui, jusqu'à la rencontre du petit pendule de droite, qui, légèrement repoussé, dégage le rouage. La roue d’échappo- ment se met en marche; l’une de ses chevilles repousse le petit pendule de gauche, dont l’action impulsive vient d’être accomplie, jusqu’au point où une branche de l’étoile vient s’arc-bouter sur son bras d’arrêt, c’est-à-dire jusqu’à la hauteur d’où il était précédemment parti pour donner l’impulsion au grand pendule qui, maintenant, se trouve au contact du petit pendule de droite, rendu libre par le dégagement qui vient de s’opérer. Les mêmes conditions se reproduisent, mais en sens contraire le pendule reçoit son impulsion du petit pendule de droite, jusqu’à la rencontre du petit pendule de gauche, qui, dégagé à son tour, met en liberté la roue d’échappement; celle-ci repousse le petit pendule de droite jusqu’à son point de départ, pour laisser au petit pendule de gauche toute sa liberté d’action, et ainsi de suite. Nous avons entendu reprocher à ce dispositif un excès de frottement entre les deux petits pendules et le grand, résultant surtout de ce que les trois centres de mouvement ne sont pas concentriques. L’auteur peut répondre que, dans le plus grand nombre des pièces qui ont des prétentions à la plus grande perfection possible, la fourchette et le pendule présentent identiquement le même genre de frottement. La résistance au dégagement du rouage est variable avec les variations de la force motrice cela est encore vrai, mais se retrouve dans la presque totalité des pièces considérées comme excellentes. Et, d’ailleurs, ne suffit-il pas que la hauteur où ce même rouage ramène les petits pendules soit constante, que le poids de ceux-ci présente un excès constant capable de vaincre la plus grande résistance au dégagement, pour que le pendule parcoure des arcs constamment égaux ? HORLOGERIE. 207 En effet, il ne faut pas perdre de vue que le dégagement opéré, le pendule n’a pas, à proprement parler, d’arc complémentaire, parce que, quelle que soit la vitesse qu’il pourrait conserver, la plus grande partie est absorbée soit par l’inertie du petit pendule qui vient d’être dégagé, soit, et surtout, par la résistance de celui-ci à s’élever plus haut que le point ou le rouage 1 avait amené. Ajoutons à ces considérations le temps très-court qui s’écoule entre le dégagement et l’action répulsive de la roue d’échappement qui, soustrayant de la masse totale le petit pendule dont l’action cesse d’être utile, laisse le grand pendule sous l’action unique de celui qui vient d’être dégagé, et que nous supposons toujours suffisante pour déterminer, à la fin de 1 oscillation à laquelle il prend part, le dégagement du rouage, quelle que soit la résistance que la force motrice puisse opposer à ce dégagement. Si donc, comme nous aimons à le croire, sans l’avoir pu vérifier, les choses sont disposées de manière, sinon à détruire absolument, mais à diminuer l’arc complémentaire au point de le considérer comme pratiquement nul, et par conséquent à rendre constant l’arc d’oscillation du grand pendule, nous pensons que l’échappement dont nous nous occupons résout, avec une simplicité remarquable, un problème d’une importance radicale en chronométrie celui de l’isochronisme du pendule, quelles que soient les variations de la force motrice. Nous avons désigné, d’après un on dit que nous n’avons pu vérifier, M. Cole, comme l’auteur de cet échappement; nous serons plus affirmatif quant à la suspension dont nous allons parler, car son nom figure au-dessus de la pièce même. Cette suspension repose sur des conditions exactement inverses de celles qui constituent la suspension ordinaire dite à ressort. Dans cette dernière, le pendule est suspendu à 1 extrémité inférieure d’une lame d’acier, fixée à la pièced’horlogerie par son extrémité supérieure. Le plus souvent on emploie deux lames disposées parallèlement entre elles. On peut donc dire que le pendule agit sur elles par traction. C est tout le contraire dans la suspension de M. deux lames sont fixées chacune sur un des bords extrêmes d une fente assez longue, pratiquée dans un plan horizontal, et i travers laquelle s élève la tige du pendule qui reçoit, à son extré- 208 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. mité supérieure, les deux bouts relevés des deux ressorts en question, qui sont goupillés sur cette même tige. Au lieu d’agir sur ces lames par traction, comme dans le premier cas, le pendule agit, pour ainsi dire, par compression, et son poids détermine, dans chaque ressort, une courbure symétriquement régulière quand il est au repos. Mais il n’en est plus de même pendant le mouvement. Dans l’oscillation de droite à gauche, le rayon de courbure du ressort de gauche grandit, le ressort tend à se redresser, tandis que le rayon de courbure du ressort de droite diminue, et que ce ressort s’infléchit d’avantage. Le contraire a lieu dans l’oscillation de gauche à droite. Nous regrettons yivement de ne rien avoir appris sur les motifs qui ont déterminé M. Cole à employer ce dispositif, non plus que sur les résultats qu’il a pu en obtenir. Tandis que nous sommes sur le terrain anglais, indiquons, en passant, une horloge de clocher exactement copiée sur les modèles créés dans l’ancienne maison Wagner, de la rue du Cadran, et qui se compose essentiellement d’un châssis horizontal, sur lequel les palliers qui reçoivent les axes des roues, principalement de la sonnerie, sont fixés par des vis qui traversent leur base dans un trou allongé. Il en résulte ce double avantage, qu’on peut démonter un axe sans toucher aux autres, parce qu’il n’y a pas de mise en cage, et qu’on peut régler la pénétration réciproque des dents, avec toute l’exactitude possible, sans employer de bouchons excentriques. Nous avons remarqué que, sous ce rapport, les grosses pièces anglaises sont en progrès, en ce sens que des palliers analogues sont répartis autour de la cage et donnent, mais plus coûteusement, les mêmes facilités. A l’occasion de la pièce plus complètement imitée, et dont nous ne nommerons pas l’exposant, un membre du jury anglais nous disait que, dans son opinion et celle de ses collègues, cette pièce avait été exécutée à Paris. Nous nous sommes permis d’être d’un autre avis, l’exécution de cette pièce, trop peu soignée, lui assignant évidemment une autre origine. CLASSE „ oug avons pensé qu’il pouvait trouver un autre emploi, et permettre p expression dans les grandes orgues. C’est dans ce but que nous 1 a'ons proposé, il y a p[ us , j e v j n gt an8i à M. Cavaillé-Coll qui a su en faire de tres heureuses appn ca j ong qu’ont imitées depuis, à notre grande satisfaction, un certain nombre de fa,.,, n tueurs d orgues Cuique snum. 21S EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. auditeurs que le meuble devant lequel l’organiste est assis a, tout au plus, pour mission de contenir le clavier et les -organes de renvoi à des jeux nombreux de tuyaux dissimulés dans quelque coin du monument. Si l’on pouvait adresser une critique au nouvel instrument, ce serait celle d’un excès de puissance comme orgue d’appartement, excès que l’artiste ou l’amateur peut facilement atténuer dans l’exécution, et que de nouvelles dispositions en cours d’expérience ne tarderont pas à mettre sous le contrôle absolu de tous les exécutants, quel que soit leur degré d’habileté. On peut maintenant se rendre compte à Londres de la variété infinie d’effets qu’on peut obtenir de ces dispositions. Un instrument exceptionnel, dont le volume est d’environ deux tiers de mètre cube 0 n ’ c ,624, non compris un piano à queue placé sous l’estrade, contient neuf jeux complets d’anches libres, comportant chacun deux demi-jeux séparés, chaque demi-jeu pouvant se combiner avec un nombre quelconque des autres, et formant un total de dix-huit demi-jeux, plus un demi- jeu de tuyaux flûte, et quatre jeux de dix-sept notes pédales deux de seize et deux de huit pieds, deux demi-jeux de cordes et autant de percussion, ce qui donne vingt-sept genres d’organes sonores, tous différant de timbre; en tout vingt-huit en y comprenant le piano à queue. Or, si l’on considère que ces vingt-huit organes sonores, comprenant chacun plusieurs octaves, sont tous, soit isolément, soit combinés par deux, par trois, par quatre, par cinq, six, etc., jusqu’à vingt-huit, sont à l’entière disposition de l’exécutant, qui peut, à volonté, en faire entendre tel nombre qu’il voudra, et si l’on effectue le calcul des diverses combinaisons possibles, on arrivera au nombre énorme de 826, 830, 479, 415, 026, 674, 879, 029, 912, 684. Si nous ajoutons vingt-quatre organes modificateurs du son, comme intensité, comme expression, etc., etc.; se présentant sous forme de registres ou de genouillères, etc., un certain nombre pouvant opérer simultanément sur plusieurs jeux, quelques-uns sur presque tous, nous nous montrerons assurément très-modéré en ne portant qu’à deux la moyenne des modifications que chacun des vingt-huit organes sonores peut recevoir, ce qui per- 29 INSTRUMENTS HE MUSIQUE. met très-largement de tripler le nombre ci-dessus, et d’obtenir le total des effets, des ressources, mis il la disposition de l’artiste. L’harmonieorde est encore une invention de M. Debain, qui, depuis 1854, a fait un rapide chemin dans le monde musical. H se compose de la réunion de l’harmonium à un piano comportant une seule corde, contrairement aux tentatives antérieures, où figurait le piano à plusieurs cordes, dont l’unisson rigoureux, sans être absolument impossible, n’a probablement jamais été atteint par les accordeurs. La corde unique présente, au contraire, une pureté de son qui s’harmonise parfaitement avec les sons de l’anche libre, et donne à l’instrument la plus délicieuse variété d’effets. Comme facteur de pianos, M. Debain ne le cède en rien aux meilleures maisons par le choix et l’ancienneté des bois qu’il emploie, et son piano mécanique est l’objet d’une vogue toujours croissante, motivée sur uu double avantage de faire entendre, dans des contrées lointaines où ne s’aventurent pas les artistes, les chefs-d’œuvre de la musique moderne, avec toute la perfection possible; les nuances les plus délicates , indiquées par le compositeur, pouvant se noter avec la plus scrupuleuse exactitude sur des planchettes qu’on présente successivement ü l’instrument, et qui sont d’un transport et d’une conservation beaucoup plus faciles que les cylindres précédemment employés. Dans les réunions intimes, un bal peut s’improviser sans imposer à personne le supplice de faire danser les autres en ne touchant que du bout des doigts au plaisir commun. Au moment où nous mettons sous presse, nous n’avons reçu de M. Alexandre aucun des renseignements qu’il nous avait promis à diverses reprises. Nous indiquerons toutefois un dispositif que nous avons pu voir à Londres.. Il consiste dans l’échange possible, pour le même instrument, de deux jeux qui peuvent s’enlever et se remplacer par deux autres, tenus en réserve. Ce changement peut se faire sans la moindre difficulté par le possesseur de l’instrument, dont les dimensions peuvent être ainsi réduites et se prêter mieux à 1 exiguïté de nos appartements modernes. Nous signalerons, dans les harmoniums de M. Mustel,un effet qu il appelle forté expressif, et qui résulte de la proportionnalité m EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. de l’ouverture d’une jalousie avec la pression du pied sur la soufflerie. On comprend que les variations d’intensité dans le son résultent d’une double variation dans la pression de l’air, et dans la grandeur de l’ouverture qui donne passage au son. * Indépendamment de l’expression produite par la pression variée des pieds sur la soufflerie, M. Mustel arrive au même résultat par l’emploi du régulateur dont nous avons parlé plus haut, et qui est commandé par une genouillère. Cette double expression, comme il l’appelle, permet une variété de nuancesjju’on obtiendrait difficilement des conditions ordinaires. Enfin il donne à ses anches libres une très-grande flexibilité, ce qui leur permet de parler très-facilement sous la plus faible impulsion du vent, de manière à graduer cette variation d’intensité depuis le son peine entendu jusqu’aux forté les plus énergiques. M. Mustel ne fabrique annuellement qu’un petit nombre d’instruments exceptionnels par les soins minutieux qu’il donne à l’exécution remarquable des nombreux éléments qui entrent dans la fabrication de ses harmoniums. Tout le monde a entendu l’accordéon, mais ceux qui n’ont eu que le malheur de l’entendre ne se doutent pas de l’héroïsme dont ceux qui en jouent doivent être doués pour avoir persévéré dans une étude dont les difficultés au début sembleraient devoir rebuter les plus intrépides. En effet, chaque touche de l’instrument commande deux sons, l’un qui se produit quand on tire le soufflet, l’autre qui exige le mouvement contraire; de sorte qu’indépendammentdela nécessité d’une attention constante à éviter de tirer quand il faudrait pousser, il faut encore, lorsque se présentent plusieurs notes consécutives, exigeant le même mouvement, savoir ménager l’action du bras, la vitesse du soufflet pour ne pas rester court d’haleine, avant d’avoir fourni à chaque note le vent nécessaire pour la faire parler pendant toute la durée que le rhythme lui assigne aussi compte-t-on très-peu d’amateurs qui sachent réellement jouer de cet instrument, qui, outre la monotonie de son timbre nasillard, ajoute à l’ennui qu’il procure à l’auditeur, l’agacement qui résulte d’une exécution nécessairement toujours incorrecte. C’est donc un service rendu à nos oreilles et aux amateurs 221 INSTRUMENTS DE MUSIQUE. trop nombreux de l’accordéon, que le perfectionnement dont, sous le nom d ’harmoniflûte, M. Busson est parvenu à le doter. Il consiste essentiellement en ce que chaque touche ne commande qu’une note qui reste la même, soit qu’on tire, soit qu’on pousse le soufflet, d’où résulte la possibilité d’y adapter un clavier chromatique ordinaire, comme celui des orgues et des pianos. Ajoutons qu’exécuté avec beaucoup plus de soins que l’ancien accordéon, l’harmoniflûte se distingue encore par une qualité de son qui se rapproche de celui de la flûte, et qu'à ce double titre l’instrument n’aura guère conservé que les apparences extérieures de l’accordéon. INSTRUMENTS A VENT. L’exposition de M. Adolphe Sax est sans contredit la plus brillante et la plus nombreuse de toutes celles de cette catégorie qui figurent dans le palais deKensington. Elle est, en outre, celle où l’on peut signaler le plus de progrès réels, dans l’acception que nous attribuons à ce mot. Mais ils sont en si grand nombre, et l’espace dont nous pouvons disposer est tellement restreint, qu’après plusieurs tentatives restées infructueuses pour en signaler, le plus succinctement qu’il nous a été possible, le but et les moyens, nous avons dû renoncer à en faire une appréciation motivée, qui eût envahi un espace au moins triple de celui qui nous est alloué pour les instruments de musique. Nous avons à signaler un certain nombre de progrès sérieux dans l’immense fabrication de la maison Gautrot, probablement la plus considérable du monde entier dans la fabrication de presque tous les genres d’instruments de musique. Nous citerons d'abord un nouvel instrument que M. Gautrot nomme duplex, parce qu’en réalité il forme deux instruments distincts, de tonalité différente, ayant chacun son pavillon et se complétant l’un l’autre, avec les mêmes pistons, sans changement de doigté. Pour atteindre ce but, chaque instrument, bien que commandé par les mêmes pistons, disposés ad hoc, comporte les tubes additionnels qui conviennent à sa propre tonalité, avec leurs coulisses d accord. En avant du jeu de piston se trouve un piston supplémentaire dont la position, déterminée parla main gauche, 222 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. dirige la colonne d’air tantôt dans un instrument, tantôt dans l’autre, selon les besoins de l’exécutant. Les deux échelles de ces instruments se croisant d’une certaine quantité, il en résulte qu’ils ont en commun plusieurs notes dont l’émission est plus facile sur un instrument que sur l’autre, ce qui donne à l’artiste un choix qu’il sera loin de dédaigner. Ce dispositif a permis à M. Gautrot d’établir des cors à piston qu’il désigne sous le nom de cors à doubles coulisses, parce qu’en effet l’instrument comporte un double jeu de tubes additionnels, commandés, comme dans le précédent instrument, par les mômes pistons, et dont les longueurs s’additionnent lorsque la main gauche de l’exécutant agit sur le piston supplémentaire. Il n’y a pas là, comme dans le cas précédent, deux instruments distincts se complétant l’un l’autre, mais un seul instrument dont la longueur est variable, au gré de l’artiste. Dans les instruments en cuivre, où le degré d’acuité ou de gravité d’un certain nombre des sons est dû à l’allongement ou au raccourcissement de la colonne d’air, au moyen de portions de tubes désignées sous le nom de tubes additionnels, dont on détermine à volonté l’ouverture ou l’occlusion, l’organe spécial qui produit ce double résultat peut affecter des formes très- diverses. . En France, les artistes donnent la préférence à celui qu’on désigne le plus habituellement sous le nom de piston, tandis qu’ail- leurs, et surtout en Allemagne, on n’emploie guère que le cylindre dit de rotation. Le premier est un véritable corps de pompe dans lequel se meut un piston dont la position, déterminée par l’artiste, produit ou supprime l’addition, au corps principal, de l’un de ces tubes additionnels. Le cylindre dit de rotation est un véritable robinet à plusieurs eaux, dont la noix douée d’un mouvement de rotation alternatif produit les mêmes résultats que les mouvements de descente et d’ascension du piston. Mais, pistons ou cylindres de rotation, ces organes exigent un démontage fréquent, même en marche, par suite de l’accumulation de la salive entre les parties frottantes. Les cylindres de rotation ordinaires comportent l’enlèvement d’un assez grand nombre de pièces qui peuvent facilement s’égarer pendant la 223 INSTRUMENTS DE MUSIQUE. double opération du démontage et du remontage. Les pistons n’exigent que l’enlèvement du chapeau supérieur et celui du piston proprement dit; c’est ce qui leur a valu la préférence parmi les artistes français. M. Gautrot est parvenu à donner les mômes avantages aux cylindres de rotation, avec plus de simplicité encore. Il suffit de dévisser le chapeau inférieur, solidaire avec la noix intérieure qui, se détachant avec lui, se nettoie facilement, ainsi que le boisseau, sans qu’on risque de perdre aucune partie de l’appareil. C’est au moyen d’un ressort que le piston ou la noix, dans .. chacun des deux appareils, sont ramenés à la position normale quand l’artiste cesse de peser, du doigt, sur l’organe qui les fait mouvoir. La rigidité de ces ressorts n’est pas toujours la même, ni surtout en rapport avec les habitudes de l’artiste. Quelques-uns se rendent avec le temps et cessent d’offrir la môme résistance que leurs voisins, ce qui amène une autre espèce de gêne pour l’exécutant. Dans ses cylindres de rotation, M. Gautrot emploie un ressort analogue à ceux des montres et qui, renfermé dans un barillet dont le bord, denté en rochet, engrène avec une couronne du même genre, comme les deux parties d’une clef Breguet, ce qui permet de tendre ou de détendre le ressort de quantités quelconques, et de l’amener au point précis qui convient le mieux à l’exécutant. Pour éviter que le ressort se rende, on peut le détendre complètement quand on ne se sert pas de l’instrument. Depuis un certain nombre d’années, on exécute, en cuivre, des instruments qu’on fabriquait exclusivement en bois. L’intérieur de l’instrument a conservé les mêmes proportions diamétrales, mais on comprend que l’extérieur a diminué de volume. M. Gau- trot a rétabli l’ancien volume extérieur en formant l’instrument de deux tubes plus minces que le tube unique, pour lui conserver à peu près le même poids. Son but, en cela, a été de préserver le tube intérieur des bosselures, q ue d es chocs accidentels produisent si fréquemment, et par conséquent de rendre les réparations moins fréquentes. Les trous sont exécutés dans de petits morceaux de jet placés entre les deux tubes, dont la solidité s’en trouve augmentée. Enfin, il peut revêtir le tube extérieur de la clarinette, de la flûte, etc., etc., d’une chemise en argent, en écaille ou en ivoire. 224 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Sous le nom de Sarrusophone, il expose un nouvel instrument dont l’anche est semblable à celle du basson. Il en obtient, surtout dans le grave, des sons nouveaux et d’un volume extraordinaire. Il a 16 clefs, dont le doigté est à peu près celui du basson ou de la clarinette. Les essais qu’on en a faits sont trop peu nombreux pour que nous puissions nous prononcer sur l’avenir destiné à cet instrument. On sait que la mise au ton d’une paire de timbales exige un temps assez long, parce que le frottement de la peau sur les bords du fût ne permet de la tendre régulièrement qu’en agissant successivement sur une série de vis disposées autour de ce fût ; de sorte qu’au milieu des modulations si nombreuses qui caractérisent la musique moderne, le temps fait complètement défaut à l’artiste pour changer le ton de ses deux caisses, et que le compositeur est privé de cette ressource. Plusieurs tentatives plus ou moins heureuses ont été faites pour donner au timbalier la même facilité de changer de ton que les autres artistes rencontrent dans leurs instruments. Dans celle que nous allons décrire, la rapidité du résultat se combine efficacement à la simplicité des moyens. Qu’on se figure, en effet, deux roues en couronne, taillées en dents de rochet très-inclinées, engrenant l’une avec l’autre et placées dans l’instrument dont elles ont un peu moins que le diamètre intérieur. La roue inférieure repose sur une série de galets, et peut tourner sur elle-même au moyen d’une vis tangente mue à l’extérieur de l’instrument. Quanti le seconde roue, dont les bords supérieurs affleurent ceux de la caisse, elle ne peut que s’élever ou descendre, empêchée qu’elle est de tourner avec la roue inférieure par quelques goupilles fixées sur la caisse et traversant autant de fentes verticales pratiquées dans sa hauteur. C’est, en définitive, l’encliquetage d’une gigantesque clef Bréguet. 11 résulte de ce dispositif, que si l’on fait tourner, dans un sens ou dans Vautre, la roue inférieure, ses dents agiront comme des plans inclinés se glissant sous les plans inclinés de la roue supérieure, qui, s’élevant parallèlement à elle-même, tendra la peau de la timbale avec la plus précise régularité, ou qui, s’abaissant dans les mêmes conditions, détendra cette même peau avec une précision non moins grande, et cela avec beaucoup plus de faci- INSTRUMENTS DE MUSIQUE. 225 lité et moins de temps qu’il n’en faut pour changer la tonalité des autres instruments d'un orchestre x . Enfin, M. Gautrot expose une série d’instruments en aluminium, savoir l°un cornet; 2° une clarinette ; 3° une flûte; 4° une petite flûte et un jeu de timbre de quatre notes. Cette série pourra mettre sur la voie des applications possibles du nouveau métal aux instruments de musique. La clarinette, la flûte et la petite flûte, ont donné de bons résultats; et, bien que massifs, ils ne pèsent pas plus que les autres instruments en ébène. Ils n’ont pas présenté de difficultés sé-" rieuses dans leur exécution. Il n’en a pas été de même quant au cornet, soit à cause des nombreuses soudures que cet instrument exige sur des points très-rapprochés, soit dans le rodage des pistons et des coulisses d’accord, le rodage de l’aluminium amenant rapidement un grippement très-énergique analogue à celui qui se produit sur les métaux mous, tels que l’étain et le plomb. Grâce â l’obligeance éclairée de M. Mourey, chez lequel, pour la première fois, on a pu opérer la soudure de l’aluminium, toutes les dillicultés ont été surmontées, et la réussite a été aussi complète que possible. Le timbre de ce cornet diffère de celui des instruments en cuivre du même genre. Les artistes et le public auront à se prononcer sur la question de savoir s’ils l’admettent comme un progrès. Question de goût, et peut-être même de mode, dont le temps seul décidera. Le résultat le plus avantageux que M. Gautrot ait obtenu jusqu’à présent de l’emploi de l’aluminium, est sa substitution, pour les timbres, au métal de cloche. Il en expose une série donnant l’accord sol, si, ré, sot. Tous ont une sonorité remarquable, qui tient le milieu entre celle du cristal et celle de l’argent. Leurs vibrations présentent une très-grande amplitude. .Quant à nous, nous ne pouvons que féliciter M. Gautrot d’une initiative dont la hardiesse a déjà un résultat sérieux, pour divers instruments, dans l’application d’une matière qui, offrant, sous un poids moindre, une solidité plus que suffisante, est exempte 1. Ce qui précède allait êlro livré à l’imprimeur lorsque nous avons appris que M. Sax revendique la priorité des dispositions que nous venons de décrire. 111 . 15 226 EXPOSITION UNIVERSELLE IE LONDRES. fie tous les inconvénients que font subir au bois les variations hygrométriques de l’atmosphère. Nous signalerons, comme dernière tentative de M. Gautrot, la substitution au bois, pour les baguettes de tambour, du fer creux qui, à la condition d’une plus grande élasticité, réunit celle d’une plus grande légèreté. Les autres facteurs français d’instruments en cuivre ne paraissent pas avoir apporté d’innovation sérieuse dans leur fabrication ; mais nous croyons savoir de bonne source que le plus grand nombre de leurs produits ont donné, devant le jury, d’excellents résultats connue qualité de sons. On en peut dire autant d’une certain nombre d’exposants étrangers à la France; mais on reconnaît toujours les Allemands à la lourdeur traditionnelle des formes qu’ils donnent à leurs instruments, auxquels il manque également le fini qui distingue les instruments français. L’Angleterre, au contraire, a fait beaucoup de progrès, non au point de vue de l’exécution proprement dite, mais dans les détails de fabrication. 11 est vrai que beaucoup de ses fabricants achètent encore au dehors, en Allemagne et surtout en France, la plupart des pièces détachées, telles que cylindres, pistons, pavillons, etc. Un certain nombre commence à fabriquer l’instrument complet. On cite parmi eux, pour la beauté des sons et la bonne fabrication, MM. Distin, de Londres, et lligam de Manchester. INSTRUMENTS A ARCHET. Dans cette catégorie d’instruments, le progrès, loin de consister à faire du nouveau, donnant mieux que ce qui a été fait, se borne, au contraire, à se rapprocher, le plus possible, des instruments fabriqués pendant une certaine période, presque tous dans une seule ville Crémone, par quelques artistes restés célèbres entre tous, sous les noms d’Amati, de Stradivarius, de Guarnerius, de Steïner, etc., etc. 11 faut bien le reconnaître, tous ces instruments possèdent, en général, mais à des degrés différents, d’admirables qualités de sons qui expliquent, jusqu’à un certain point, le culte que les artistes professent pour eux; culte qui, chez un certain nombre, 227 INSTRUMENTS DE MUSIQUE. va jusqu’à une espèce de fétichisme donnant souvent la préférence à une tache de vernis bien authentique, conservée par un instrument de qualité moindre, sur celui qui, mieux doué comme qualité de son, n’aura pas un certificat d’origine aussi absolu. Depuis trente et quelques années, M. Vuillaume, qui s’était d’abord livré à l’étude attentive, non-seulement des formes extérieures, mais de toutes les parties de ccs instruments privilégiés, est parvenu à les imiter, soit comme apparences, soit comme qualité de son, de manière à tromper les plus fins connaisseurs; et, comme les instruments originaux ne sont pas parvenus jusqu’à nous sans porter des traces, plus ou moins nombreuses, d’accidents de diverse nature, notamment d’écaillement du vernis et surtout de l’usure plus régulière de celui-ci dans les points frottés par le menton et les vêtements ou par la main de l’artiste dans les démanchés, la plus grande partie du travail personnel de M. Vuillaume car il a jusqu’à présent gardé son Secret, a consisté à gâteries résultats primitivement obtenus, en produisant volontairement l’usure et les écaillements accidentels que présentent les originaux. Ajoutons qu’aujourd’hui que sa réputation est complètement établie, et qu’à peu près retiré des affaires, il a considérablement réduit sa fabrication, on commence, avec raison, à préférer les instruments ayant l’apparence du neuf à ceux qu’il n’aurait pu placer autrefois sans leur faire subir une véritable mutilation. Son exposition consiste en un véritable Stradivarius d’uue conservation parfaite, du prix de 15,000 francs, qu’accompagnent deux violons qui acceptent franchement la comparaison avec leur frère aîné, et, disons-le, la supportent avec honneur. Nommé juré-suppléant, M. Vuillaume n’a pas concouru. Quant aux autres exposants de la même catégorie, on comprend que nous n’avons pu que regarder leurs produits, ce qui ne suffit pas, dans le cas particulier, pour en faire une appréciation équitable. Cependant, le hasard aidant, nous avons pu recueillir, sur le compte d’un certain nombre, des renseignements dont la véracité ne nous paraît pas douteuse, et que nous allons communiquer à nos lecteurs. Nous placerons au premier rang M. F. Vuillaume, frère de ïi s EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. celui dont nous venons de nous occuper, et qui depuis longues années s’est acquis, à Bruxelles, une réputation méritée. M. Grirri, de Berlin, l’emporte sur tous les exposants d’Allemagne, par la bonne qualité des sons, la beauté des formes et celle du vernis. Les instruments de M. Miremont, de Paris, sont d’une très- bonne fabrication et d’une très-belle apparence. La ville de Mirecourt est représentée par MM. Derazey, Grandjean, et la maison Husson, Buthod et Thibonville. Cette dernière a exposé une série de violons, depuis 3 francs jusqu’il 40 francs pièce, et des guitares de belle apparence, à très-bon marché. Depuis vingt-cinq ans la fabrication de Mirecourt s’est singulièrement perfectionnée. Cela tient essentiellement il une émigration et à un retour incessant de jeunes ouvriers désireux de ne pas croupir dans la routine, et qui, stimulés par les progrès de leurs camarades, vont dans les grandes villes acquérir ce qui leur manque. Ajoutons que bon nombre d’entre eux ont fait, chez M. Vuillaume, un séjour plus ou moins prolongé, et sont retournés à Mirecourt avec des connaissances et une habileté qui se propagent dans la population ouvrière, et contribuent aux progrès général de cette industrie. MM. Lembacli, David Bittner et Pœtzel, de Vienne Autriche, ont fourni leur contingent en instruments de bonne qualité. La fabrique de Neukirken Saxe est représentée par les frères Scliultz, qui ont exposé une grande variété de violons ornés et historiés de tous prix, des guitares, des zithern surchargés de dessins de toute nature; et enfin des archets également couverts d’ornements. Ce n’est pas là le progrès tel que nous le comprenons; mais ce genre d’instruments répond probablement au goût particulier de certaines populations; et nous n’avons garde de blâmer les industriels qui, satisfaisant à ces besoins spéciaux, parviennent à ce résultat à un bon marché incroyable. L’importante fabrication de Mittenwald ne s’est pas présenté e au concours. M. Ilill, de Londres, exposait un assortiment d’archets qui méritent d’être cités comme bonne qualité et belle apparence. Le doyen probablement de cette industrie spéciale, au moins parmi ceux qui sont parvenus à s’y faire une réputation, M. Dodd, INSTRUMENTS DE MUSIQUE. 220 de Londres, a prouvé qu’il n’a pas, malgré son grand âge, démérité de celle qu’il s’est justement acquise, depuis longues années. La bonne qualité des cordes est la condition essentielle, qui seule peut faire valoir les instruments dont nous nous occupons. Le meilleur instrument joue faux avec des cordes fausses; et, pendant des siècles, Naples a joui du monopole presque absolu de cette fabrication, grâce à deux conditions essentielles La première, c’est l’abondance des sources fraîches qui l'environnent, et qui permettent de prolonger la macération des intestins de mouton, sans amener leur décomposition putride; d’où" résulte l’enlèvement beaucoup plus complet des matières qui ne doivent pas entrer dans la composition de la corde. La seconde se rattache spécialement â la confection des chanterelles qui s’y fabriquent, avec des intestins d’agneau. Elle consiste en ce qu’on laisse à ces jeunes animaux le temps de grandir avant de les considérer fiscalement comme moutons; tandis qu ailleurs, et notamment en France, la Saint-Jean le 24 juin est l’époque fixée pour leur majorité; et qu’alors les boucliers, pour éviter de payer des droits supérieurs, s’abstiennent de tuer les agneaux jusqu’à ce qu’ils soient devenus hygiéniquement moutons. 'A Naples, c’est dans le mois de septembre et d'octobre qu’on fabrique le plus habituellement les chanterelles. Cependant, depuis I82G, époque à laquelle M. Savaresse-Sara est parvenu, par un traitement particulier des intestins de moutons, à prolonger leur macération sans arriver à la fermentation putride, procédés qui lui ont valu le prix proposé par la Société d’encouragernent, la fabrication des cordes pour instruments de musique, à l’exception toutefois des chanterelles, a non-seulement pu rivaliser en France avec celles de Naples, mais même la surpasser en qualité ; car ce n’est pas seulement au nettoyage plus parfait des intestins qu’est due la bonne qualité de ce genre de produits, mais c’est surtout aux soins apportés dans le tor- age de la corde, qui doit être parfaitement cylindrique d’un bout à 1 autre, ne présenter ni rendement, ni dépression, et avoir un poids égal p our toutes les portions de même longueur. On sait en effet qu’à tension égale, une corde de matière quelconque aura des sons d’autant plus graves que la masse vibrante sera plus considérable, et réciproquement. 230 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Or, si une corde de violon ou de basse présente des portions plus pesantes les unes que les autres, il en résulte nécessairement que les doigts de l’artiste qui la partagent en longueurs déterminées, laissent, dans la portion vibrante, tantôt plus, tantôt moins de matière qu’il n’en faut pour avoir un son juste. Si la corde va en s’etlilant régulièrement, si elle forme un cône allongé, elle n’aura pas ce qu’on désigne sous le nom de justesse du quinte. A vide, elle donnera la quinte juste avec ses voisines attaquées également à vide. Mais si les doigts de l’artiste la raccourcissent d’une même quantité avec une ou plusieurs, les deux sons obtenus ne donneront plus la quinte, parce que la masse vibrante sera laissée trop considérable ou trop faible, selon que la base du cône sera tournée vers le chevalet ou vers le haut du manche. Tandis qu’à Naples on restait dans la routine ancienne des procédés primitifs, ceux de M. Savaresse-Sara, s’améliorant chaque jour, annulaient ou atténuaient considérablement les défauts que nous venons de signaler, et faisaient une rude concurrence à la fabrication napolitaine, qui, s’appuyant sur la réputation incontestée de ses chanterelles, se voua presque exclusivement à leur fabrication à toutes les époques de l’année, avec tous les matériaux qui précédemment en étaient complètement exclus. Ajoutons cependant que quelques maisons consciencieuses livrent encore aujourd’hui des chanterelles irréprochables. Parmi les exposants, nous croyons pouvoir placer en première ligne M. II. Savaresse, de Grenelle, qui a notablement perfectionné les procédés de son oncle. Il parvient, par un choix judicieux des intestins, et par le mode spécial de leur préparation, à fabriquer des chanterelles qui ne le cèdent en rien aux meilleures de celles que Naples fournit encore, malgré les difficultés de tous genres contre lesquelles les conditions locales, si favorables aux Napolitains, l’obligent constamment à lutter. Nous regrettons vivement de ne pouvoir, dans cette courte notice, décrire les procédés aussi simples qu’efficaces au moyen desquels des intestins coniques donnent des cordes cylindriques et parfaitement homogènes dans toute leur longueur, etc., etc. Nous nous bornerons à dire que, depuis 1835, époque de sa fondation, l’importance de l’établissement de M. H. Savaresse s’est accrue au point de convertir annuellement, en cordes harmoniques, les issues de plus de 600,000 moutons, dont une partie lui arrive INSTRUMENTS DE MUSIQUE. 231 de très-loin, grâce = 0 et w = 90°, c'est-à-dire pour p égal au petit axe et au grand axe, on a donc 1 e v cos. 9’ cos. 9 » — rn7-rZ Ceci compris, on voit qu’il suffira de placer une feuille de papier sur la table pour pratiquer une série de trous à la place que l’on voudra , en faisant faire un tour au petit volant, et par suite, en faisant occuper successivement à la feuille diverses positions d'après des guides disposés sur la table, de faire semblablement, sur des séries de teuilles, telles opérations de poinçonnage que l’on voudra. CLASSE 29. MATÉRIEL DS L’ENSEIGNEMENT ÉLÉMENTAIRE, Par M. SAINT-EDME. Des trente-six classes dont se compose l’Exposition de Londres, celle qui attire le moins les regards des visiteurs, tout à la fois à cause de son apparence modeste et du peu d’abondance de ses produits, c'est la classe vingt-neuf, dont le titre officiel est Matériel de l’enseignement élémentaire. — A l’origine, le programme détaillé de cette classe, arrêté par les commissaires de S. M. la reine d’Angleterre, s’appliquait à l’enseignement en général, dont il embrassait tous les degrés ; cependant, dès le début de ses travaux, la commission française, pensa devoir réduire le sujet au point de vue purement élémentaire ; toutefois, pour laisser à cette classe une latitude plus grande, la commission adopta pour elle la subdivision suivante 1° Moyens d’enseignements, livres et objets compris sous la dénomination générale de matériel classique ; 2° Travaux d’élèves obtenus à l’aide de ces moyens. Quel but se proposait-on, en consacrant une classe entière à l’enseignement, si ce n’est le suivant établir un concours international dans lequel toutes les nations seraient appelées à exposer leurs méthodes d’enseignement et les résultats qu’elles en obtiennent? L’entreprise a-t-elle été couronnée de succès ? De toutes les nations, trois seulement, la France, l’Angleterre, le Zollverein, ont répondu à l’appel qui leur était fait ; les autres, ou n’ont pas compris le vrai sens de la question, ou n’ont pas voulu en tenir compte. Chacune des trois nations que nous venons de nommer possède une [exposition spéciale consacrée au enseignement élémentaire. 277 matériel de l’enseignement ; ailleurs on rencontre çà et là des instruments, des livres qui ont trait à l’éducation, mais qui ne composent nullement une exposition d'ensemble. De quel sentiment étaient animés les membres de la commission française, en limitant le concours à l’instruction élémentaire? Peut-être espéraient-ils qu’il surgirait un remède à l’atonie dont se trouve trappée l’éducation primaire en France; il n’en a pas été ainsi. — Le point de départ de la civilisation d’un Etat repose sur la nécessité, pour chacun de ses membres, de savoir lire, écrire et compter; ce n’est qu’à la condition qu’il possède cette éducation obligatoire que l’homme est digne d’occuper son rang dans la société. Suffit-il pour atteindre ce but d’augmenter le nombre des instituteurs? En France, il est entièrement suffisant ; la moindre commune possède son école primaire, à cùté de laquelle existe le plus souvent une école des frères, souvent même une ou plusieurs écoles libres, selon le chiffre de la population. Le mal existe cependant et il est grave ; chaque année en effet, à l’époque du tirage au sort, on constate une nombreuse population masculine ne sachant ni lire ni écrire ; nous ne parlons pas de la classe féminine, mais, au dire de personnes compétentes, le nombre des ignorantes absolues est encore plus considérable. En devrait-il être ainsi au sein d’une nation aussi versée dans les sciences que la France ! Le seul et unique remède à ce déplorable état de choses est de décréter cet enseignement primitif obligatoire; il est urgent de voter une loi répressive contre les parents qui sont assez coupables envers leurs enfants pour les priver d’une instruction indispensable, que l’État donne à tous gratuitement. De pareilles lois, très-sévèrement conçues, existent en Allemagne, en Prusse, dans la confédération nommée Zollverein ; la France et l’Angleterre sont les seuls pays où le nombre de personnes ignorantes des premiers éléments soit aussi considérable. Voilà une des plus graves réflexions que doive inspirer, selon nous, la création à l’Exposition universelle d’une classe relative 1 enseignement élémentaire. Longtemps livré à la routine, l’enseignement de la lecture est devenu l’objet de sérieuses études ; des méthodes bien diverses ont été successivement proposées. Celles qui sont le plus en usage reposent sur la base synthétique la méthode d’épellation vul- 278 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES- gaire, la méthode de Port-Royal, la méthode syllabique qui est adoptée dans la plupart des établissements d’enseignement primaire ; cette dernière consiste à présenter aux enfants les syllabes toutes formées, dans des tableaux gradués, et alors à leur faire lire la syllabe tout d’un jet, sans la décomposer. Quelques maîtres ont recours à la méthode analytique, qui consiste à familiariser l’enfant avec des mots et à les lui faire retrouver ensuite ; cette méthode fit un grand bruit sous le nom deM. Jacotot, qui l'a ressuscitée en 1790, mais elle n’a jamais été admise dans les écoles primaires du gouvernement. A côté de ces diverses méthodes classiques vient se ranger le procédé mécanique de lecture et d’écriture. Celui qui a eu le plus de succès jusqu’à présent est dû à M. Fallempin, et fut honoré d’une mention à l’Exposition universelle de 1855. Rien de plus simple que cet enseignement mécanique deux disques concentriques portent, l’un les lettres servant à former les syllabes, l’autre les syllabes qui composent les mots. Le maître fait mouvoir les disques par derrière, et les élèves voient apparaître dans de petites fenêtres entaillées dans le tableau, qui cache les disques, la syllabe ou le mot qu’ils doivent apprendre à épeler, et cela, sans être distraits par la présence des autres lettres. — M. Lallement, instituteur primaire, expose, cette année, un appareil destiné à apprendre à lire et à écrire ; il est encore plus simple les lettres sont écrites sur des fiches de bois, et à mesure que le maître les range sur un casier exposé à la vue des élèves, ceux-ci doiventexécuter le même travail sur leur casier particulier ; on fait former ainsi successivement aux élèves les syllabes et les mots. A en juger par les livres de lecture qui existent dans l’Exposition anglaise, les mêmes méthodes sont suivies dans les deux pays pour atteindre le même but ; seulement nous n’avons aperçu aucun système mécanique de lecture, ni d’écriture. Ce n’est pas un reproche, car nous sommes peu partisan de ces procédés, tout au plus bons à employer avec des natures par trop déshéritées. L’enseignement de l’écriture atteint un très-haut degré de perfection dans les écoles primaires ; il faut reconnaître que, sous ce rapport, les enfants qui les fréquentent laissent bien, loin d’eux les élèves des établissements d’enseignement supérieur. D’excellentes méthodes sont mises en pratique pour tirer parti de cet instinct d’imitation qui est inné chez l’enfant méthode de ENSEIGNEMENT ÉLÉMENTAIRE. 279 pure imitation, de calque, méthode mécanique, elles réussissent toutes à merveille dans les écoles primaires ; aux distributions de prix certains cahiers exposés aux yeux du public sont de vraies œuvres d’art dans ce genre. — L’éducation première, que l’État doit rendre obligatoire, se borne à la lecture, l’écriture, la connaissance des quatre règles du calcul ; mais l’éducation élémentaire que l’école primaire peut fournir aux enfants qui la fréquentent s’élève à un degré plus élevé. Si une trop grande partie de la population des communes reste dans l’ignorance ou conserve son éducation excessivement bornée, il faut l’attribuer à une honteuse avidité de la part des parents, qui ont hâte de recouvrer les frais que leur ont causé leurs enfants, et qui cherchent à les utiliser dès qu’ils leur jugent la force de travailler manuellement; c’est alors que le maître d’école pourrait intervenir et plaider la cause de l’instruction. Mais, pour peser sur la volonté de ces natures si difficiles à persuader, pour les amener à comprendre que leur intérêt même, si ce n’est leur devoir de parents, exige le développement de l’intelligence chez leurs enfants , il faudrait que les habitants de la commune eussent de la considération, du respect pour l’instituteur. Or, surtout dans la campagne, la considération se mesure à la position linancière, et celle de l'instituteur est bien humble en France. Grâce aux nobles ministre actuel de l’instruction publique, le traitement de tous les instituteurs primaires comptant cinq années de service, vient d’être élevé à 700 francs. Le vingtième de ceux qui comptent de dix à quinze années d’activité recevront une indemnité qui portera leur traitement à 800 et 900 francs. L’élévation du traitement courra à dater du 1" janvier 1863. 100 000 francs sont répartis entre les institutions comptant moins de 400 francs de traitement. 60 500 francs sont destinés à des secours à donner aux instituteurs que les infirmités ou l’âge éloignent du service. ment' S ^ 116 sera t F as ^° ^ stac ^ c > s * l’instituteur pouvait haute- men donner ses avis sans craindre de perdre les ressources pé- ^? aiaires d’où dépend l’existence journalière de sa famille; le mal c °nsiste dans la dépendance sous laquelle il se trouve par rapport au maire, dont il est le secrétaire, et au curé, dont il es requemnient le servant à l’église. Il serait de la plus grande 280 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. nécessité, dans l’intérêt de l’enseignement primaire, de faire en sorte que l’instituteur trouvât, dans son école, une subvention suffisante à son existence, et qu’une loi s’opposât à cette servitude intéressée dans laquelle se trouve l’instituteur auprès de ces deux autorités locales. A cette condition, les services que l’instituteur rendra à l’enseignement, s’accroîtront en raison même de l’influence morale dont il jouira. La France, l’Angleterre, et le Zollverein, avons-nous dit, sont les seules nations qui aient une exposition spéciale destinée au matériel de l’enseignement; pour les autres, il faut parcourir l’Exposition pour rencontrer ce qui a trait â la question. Nous devons dire, que dans la salle que l’Angleterre consacre de nom au matériel de l’éducation, nous avons remarqué une collection de jouets bien pi us riche que celle des objets relatifs à l’éducation ces jeux sont du reste très-beaux, la plupart en ivoire, et conditionnés avec tout le confortable anglais; on remarque que les jeunes Anglais sont épris des jeux de billard; il y en a de toutes sortes, et tous portent des noms éminemment belliqueux Game of t/œ Amstrong gun, Game of ivar... Les machines à calculer ont en Angleterre la même vogue qu’en France. Notre opinion ù cet égard est qu’il y a intérêt, pour renseignement du calcul, â suivre 1a vieille méthode qui consiste à faire compter les enfants au tableau devant leurs camarades qui suivent ù la plume sur leur cahier. Nous avons vu beaucoup d’appareils mécaniques destinés à exécuter rapidement les calculs dans les bureaux, les administrations. L’instrument qui nous a paru le plus perfectionné dans ce genre, est l’arithmomètre de M. Thomas, de Colmar, déjà honoré d’une mention à l’Exposition de 1855. L’auteur dit, dans sa note, qu’à l’aide de son instrument on fait une multiplication de 2 nombres, de 8 chiffres chaque, en 18 secondes, la division d’un nombre de 16 chiffres par un nombre de 8 chiffres en 24 secondes ; une minute suffit pour l’extraction de la racine carrée d’un nombre de 16 chiffres. Cet instrument a en outre- l’avantage d’une grande modicité de prix. L’enseignement élémentaire s’élève à un degré plus élevé que l’enseignement primaire ce dernier, nous l’avons déjà dit, se borne à la lecture, l’écriture, l’orthographe usuelle, le calcul. . Mais l’enseignement élémentaire comporte de plus l’arithmé- 281 ENSEIGNEMENT ÉLÉMENTAIRE. tique commerciale, les éléments de géométrie, de mathématiques appliquées, le dessin, des notions d’astronomie, de physique, de chimie et même de botanique rurale. Des établissements de l’État, très-renommés sous le nom d’écoles d’arts et métiers, ont pour but de donner aux jeunes gens qui se destinent à l’industrie en général, aux chemins de fer, au service des bateaux à vapeur, etc., l’instruction nécessaire pour en faire des contre-maîtres, des dessinateurs, des ouvriers instruits. Ces écoles, au nombre de trois 1 , possèdent chacune 300 élèves. Les études ont une durée de trois ans; elles se divisent en instruction théorique et en instruction pratique l’instruction théorique prend S heures de la journée de travail ; son programme se compose de Arithmétique; Algèbre jusqu’au deuxième degré inclusivement; Géométrie; Trigonométrie rectiligne; Éléments de géométrie descriptive; Mécanique géométrique et industrielle; Éléments de physique et de chimie. Le dessin est réparti entre les trois années d’études, de même l’enseignement du français, de l’histoire, de la géographie et de la comptabilité. * L’instruction pratique occupe 7 heures de la journée et se donne dans quatre ateliers ; Les tours à modèles travail du bois ; La fonderie; Les forges ; L’ajustage ce dernier reçoit à lui seul les 3/4 des élèves. La commission pour l’Exposition de Londres section de l’instruction, a demandé au ministre que les écoles d’agriculture et d'arts et métiers envoyassent à l’Exposition les livres et autres documents relatifs à l’instruction. — Les écoles d’Aix, Angers et Chàlons ont donc envoyé à l’Exposition, d’une part, les livres, documents, etc., capables de mettre en relief le mode d’enseignement qui i eur es t propre; d’autre part, des dessins, spécimens 1. Aix. — Angers. — Châlons. 282 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. divers de croquis, calligraphie, plans, etc., dus aux élèves; on a pu regretter de n’y pas voir figurer quelques pièces de machines exécutés par ceux-ci. Le nombre de cés établissements spéciaux n’est pas suffisant; il faudrait que l’enfant qui a suivi l’école primaire pût s’instruire aux mêmes conditions dans un établissement remplissant le programme que nous venons d'indiquer; il en résulterait un avantage à la fois matériel et moral considérable aujourd’hui, un jeune homme doué d’une certaine instruction quitte les travaux agricoles pour la fabrique et l’industrie ; l’éducation d’un ordre plus élevé se vulgarisant dans les campagnes, le nombre d’agriculteurs instruits augmentera forcément, et l’exception sera bientôt du côté des ignorants; alors on ne croira plus déchoir en se livrant aux travaux des champs; les campagnes se repeupleront, et l’on sait combien en France il reste de territoire vierge à défricher. Le matériel d’éducation que l’on rencontre à l’Exposition convient surtout à l’enseignement professionnel; il y a une quantité de modèles en bois, en tôle, etc., pour l’enseignement pratique de la géométrie; c’est dans l’exposition du Zollverein que nous avons rencontré ce qu’il y a de plus parfait dans ce genre; là aussi, nous avons vu une collection remarquable d’appareils destinés à l’enseignement pratique de la mécanique. L’enseignement pratique de l’histoire naturelle s’est élevé à un degré de perfection remarquable. Dans la section française, l’exposition de l’Institut normal agricole de Beauvais est des plu attachantes; elle se compose d’une collection des insectes nuisibles aux abeilles et aux animaux agricoles; une série de papillons nuisibles à la culture des champs; l’histoire de l’ailante, acclimatée en France par M. Guérin, s’y trouve complète depuis le cocon jusqu’à l’étoilé nommée ailantine. Dans une même série sont réunis les principaux insectes nuisibles aux céréales, et les œufs de tous les oiseaux destructeurs de ces insectes. Cette exposition nous paraît surtout remarquable en ce qu’elle réalise la méthode d’enseignement qui convient aux écoles professionnelles. Comme curiosité du même genre, nous devons citer dans l’exposition prussienne, une collection de chenilles évidées et remplies de bourre, sans que la peau ait souffert la moindre déformation ; chaque animal est placé sur la feuille qui sert à sa nourriture. 283 ENSEIGNEMENT ÉLÉMENTAIRE. Les spécimens de M. le D r Auzoux pour l’enseignement de l’anatomie sont éminemment remarquables; ces modèles représentent les parties écorchées, sur lesquelles les veines, les artères, indiquées en couleur rouge, sont d’une vérité étonnante; chaque modèle est, de plus, de grandeur naturelle. M. Auzoux a suivi la même méthode quant à l’enseignement de la botanique; il présente des spécimens en même matière pour l’anatomie de la tige, de la feuille, de la fleur et du fruit. L’Exposition abonde aussi en spécimens de minéralogie c’est dans le Zollverein que l’on voit l’œuvre la plus remarquable en ce genre c’est une collection de modèles de cristaux à faces de verre, dans l’intérieur desquels sont les cristaux dérivés, exécutés en carton, où les axes de cristallisation sont désignés par des fds. La photographie a trouvé une nouvelle application dans le matériel de l’enseignement. La démonstration des théorèmes de géométrie dans l’espace est toujours très-difficile à saisir par les élèves, parce qu’ils ne peuvent se représenter la forme et comprendre la constitution du solide dont on leur parle; roontrez-leur préalablement les figures dont vous leur parlez, dans un stéréoscope, ils saisiront de suite la manière d’être de la ligure en question, et la démonstration au tableau deviendra bien plus claire pour eux. L’enseignement du dessin est aussi susceptible de recevoir un grand secours de la photographie cet art permet la vulgarisation des modèles de maîtres dans les écoles le professeur peut dresser lui-même un carton de dessins et les répandre dans les mains de ses élèves A l’état de photographies. L’art de la construction a fait des progrès immenses depuis quelques années, surtout sous le rapport de l’économie; aussi u’avons-nous été nullement surpris en voyant cette quantité de Projets de maisons d’école qui tapissent les murs de l’Exposition. e t remplissent des cartons tout entiers. Aujourd’hui, pour une somme minime, une commune peut se donner une maison-école parfaitement disposée, avec logement convenable pour le maître ecole, et susceptible de recevoir un grand nombre d’enfants dans des conditions sanitaires excellentes. Cependant il y a, surtout au centre et au midi de la France, nombre de communes qui ne peuvent absolument pas remplacer, par une de ces constructions économiques, leur école, dans laquelle les enfants 284 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. passent des journées entières dans des conditions sanitaires déplorables ; n’y aurait-il pas lieu de chercher un remède financier à cet état des choses, aujourd’hui surtout que les travaux de construction sont entrepris sur une si grande échelle 1 ? Il y a beaucoup de livres l’Exposition, et surtout de bons ouvrages nos principaux éditeurs ont tenu à exposer les œuvres les plus utiles à l’enseignement qu’ils ont produites durant ces dernières aimées; MM. Desobry, Delalain, Lahure, P. Dupont, Charpentier, Hetzel,... s’y sont donné rendez-vous. Ce sujet nous amène naturellement à parler en faveur de la création des bibliothèques communales. Le but essentiel de ces utiles etablissements est de prêter gratuitement aux ouvriers et aux habitants des campagnes des livres moraux et instructifs, dans le double but d’étendre leur instruction et d’occuper des loisirs qu’ils n’emploieraient plus d’une manière nuisible à leur santé et à l’intérêt de la famille. L’État a vivement encouragé cette institution, il l’a même protégée de son autorité, et nous voyons avec plaisir ces bibliothèques prospérer rapidement dans la ville de Paris et les communes environnantes. Les dotations en livres coûtent peu, surtout aux libraires et éditeurs ce sont eux surtout qui peuvent contribuer il la. prospérité de ces établissements. La musique contribue beaucoup à la moralisation des nations, c’est un fait reconnu et prouvé ; aussi ne saurait-on inspirer trop tût le goût musical aux enfants dans les écoles; l’artisan a généralement une sorte de passion pour la musique vocale, et il la cultive avec succès, les sociétés chorales en sont la preuve 1 j plus frappante. La méthode la plus répandue et qui a donné les meilleurs résultats pour l’enseignement de la musique vocale est sans contredit celle de MM. Paris et Chevé; il y a longten. ;>s que cette méthode est populaire en France ; ce fut M. Galin qui créa l’écriture rhythmique, il consigna le résultat de toutes ses recherches dans un ouvrage spécial, mais il mourut à 35 ans, avant d’avoir terminé ses travaux. M. Paris et le docteur Chevé se sont efforcés de mettre ù la 1. Une décision ministérielle vient d’attribuer la somme de 540 000 francs ù la construction de maisons-écoles dans les communes pauvres qui ne pouvaient, même pour partie, contribuer à la dépense de ces créations. ENSEIGNEMENT ÉLÉMENTAIRE. 285 portée de tous ce que M. Galin avait écrit pour les maîtres seulement. M. Chevé fait depuis 1849 un cours public et gratuit de musique vocale, dans le grand amphithéâtre de l’École de médecine. Quelques mois après l’ouverture de son cours, les élèves de M. Chevé commençaient à donner des concerts gratuits. La méthode Chevé ne tarda pas à fixer l’attention des autorités musicales les mieux reconnues, et il s’érigea spontanément un comité de patronage de l'école Chevé. Ce comité est maintenant composé comme il suit Président M. le comte de Morny; vice- présidents Rossini, le prince Poniatowski; membres MM. Aguado, Eélicien David, Dubois, Gevaert, Lefébure-Wély, Offenbach. L’école Galin-Paris-Chevé se propose principalement de vulgariser la lecture de la musique vocale. Cette école est représentée à l’Exposition par un instrument qui, nous l’espérons, sera adopté par l’enseignement, c’est l’Œdipe musical, inventé par M. Paris. Cet instrument est destiné à résoudre, avec la plus grande rapidité, aussitôt qu'on lui a confié la donnée mélodique, le problème difficile et multiple dont voici l’énoncé 1° Distinction immédiate et sûre de tout genre d’intervalle, ou majeur ou mineur, en un ton quelconque de la musique sur portée ; 2° Grouper tous les intervalles du même nom en tous les tons. 3° Former et présenter sous un coup d’œil synoptique la gamme majeure ou la gamme mineure dans tous les tons. 4° Enfin transporter une mélodie dans tous les tons ou dans l n tou déterminé. L’enseignement de la musique vocale dans les écoles est aussi en usage en Angleterre; mais, tandis qu’en France l’instrument accompagnateur est l’orgue ou l’harmonium, on fait usage chez nos voisins d’un instrument à lames vibrantes sur lequel on joue ^ l’aide d’un marteau ; les Psaumes sont les morceaux de musique ^ es plus usités. Dans la Belgique, l’Allemagne, la musique est cultivée avec passion, la moindre commune a sa société musi- ca le, instrumentale et vocale; chaque établissement d’éducation est monté avant tout au point de vue de l’enseignement musical. 286 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. L’industrieet lecommerces’étendent en raison du progrès des sciences, à mesure aussi les peuples tendent à fraterniser, à ne former qu’une seule et môme famille; une barrière lesrsépare de ce but suprême, c’est la variété des langues. Cet obstacle est-il invincible, l’homme sera-t-il toujours un étranger sur la terre alors qu’il aura franchi les frontières de sa nationalité? Nous ne tombons pas dans la folle erreur dont s’étaient bercés ces utopistes qui proposaient d’instituer une langue universelle; mais nous avons à soutenir une idée d’autant plus vraie qu’elle est ù la fois simple de théorie et éminemment pratique, celle de l’éducation internationale. M. Barbier, puis M. Rendu, inspecteur général de l’Université, ont profité de l’occasion que leur présentait l’Exposition pour faire connaître une idée qu’ils nourrissaient chacun en particulier, celle de fonder quatre collèges internationaux en France, en Angleterre, en Allemagne, en Italie, partant de ce principe qu’une personne pouvant parler ces quatre langues ne serait étrangère en aucune partie du globe. Ce projet de fondation de collèges internationaux a reçu l’approbation de personnages influents de ces nations, et M. Barbier, qui s’est constitué l’apôtre de son idée, a été surtout favorablement écouté du gouvernement français. Loin de se confier exclusivement à ses seules lumières, M. Barbiervoulut faire appel aux conseils des personnes compétentes de tous les pays, qui voudraient faire une étude sérieuse de la question qu’il venait de soulever. Dans ce but, il ouvrit un concours auquel les différentes nationalités furent admises, et il fonda généreusement quatre prix 1 u 2 000 fr.; 2° 1 500 fr.; 3° 1 000 fr.; 4° 500 fr., pour récompenser de leur travail les auteurs des Mémoires les plus satisfaisants. Une commission internationale fut convoquée, à l’effet déjuger ces Mémoires, et après sa constitution la commission impériale accepta le programme que lui soumit M. Barbier, et déclara le concours ouvert par décision insérée au Moniteur du 30 décembre 1861; le concours a été fermé le 30 juin 1862, et 227 projets ont été remis; le travail de la commission touche à sa lin, nous sommes bien impatient de connaître les résultats qui ressortiront de ses travaux. Voici maintenant l’exposé du projet conçu par M. Barbier ENSEIGNEMENT ÉLÉMENTAIRE. 287 Sa combinaison repose sur la fondation d’un collège international, sous la protection commune des quatre puissances coopérantes; quatre établissements existeraient en France, en Angleterre, en Allemagne, en Italie. On y réunirait les enfants depuis dix ans jusqu'à dix-huit ans; ils seraient répartis en nombre égal dans chacun des établissements; les études, la discipline seraient soumises à un programme unique, résumant les règles et les méthodes les plus parfaites de chaque pays. Partout l'enseignement serait le môme, de telle sorte que l’enfant sortant d’une classe en France trouvât dans la classe supérieure d’un autre collège, quel qu’il fût, la suite des études commencées. Ala tin de chaque année, un concours serait ouvert dans chaque classe entre les quatre établissements. L’enfant, entré à dix ans au collège international, serait envoyé chaque année d’un établissement dans un autre, et quand il aurait successivement passé, dans chaque pays, une année dans les classes inférieures, il recommencerait la même rotation dans les classes supérieures, de manière que, ses études finies à l’âge de dix-huit ans, il aurait vécu deux ans dans chaque pays. Certes il faut s’attendre à nombre de difficultés pratiques; c’est dans le but d’amoindrir ou d’anéantir les plus graves que le concours a été ouvert. Le projet conçu par M. Barbier occupe spécialement les esprits en Angleterre, la presse anglaise lui est favorable ; espérons qu’un commun accord permettra d’essayer si cette idée est une grandiose utopie ou un progrès réalisable. L’enseignement des aveugles et des sourds-muets n’a pas été oublié à l’Exposition. La seule méthode que nous ayons remarquée est celle de M. L. Foucault, déjà honoré d’une médaille en 1855. M. L. Foucault, qui est uu aveugle-né, a fait en sorte qu’un aveugle puisse écrire pour un voyant et pour un aveugle, qui peut corriger lui-même ce qu’il a écrit. Il expose, en tête de s °n ouvrage, les raisons qui ont déterminé son travail L’ius- Utution des aveugles apprend à lire et à écrire aux aveugles-nés, nia s la lecture s’apprend dans des livres eu relief, de sorte que, sorti de l’institution, l’aveugle retombe dans le désert, il n’a plus delivres; quant à l’écriture, il l’oublie presque de suite, l’or- gane du toucher développé à l’institution perdant très-vite sa sensibilité. » C’est sur le pointé que repose la méthode de M. Foucault; il 288 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. a construit une mécanique à écrire avec laquelle on peut à volonté ou piquer le papier seulement, ou le noircir en même temps. On a cherché aussi à donner aux sourds-muets une éducation particulière qui leur permît de suppléer aux organes qui leur manquent. Dès le seizième siècle, le bénédictin Pedro de Ponce, en Espagne, le ministre W. Hôlder, en Angleterre, essayaient d'instruire quelques jeunes sourds-muets ; mais ceux dont les efforts eurent le plus de succès furent sans contredit le célèbre abbé de l’Épée, qui inventa l’alphabet manuel et fonda, à ses frais, l’Institut des sourds-muets, et l’abbé Sicard, son successeur, qui contribua beaucoup à rendre son œuvre populaire. Plusieurs méthodes bien différentes ont été employées pour l’instruction des sourds-muets. On se borna d’abord à développer chez eux le langage naturel d'action et à en faire d’excellents mimes que tout le monde put comprendre, puis ou créa pour eux un alphabet manuel purement conventionnel, représentant chaque lettre par un signe particulier, c’est l’œuvre de l’abbé de l’Épée. On est enfin parvenu à leur faire comprendre la parole d’après le seul mouvement des lèvres, à leur faire articuler des sons, à les faire parler enfin, sans qu’ils s’entendent eux- mêmes; ce dernier procédé est appliqué aujourd’hui avec succès par M. Dubois. En résumé, la création à l’Exposition universelle de 1862 d’une classe spécialement affectée à l’enseignement, nous paraît devoir être considérée comme un fait capital, non pas principalement quant au perfectionnement qui peut en résulter pour le matériel classique, mais surtout quant aux importantes questions qui se révèlent d’elles-mêmes à cette occasion. C’est le moment que doivent saisir les hommes éclairés sur le grave sujet de l’éducation, pour prendre la parole et indiquer avec netteté et fermeté les besoins de l’enseignement, et surtout pour formuler les réformes importantes que a réclame l’état de souffrance de l’enseignement primaire. Caris. — Imprimerie BOUItDIER et C“, rue Mazarine, so. EXAMEN COMPARATIF DES EXPOSITIONS des différents peuples, suite. Par M. H. TRESCA. Belgique. — L’industrie de la Belgique ressemble, tout à la tois, à celles de l’Angleterre et de la France; plus active que la nôtre, dans tout ce qui touche à l’exploitation de ses mines nombreuses, elle s’en rapproche beaucoup dans l’organisation de ses fabriques de tissus. La population laborieuse de ce pays, qui ne compte pas moins de cinq millions d’habitants, était représentée à l’Exposition par plus de sept cents numéros proportionnellement aux populations des deux pays, c’est une fois et demie autant que la France. Beaucoup de produits minéraux, une agriculture de bon aloi, des machines en assez grand nombre, des produits manufacturés de grande consommation, très-peu de recherche artistique dans la plupart de ces produits, voilà, d’une manière générale, le caractère de l’Exposition belge dans laquelle nous aurons à signaler, de loin en loin, quelques détails d’un grand intérêt. Le gouvernement belge a profité du concours actuel pour faire connaître toutes ses richesses minérales ; il y a mis une s °rte de coquetterie, et la collection des roches constitutives et des produits minéraux de son sol, recueillis parM. Scherpen- zee L de Liège, constitue, à elle seule, un vrai musée pratique de f°utes les industries qui s’y rattachent. Les échantillons, au nombre de douze cents, ont été classés suivant la méthode du professeur Dumont, et des notices des plus instructives accompagnent les produits principaux. C’est ainsi que nous apprenons C[u’en 1860 la Belgique a extrait 10 000 000 détonnes de combustible minéral, représentant une valeur de 107 000 000 de fr. ; III. , 19 -2!>0 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES- ces chiffres indiqueraient un prix moyen de par tonne, en y comprenant toutes les qualités et grosseurs. Les minerais de 1er oxydé se présentent généralement dans les terrains carbonifères, tantôt en véritables couches et en contact des divers étages de ce terrain, tantôt sous forme de dépôts dans les dépressions et les crevasses des roches. Sans être de très- bonne qualité, ils fournissent généralement des fontes et des fers applicables à la plupart des emplois industriels; exploités sur douze cents points différents, ils ne produisent pas moins de 561 000 tonnes de minerai lavé. Les mines de zinc, les carrières de marbres rouges et noirs, les pavés, les pierres à aiguiser, et, dans une bien moindre proportion, les pierres à meules complètent ces immenses richesses minières. Parmi les produits agricoles, le houblon, le lin et le tabac occupent une grande place, et l’on y remarque un blé dit pluie d’or, qui, semé seulement au commencement de juillet, vient à maturité avant la fin d’octobre. Malgré le vin mousseux de M. Patron Joly de Huy, dans la province de Liège, la Belgique continuera à être considérée comme un bon pays de consommation, mais non de production vinicole. Nous voyons, dans les produits de la classe 4, que l’industrie du défilochage se tient à la hauteur du développement de celle de la draperie, dont elle paraît former maintenant une annexe de plus en plus essentielle. Dans les classes o et 6 nous remarquerons le wagon d’été de la compagnie générale du matériel des chemins de fer, la fabrication des rails en acier puddé, et la carrosserie parfaitement exécutée de MM. Jones frères, de Bruxelles. Le wagon d’été se compose d’une plate-forme couverte, donnant accès à deux salons, très-confortablement mais très-simplement décorés. Ce mode de construction devrait bien être introduit chez nous. Les machines sont en général d’une construction courante, mais non point irréprochable, si ce n’est peut-être en ce qui concerne les machines des arts textiles, parmi lesquelles on doit signaler les assortiments pour la filature de la laine de MM. llou- get et Teston; les tondeuses de MM. Neubartli et Longtain, et la machine à teiller, tout à fait pratique, de M. Mertens. Deux belles machines à papier; un lavage de minerai, système EXAMEN COMPARATIF DES DIFFÉRENTS PEUPLES. 291 Bérard; une machine soufflante, système Fossey, à distribution rotative, plus ingénieuse que pratique ; le dessin d’un ventilateur, de Guibal, devant expulser 100 mètres cubes par seconde, avec une dépression de 40 à 100 millimètres d’eau, forment un ensemble très-remarquable. Une machine à agglomérer, de M. Dehaynin, produisant par an 180 000 tonnes, est bien faite pour démontrer l’importance qui s’attache, dès maintenant, à l’utilisation des débris de houille. Enfin, le fait le plus considérable de l’exposition belge, sinon le plus apparent, est celui qui est représenté, bien à l’écart, par le modèle de cuvelage de M. Chaudron. Au moyen de garnitures de mousse qui suffisent à rendre momentanément étanches tous les joints, M. Chaudron est parvenu à faire traverser, à son cuvelage en tôle, des nappes aquifères de grande hauteur cet appareil sera décrit avec soin en traitant des machines de la classe 1 re . Nous ne trouvons ensuite, jusqu’à la classe 16, que les chro- noscopes de M. Gloesener, et la fabrication des armes de Liège, parmi les objets qui contribuent à l’éclat de l’Exposition. Remarquons que nos armes Lefaucheux y sont en assez grand honneur pour que quatre des exposants, au moins, se livrent presque exclusivement à la confection de cette invention française. Il y a sans doute plus d’originalité, mais moins d’utilité peut-être dans une brouette, se transformant en lit de camp, tente, nacelle ou pont, à volonté. Il semblerait qu’après de pareils chefs- d’œuvre la guerre ne doive plus présenter aucune fatigue. Dans la section des produits manufacturés, la Belgique est très, bien représentée par une multitude d’articles de fabrication courte, particulièrement pour ses tissus et ses fers ouvrés. L’industrie du coton 44 exposants, celle du lin et du clian- Vre 85, n’ont pas cependant l’importance de ses fabriques de lainage 92, qui, àVerviers seulement produisent annuellement ^00 000 pièces de tissus, particulièrement des draps de bonne ffialité. Il y a peu de soieries, à peine quelques expositions de a Ps, parmi lesquelles cependant celle de la manufacture impé- nale de T 0 U rnay; mais la dentelle est l’objet d’une fabrication Plus développée que partout ailleurs, et bon n’y compte pas monis de 45 expositions d’une grande richesse c’est beaucoup Plus que dans les galeries françaises. La dentelle constitue en Belgique une industrie vraiment natio- 292 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. nale dans laquelle la plupart des villes se sont fait un nom. Bruxelles, Malines, Courtrai, Bruges, Grammont, Alost ont leurs points spéciaux; cette industrie se retrouve sur la frontière française, à Valenciennes principalement; maison commence chez nos voisins à imiter notre Chantilly et les produits de la Suisse. Les toiles cirées et les ornements d’église sont aussi l’objet d’une grande industrie. Parmi les exposants figurent un grand nombre d’ateliers d’apprentissage dont l’organisation doit être signalée, au moment où l’on s’occupe de tous côtés de l’organisation de l’enseignement professionnel. Les ateliers d’apprentissage doivent leur origine à la crise linière des Flandres et à une crise alimentaire dont le gouvernement s’est appliqué à conjurer les effets. Former des tisserands habiles pour l’industrie privée, les initier à tous les procédés d’un travail plus varié, en vue de créer à l’industrie nationale de nouveaux débouchés; populariser les métiers et les procédés les plus perfectionnés du tissage; en un mot fonder, sur des bases rationnelles et solides, l’instruction professionnelle de l’ouvrier tisserand; lui fournir les éléments d’un travail meilleur et mieux rétribué, et par là travailler à l’augmentation du prix de la journée, tel fut le but de la création de ces ateliers. » Le nombre des ateliers d’apprentissage est de 68; 50 sont établis dans la Flandre occidentale, 16 dans la Flandre orientale, et 2 seulement dans le Hainaut. Les frais de ces institutions sont supportés en partie par l’État, en partie par les provinces, et en partie par les communes sur le territoire desquelles elles sont établies. On nous permettra d’entrer dans quelques détails sur l’organisation de ces établissements, dont la France est entièrement privée, et qui démontrent surabondamment qu’il ne serait pas difficile d’y organiser cependant des écoles de filatures. Lyon, Nancy et Dieppe sont nos seules villes qui jusqu’ici aient fait quelque chose dans ce but. L’enseignement primaire est donné dans les ateliers par l’instituteur communal ou par tout autre agent choisi par l’autorité locale. Des contre-maîtres instructeurs sont chargés de l’instruction professionnelle des apprentis. Pour être admis dans un atelier, il faut être âgé de 12 ans au 293 EXAMEN COMPARATIF DES DIFFÉRENTS PEUPLES. moins et avoir l’aptitude voulue pour exercer la branche d’industrie qui y est enseignée; les apprentis qui possèdent l’instruction primaire peuvent, par exception, être admis avant l’Age de 12 ans. Des commissions administratives veillent à ce que le travail des enfants soit toujours en rapport avec leurs forces physiques. Dans aucun cas la durée de la journée de travail ne peut dépasser douze heures. Un salaire stipulé par la commission administrative avec les entrepreneurs est alloué aux apprentis. Une retenue, qui ne peut être inférieure à 5 p. 100, ni dépasser 10 p. 100, est faite; le montant de cette retenue est versé dans une caisse spéciale et employé, s’il y a lieu, lors de la sortie des apprentis, à l’achat de l’outillage dont ils ont besoin pour exercer leur industrie à domicile. A leur sortie, un certificat constatant leur aptitude et leur conduite leur est délivré, s’il y a lieu, par la commission. Le travail des ateliers se fait au compte des industriels, qui fournissent la matière première; la préférence doit être donnée aux fabricants qui offrent les conditions les plus avantageuses à l’ouvrier, tant au point de vue du salaire que de l’instruction professionnelle. Les commissions administratives peuvent, à cet effet et en cas de nécessité, conclure, sous l’approbation du ministre de l’intérieur, des conventions dont la durée ne dépasse pas le terme de deux années. U est accordé, dans les limites des allocations des budgets, aux apprentis qui, à leur sortie des ateliers, en sont jugés dignes, fi f aison de leur aptitude et de leur conduite, des récompenses pécuniaires, destinées soit à compléter le prix d’achat d’ustensiles Perfectionnés, en cas d’insuffisance des retenues, soit à pourvoir à d’autres besoins dérivant de l’exercice de leur métier. La sagesse de ce programme donne une idée fort exacte de la s agesse qui préside à toute l’organisation industrielle de la Bel- S'que ses fers ouvrés, sa quincaillerie, sa coutellerie, ses usines ffe céramique, ses fabriques de glaces même, sont toutes remarquables par une administration bien conduite et une régularité e Production que l’on ne retrouve qu’en Angleterre. Parmi les industries les plus spéciales à ce pays, nous citerons Ce lle des briques et poteries réfractaires pour laquelle encore son S °1 est singulièrement privilégié, et la fabrication de ses beaux 294 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. parquets, non celle des meubles. Enfin, comme produits auxquels on cherche à donner une certaine extension, nous citerons les tuyaux de plomb, à profils de corniches et de moulures, pour conduites d’eau et de gaz, et le minium de fer d’Auderghem, qui paraît pouvoir remplacer le minium de plomb comme peinture dans une partie de ses applications. Suisse. — Les industrieux habitants delà Suisse ont figuré au nombre de près de quatre cents dans le palais de Kensington ce chiffre est considérable pour une population de 2 400 000 habitants, dont la plus grande partie sont exclusivement voués à l’agriculture» Quelques industries y sont cependant pratiquées, pour ainsi dire, en famille, l’horlogerie surtout, qui comprenait à elle seule plus du quart du nombre des exposants. Les produits agricoles les plus appréciés ont été, non pas les fromages, ce qui n’aurait étonné personne, mais les vins de Neuchâtel, de Yevey, du Valais et des Grisons, etc. Quelques produits isolés ont paru remarquables; le manganèse du professeur Brunner, obtenu par un nouveau procédé, les beaux produits dérivés de l’aniline de M. Muller, et la roue flottante de M. le professeur Colladon, faisant mouvoir une pompe héliçoï- dale, la belle machine de navigation à faible tirant d’eau de MM. Escher, WilletC' 6 ; les machines à plier et à relier, dont notre collègue, M. Laboulaye, a parlé en détail, les beaux disques pour verres d’optique de M. Duguet de Fribourg, sont dans ce nombre. Mais ces objets n’appartiennent pas aux industries principales et réellement nationales de la Suisse. Après l’horlogerie, qui occupe un très-grand nombre de bras, mais qui ne présente pas de progrès importants, si ce n’est peut-être dans la plus grande perfection du travail manuel, nous citerons, par ordre d’importance, la fabrication des mousselines brodées, dans laquelle la Suisse occupe une des premières places, celle des rubans de soie, très-considérable, mais inférieure à l'industrie analogue de Saint-Étienne, les tissus de coton teints en rouge turc pour l’exportation, la fabrique des chapeaux de paille, et celle des objets en bois sculpté. Dans toutes ces spécialités, les produits suisses ont un caractère particulier, mais assez voisin de celui de nos produits analogues. Plus française qu’allemande, l’industrie de la Suisse est très-spécialisée on la croirait celle EXAMEN COMPARATIF DES DIFFÉRENTS PEUPLES. 295 d’un de nos départements, si la pratique des machines y était plus répandue, et si les questions de forme et de goût étaient, en général, mieux étudiées. Oisons cependant que, dans tout ce qui concerne la fabrication des montres, et sans doute par suite de la parenté qui existe entre elles, en ce qui concerne la bijouterie et la joaillerie, certains produits ne laissent rien à désirer. Quant à l’industrie des machines, rien de plus remarquable assurément que le métier à rubans de MM. Wahl et Socin, dont notre collègue, M. Alcan, aura à décrire les organes principaux. Au prorata de sa population, la Suisse doit déjà être comptée parmi les nations les plus industrielles de l’Europe. Italie. —Le royaume d’Italie figure pour la première fois dans les expositions universelles de l’industrie, et l’on aurait pu craindre que, préoccupé de sa propre organisation, le gouvernement négligerait de préparer, avec le soin convenable, tous les éléments d’un pareil concours. Cependant l’Exposition de 1861 à Florence s’était produite avec nu certain éclat; et, dans le palais de Kensington, on peut faire une étude intéressante de tous les éléments de prospérité industrielle que l’Italie trouve dans la constitution de son sol et dans son climat on a voulu que toutes les industries italiennes fussent représentées, et, parmi elles, nous en trouvons' plusieurs qui sont tout à fait exceptionnelles. Placée entre l’Orient et l’Occident, avec ses ports dans la Méditerranée et dans l’Adriatique, l’Italie semble plutôt destinée à servir d’intermédiaire commercial entre ces contrées, et elle doit facilement trouver, dans ces relations déjà établies, l’écoulement des produits de son sol. Le catalogue que vient de publier la Commission italienne est T’empli d’indications très-étendues sur les produits des quatre Premières classes, et ce sont celles qui sont le mieux représentes à l’Exposition. bien que l’industrie des mines ne soit pas très-développée en Italie, i a ma tière première y est abondante, à l’exception du combustible minéral qui fait complètement défaut, si ce n’est dans quelques gisements d’anthracite et de lignite; la tourbe y est abondante et remplace la houille dans la plupart des opérations métallurgiques. 2 de Waldeek. Totaux. Dont 12 0 °00 000 seulement en Allemagne. F est dans cet ordre que nous nous proposons de jeter un POPULATION. NOMBRE des Exposants. 35000000 ’ 1400 llOOOOOü 1552 1085000 255 1520000 195 4070000 140 148000 134 760000 125 2000000 108 1810000 , 83 450000 78 41000 30 44000 32 502000 22 125000 21 32000’ 19 385000 , 18 242000 15 136000 15 27000 13 295000 H 266000 12 107000 6 80000 5 110000 222000 1 3 37000 3 56000 3 61249000 4309 30S IMPOSITION UMVKKSIiLLIi Dli LONDRES. coup d'œil sur les industries de ces divers pays, nous bornant quant à présent à remarquer qu’après les villes libres qui sont, sous ce rapport, le mieux représentées, les états secondaires de l’Allemagne qui comptent, proportionnellement au chiffre de leur population le plus d’exposants, sont la Saxe et le Wurtemberg ; ensuite le grand-duché de llade, et les royaumes de Hanovre et de Bavière. Le duché de Nassau, qui avait à l’exposition de 1851 une si belle collection de minerais, n’a pas cette t’ois pris les mêmes j soins, et il n’est que très-imparfaitement représenté. Quant aux deux Etats principaux, l’Autriche et la Prusse, leur nombre d’exposants est il peu près le même, quoique l’étendue des territoires soit bien différente. Autriche. L’exposition autrichienne comprend 1400 exposants répartis assez uniformément dans toutes les classes, ce qui dé- j note une industrie assez avancée. Les produits agricoles y ligu- j rent pour 542; les produits minéraux pour 81; il n’y a que j 199 exposants dans le deuxième groupe de la classification gé- j nérale; c’est dire que les arts mécaniques et les sciences d’ap- { plication ne sont pas encore développées dans ce pays à l’égal de j ses industries naturelles. î Le chiffre total de 1400 n’est pas considérable pour une po- tés à l’Exposition par d’excellents spécimens. La brasserie de Klein-Schwechut, près Vienne, est la plus Kiande brasserie du momie; l’Angleterre même ne possède point, en ce genre, d’établissement aussi considérable. fabrication des liuiles est montée, en dilférents points, sur Ulle granje échelle la seule usine de Josephsthal pressure, par l 0lI1 ’> plus de vingt quintaux d'huile de navette; l'huile de mais t I huile de tabac, cette dernière exclusivement employée pour e graissage des machines, constitueront bientôt des industries l u clque importance. La culture du tabac ne peut se faire en Autriche que par voie 312 EXPOSITION UNIVERSELLE UE LONDRES- île concession elle est surtout répandue en Hongrie, où elle s’élève à plus des huit dixièmes de la production totale. A côté de ces produits principaux que l’Autriche avait envoyés pour constituer la classe 2, il faut ajouter encore, connue dignes d’intérêt, à divers titres les liqueurs devienne, et particulièrement le wermulh de Hongrie, le marasquin, qui provient delà distillation d’une espèce particulière de cerise, la marasca; les belles farines des moulins à vapeur de la Bohême, les houblons de la même contrée et de la haute Autriche, les pâtes alimentaires de Piume, sont de ce nombre. La levure comprimée qui peut sc conserver, suivant la température, pendant 4 ou 5 semaines, sans éprouver d'altération, et surtout les farines comprimées, dites farine-pierre, qui se fabriquent à Prague, sont déjà l’objet d'un commerce considérable cette dernière denrée se trouve réduite, par compression, à près de moitié de son volume primitif, et simplement enveloppée dans des feuilles d'étain, elle peut se conserver, presque indéfiniment, en petits prismes de 10 à 12 kilogrammes. La classe 4 renferme aussi quelques types particuliers qu’il est bon de faire connaître ce sont particulièrement les laines et les bois. On compte, en Autriche, plusieurs troupeaux de 3U000 têtes, et les races mérinos et négretli y sont en grand honneur. La production générale s’élève à plus de 70000 j quintaux ; la Hongrie produit, à elle seule, la moitié de ce chiffre, mais les laines les plus lincs sont celles de la Moravie, de la Silésie et de la Bohème. Les forêts ont une importance considérable celle du Boehmer- wald sont particulièrement renommées pour les bois propres à la fabrication des instruments de musique; le comte de Münch- Bellinghausen avait réuni tous les produits résineux du pin noir pinus Austriaca], qui ne se rencontre que dans les forêts de la basse Autriche, et dont la résine est d’une qualité particulière. C’est à ce même propriétaire qu’appartient un échantillon de noisetier trois fois centenaire. Ce bois sert en Autriche à faire des objets de gaînerie, imitant parfaitement ceux de cuir plusieurs fabricants excellent dans ce genre de fabrication. La Société de Bistritz est spécialement adonnée à la préparation du noyer et du frêne pour armes de guerre, comme celle de Moderhaeuser à celles des bois pour instruments de musique. La colle de Hongrie, la fabrication des objets en écume de mer EXAMEN COMPARA TIF DES DIFFÉRENTS PEUPLES. 3ii i. hydro-silicate de magnésie naturel, celle des gommes artificielles, doivent être particulièrement mentionnées, ainsi que les chardons à carder de la haute Autriche et de la Styvie, qui ne le cèdent en rien à ceux de Bavière. La deuxième section delà classification anglaise est beaucoup moins bien représentée Deux locomotives nouvelles, l’une de M. Engerth, pour les rampes, l’autre dite Duplex, à quatre cylindres, de M. Ilaswell, seront examinées en détail dans l'étude spéciale de la classe 5. Les chemins de fer en Autriche ont tous été cédés par l’État, à l’exception du seul chemin de ceinture de Vienne. Le parcours total des lignes s’élève à près de 6000 kilomètres les locomotives et les wagons sont construits emAutri- che; les premières dans trois usines seulement; quant aux voitures à voyageurs, elles sont tirées en grande partie des autres étals du Zoliverein, l’Autriche ne possédant que très-peu d'ateliers de carrosserie, si ce n’est à Vienne, où ils sont principalement consacrés à la construction des voitures de voyage. Dans l’est de l’Empire, le charronnage est encore si arriéré qu’on y fabrique un grand nombre de chariots dans lesquels on ne fait pas entrer la moindre parcelle de fer. La construction des machines industrielles n’a pas pris encore une importance suffisante pour satisfaire aux besoins du pays, et il ne faut pas s’étonner dès lors que l’exposition autrichienne soit sous ce rapport très-peu intéressante. On commence cependant à y construire quelques-unes des machines des industries textiles. Les appareils Jacquard, de M. Scliramm de Vienne, sont d’une bonne exécution, et les rouleaux pour impression, de MM. Portheim, Kündig et Bertschy, constituent une innovation très-intéressante ces cylindres sont en fer, recouvert de cuivre Par les procédés galvano-plastiques ; l’on réduit ainsi le poids d e ce dernier métal A un dixième environ. M. Ifubezy a modifié d’une manière heureuse les foyers des °comobiles que l’on doit chauffer avec des menus combustibles, els ffue la paille, seuls employés en Hongrie les parcelles en- a, mnées sont arrêtées par une sorte de grillage, contre lequel blesse maintiennent, par le tirage, jusqu’à complète combustion. Quant aux machines agricoles, elles sont en général d’une bonne exécution, mais un peu lourdes, et elles ne présentent rien de bien remarquable. EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. H i Les classes suivantes renferment, en petit nombre, quelques objets clignes d’être cités; dans la classe 10, de nombreux spécimens de ciments artificiels et les belles cartes en relief de M. le chevalier de Loessl, qui ont excité l’admiration générale; dans la classe 11, quelques armes, parmi lesquelles un revolver ">i coups; dans la classe 13, une très-belle collection d’instruments de précision, de M. Lenoir, parmi lesquels une lampe philosophique avec un petit électroscope ; les appareils télégraphiques, fort bien exécutés à Vienne, de MAI. Siemens et Ilalske ; de très-beaux objectifs pour appareils photographiques, de Voigt- lauder et fils, dont la réputation est bien établie ; enfin, un très- joli modèle d’optique et de diorama, de AI. Ponti de Venise. Dans la classe 14, de fort belles photographies, et particulièrement une complète reproduction du célèbre / irevario Grimani de la bibliothèque de Saint-Marc. Ces fac-similé des chefs-d’œuvre typographiques représentent déjà, pour Venise, une industrie d’un caractère tout spécial. La fabrication des appareils de chirurgie est, comme la plupart des professions importantes de l’Autriche, concentrée à Vienne et à Prague les travaux du docteur Czermak, qui ont été couronnés par le prix Montyon de notre Académie des sciences, servaient de commentaires à ses laryngoscopes, et il paraîtrait que l’emploi continu des bains pour la guérison des brûlures et de certaines maladies de la peau, a donné, entre les mains du professeur liébra, des résultats vraiment sérieux; enfin, les modèles anatomiques du docteur Teich- mann, et surtout les préparations du professeur Ityrtt, qui s’est attaché à reproduire, avec les formes qu’il all'ecte dans les différents ordres d’animaux, le même organe, étaient de nature à être examinés avec intérêt par les visiteurs les plus indifférents. D’après ce que nous avons dit déjà de l’organisation industrielle des États allemands, on doit s’attendre à trouver, dans les produits fabriqués de l’Autriche, la représentation de la plupart des industries leur énumération ne serait, pour nous, d’aucun intérêt, et nous nous bornerons à indiquer rapidement ceux qui présentent quelque caractère local, ou qui font connaître un progrès récent. Les industries textiles ont été, pendant longtemps, exploitées en Autriche à l’état d’industrie domestique; et ce mode de produc- EXAMEN COMPARATIF DUS DIFFÉRENTS PEUPLES. 315 tion est encore celui qui domine quant aux chiffres comparatifs des produits. Depuis quelques années plusieurs grandes usines se sont établies; et, bien qu’encore en petit nombre, elles ne le cèdent en rien, par leur importance, à celles des pays les plus avancés ; l’association de grands capitaux s’est merveilleusement prêtée à ce développement rapide. La filature de coton de Potten- dorf compte 64000 broches; les fabriques de tissus pour meubles de M. Haas et fils ne possèdent pas moins de 500 métiers à tisser, celle de MM. Lovv et Sclunal atteint le chiffre de 700 métiers, employés, pour la plupart, au travail de la laine de Vigogne; mais ce sont là des exceptions, et les métiers de la draperie et de la soierie eux-mémes sont, la plupart du temps, distribués chez de simples tisserands. Ce mouvement industriel vers les grandes exploitations s’est surtout produit dans les ateliers de confection la machine à coudre a transformé, plus rapidement qu’ailleurs, la petite industrie en véritables usines. C’est par là que s’est produit le plus grand progrès ; peut-être aussi dans les tissus damassés et dans la teinture. Les tissus de bois deM. Kumpf pourraient donner lieu à une industrie importante réduite en copeaux minces et teinte en couleurs variées, cette matière première de la lîoliétne peut donner lieu à des tissus légers et souples, pour meubles, pour chapeaux; et, sans doute, comme article d’exposition seulement, pour habillement et pour pantalon. Les chevilles en bois pour chaussures, donnent lieu, dans les mêmes localités, à une fabrication par machines qui s’élève à plus de 10000 quintaux. L’industrie des jouets en bois n’y est pas non plus sans importance L’établissement impérial de Vienne a fait faire un grand pas aux différentes brandies de l’art typographique, mais il s'est abstenu de paraître à l’Exposition de Londres; la fabrication du papier a Pris un développement considérable, et la paille de maïs entre déjà, pour un contingent notable, dans l’alimentation en matières Premières; la reliure, quoique d’une très-belle exécution, est ornée et massive, mais la chromo-lithographie a fait, depuis 1855, énormes progrès. ^ es meubles, fort remarqués en 1851, sont beaucoup moins “déressants cette année ; on croirait, à voir l’Exposition, que cette industrie s’est transformée, et qu’elle ne porte plus que sur * es petits meubles de fantaisie, qui se sont beaucoup rapprochés 316 KXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. de quelques-uns de ceux de notre industrie parisienne. Il faut citer cependant la grande fabrication de meubles en bois courbés de MM. Thonel frères, et une série fort originale de meubles de voyage, qui se démontent et se servent à eux-mémes de caisses d’emballage, voire môme de voiture de transport. Cet article, ù lui seul, alimente une industrie de quelque importance. Parmi les articles en fer, il convient surtout de citer les faux de Styrie, et une immense fabrication d'outils à main, de toutes sortes et à bon marché, qui alimentent à Steyr plus de 30000 ouvriers. La poterie émaillée constitue plusieurs usines importantes, et, dans quelques-unes, l’émail est formé suivant le procédé du professeur Pleisclil, dans d’excellentes conditions hygiéniques et sans plomb l’application de ces poteries aux formes à sucre est presque générale en Autriche. La bijouterie est toujours en grand honneur à Yienn . La Manufacture impériale de porcelaine n’a pas de produits comparables, pour la forme, à ceux de notre manufacture de Sèvres; enfin les diverses verreries de la Bohème soutiennent, malgré la bizarrerie de quelques-uns de leurs modèles, leur vieille réputation. La taille du verre y occupe de nombreux ouvriers, et nous avons particulièrement remarqué les sujets en verre taillé et dépoli pour serre-papiers et ornementation. Telle est, dans son ensemble, l’exposition autrichienne en \ 362 si le même mouvement se poursuit avec lti même allure, l’industrie autrichienne acquerra, avant vingt ans, en Europe, une importance considérable. • Prusse. Divisée, par la Hesse et par le Hanovre, en deux parties complètement isolées, le royaume de Prusse présente, plus encore que l’Autriche, deux zones parfaitement distinctes. Les provinces rhénanes et surtout'la Westphalie, avec ses récentes découvertes de combustible minéral, sont destinées à un avenir industriel dont ou n’avait jusqu’à présent aucune idée. Nous consacrerons, un peu plus loin, un paragraphe spécial aux richesses minérales des différents Etats qui composent le Zollverein suivant, en cela, les indications d’un travail qui a été publié sur cette question, nous intéresserons plus nos lecteurs que si nous leur indiquions, en détail, la part de chacun des petits États dans ce grand ensemble. Les produits chimiques EXAMEN COMPARATIF DES DIFFÉRENTS PEUPLES. 317 sont assez nombreux, mais ils n'offrent aucun fait saillant, si ce n’est peut-être dans la préparation des matières colorantes et dans les produits dérivés de l’aniline. La paraffine est aujourd’hui extraite, en grandes masses, des lignites roux de diverses localités et particulièrement des mines de Ascherlaben. Aucune industrie n’a jamais pris une aussi rapide extension le nombre des usines qui distillent les lignites s’accroît tous les jours, et les bénéfices qu’elles réalisent sont presque fabuleux. Les huiles volatiles fournissent un éclairage particulièrement économique, et la paraffine est couramment utilisée dans la fabrication des bougies. Plusieurs journaux ont parlé récemment d’accidents dus à à l’inflammation des huiles de schiste nous pensons qu’il s’agit plutôt d’huiles volatiles extraites des pétroles récemment découverts en si grande abondance sur le continent américain. Les huiles de schiste sont moins inflammables, et l’on peut en approcher sans danger une allumette ou un papier allumé. M. Geiss, de Berlin, avait une collection fort remarquable de plus de quarante essences extraites des végétaux naturels ou cultivés île l’Allemagne. Le cinabre, le minium à l’état de pureté, et la poudre de bronze, sont au nombre des produits les plus remarquables. Nous 11e parlerons pas des eaux de Cologne des cinq ou six Jean-AIarie Farina, sans compter les établissements dans lesquels 011 n’a pu encore se procurer que des Farina d’un autre prénom encore quelques années, et toute une légion de Jean-Mario viendra, de par les droits de ses actes de baptême, taire une nouvelle concurrence aux anciennes maisons. Les substances alimentaires sont beaucoup moins nombreuses 'tue dans l’exposition autrichienne; maison peut signaler cependant les jambons de Westphalie, les liqueurs de Dantzig, et surtout les vins du Rhin, du Palatiuat et de la Silésie, particulièrement ceux de la vallée de Saar, mousseux et non mousseux; les orges perlées, les amidons et le sucre entrent, pour une Fraude part, dans les produits fabriqués. Enlin, des laines fines de premier choix, du houblon et du tabac de bonne qualité complètent cette nomenclature des richesses naturelles de la Prusse. Les industriels se sont efforcés d’en tirer le meilleur parti possible; et, eu ce qui concerne les arts mécaniques, il n’est peut- IMPOSITION UNIVIÏRSIÏLLK llî LONDRES. JiS être pas une centrée qui ait fait, en ces dernières années, d’aussi grands progrès. Tout auprès de la locomotive de Borsig se trouvent les Expositions de M. Krupp et celle de la compagnie de Boclium. Quels que soient les progrès réalisés par nos plus habiles métallurgistes, les produits de M. Krupp sont toujours supérieurs à tous autres, et, cette lois, cet habile industriel s’est encore surpassé. Ses arbres de locomotives de deux tonnes et demie, son arbre de roue de I i tonnes, son canon et son lingot cylindrique de 20 tonnes, sont encore plus remarquables par l’homogénité du métal que par leur masse. L’acier fondu est devenu, entre les mains deM. Krupp, un métal qu’il peut appliquer à tous les usages avec une entière certitude de réussite. L’exposition de la compagnie de Boclium doit être citée plutôt pour ses cloches que pour ses pièces de locomotive; on sait qu’à l’Exposition de 1855 on avait contesté que le métal de ces cloches, si régulières dans leur formes, pût être de l’acier, et la conviction ne fut véritablement acquise qu’au moment où le fabricant en lit briser une et en lit forger, séance tenante, les fragments. Aujourd’hui l’industrie de Boclium s’est acclimatée en Angleterre, et elle alimente une des grandes usines de Shefiield. La construction des wagons et des voitures est très-avancée la voiture de cour de M. Neuss est d’un goût bien plus satisfaisant que les carrosses de gala ordinaires, toujours trop chargés d’ornements. Les constructeurs prussiens recherchent beaucoup les machines nouvelles qui jouissent de quelque réputation à l'étranger. C’est ainsi que la Compagnie de Magdebourg et celle de MM. Lie- berinann et Mestern de Sprottau ont, Tune et l’autre, reproduit, avec une grande perfection, le modèle de la machine à vapeur américaine, de Corliss. M. Schwartzkopff, de Berlin, a déjà exécuté uu grand nombre de machines à air, système Lanberean, réellement perfectionné dans ses propres ateliers. Il y a, en outre, uu grand nombre do machines-outils bien exécutées, et quelques machines de lilature et de tissage qui attestent aussi l’habitude des bonnes constructions et une grand»! intelligence des meilleures formes. La Brusse n’a pas manqué d’apporter aussi son canon d’ordonnance; mais celui-ci était en acier fondu les beaux produits EXAMEN COMl'AUATIl' DES DUTKUKNÏS PEUPLES. î mi de M. Krupp sont en possession légale de cet emploi ; l’all'ût lui- méme est entièrement en métal, et disposé dans d’excellentes conditions. Les instruments de précision de Berlin et de Frauctbrt-sur- l’Oder sont d’une excellente exécution la balance de M. ltohr- beckest tout à t'ait remarquable, et il paraîtrait que les télégraphes électriques de MM. Siemens et llalske appartiennent autant l’exposition de la Prusse qu’à celle de l’Autriche, car ils sont indiqués tout à la fois dans les deux catalogues. Les micromètres de M. Nobert, les pantographes de M. Wagner, et l’ensemble d’un photomètre de Bunsen, réalisé par M. Elster, sont également remarquables. Quant aux photographies, elles sont surtout dirigées vers un but d’études, soit en reproduisant les œuvres des premiers peintres, soit en réunissant, en albums, un grand nombre de modèles d’art industriel. Sous ce rapport la Prusse est plus avancée que 1 Autriche la plupart des produits manufacturés sont d’une composition plus agréable, et quelques-uns vraiment artistiques. Nous citerons, parmi les plus intéressantes photographies, l’œuvre de Raphaël, et les sept volumes in-lolio de M. Alexandre Menutoli, contenant la reproduction, par la photographie, de 4000 œuvres de l’antiquité, réunies pour servir de modèles aux manufacturiers et aux artisans. L’horlogerie prussienne fait déjà concurrence à celle de la Suisse, et quelques-unes des pièces sont d’une exécution très- remarquable. Les arts textiles sont développés en Prusse à peu près comme ils le sont dans lés Etats déjà avancés dans la pratique industrielle, mais ils n'offrent aucun fait saillant ; l’imprimerie et la reliure ont fait beaucoup de progrès, et l’on peut citer un nou- Vî au procédé d’impression typographique et deolichage pour la musique, qui est un des faits les plus saillants. On voit, d’après les objets destinés à l’enseignement primaire, que cette question est sérieusement étudiée dans toute l’Allemagne. L’enseignement est obligatoire pour les enfants, et les écoles sont amplement Mutées de tout ce qui peut contribuer à leurs succès. De fort l'eaux globes et des modèles de cristallographie, en verre et en *’ ü is, ont vivement attiré notre attention. l-a Prusse se livre, avec une certaine importance, à l’industrie 320 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. des bronzes d’art, qui n’existe pas encore en Angleterre les tours de force qu’elle exécute en fonte de fer et môme en zinc se ressentent de ce voisinage et le même caractère artistique est extrêmement développé dans les articles de joaillerie et de bijouterie; ils avaient été remarqués déjà à l’Exposition de 1855, mais ils se présentent, cette fois, dans des conditions beaucoup plus satisfaisantes l’aspect général et le style laissent souvent à désirer; mais les détails, surtout, sont, le plus souvent, irréprochables. La porcelaine prussienne ressemble beaucoup à celle de l’Autriche; mais la fabrication des glaces, dans le bel établissement d’Aix-la-Chapelle, est tout à fait en première ligne. En résumé, la Prusse est un pays qui deviendra plus industriel qu’agricole, et qui possède déjà tous les éléments d’une fabrication sagement conduite. Royaume de Saxe. Bien que le nombre des exposants soit proportionnellement plus élevé que celui des autres États de même importance, l’industrie de la Saxe ne présente, à l’exposition, qu’un petit nombre de faits saillants. Les principaux établissements sont à Cheinnitz, à Leipzig, à Dresde et à Freiberg; ceux de la principauté de lteuss sont presque tous à Géra. Les essences et les huiles d’un grand nombre de produits végétaux forment, avec les matières colorantes, et particulièrement celles qui sont dérivées de l’aniline, la majeure partie des produits chimiques. Les laines si renommées de la Saxe n’y figuraient pas en grand nombre, mais les tissus qui en provenaient étaient remarquables; les filaments de la vigogne, de l’angola, du lama, occupaient, parmi ces tissus, une place importante, et constituaient, avec les toiles cirées et les articles de bonneterie, la presque totalité des produits. Aucune partie de l’Allemagne n’était aussi bien représentée quant à l’industrie des machines ; la locomotive des ateliers de M. Hartmann, à Cheinnitz, ses belles machines-outils, celles, non moins remarquables de M. Zimmermann et de M. Son domaine et Stier, peuvent être considérées à bon droit comme aussi parfaites qu’aucune autre, et constituent un outillage vraiment perfectionné. Plusieurs de ces machines pourraient être introduites en France avec utilité. Les aciéries de Dœhlen, près Dresde, sont très-renommées. EXAMEN COMPARATIF DES DIFFÉRENTS PEUPLES. 321 Une grande quantité de jouets d’enfants, quelques meubles, et les produits si estimés de la manufacture royale de porcelaines de Saxe, complétaient cet ensemble. Les porcelaines sont restées ce qu’elles étaient il y a trente ans toujours très-remarquables au point de vue de la fabrication, elles ont conservé toutes les exagérations de leurs formes, et elles constituent plutôt des curiosités que des objets vraiment artistiques. Il en est de môme des produits des manufactures privées ce sont ces porcelaines qui, avec les machines outils et les laines, représentent le côté vraiment intéressant de l’exposition saxonne. Royaume de Wurtemberg. Aucun pays n’a fait, dans ces dix dernières années, plus d’efforts que le Wurtemberg pour se constituer une industrie nationale. Des collections de produits ont été faites avec discernement pour servir de modèles aux fabricants, et la direction de ce musée, par ses tendances tout la fois scientifiques et techniques, a produit de grands résultats. Le Roilui-meme s intéresse au iléveloppeinent de l’industrie ; ses vins, et ses soies, récoltées à une latitude qui ne paraît pas très-favorable à la culture du mûrier, indiquent parfaitement cette tendance. On trouve, dans l’exposition du Wurtemberg, comme un résumé de toutes les fabrications de l'Allemagne les extraits de quinine, les produits de l’aniline, l’alun, l’acétate de plomb, les couleurs et les laques pour la coloration des fleurs artificielles, représentent les arts chimiques. Les nombreux échantillons d’engrais et de guano artiliciel démontrent les tendances agricoles ; la Chambre d'agriculture du Wurtemberg avait envoyé cinquante et un spé- chuens de vins de différents crus, et quatre-vingts échantillons de laines du pays. Des objets en ivoire, de la gélatine et des s avons complètent la série des objets appartenant au règne 0r ganique. Dans les arts mécaniques, un très-grand nombre d'outils, des gardes, des pompes à incendie, et, comme construction faite dans e Pays môme, des machines à tricot qui indiquent déjà une assez grande habileté. AI. le professeur Rau, du célèbre institut agronomique de llohenhem, avait représenté, par une série te cei 't modèles, l’histoire de la charrue chez les différents Peuples. ît III. 322 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Les principaux produits fabriqués consistent en tissus de toutes sortes, parmi lesquels il convient de signaler les produits de l’école de lilature de Stuttgard, en maroquineries, papiers de toutes espèces, papiers parchemins et papiers de bois, quincaillerie, coutellerie, orfèvrerie et bijouterie. L’horlogerie en bois a fait, dans la forêt Noire, de notables progrès, mais cette industrie est encore plus développée dans le duché de Rade. C’est du royaume de Wurtemberg que nous viennent en grande partie ces jouets en plomb, qui fondus maintenant dans d’excellents moules, peints et vernis avec soin, laissent bien loin derrière eux les soldats informes, que nous avons connus dans notre enfance. Les jouets de toutes sortes du Wurtemberg représentent un très-gros chiil're d’affaires. Royaume de Bavière. Le mouvement industriel est un peu moins marqué en Bavière que dans le Wurtemberg, bien que plusieurs associations se soient formées pour l’exciter L’Association de Munich, pour les perfectionnements industriels, avait exposé la collection des publications qu’elle n’a cessé de faire depuis l’année 1851, et celle de Furtli avait envoyé en grand nombre les produits fabriqués sous son impulsion. Les richesses minérales de la Bavière sont bien connues; mais elles étaient seulement représentées à l’Exposition par quelques lignites, des terres réfractaires, des pierres lithographiques, et un magnifique spécimen de phosphate de chaux, récemment découvert à Amberg. Les matières colorantes sont l’objet d’une fabrication importante, particulièrement chez M. Hoffmann de Schweinfurth, et le vert de chrome non vénéneux, de M. Meyer d’Augsbourg, mérite d’être recommandé. Les houblons et les vins composaient les produits agricoles plus remarquables, particulièrement les vius exposés par M. Oppermann, inspecteur des caves royales les plus célèbres sont ceux de Steinwein, Leisten et Hochsteiner, ainsi que quelques vins mousseux de Eranconie. MM. C. Leuclis et C ie ont formé, à Nuremberg, un établissement pour la vente des nouveaux procédés, et ils ont, comme première tentative, présenté à l’Exposition du vin fait avec de l’eau, sans employer ni raisin ni aucune autre plante ou fruit, EXAMEN COMPARATIF UES DIFFÉRENTS PEUPLES. 323 au moyen d’une poudre particulière déterminant la fermentation. Ces bouteilles d’eau ne coûteraient pour leur préparation que 2 centimes, mais il est douteux qu’elles jouissent jamais d’une grande faveur. Les machines étaient peu nombreuses quelques machines d’impression seulement; et l’objet le plus considérable de l’ex- position bavaroise était le modèle du pont construit à Mayence, s, ir le Rhin, d’après les plans de l’ingénieur Poli. Les cassettes de mathématiques et les instruments de musique paraissent faire l’objet d’un commerce spécial assez considérable; la typographie est en grand honneur; la fabrication des crayons, de M. Faber à Stein, près Nuremberg, est une des plus considérables de l’Europe. Les préparations des métaux en poudre et en feuilles l'or, l’argent, l’aluminium, le platine, et les métaux blancs communs forment aussi une spécialité très-importante pour cette ville. Les tissus sont en petit nombre, mais les arts céramiques sont assez développés dans quelques parties, telles que la fabrication des verres de montre et celle des verres mousselines. Munich possède plusieurs ateliers de peinture sur porcelaine, dont les produits sont de véritables objets d’art, tels qu’on devait s’attendre à en rencontrer dans la capitale de la Bavière. Grand-duché de Bade. Moins bien représenté qu’à l’exposition de 1855, ce pays industrieux se fait cependant remarquer par quelques spécialités bien tranchées. Ses mais, ses vins et ses houblons, n’ont pas une grande importance, mais ses tabacs constituent, dans le I’alatinat, une s ource de richesses considérables. Les arts mécaniques n’ont fourni que quelques pompes à incendie très-bien exécutées et des balances. L’horlogerie, au contraire, occupe un grand nombre de bras, particulièrement dans la partie badoise de la forêt ^ oil- e; quelques pièces sont très-intéressantes, et le nombre des ^Posants, pour ces articles seulement, ne s’élève pas à moins de ving t . Ées industries du lin, la peausserie, les articles de paille sont res-répandus; mais nous ne retrouvons une spécialité très- arquée que dans les produits de la bijouterie et de la joaille- lie 'les chaînes, les bracelets, les boutons, les épingles, les 324 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. broches, et tous les articles courants de bijouterie sont fabriqués à Pforzheim en énormes quantités. Cette concentration d’une grande industrie est très-favorable aux prix de revient qui sont très-inférieurs à ceux de toute autre localité; et, pour le goût comme pour le travail, ces objets ne le cèdent en rien aux bijoux ordinaires de l’industrie parisienne. Le grand-duché de Bade possède à Mannheim, pour la fabrication des glaces, une grande usine qui appartient à notre compagnie de Saint-Gobain, Chauny et Cirey. Royaume de Hanovre. Les exposants du Hanovre sont en trop petit nombre pour que nous trouvions une grande variété dans leurs produits. La pierre meulière de Münden, les anthracites d’Osnabruck forment toute la partie minérale de l’exposition ; les produits chimiques sont les mêmes que ceux des États voisins; quelques vins mousseux, les pâtes alimentaires et le tabac, composent seuls la troisième classe; mais, dans la quatrième, nous trouvons, à llarbourg, une colossale fabrication de caoutchouc dirigée par M. Cohen Vaillant et C e ; une autre usine est entièrement consacrée à la fabrication des peignes en caoutchouc durci. La fabrique de M. Coben Vaillant est certainement la plus considérable de l’Europe; la force motrice qui lui est nécessaire dépasse 600 chevaux, et elle met en œuvre, chaque jour, 1500 kilogrammes de caoutchouc, avec lesquels on confectionne tous les articles connus. En nous bornant à indiquer, parmi les chiffres de la production journalière, 1000 paires de chaussures, 10000 balles ou ballons, 3000 figures moulées de toutes sortes, 150 pièces de tissus pour vêtements, nous aurons suffisamment fait connaître l’importance exceptionnelle de cette industrie. Dans les autres classes, peu de produits textiles, quelques cuirs, plusieurs imprimeries à Hanovre, une grande usine à papier à Münden, à Goslar une grande fabrication d’objets d’albâtre du Harz, à Linden des fabriques d’armes et de coutellerie, enfin à Osterwald une verrerie très-importante, dont les bouteilles sont particulièrement recherchées. Le grand fait relevé par l’exposition hanovrienne est l’importance de l’usine de Harburg, et il suffit quelquefois de l’existence d’une seule industrie pour que vingt autres viennent se grouper promptement autour d elle. EXAMEN COMPARATIF UES DIFFERENTS PEUPLES- 32o lirand-duché de Hesse. Les produits chimiques sont les mêmes que ceux de la plupart des Etats de l’Allemagne; cependant la préparation de l’outrerner et celle des produits dérivés de l’aniline paraissent y occuper une grande place, ainsi que les vernis et les encres grasses. Les vins d’IIock, ceux du Rhin et de la Moselle, y sont en grande abondance ; le tabac et l’ambre figurent aussi parmi les objets exposés. MM. Deck et Kirschten d’Otl'enbach ont envoyé une belle voilure suspendue sur huit ressorts, et un grand nombre d’articles de carrosserie les machines elles-mêmes ne faisaient pas défaut à cette exposition ; une petite machine à vapeur de 6 chevaux, une machine pour fabriquer les cigares, une machine pour faire les tuyaux et les briques, et une fort belle série de machines à coudre, témoignent de l’avancement des arts mécaniques dans ce duché. Le canon obligé et un petit nombre d’instruments de musique complètent les produits delà deuxième section. Parmi les produits fabriqués, les cuirs de toutes sortes indiquent une industrie avancée; mais l’exposition la plus remarquable était celle de M. Schroeder, del’Institutpolyteclmique de Darmstadt; M. Schroeder s’est attaché à construire, pour l’usage des écoles techniques, des modèles de géométrie, d’organes de machines, et des appareils de précision; on ne trouverait nulle part en Europe une collection aussi complète et aussi intéressante que celle de M. Schroeder. MM. Seebatt, Richard et O ont à Olï'enbach une grande fabrique de quincaillerie, dont les produits sont très-intéressants e t très-variés; et, pour l’utilisation de sa pausserie, le duché de Messe possède un grand nombre de fabriques de portefeuilles et d’autres objets de maroquinerie. Autres États allemands. Les expositions des autres Etats de 1 Allemagne sont relativement peu considérables, et il nous suffira d’indiquer, pour chacune d’elles, les objets les plus importants. Grand-duché de Mecklembourg-Schiverin, 50 exposants. Blés, av 'oines et pois ; fromages et oies fumées ; laines, fusils Le- faucheux; instruments de précision et appareils de chirurgie; Ouvertures de meubles en fibres de manille ; cuirs et gants ; Parquets. 32fi EXPOSITION UNIVERSELLE IE LONDRES. Électorat de Hesse, 25 exposants. Couleurs; instruments le science et d’arpentage; tissus de laine; plans en relief du Sinaï et du Golgotha; bijouterie; creusets renommés de Hesse et creusets de plombagine employés à la monnaie de Francfort pour des fontes de 600 kilogrammes. Duché de Saxe-Cobourg-Gotha, 21 exposants. Prussiate de potasse et préparations de manganèse; instruments de précision à Gotha; tissus de lin et de laine; jouets en papier mâché et en étain; porcelaines. Duché de Anhalt-Dessnu-Coethen, 19 exposants. Paraffine et grande collection de produits de la distillation des lignites ; cette industrie a pris un rapide essor dans presque toutes les contrées de l’Allemagne; l’usine de Rosslau est importante; peluches et soie, draps , flanelles, typographie. Grand-duchc de Nassau, 18 exposants. Produits minéraux parmi lesquels le nickel et le manganèse; belles ardoises; vins; lin récolté sur le haut Westerwald, à 1500 pieds au-dessus de la mer; publications artistiques et scientifiques. Duché de Saxe Melningen, 15 exposants. Outremer, moletons, grande fabrication de toiles métalliques, verreries, manufactures de porcelaine à Posnach et à Vallendorf. Duché de Brunswick, 15 exposants. Sucre, tissus pour robes, importante collection d’ouvrages scientifiques de M. Vievig et fils, de Brunswick; ouvrages illustrés de Westermann. Grand-duché de Luxembourg, 11 exposants. Cuivre et antimoine; tissus de coton ; reproduction d’un manuscrit du onzième siècle. Grand-duché d’Oldembourg, 6 exposants. Pierres à fusil, acide stéarique, bouchons, bobines, instruments de chirurgie. Duché de Saxe-Altembourg, 6 exposants. Potassium, sodium, tissus de laines, brosses et gants. Principauté de Lippe, 5 exposants. Blanc de Cremnitz, amidon, gomme artificielle, tissus de lin, pipes en écume de mer. Les expositions des autres États sont sans intérêt, mais nous avons à revenir sur les quatre villes libres Francfort, Hambourg, Brême et Lubeck. Francfort-sur-le-Mein. Exposition peu intéressante si ce n’est pour quelques balances de précision , l’impression lithogra- EXAMEN COMPARATIF DES DIFFÉRENTS PEUPLES- 327 plaque et typographique et la bijouterie. C’est à Francfort que se fabriquent en grandes quantités ces meubles en cornes de cerf qui sont comme la négation de tout sentiment artistique, sans être pour cela mieux appropriés à leur destination. Hambourg. Eaux minérales, alun, viandes fumées et conservées, laines mérinos, machines il coudre, diamants et rubis, horloges, instruments de musique, articles de peausserie et meubles. Brème. Petit dynamomètre de M. Valtjen, pour étudier les variations du frottement suivant la nature du graissage cet ap- pareil est fort bien construit et peut être très-utile. Lubeck. Conserves et massepains, broderies. Apres cette aride nomenclature, il ne nous reste plus qu’à jeter un coup d’œil sur l’ensemble des produits minéraux du Zollwerein, et il nous suffira, pour en bien faire saisir l’importance, d’analyser rapidement le catalogue spécial qui a été ré— digé par M. le docteur Widding, sous la direction du célèbre minéralogiste Van Dechen. Produits minéraux du Zollverein. La salle dans laquelle tous ces produits ont été rassemblés est certainement une des plus curieuses de l’JExposition. Tout au pourtour on a placé successivement les combustibles fossiles de la Prusse rhénane et de la Westplialie, puis les minerais de plomb, de zinc, de cuivre, de nickel, de mercure, d’antimoine et de manganèse; les différentes roches sont ensuite placées dans l’ordre suivant les pierres de construction, les ardoises et les marbres des mêmes provinces. Les charbons et les minerais de la Silésie et du Nassau forment deux séries distinctes. Les caries et coupes géologiques des diverses contrées sont appendues aux murailles de cette salle, et les produits les plus intéressants forment au milieu autant de groupes séparés. Au centre, les places principales ont été réservées aux sels de la formation de Stassfurtli et aux cuivres de l’usine de Mansfeld. On a fait une installation à part pour les eaux minérales de la Bavière, et pour les diverses exploitations des lignites de la Prusse saxonne, qui ont donné lieu, dans ces derniers temps, à d’immenses usines qui se livrent exclusivement à la distillation de ces combustibles bruts. Quatre de ces établissements ont 328 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. exposés, et voici la nomenclature de leurs produits telle qu’elle résulte de la Notice de M. de Decker» Goudron, huile minérale brute, huile volatile dite photogène, photogène raffinée, huile moins volatile dite huile solaire, huile solaire raffinée, huile paraffinée, paraffine brute, cristaux de paraffine épurés, bougies de paraffine, sans compter la benzine et toutes les matières colorantes qui en dérivent. Notre collègue, M. Paye», est entré dans de nombreux détails sur cette industrie importante, que nous exploitons également en France, par la distillation des schistes dits bog-heads d’Écosse, et de nos schistes bitumineux du Morvan et du Bourbonnais. Quatre grandes étagères sont, en outre, consacrées aux produits minéraux les plus importants. Deux d’entre ellesrenferment les produits métallurgiques de la Prusse rhénane et de la West- phalie d’une part, les fontes de diverses provenances ; de l’autre, les fers, les cuivres, les plombs, les zincs, les antimoines, et de magnifiques lingots de nickel et de cobalt que nous n’avions point encore vus sous de tels volumes. Les deux dernières vitrines sont remplies, d’un côté, avec les produits de la Bavière, du Luxembourg, de la Saxe et des autres provinces du Zollverein ; de l’autre, par ceux de la Silésie le fer, l’arsenic, le plomb, l’or, le nickel, avec les aluns et les vitriols de cette riche contrée. Sans doute, la salle des produits minéraux du Zollverein n’a pas été la plus recherchée à l’Exposition, mais, lorsqu’on l’étudie dans ses détails, lorsqu’on se laisse guider par les quarante-six cartes géologiques et plans d’exploitation qu’elle renferme, on ne tarde pas à la considérer comme l’un des faits les plus saillants de l’Exposition. Aidé de la Notice de M. de Decken, on lit comme à livre ouvert dans la constitution minérale de l’Allemagne, et l’on arrive bien vite à cette conclusion, que nulle part la nature n’a été plus prodigue de ses dons. Nous terminerons dans le prochain numéro des Annales cet examen comparatif des expositions des différents peuples. H. Trescà. CLASSES 2 ET 4- PRODUITS CHIMIQUES, far >1. l'AYEN. PARAFFINE ET CARBURES D’HYDIIOGÈNE LIQUIDES. RÉSIDUS OLÉAGINEUX. INDUSTRIES STÉARIQUES. CÉT1NE. ÉPURATION DR LA PARAFFINE. Aux détails que nous avons donnés sur l’épuration de la paraffine p. 42 du dernier numéro, nous devons ajouter quelVu/tfrocar- bure léger employé de préférence par M. Cogniet pour la refonte est celui qu’il obtient dans le second produit de la distillation bien ménagée du pétroleum, ce carbure d’hydrogène ayant une densité de 720 est incolore, limpide, exempt de l’odeur désagréable qui caractérise les produits des schistes. Afin d’éviter une déperdition notable de l’hydrocarbure léger Pendant la refonte, on opère dans une cuve close en tôle ; sur le couvercle de ce vase est adapté un col d’alambic aboutissant A un réfrigérant qui condense les vapeurs. La paraffine étant uùse dans la cuve, on élève sa température à 75 ou 80° par un serpentin eu plomb à retour d’eau; aussitôt que la matière est liquéfiée, on y verse par un tube, plongeant dans le liquide, 15 ^ 20 pour 100 de l’hydrocarbure à 720 , puis on effectue le Uiélange intime à l’aide d’un agitateur dont la tige verticale Pusse dans une boîte d’étoupes au dehors du couvercle. On ouvre alors le robinet de fond, le liquide s’écoule dans des moules ou disses plates où il se prend en masse. On soumet les pains cristallisés à une pression énergique ; il faut renouveler une deuxième et même une troisième fois ce traitement pour les Paraffines difficiles à épurer. Voyez p. 41 et 42. 330 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Nous avons indiqué comment après avoir éliminé les dernières traces d’hydrocarbures par le barbotage de la vapeur d’eau,' on dessèche la paraffine en la chauffant au-dessus de 100° par la vapeur circulant dans un serpentin en spirale, à retour d’eau. Nous devons dire qu’à ce moment on mélange à la paraffine liquide, environ 1 centième de noir animal fin 1 pour achever la décoloration avant de filtrer cette paraffine; quant au noir qui s’est déposé, on le lave avec un hydrocarbure léger, puis on le revivifie par une calcination en vase clos, qui vaporise et permet de recueillir dans un réfrigérant le peu d’hydrocarbure et de paraffine dont il restait imprégné. Il est aujourd’hui bien reconnu que la matière première la plus économiquement productive en hydrocarbures liquides est le pétroleum. Les sources les plus abondantes, aux Etats-Unis, sont situées auprès d’une station du chemin de fer dit l’Atlantique et le grand Occidental; de là Xhuile naturelle peut être transportée facilement à New-York ; plus de 5 millions de gallons 22,750,000 litres ont été expédiés par cette seule voie, sans que Ton ait pu encore utiliser, à beaucoup près, les énormes quantités qui s’écoulent spontanément. Au Canada, les sources de pétroleum ne sont pas aussi favorablement situées, et cependant des centaines d’ouvriers s’occupent à recueillir leur produit; la plus grande partie toutefois s’écoule en pure perte au travers de la contrée et va gagner le lac Suron, dont il recouvre les eaux. Voici les derniers renseignements que nous nous sommes procurés sur les prix comparatifs de la paraffine et des hydrocarbures liquides en Prusse, chez MM. Bernard Ilubner de Rehms- dorf, près Zeitz, et en France chez MM. Cogniet et Maréchal, aux fondrières Nanterre, Seine Prusse. France. Paraffine 1 re qualité, fusible de 50 à 60° le kil. 2 f 02 e 2 f 50 e — 2' — 44 à 47°. 2 06 2 00 Hydrocarbure léger, densité 7 lit. 0 94 0 70 — — 795.. 0 86 0 70 Huile pour lampes solaires, densité 830 à 840. 0 63 5 70 e 0 55 Huile lourde paraffinée. 0 45 0 45 1. Dans un brevet obtenu le 24 juin 1857, MM. Haussoulier et Cogniet ont substitué aux huiles grasses l’emploi bien plus économique et plus efficace du sulfure de carbone et indiqué l’application du charbon animal pour achever 1» 331 PRODUITS CHIMIQUES. On voit que les cours commerciaux de ces produits sont peu différents, et toutefois sensiblement moins élevés chez nous 1 . Les prix courants de M. Hubner ne mentionnent pas d’hydrocarbures très-légers, semblables à ceux que MM. Coignet et Maréchal obtiennent dans les premiers produits de la distillation du Petroleum ; leur densité varie de 640 à 655, ils se vendent 0 f 80 e le litre, peuvent remplacer le sulfure de carbone et l’étlier dans quelques usages et sont très-propres à la carburation des gaz légers de l’éclairage, même à donner une flamme très-lumineuse par la tension de leur vapeur dans l’air atmosphérique, ce simple mélange brûlant dans les becs usuels à gaz d’éclairage 2 . Nous donnons plus loin p. 376 les résultats d’expériences sur les quantités de lumière obtenues des bougies de paraffine et d’acide stéarique et de nouvelles observations sur la paraffine et les hydrocarbures ou carbures d'hydrogène légers. EXTRACTION PAR LE SULFURE DE CARBONE DE L’HUILE DE MARCS D’OLIVES, DES TOUllTEAUX DE GRAINES OLEAGINEUSES ET DES MATIÈRES GRASSES DE DIVERS RÉSIDUS. Nous avons terminé la première partie de ce compte rendu sur les industries chimiques représentées à l’Exposition de Londres, décoloration. Ce fut dans un brevet accordé le 2 septembre î 861, que M. Cogniet Wdiqua la substitution do l'hydrocarbure léger de pétroleum au sulfure de carbone. réalisant ainsi une nouvelle et importante amélioration. 1. Dans les applications à l’éclairage avec les trois systèmes de lampes il est arrivé parfois qu’en vue d’obtenir la moyenne convenable on a mélangé ensemble des hydrocarbures de densités très-différentes il résultait de là des chances de Pertes et de graves dangers, car les hydrocarbures les plus légers et les plus vola- 61s brûlent les premiers et peuvent, en raison de la forte tension acquise par leur vapeur en un instant, déterminer des explosions, des blessures et des in- c endics. î. Cette méthode nouvelle d’éclairage, proposée par M. Mengruel pourrait de- Ve nir économique tout en étant exempte d’une grande partie des inconvénients du ordinaire, si les moyens d’exploitation, d’embarrillage et de transport des huiles brutes naturelles'étaient perfectionnés et plus développés qu’ils ne le sont encore déjà cependant la Société qui exploite aux États-Unis les sources naturelles de V Pétroleum a exporté, dit-on, en 1860 67,500,000 litres de cette huile minérale en 1861, 90 millions; on pense que la quantité exploitée en 1862 dépassera *00 millions de litres. 332 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. par la description de l’application nouvelle et économique que M. Moison a réalisée en extrayant à l’aide du sulfure de carbone les matières grasses, goudronneuses et résineuses des laines de débourrage et des toisons tachées par les marques des moutons, utilisant ainsi au prolit des manufactures de lainages ces déchets naguère perdus Une industrie analogue manifestait dans la môme exposition son existence moins récente par plusieurs échantillons de produits remarquables. Si nous en avons ajourné jusqu'aujourd'hui la description, c’est que dans l’extension beaucoup plus grande qu’elle a prise, elle s’applique ù des matières premières variées et de différentes origines, offrant ainsi plus de complication dans ses moyens d’approvisionnements et du traitement des matières sur lesquelles son action s’exerce, enfin donnant lieu à l’extraction de produits dont les applications sont plus variées; nous avons donc ainsi procédé à dessein du simple au composé tout en intervertissant l’ordre chronologique à son égard. C’est effectivement à M. Deiss que l’on doit les premières applications manufacturières du sulfure de carbone à l’extraction des huiles, des matières grasses, neutres ou acidifiées et de la cire, également engagées dans des résidus et jusqu’alors négligées ou complètement perdues, qui môme en certaines circonstances I. Entre les classes 2 et 4, du catalogue rédigé par la Commission royale à Londres, de nombreux points de contact se sont rencontrés, et parfois Tordre s’e3t trouvé interverti ainsi, par exemple, la paraffine et les hydrocarbures liquides des exposants français étaient rangés dans la 4 e classe, bien que toutes ces matières pyrogénées fussent comprises dans les produits chimiques, à T Exposition universelle de 1855, et que tous les produits similaires des autres nations se trouvassent, cette année, dans la 2 e classe. M. Deiss, qui exposait du sulfure de carbone, des marcs d’olive, de l'huile et du savon, élait placé dans la 2 e classe, les autres exposants de matières grasses et de savons avaient été inscrits dans la 4 e ; si par le fait de cette confusion regrettable, un de nos exposants a été l’objet de deux rapports, un autre est resté en dehors de tout examen. Nous avons cru devoir réunir dans la première partie de ce compte rendu et dans celle-ci l’examen des procédés de M. Moison compris avec son dynamomètre dans la classe 8, de MM. Cogniet Maréchal, et de M. Deiss; ces procédés se rapportant, sans aucun doute, aux industries chimiques. Par la même raison nous parlerons ici des savonneries, de la fabrication des acides gras et des bougies sléariques comprises dans la classe 4 de l'Exposition de Londres. PRODUITS CHIMIQUES. 333 pouvaient, comme nous le ferons voir, devenir des causes d’accidents plus ou moins graves. Nous indiquerons d’abord le système d’épuration en grand du sulfure de carbone, adopté par M. Deiss dans son importante usine de Pantin, où il fabrique ce produit ; nous décrirons e usuite les appareils à l’aide desquels on extrait par ce dissolvant les matières grasses de divers résidus. Le sulfure de carbone brut contient en proportions notables du soufre, que l’on doit en éliminer avec soin avant de l’appliquer à l’extraction des matières grasses ; on y parvient à l’aide d’une distillation assez bien ménagée pour éviter tout entraînement de vapeurs globulaires. b’appareil se compose, chezM. Deiss, d’une cucurbite en tôle il fond plat, ayant 3 mètres de longueur, 2 mètres de large et I mètre de hauteur. Le couvercle, bombé, est muni d’un large trou d’homme et de six tubes de dégagement en tôle de fer ou de zinc de 13 cent, de diamètre graduellement rétrécis à 10' et aboutissant chacun à un serpentin. Les 6 serpentins sont plongés dans un réservoir ou réfrigérant commun dont l’eau se renouvelle continuellement pendant la distillation, afin de condenser la vapeur. Le liquide provenant de cette condensation s’écoule dans un récipient clos et muni d’un tube destiné à porter au dehors et au-dessus des ateliers les gaz incondensables en grande Partie formés d’hydrogène sulfuré et d’air atmosphérique. Sur toute l’étendue du fond de cette cucurbite serpentent 1° Un tube à retour d’eau en plomb, parallèle aux parois latérales et recourbé trois fois sur lui-même ; 2° Un autre tube semblablement disposé, mais perforé d’un grand nombre de trous. Ces deux tubes admettent chacun isolément, par un robinet spécial, la vapeur d’eau à la volonté de 1 opérateur. Au moyen d’un ajutage adapté sur le couvercle, on fait arriver tans la cucurbite, pour la remplir à peu près aux trois quarts de contenance totale, 3,000 kil. du sulfure de carbone à rectitier, Puis, l’ajutage d'introduction étant fermé, on commence l’opé- Uition en introduisant la vapeur dans le premier serpentin à retour d’eau, et l’on règle cette introduction de manière à maintenir la température à 48°, sans produire une ébullition trop v >ve ; dès lors la distillation commence, elle dure trois à quatre 334 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES- jours 1 . Lorsqu’il ne se dégage plus sensiblement de vapeur de sulfure de carbone, on doit introduire la vapeur d’eau dans le 2 e tube percé, afin que cette vapeur libre puisse chasser tout ce qui se trouve encore de sulfure dans la cucurbite, soit adhérent au dépôt de soufre, soit maintenu en vapeur dans toute la capacité du vase. On laisse vers la fin s’échapper l’excès de vapeur en ouvrant l’ajutage au sommet du couvercle, puis rentrer l’air atmosphérique par la même ouverture. C’est alors que l’on enlève l’obturateur du trou d’homme, et qu’un ouvrier peut, sans courir aucun danger, entrer dans la cucurbite pour retirer le dépôt de soufre, puis effectuer un lavage dont les eaux s’écoulent par un robinet de fond, et remettre enfin tout en état pour recommencer une autre opération semblable. Le sulfure de carbone, ainsi rectifié soigneusement, ne retient plus guère que des traces d’acide sulfhydrique 2 , mais durant les opérations de filtrations et de distillations multiples auxquelles il doit s’appliquer pour extraire les matières grasses, l’hydrogène sulfuré s’élimine de plus en plus complètement, en sorte que le dissolvant s’épure spontanément lui-même sans qu’on ait à s’en préoccuper 3 . 1. On pourrait facilement en observer les progrès en réunissant dans un tube commun les produits condensés dans tous les serpentins et adaptant sur le trajet de ce tube commun, avant son entrée dans le réservoir, un court manchon en crislal qui laisserait voir le liquide passer en plus ou moins grande abondance jusqu’à ce qu’il cessât de couler, lorsque la rectification serait à son terme. Les joints seraient facilement rendus étanches, à l’aide d'un vernis de gomme laque à l’alcool. 2. On peut l’expédier en cet état dans des tourillos en grès, mais afin d’éviter les chances de fracture des vases, M. Deiss emploie, pour transporter le sulfure de carbone, des tonneaux cylindriques en tôle à fonds cloués et rentrés de à à 6 centimètres ; ces vases ont 60 cent, de diamètre et 80 cent, de hauteur, ils sont munis sur l’un des fonds d’un ajutage fermant à écrou; on ouvre à volonté cet ajutage pour extraire le liquide à l’aide d’un siphon. 3. Pour certaines opérations plus délicates il pourrait Être utile de se procurer économiquement du sulfure de carbone exempt, à peu près, d’acide sull'hydrique on y parviendrait sans peine, en ayant le soin de fractionner les produits delà rectification; du moins en en faisant l’essai, par une rectification au bain-marie dans le laboratoire ; j’ai pu constater que les premières porlions distillées exhalent une odeur infecte, tandis que la deuxième moitié n’offre plus que l’odeur normale, relativement faible, du sulfure de carbone pur. l'HODUlTS CHIMIQUES. 33S Outre les déchets de laines de marques, de débourrage et de tonte des draps qui exigent un traitement tout spécial, et sur lequel nous avons donné des détails suffisants dans la première partie de ce compte rendu, voici quels sont les résidus actuellement soumis au lavage par le sulfure de carbone, et la préparation, particulière à plusieurs d’entre eux, faite en vue de cette extraction 1° Les dépôts bruns dits glycérine goudronneuse provenant de l’un des procédés encore en usage ou accidentellement produits dans la saponification sulfurique, préparatoire à la distillation des corps gras; opérations décrites plus loin et relatives aux industries stéariques. Ces dépôts bruns, avant d’être soumis au traitement qui doit en extraire environ 18 à 20 centièmes d’acides gras, sont mélangés avec de la sciure de bois, afin de les rendre assez perméables pour faciliter la filtration du sulfure de carbone au travers de la masse. Les résidus de cette sorte, provenant de plusieurs fabriques, sont traités en France dans l’usinede M. Deiss, à Pantin, près de Paris, en Angleterre et en Belgique par les concessionnaires de l’inventeur, à Bow-Bridge, près de Londres et à Molenbek Saint-Jean, Bruxelles. M. Stanley, concessionnaire à Leeds, dans le Yovck-Shire, traite particulièrement les déchets de laine de cardes, de tontisse, de peignages, avec du sulfure de carbone expédié de France et fabriqué chez M. Deiss. 2° Les cambouis ou résidus bruns des matières grasses employées a u graissage des essieux de voitures et wagons, les graisses de cuisine, etc. Ces matières doivent également, et par les mêmes motifs, être mélangées avec de la sciure de bois avant qu’on les place dans l’extracteur, où s’effectue la filtration du sulfure de carbone les cambouis des wagons sont préalablement traités à cbaud par l’acide sulfurique, lavés et séchés pour décomposer 1 émulsion savonneuse et mettre à nu la matière grasse. 3° Les étoupes et chiffons gras qui ont servi au nettoyage des parties frottantes des machines fixes et mobiles dans les filatu- r es, divers ateliers et sur les chemins de fer lubrifiées avec des graisses ou des huiles. Ces filaments et lambeaux de tissus sont as sez facilement perméables pour être traités sans mélange Préalable ; un triple avantage peut résulter de l’extraction des Matières grasses qu’ils contiennent les soins que l’on doit prenne de les renfermer dans des vases clos pour les expédier ulté- 33ti EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. rieurement, évitent les graves dangers d’incendie occasionnés en maintes circonstances par l’accumulation en tas, dans les coins des ateliers, de ces tissus ou filaments graissés qui, absorbant et fixant l’oxygène de l’air, peuvent s’échauffer au point de s’enflammer spontanément 1 ; le deuxième avantage résulte de la valeur même de la matière grasse que l’on a extraite, et le troisième, de l’emploi ultérieur que l’on peut faire pour le même service des débris de filaments ou de tissus ainsi nettoyés. 4° Les résidus lavés et pressés de l’extraction directe de la cire, ce sont encore des résidus retenant une matière soluble dans le sulfure de carbone, habituellement perdue. A la vérité on les utilise comme engrais ; ils se vendent pour cet usage 18 à 20 fr. les 100 kil., mais leur valeur réelle ne serait en rien diminuée si l’on en extrayait, par le dissolvant spécial, 20 p. 100 de cire dont on pourrait se servir pour frotter ou pour fabriquer des bougies, brunes, économiques et donnant beaucoup de lumière. Ces résidus doivent donc être traités à part, puisque le produit que l’on en tire ayant les propriétés spéciales des cires, s’applique à des usages différents de ceux des matières grasses qui sont économiquement saponifîables. 5° Les sciures de bois après qu’elles ont servi à la filtration des huiles épurées par l'acide sulfurique et subi une forte pression; ces tourteaux de sciure cèdent au sulfure de carbone 13 à 18 d’huile pour 100 de leur poids. 6° Les fèces acides, dépôts boueux des huiles battues avec 2,3 pour 100 d’acide sulfurique; ces résidus contiennent 0,30 d’huile que le sulfure de carbone enlève après qu’on les a lavés à l’eau bouillante pour décomposer les acides sulfo gras, séchés puis mélangés avec de la sciure qui facilite la filtration. 7° Les os des animaux de boucherie, provenant de la consommation des viandes alimentaires, ces résidus ramassés dans les 1. On peut se mettre à l’abri des dangers d'inflammation spontanée et réaliser une économie notable en substituant aux Imites grasses en usage, pour lubrifier les parties frottantes des machines, les huiles dites minérales paraffinées, provenant de la distillation des schistes, des lignites, du pétroleum, etc., qui, n’étant pas susceptibles d’absorber l’oxygène atmosphérique, ne sauraient éprouver celle sorte de combustion, c’est li un avantage bien apprécié déjà, surtout en Angleterre. Au reste, le procédé de M. Deiss s'appliquerait également à enlever par le sulfure de carbone ces hydrocarbures pour les utiliser de nouveau. PRODUITS CHIMIQUES. 337 maisons ou dans les rues, constituent la matière première de la fabrication du noir animal, ou de la gélatine. On en récolte annuellement en France plus de 20 millions dekilogr., qui, après avoir fourni de la graisse, puis du charbon d’os appliqué à la décoloration des sirops, retournent à l’agriculture celle-ci emploie très-avantageusement ce résidu comme engrais sous le nom de noir animal. Les os bruts, encore frais, dits os gras, après avoir été concassés, sont traités habituellement par ébullition dans l’eau. Ils ne donnent alors, en moyenne, que 6 à 7 centièmes de matière grasse, vendue sous le nom de petit suif ou suif d’os, et employée dans la savonnerie ou la fabrication des produits stéariques par distillation. On obtient jusqu’à 10 et11 centièmes de leur poids de la môme matière grasse, lorsqu’on les soumet, dans l’appareil de M. Deiss, à l’action dissolvante du sulfure de carbone, en prenant quelques précautions spéciales indiquées plus loin. 8» Les tourteaux des graines oléagineuses, colza, navette, sésame, cameline, lin, arachides, lorsqu’ils ne sont pas destinés à l’alimentation ou à l’engraissement des bestiaux, soit qu’ils se trouvent produits en excès pour cette consommation, soit que leur qualité les y rende moins favorables ou qu’ils y soient devenus tout à fait impropres par suite de certaines altérations spontanées fermentation, rancidité, moisissures, etc. qu’ils ont pu subir 1 . Eu tout cas, avant de soumettre à l’action du sulfure de carbone c es tourteaux, il fautles diviser; on y parvientà l'aide de cylindres cannelés qui les réduisent en fragments gros comme la moitié G La quantité de tourteaux disponible tous les ans est très-considérable, on peut s’en l'aire une idée en considérant les importations annuelles pour le com- U erce intérieur, et la production moyenne des graines oléagineuses en France, ^oici sur quelles bases peuvent s’établir les calculs pour l’année 1859 Graines importées.... 118 664 37fi k Récoltées... 313 828 912 Total. 7 s2 493Ü38T présentant après les pressions ordinaires Tourteaux. 289 500 000 k j ^ es importations relevées sur les états des douanes, pour 1859, comprennent Sa racliides; celte année elles dépassent 1858 et sont inférieures à celles de *60. C’esl donc sensiblement une moyenne pour notre époque. Quant à la production des graines oléagineuses "en France, elle a été constatée 111 . 22 338 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. d’une noix la surface qu’ils présentent en cet état est suffisante j pour que leur épuisement soit complet. j Si les tourteaux épuisés de matière huileuse sont devenus im- j propres à la nourriture des animaux, ils sont, au contraire, plus j favorables à la nutrition des plantes. En effet, la matière grasse, à peu près inutile dans ce cas, puisque les débris hydro-carbonés surabondent dans les sols en culture, agit même défavorablement parfois, en raison de sa rancidité, sur les organes délicats des graines en germination. D’ailleurs, en enlevant aux tourteaux dix pour cent de leur poids d’une matière inerte, les substances les plus efficaces phosphates, matières azotées, sels alcalins, se trouvent, par cela même, augmentées dans une semblable proportion. Enfin, une dernière considération qui n’est pas sans valeur, c’est que l’engrais, desséché après sa sortie des appareils, se présente sous un état de division convenable pour être aisément répandu sur le sol, en sorte que les agriculteurs évitent, en j l’employant, la dépense du broyage, indispensable relativement aux tourteaux ordinaires. Ceux- ci, à la vérité, offrent aux acheteurs une certaine garantie, par leur forme spéciale, contre tout mélange frauduleux avec des matières étrangères; mais on ' obtiendrait des garanties semblables, plus certaines même, en [ achetant les tourteaux pulvérulents sur échantillons cachetés, j renfermés dans des emballages, munis de la marque du vendeur, et se réservant le droit de faire vérifier, par l’analyse, l’identité du produit au moment de la livraison. Telles sont, au surplus, les précautions à prendre, relativement aux différents engrais commerciaux. Ces précautions, généralement adoptées en Angleterre, commencent à servir de base aux transactions entre nos agriculteurs et les marchands d’engrais. Les tourteaux de graines oléagineuses peuvent être traités parle sulfure de carbone sous deux états différents après avoir d’après la statistique agricole du ministère de l’agriculture, recueillie parM. Legoyt, la valeur en argent y est portée à 116 425 268 fr., non compris les huiles d’olives et de noix, qui représentent L’unte. 28 701 126 fr. L’autre. 14 288 398 Ensemble 42 989524 fr. PRODUITS CHIMIQUES. 339 subi soit une, soit deux pressions ; quelle est, à cet égard, la méthode préférable, au point de vue économique? Le choix, au premier abord, ne semble pas douteux. En effet, l’extraction à l’aide du moyen mécanique donne, dès la première pression , la plus grande partie de l’huile, surtout en faisant intervenir la chaleur ; mais pour obtenir une partie de ce qui reste, il faut rebattre les tourteaux et les chauffer de nouveau avant de les soumettre à une deuxième pression. On dépense donc plus que la première fois, et l’on obtient moins de produit, celui-ci ayant, même à poids égal, une moindre valeur. Le procédé chimique ne coûte pas davantage, qu’il s’applique aux tourteaux de première, de deuxième, ou même de troisième pression ; or, dans le premier cas, on recueille une quantité double d’huile, 20 centièmes environ, au lieu de 10 dans les produits de seconde pression; l’excédant ne coûte donc sensiblement rien, tandis qu’il aurait exigé, par le moyen mécanique, une dépense au moins égale à celle de la première opération. Lors donc que le résidu sera apprécié, comme engrais, à sa valeur, la méthode la plus avantageuse consistera dans le traitement des tourteaux, par le sulfure de carbone, après une première pression ; sous la réserve que les résidus ne serviront pas à nourrir des animaux, du moins jusqu’à ce que l’expérience ait prononcé sur ce point 1 . 9° Les pains de creton contenant 20 pour 100 de suif que l’on obtient en les traitant comme les tourteaux. 10° Les détritus de cacao dont on extrait de même la substance butyreuse, d’un prix assez élevé. 11° Les résidus de l’extraction de l’huile des olives. Ces marcs d olives se trouvent sous deux états différents, suivant le système a lopté pour l’extraction de l’huile. En Italie, où se rencontrent ^ es plus grandes masses de ces résidus, une partie est mainte- na nt exploitée à l’aide du sulfure de carbone et des appareils M. Deiss, que nous allons décrire. On désigne sous le nom sanza le résidu des olives simplement écrasées et pressées. ^ e tte matière, la plus abondante, contient, outre la pulpe du 1 • A Marseille la quantité de ces tourteaux, obtenue journellement, s’élève à ^99 000 kilog. représenlant20 000 kilog. d’huile, ou pour une année de 300 jours, a ' aillions de kilog. On monte en ce moment une grande usine pour traiter par sulfure de carbone les tourteaux oléagineux dans cette localité. 340 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. fruit, les noyaux, qui en augmentent le volume et le poids sans rien ajouter à leur rendement Une autre sorte de marc d’olives est désignée, en Italie, sous le nom de buccia. Voici dans quelles circonstances elle est obtenue. Les fabricants d’huile de recense, nommés en Toscane f'rullini, achètent les marcs compacts dits sanza, les font bouillir dans l’eau, afin d’en éliminer les noyaux qui, en effet, se détachent et se rassemblent au fond de la chaudière. La substance pulpeuse demeurée en suspension dans le liquide est reçue sur un amis, puis portée à la presse ; les tourteaux qui résultent de cette opération ne contiennent pas de noyaux, et la matière huileuse s’y trouve, par cette raison, en proportion plus forte. En beaucoup d’endroits, on s’en sert comme d’un combustible flambant. Dans diverses localités de l’Italie centrale, on la met en réserve pour en faire des feux de joie pendant les fêtes ; il en résulte que son prix dépasse souvent la valeur réelle des 18 à 20 centièmes d’huile qui s’y trouvent contenus ; on ne s’en procure que difficilement des quantités considérables à un prix qui permette d’en extraire avec avantage l’huile par le sulfure de carbone ; aussi M. Deiss a-t-il dû faire construire, pour l’exploitation de MM. Daninos et Compagnie, à Pise, des appareils très- grands afin de traiter principalement la sanza, qui ne renferme qu’environ 12 pour 100 d’huile. Le vase extracteur de ces appareils a une capacité de 21,000 litres et peut traiter à la fois 12,500 kilos de sanza et les deux appareils, en 26 à 30 heures, 23,000 kilos donnant de 2,500 à 2,700 kilog. d’huile ; nous allons décrire un de ces appareils et nous donnerons ensuite des notions nouvelles sur l’approvisionnement des matières premières et les applications des produits 1 2 . 1. Il se trouve à la vérité dans l'amande que les noyaux renferment une matière huileuse pariieulière, or celle-ci ne pourrait Être atteinte et dissoute par le sulfure de carbone que si les noyaux étaient brisés; mais on no doit pas pousser jusque-là le broyage, afin d’éviter, lors de la première expression, le mélange de l’huile des noyaux avec l’huile de meilleure qualité comestible et moins susceptible de rancir, qui est secrétée dans la pulpe du fruit. 2. Lorsqu’on peut se procureur des marcs sans noyaux, dits baccia, la môme capacité en contient 10,000 kilogr.; le rendement s’élève à 17 pour 100 au sortir des presses, de 22 à 25 lorsqu’ils sout secs, et jusqu'à 28 lorsqu’ils proviennent des Calabres, où l’expression s'effectue moins énergiquement. PRODUITS CHIMIQUES. 341 Les deux figures ci-dessous montrent, par une coupe verticale et un plan, les dispositions principales de l’appareil à filtration, distillation et condensation continues qui réalise en grand l’ex- l'iK t. Fig. î. VMM iiiîüËi faction économique des matières grasses par le dissolvant vo- a M Quant aux générateurs à vapeur qui doivent fournir toute '• Un ustensile à, flltraliou et distillation continues que j’ai depuis longtemps introduit dans les laboratoires peut donner une idée de la théorie de celte exlrac- l ' on économique en grand Voy. p. S2i, t. 2, du Précis de chimie industrielle, 342 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. la chaleur nécessaire à cette opération, à raison de 100 kil. de vapeur d’eau pour distiller 770 kil. de sulfure d’après les expériences de M. Moussu, outre la quantité nécessaire pour éliminer les dernières portions de sulfure de carbone retenues par le liquide huileux et pour vaporiser ce qui reste de sulfure de carbone interposé dans les marcs après la filtration et l’égouttage , enfin, pour développer la force mécanique ; ces générateurs doivent être dans un bâtiment isolé. Chez MM. Daninos et C ie ; ils sont éloignés à 28 mètres, afin d’éviter toute chance de communication, de la vapeur inflammable du sulfure de carbone avec les foyers et les dangers d’incendie qui en résulteraient. A /fy. 1 réservoir en maçonnerie solide et compacte hourdée en ciment romain, dont la longueur dépasse vers l’un de ses bouts le réfrigérant superposé I. Vers cette extrémité se trouve un trou d’homme clos ordinairement et dans lequel aboutissent le tube commun j du réfrigérant et le tuyau aspirateur h' des pompes h. La profondeur de ce réservoir est de 1»>80, sa largeur de 2 m , et sa longueur de 6 m 60. Toute la partie du réservoir A pouvant contenir 23,000 litres, qui doit se remplir de sulfure de carbone et d’eau, est doublée en plomb; un intervalle de 2 centimètres est ménagé entre les parois de ce réservoir et le parement de la maçonnerie. On remplit cet intervalle avec du plâtre fin, de façon à mouler et consolider le vase; une disposition semblable est prise relativement aux deux autres grands vases que nous allons décrire, l’extracteur et la chaudière distillatoire ! . B, extracteur dont le fond ainsi que les parois latérales sont en lames de plomb et le couvercle bombé en tôle, maintenu sur les bords rabattus du vase par une double bride et clos hermétiquement à l’aide d’étriers articulés munis de boulons à vis. Ce vase extracteur cube 21,000 litres et peut recevoir 12,500 kil. de sanza. A la partie inférieure se trouve un faux fond mobile en tôle percé I. Suivant les dispositions adoptées par M. Deiss pour l’appareil, construit dans son usine de Pantin, près Paris, le réservoir, le réfrigérant et la chaudière dislilla- toire, entièrement en tôle, se soutiennent seuls, et leurs parois latérales isolées de la maçonnerie sont accessibles de toutes parts; quant à l’extracteur qui peut recevoir des résidus acides tels que les sciures d’épuration des huiles et les résidus de glycérine retenant de l’acide sulfurique, les parois latérales et le fond sont en plomb, le couvercle seul est en tôle. 343 PRODUITS CHIMIQUES. de trous d d ; entre le fond et le faux fond un tube en serpentin percé de trous, mis à volonté en communication par des robinets avec le tube commun f venant du générateur, permet l’introduction de la vapeur d’eau à la fin de l’extraction Un second faux fond mobile d'd 1 , également horizontal et percé de trous, se place sur la charge de sanza, régularise et limite sa hauteur, reposant lui-même sur des appuis fixés aux parois. Près de chaque extrémité de ce faux fond, à 50 centimètres environ des parois, sont pratiquées deux ouvertures d’environ 12 centimètres, à chacune desquelles s’adapte un tube évasé sortant au travers de la paroi latérale et aboutissant à la chaudière distillatoire D. Ces deux tubes font fonctions de trop-pleins qui dirigent, par une différence de niveau de 60 centimètres, tout le liquide dépassant le niveau du faux fond supérieur, vers la chaudière D. Immédiatement au-dessous du couvercle, neuf gros tubes ee de 20 centimètres réduits à 15 centimètres à leur bout opposé sont fixés aux parois de l’extracteur. Entre le fond et le premier faux fond de l’extracteur arrivent les tubes ouverts des deux pompes h h, qui puisent à volonté le sulfure de carbone dans le réservoir A pour le refouler et le faire filtrer de bas en haut dans l’extracteur. A la paroi même du fond de ce réservoir est adapté un tube ouvert qui aboutit au tube commun du réfrigérant et permet d’effectuer vers le réservoir A le retour du sulfure de carbone, lorsque jugeant l’épuisement terminé dans l’extracteur, on veut le vider; il suffit alors d’ouvrir u n robinet adapté sur le trajet de ce tube à retour du sulfure. Enfin, près de chacune des extrémités du fond de l’extracteur, u tube de vidange i, également muni d’un robinet, permet de taire à volonté écouler au dehors les eaux de lavages lorsqu’on n ettoie l’appareil. Les neuf tubes évasés adaptés à la partie supérieure de l’extracteur devant fonctionner comme autant de cols d’alambic ° u s’engagent les vapeurs à condenser, aboutissent chacun à un Se rpentin plongeant dans le réfrigérant commun et recevant par On a trouvé avantageux de joindre à ce serpentin troué un autre contourné Psrallèlemenl, mais fermé ou à retour d'eau, et permettant, sans mélange de va- Peur, d’échauffer le liquide à 33° température qui augmente beaucoup la faculté dissolvante du sulfure de oarbone. On comprend que oette disposition soit plus dRle en France qu’en Italie. 344 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. un ajutage bifurqué l’extrémité correspondante de chacun des neufs cols de cygne, e, e, qui adaptés au sommet du couvercle bombé de la chaudière distillatoire D, conduisent au même serpentin les vapeurs formées dans cette chaudière que nous allons décrire; les neuf serpentins aboutissent, par leur partie inférieure, à un plus large tube horizontal de 15 centimètres de diamètre qui se recourbe verticalement pour entrer en j dans le réservoir à sulfure de carbone A, où doivent en effet se réunir tous les produits liquides des vapeurs condensées ; à l’aide de trop pleins on maintient facilement it la superlicie du sulfure de carbone, dans ce réservoir, une couche de quelques centimètres d’eau, qui intercepte la communication de ce sulfure volatil avec l’air et prévient toute évaporation, lors même que le trou d’homme n’est pas clos; l’eau elle-même surnage en raison de son poids spécifique moindre que celui du sulfure de carbone, suivant le rapport de 1293 à 1000. La chaudière distillatoire D a 5 n, 50° de long, 1 m 65 de large, et 40 cent, de profondeur, et 45 cent, sous son couvercle bombé ; le liquide qu’elle contient, jusques à une hauteur de 20 cent., forme un volume de 1,800 litres; ses fonctions consistent à recevoir continuellement, pendant toute la durée de la filtration au travers de l’extracteur, le liquide qui déborde par les deux tubes trop-plein, de vaporiser le dissolvant très-volatil, et de retenir la matière grasse dissoute, relativement fixe. Voici comment ces fonctions s’accomplissent dans le tube /', en communication directe avec les générateurs, on fait à volonté passer la vapeur d’eau par l’une des deux branches d’une bifurcation que montre la fig. 2; l’une de ces branches plus rapprochée du tube commun /, dès qu’on ouvre le robinet qu’elle porte, laisse circuler la vapeur dans le tube qui fait suite, et parcourt deux fois l’étendue de la chaudière parallèlement à ses parois; revenant vers l’extrémité par laquelle il est entré; ce tube, au sortir de la chaudière, se dirige vers un retour d’eau; il a donc communiqué indirectement ou au travers de ses parois la chaleur latente delà vapeur d’eau qui s’est condensée, déterminant ainsi l’évaporation du sulfure de carbone. A l’autre bout de la même chaudière, dont la fig. 2 ne laisse voir que la moitié, les choses sont disposées symétriquement de même, en sorte que l’un des deux tubes, d’une bifurcation toute PRODUITS CHIMIQUES. 345 semblable et dont on ouvre le robinet, fait circuler en sens inverse la vapeur d’eau ; le tube qui sort symétriquement aussi, au bout opposé, ramène l’eau de condensation au générateur. On comprend le but de cette double circulation symétrique et en sens inverse qui en effet tend à régulariser sur tous les points du parcours la transmission de la chaleur; on voit aussi comment le dégagement régulier à peu près sur tous les points, de la vapeur émise par l’ébullition du sulfure de carbone, trouve un écoulement facile par les neuf cols tubulaires qui aboutissent aux neuf serpentins où elle doit se condenser. Mais lorsque l’évaporation est à son terme, c’est-à-dire que la matière huileuse restée dans la chaudière D retient seulement des traces du sulfure, il faut, pour chasser ces dernières portions, faire passer directement au travers du liquide gras, des courants de vapeur d’eau sur tous les points ; on y parvient en ouvrant à chacun des bouts de la chaudière le robinet du second tube de la bifurcation. Celui-ci, en effet, parcourt le fond parallèlement au premier, et revient sur lui-même ; or, comme dans toute son étendue il est percé de trous, il laisse sortir la vapeur par un grand nombre de jets. Ici encore, en donnant accès à la vapeur à la fois dans les deux tubes par les bouts opposés, et lançant leurs jets nombreux symétriquement, le but que l’on a voulu et dû atteindre était de régulariser sur toute l’étendue de la masse huileuse le passage de la vapeur d’eau, afin d’entraîner sur tous les points simultanément les dernières traces de sulfure de carbone. C’est alors qu’un tube de fond, adapté à la chaudière D indiqué sur la lîg. 1, permet, soit en levant une soupape interne, soit en ouvrant un robinet extérieur, de soutirer le liquide huileux pour le diriger vers un réservoir où il laisse déposer quelques corps étrangers et se refroidit avant qu’on le mette en barils pour l’expédier. Maintenant que les différentes parties de cet appareil sont suffisamment indiquées, nous allons reprendre la description des opérations successives qui s’y effectuent. D’abord les marcs d’olives, assez secs, et divisés au point convenable, sont chargés sur le premier faux fond dd de l’extrac- teur B; lorsque ce vase est rempli de marc bien régulièrement tassé au niveau du deuxième faux-fond d'ad', celui-ci est posé e t maintenu horizontalement par quelques boulons à écrous ou 340 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. clavettes; le couvercle étant placé alors et clos hermétiquement, on met en mouvement les pompes h h, fig. 2, qui aspirent par le tube N le sulfure de carbone au fond du réservoir A, fig. 1, pour le refouler sous le premier faux fond, aux deux bouts du vase extracteur, afin de faire monter régulièrement ce liquide au travers de toute la masse, représentant environ 13,000 kil. de ces résidus. Au fur et à mesure que dans la filtration ascendante le sulfure de carbone se charge de matière grasse, il devient plus léger, en sorte que l’épuisement est rendu plus facile, puisque les couches liquides superposées n’ont aucune tendance à se confondre 1 . Lorsque l’épuisement est terminé, ce que l’on peut reconnaître soit par la durée de la filtration, d’après les données pratiques, soit à l’aide d’un court manchon en cristal interposé sur le trajet du tube trop plein qui conduit le liquide de l’extracteur B la chaudière évaporatoire D, puisqu’à ce moment le sulfure de carbone passe tout à fait incolore. On ouvre alors le robinet qui par le tube b laisse retourner au réservoir A le liquide interposé dans la matière épuisée, lors même que ce liquide contiendrait encore de la substance huileuse, elle ne serait pas perdue, puisque le môme liquide servira pour la filtration suivante. En tout cas, lorsque l’écoulement est fini, que le marc est suffisamment égoutté, il faut éliminer tout le sulfure de carbone retenu par cette matière spongieuse. On parvient à ce résultat en injectant sous le premier faux fond de nombreux jets de vapeur par le serpentin percé de trous, qui circule sous ce faux fond et doit alors être mis en communication avec les générateurs par un tube, à chaque bout de l’extractew, adapté au tube commun f, fig. I et 2. La vapeur d’eau, en. élevant graduellement la température de 1. Si l’on ne craignait une dépense d’installation première trop considérable, on pourrait obtenir un épuisement plus méthodique et charger davantage le dissolvant en disposant, comme l’a proposé dernièrement M. Rochette, élève de l’École centrale, trois vases extracteurs semblables, à la suite les uns des autres, communiquant entre eux de la partie supérieure du premier à la partie inférieure du deuxième, et de même entre celui-ci et le troisième; ce ne serait qu’après la troisième filtration que le sulfure chargé d’huile s’écoulerait à la chaudière éva- poratoire on économiserait ainsi près des deux tiers des frais d’évaporation, en gissaut toujours, sur une solution plus chargée. PRODUITS CHIMIQUES. 347 la masse à 100°, vaporise tout le sulfure de carbone interposé, puis, passant elle-même dans les neuf cols de cygne tubulaires e, e, elle se rend aux serpentins correspondants et vient se joindre à la couche d’eau surnageante sur le sulfure de carbone que contient le réservoir A. C’est en ce moment, où le passage de la vapeur d’eau échauffe à 100° les tubes ee aboutissant aux serpentins, que l’on est par cela même averti que tout le sulfure de carbone interposé dans le marc doit être dégagé. On ferme l’accès à la vapeur d’eau, puis on ouvre le robinet du tube t, qui laisse écouler au dehors l’eau de condensation. La montée du sulfure pour remplir l’extracteur dure 8 heures ; la liltration jusques à décoloration complète, 4 heures; le retour ou descente au réservoir, 2 heures le sulfure descendu est aus-“ sitôt refoulé dans le deuxième extracteur; la vaporisation du sulfure de carbone exige 8 à 12 heures. Lorsque les marcs d’olive, épuisés de matière grasse puis débarrassés de sulfure, sont égouttés, il ne reste plus qu’à enlever le couvercle et les plaques formant le faux fond supérieur pour vider le vase extracteur, le nettoyer et le recharger, afin de recommencer une autre opération ; le résidu est desséché à l’air, en l’étendant sur un dallage. Si l’on effectue, dans deux appareils de cette dimension, deux opérations semblables en 26 à 30 heures, les 25,000 kil. de sanza traités ainsi donneront 2,500 kilog. d’huile'. On obtiendrait près du double, c’est-à-dire 4,000 à 4,500 kil. d’huile, dans le même temps, si l’on pouvait se procurer de labuccia, et dans ce dernier cas le résidu desséché aurait plus de valeur comme engrais; il serait, surtout, bien utilisé si on le faisait servir d’excipient pour les déjections animales en le mélangeant avec les litières de paille ou terreuses 1 2 . Dans les localités où l’on élèverait un assez grand nombre de moutons, pour faire consommer directement comme nourriture les marcs d’olives débarrassés des noyaux, ce serait une des meilleures applications 1. Le résidu de la sanza, épuisé de matière grasse, est employé à Pise pour le chauffage des deux générateurs qui fournissent, sous une pression de 3 ou 4 atmosphères, toute la vapeur à l’opération, y compris la force mécanique. 2. Ces résidus des traitements de lluocia, dont M. Deiss a mis dernièrement 348 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. que l’on pût faire de ces résidus, et alors il n’y aurait pas lieu de les traiter par le procédé que nous venons de décrire, mais cette circonstance se rencontre bien rarement. Quant au produit principal, l’huile extraite par ce procédé, on l’emploie avantageusement dans la fabrication du savon dur, avec la soude; le savon préparé ainsi, envoyé par M. Deiss à l’Exposition de Londres, a soutenu, de l’avis unanime du jury international, la comparaison avec les meilleurs savons dits d’huile d’olive. Ce n’est pas seulement dans les parties septentrionales de l’Italie que l’extraction de l’huile des marcs d’olives peut être profitable, d’énormes quantités de ces marcs sont perdues tous les ans dans les Calabres, en Espagne, en Algérie et aux environs de Marseille. On pourrait compter par centaines de millions de kilos les quantités des matières premières de ce genre à utiliser suivant la méthode de M. Deiss ; déjà l’on s’occupe de propager cette importante industrie dans plusieurs contrées méridionales. Les expériences en grand sur plus de 300,000 kil. de marcs d’olives expédiés d’Espagne et de Marseille à l’établissement de Pantin, près de Paris, ne laissent aucun doute sur la possibilité de cette extraction manufacturière ; quant aux avantages à en attendre, ils dépendaient surtout des applications de l’huile obtenue par ce moyen, de la valeur qu’on devait lui attribuer, enfin des débouchés probables qu’on pouvait lui ouvrir. Sur tous ces points, les doutes semblent levés, et ce sera l’une des conséquences utiles 100 000 kilog. à la disposition des agriculteurs, ont été, sur un échantillon moyen, analysés au Conservatoire impérial des arts et métiers. Nous avons obtenu les résultats suivants Matières organiques non azotées. 73,10 Eau. 10,65 Matières azotées.'• 6,32 Substances minérales. 3,93 100,00 Les matières azotées contenaient, pour 100 parties, 0,972d’azote, et les substances minérales0,58dephospbate,cequireprésentepourlavaleurderazote. 2 fr. » du phosphate.... 0 29 Total. 2fr. 29 Cette valeur serait doublement augmentée en imprégnant ces résidus des déjections qui les enrichiraient et en même temps les utiliseraient comme litière, PRODUITS CHIMIQUES. 349 de l’Exposition internationale que d’avoir mis en évidence la qualité vraiment exceptionnelle du produit principal de l’application de ces huiles. En effet, le savon très-facilement préparé avec la soude et cette huile des marcs d’olives, réunit les qualités depuis très-longtemps reconnues aux produits de la saponification, de la substance huileuse directement extraite des fruits eux-mêmes par la pression usuelle et employés sans mélange d’autres substances grasses ; tous les caractères extérieurs et la composition chimique sont semblables, le léger arôme agréable s’y retrouve même, et déjà une faveur prononcée s’attache à ce produit nouvellement introduit dans le commerce. La seule différence qui puisse le caractériser, si on veut le comparer avec les savons de Marseille de première qualité, c’est qu’il n’est ni blanc, ni marbré sa teinte est verdâtre, elle est due à la matière colorante naturelle du fruit. Ce savon, exposé à l’air et à la lumière, se décolore superficiellement, en sorte que par degrés il acquiert naturellement un manteau blanchâtre qui pourra lui servir de cachet d’origine. En tout cas, le savon nouveau offre cet avantage, que l’on ne rencontre que fort exceptionnellement aujourd’hui, d’être complètement exempt de substance grasse étrangère à l’huile d’olives. Déjà, malgré les frais relativement considérables du transport de la matière première, achetée 3 fr. les 100 kil. à Marseille et traitée dans l’usine près de Paris, l’huile obtenue a pu être vendue avec bénéfice 50 fr. les 100 kil., environ le tiers du prix courant des huiles d’olives, et le savon fabriqué avec cette buile naguère perdue, livré au prix de 80 fr. ou 72 fr. net, escompte de 10 pour 100 déduit les 100 kil.; il a été reconnu préférable dans presque toutes ses applications à la plupart des variétés de savon fabriqués avec des matières grasses autres que l’huile d’olives; afin de le distinguer mieux encore, M. Deiss en livre au commerce une grande quantité sous la forme de morceaux rectangulaires dits frappés, c’est-à-dire comprimés dans des moules et portant eu saillie ou en creux, sur les six faces, avec la marque de f'abri- que, l’indication de sa composition spéciale, qui n’admet aucune autre matière grasse que l’huile d’olives '. l. Sous les deux formes de briques et de morceaux cubiques frappés, on en prépare actuellement 950 kilogr. par jour dans l'usine de Pantin. 350 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES- Le traitement des tourteaux de graines oléagineuses, notamment du colza, préalablement concassés comme nous l’avons dit plus haut, donnent 10 à 20 centièmes de leur poids d’huile, suivant qu’ils proviennent d’une double ou d’une simple pression ; on emploie cette huile extraite par le sulfure de carbone aux mêmes usages que les huiles de ces graines oléagineuses obtenues par les moyens ordinaires ; quant aux résidus desséchés à l’air ou sur des plaques de fonte chauffées par des cheminées traînantes, nous avons démontré plus haut les avantages particuliers de leur application comme engrais Les dépôts goudronneux qui se forment pendant la saponification des graisses par l’acide sulfurique suivant l’ancien procédé sont mélangés avec la sciure de bois et soumis au même traitement par le sulfure de carbone, dans un appareil semblable à celui que nous venons de décrire, mais de moins grande dimension parce qu’on ne pourrait se procurer en peu de jours assez de matière pour le remplir, donnent directement des acides gras qui, versés encore fluides au sortir de la chaudière distilla- toire, dans des auges en bois ou des baquets mouillés, se prennent en masse cristalline; ils constituent alors une substance grasse acidifiée et toute prête à subir la distillation par la vapeur surchauffée, celle-ci en extrait directement par volatilisation des acides gras incolores, faciles à épurer par la pression, et très- convenables pour la fabrication des bougies stéariques, surtout lorsqu’on les emploie mélangés avec les acides gras solides provenant de la saponification calcaire. Dégraissage des os. On se sert encore, comme nous l’avons dit plus haut, d’un appareil semblable pour extraire la matière grasse contenue dans les os des animaux de boucherie; surtout lorsque ces os ont été abandonnés assez longtemps à l’air pour s’être à peu près corrfplétement désséchés ; car alors, à mesure que l’eau s’est évaporée spontanément, la matière grasse, s’étant 1. Voici à cet égard la comparaison que l’on peut établir entre eux avant et après l’épuisement par le sulfure de carbone. Les tourteaux privés sensiblement de toute l’eau hygroscopique lorsqu'ils ont subi une deuxième pression à chaud, contiennent pour 100 azote 4,92, phosphates calculés à l’état de phosphate de chaux tribasique 8,46 et après l’extraction de l’huile 0,1, azote 5,4, phosphate 9,3. PRODUITS CHIMIQUES. 3M insinuée à sa place dans les pores de la matière osseuse, s’y trouve si fortement retenue qu’en employant les moyens usuels d’ébullition dans l’eau il devient impossible de l’en faire sortir. C’est au point que l’on avait supposé autrefois que pendant cette dessication la graisse elle-même s’était évaporée avec l’eau ; mais j’ai depuis longtemps démontré que dans ce cas la matière grasse est seulement devenue en quelque sorte latente, fortement retenue par la force capillaire, et ne peut être extraite alors par simple liquéfaction dans l’eau bouillante, tandis qu’un dissolvant tel que l’éther hydrique ou le sulfure de carbone l’enlève facilement. Dans ces circonstances, l’extraction par le sulfure de carbone constitue un moyen économique, il suffit d’exposer à son action les os concassés et placés dans l’extracteur; on doit faciliter l’action du dissolvant en élevant sa température à - 40°. Quant au résidu après l’extraction de la matière grasse, il est très-propre à la fabrication du noir animal ou charbon d’os, mais on ne saurait s’en servir pour fabriquer la gélatine, car une réaction particulière, analogue peut-être, à celle qui détériore la laine lorsque le sulfure est déplacé par la vapeur d’eau, modifie le tissu organique des os, et il ne donne plus, dans les opérations ordinaires de transformation du tissu en gélatine et d’extraction par l’eau à 105 ou 110 degrés en vases clos, qu’une gélatine friable après sa dessiccation, il est vrai que pour la fabrication de la gélatine on n’emploie pas plus d’un vingtième de la production des os. INDUSTRIES STÉARIQUES. FABRICATION DES ACIDES GRAS ET DES BOUGIES STÉARIQUES. C’est encore là une importante industrie chimique d’origine toute française basée sur les analyses exactes de M. Chevreul, sur l es recherches expérimentales accomplies durant plus de vi ngt années par ce savant illustre, pour établir la véritable constitution des corps gras et déterminer les transformations qu’ils peuvent éprouver en présence des bases ou des acides, avec le concours de l’eau et de la chaleur. Ces notions fondamentales ont reçu d’utiles développements 352 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. par les travaux de Gay-Lussac, unissant ses efforts à ceux de M. Chevreul ces deux savants indiquèrent les principales conditions de la fabrication et de la distillation des acides gras à la vapeur, de la préparation des bougies à mèches tordues ou tissées. Diverses notions furent ajoutées par Braconnot, Laurent, MM. Bussy et Lecanu, Dupuy, Frémy, Pelouze, Boudet, Bouis, et quelques autres chimistes; plusieurs modifications furent indiquées au point de vue pratique, notamment par M. Cambacérès, qui proposa le tressage des mèches, MM. Dubrunfaut, Thomas et Laurens, Tribouillet, qui rendirent plus régulière la distillation par la vapeur surchauffée. Enfin, M. de Milly avec le concours de M. Motard, rendit tout à fait manufacturière cette industrie en adoptant la saponification calcaire. Ces faits historiques sont généralement connus, les questions de priorité débattues au sein du jury international en 1851 n’ont fait que les mettre mieux en évidence, tout en montrant la part prédominante que les manufacturiers français ont prise à la réalisation en grand de l’industrie stéarique, et les perfectionnements introduits sur quelques points à l’étranger. L’histoire de la fondation et des développements de cette industrie a été présentée dans les rapports officiels des Expositions nationales françaises de 1839' et des Expositions universelles de Londres en 1851 et de Paris en 1855; nous y ajouterons les données nouvelles qui se sont révélées à l’occasion de la grande exposition internationale de 1862, notamment en ce qui touche la saponification à l’eau tentée en Amérique par M. Tilg- man, puis, en Allemagne et en France par MM. Wright et Fouché; la distillation des matières grasses sans saponification préalable établie en grand dans des conditions bien déterminées, par MM. Wilson et Gvvine de Londres ; le moulage à mèches continues, par MM. Cahouetet Morane; enfin, les perfectionnements introduits avec sùccès dans plusieurs phases de ces opérations délicates, notamment par M. de Milly et MM. Petit frères. Nous n’aurons pas besoin de rappeler ici les beaux travaux synthétiques de M. Berthelot, car tous les chimistes savent combien ces nou- I. Voyez le rapport par M. Payen, 2 e volume, p. 472, Rapport du jury général sur les produits de l’industrie française en 1839. 3 vol. in-8. PRODUITS CHIMIQUES. 3S3 velles synthèses ont ajouté d’élégantes démonstrations aux déductions originaires tirées déjà de la synthèse et de l’analyse. L’Exposition de Londres a d’ailleurs fourni plusieurs occasions de constater les grands et utiles résultats dus au concours actif de M. de Milly, pour la propagation de l’industrie stéarique en Angleterre, en Belgique, en Suède, en Russie, en Bavière, en Espagne, en Italie, en Prusse et en Autriche; les dénominations de bougies de Milly ou bougies de l’Etoile, placées sur les vitrines par les exposants, eux-mêmes, de plusieurs de ces contrées témoignaient assez de l’assentiment général sur ce point. Les innovations plus ou moins récentes sur lesquelles nous nous proposons d’insister ici sont celles sur lesquelles l’expérience en grand, suffisamment répétée dans plusieurs fabriques des différentes nations, a pu nous fournir des renseignements positifs' Nous décrirons successivement dans cette direction, la saponi- lication calcaire à dose de chaux réduite, le procédé de moulage à mèches continues, la nouvelle méthode de saponification sulfurique dite instantanée, la distillation perfectionnée récemment ; nous indiquerons les motifs de la préférence que l’on donne maintenant, surtout en Angleterre, parfois en Belgique et même en Hollande, à la saponification sulfurique, tandis qu’en France on a recours simultanément dans plusieurs usines aux deux méthodes, calcaire et acide, qui se prêtent en effet un mutuel appui. Dans toute l’Allemagne, la saponitication calcaire est généralement employée. Nous dirons où en est la question longtemps controversée de la saponification à l’eau. Nous donnerons quelques détails précis sur la saponification et la distillation directe par la vapeur surchauffée, avec production et distillation simultanées de glycérine ; enfin, nous signalerons les applications nouvelles de cette base organique pure. FABRICATION DES ACIDES GRAS I’AR SAPONIFICATION CALCAIRE. Nouveaux perfectionnements introduits dans cette fabrication. nou s pas de détails sur l’ancienne méthode de saponiiî ca ti on ca i ca ; re telle qu’elle a été manufadurièrement eta lie par MM. de Milly et Motard ', c’est qu’elle est bien connue 1. Dansl origi ne> cependant, ces fabricants habiles iTfecluaient dans un vase clos 111 . 2 a 334 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. et décrite dans les ouvrages spéciaux, sauf quelques améliorations récentes indiquées plus loin, qui s’y appliquent comme à la méthode nouvelle. Nous rappellerons seulement ici qu’en faisant usage de l’ancien procédé dans beaucoup de fabriques, on opère toujours à l’air libre, que l’on emploie 14 de chaux pour 100 de matière grasse, et, après la réaction complète, 28 d’acide sulfurique concentré ou l’équivalent pour saturer la base minérale et eifectuer les lavages acides. Le nouveau système institué par M. de Millv dans sa grande usine a obtenu, depuis plusieurs années chez lui, ainsi que dans quelques contrées de l’Allemagne, la sanction d’une pratique manufacturière, il n’exige que 3 de chaux au plus pour 100 de suif et ensuite 6 d’acide sulfurique, pour saturer la chaux et opérer les lavages acides. Il y a donc économie de plus des 3/4 de chacun de ces deux agents, outre la suppression de toute difficulté quart au lavage du sulfate de chaux. Théorie de la saponification calcaire à faible dose de chaux. Voici comment on peut expliquer les réactions qui se passent dans ce nouveau système. Nous prendrons pour type des substances grasses neutres l’une d’elles, la stéarine, par exemple, les réactions et leurs conséquences seraient les mômes pour la margarine et l’oléine qui, avec elle, constituent les suifs en négligeant les proportions faibles et variables, ici sans importance, des corps gras neutres à acides volatils. Les mêmes conséquences encore auraient lieu relativement à la palmitine qui forme la plus grande par tie de l’huile de palme, dont nous indiquerons plus loin l’application principale en parlant de la saponification sulfurique. La stéarine considérée à l’état naturel, d’après M. Berthelot, comme tristéarine, offre dans son hydratation par les différents modes de saponification la composition élémentaire et les transformations suivantes en tôle, sous uneprcssiondc4 à5atmosphèreslasaponillcationpar la chaux. M. Duriez, contre-maître chez MM. Gallet et Bigot, substitua au vase de tôle une cuve ouverte en bois, opérant la saponitication à l'air libre comme le fuisuit M. Chevreul dans le laboratoire voyez le rapport de 1839, t. 11, p. 47 7, qui lit accorder à M. Duriez une médaille de bronze. 11 est assez remarquable que maintenant M. de Milly soi! revenu à la méthode eu vases clos, à la vérité, dans des conditions toutes spéciales. PRODUITS CHIMIQUES. lïisféarine. Eau. Acide stéarique. Glycérine. pin H no O 1 * + GIIO = 3 C 36 II 36 O 4 + C° II 8 0° Kn substituant des nombres dans cette équation, l’on voit que 11 > 125 de stéarine donnent 10,650 d’acide stéarique ou 95,7 pour 100, ce qui ne s’éloigne guère des résultats pratiques caron peut obtenir en grand par la saponitication calcaire, de 100 de suif, 93 à 94 1 d’acides gras, dont 48 à 50 l’état solide fusibles de 52 à 54° et 44 à 45 à l’état liquide acide oléique. Or, lorsqu’on emploie trois équivalents de chaux pour obtenir la saturation complète des trois équivalents d’acide stéarique, en décomposant la tristéarine dont le poids est représenté par H,125, il faut 3 CaO = 1050; ou pour 100 de stéarine, 9,43 de chaux; en grand on emploie généralement pour 100 de suif 14 de*' chaux, car l’excès de cette base, très-peu soluble, a été reconnu utde afin de mieux assurer le contact intime entre toutes les parties; on a donc, dans ce cas, un savon calcair» > excès de chaux. 11 pour ie décomposer, ajoutei une dose équivalente d’acide sulfurique. Si cet acide était exactement à un équivalent d’eau, il en faudrait 24,5 en effet 350 612,5 1424,5. L’expérience a démontré que l’on doit porter la dose à 28 centièmes double du poids delà chaux employée afin d’obtenir une réaction acide suffisante dans les lavages, de dissoudre les dernières traces de chaux et d’enlever l’oxyde de fer formé par l’action de l’oxygène de l’air, puis uni aux acides gras, en contact avec les plaques en tonte et les armatures des presses. Lorsque, suivant la méthode de M. de Milly, on emploie seulement un équivalent de chaux au lieu de trois, la dose théoiique est trois fois moindre ou 3,14 au lieu de 9,43 11,125350 100 3,14, et, en effet, dans les conditions où l’on opère, le contact étant plus intime, cette dose est bien suffisante, mais évidemment le produit obtenu doit être un mélange d’un équivalent de savon calcaire avec deux d’acides gras, outre la glycérine séparée à l’état de solution aqueuse. Pour expliquer la réaction dans ce cas 2 * , on peut signaler cinq 1. Le suif formé j e stéarine, de margarine et d’oléine donne dans ces réactions un résultat pondéral peu différent de celui que l’on obtient avec la stéarine. 2. Suivant M. llonis l’équivalent de chaux formant un sel neutre déplace la glycérine unie il trois équivalents d’acide dans la malièrej?rasse et par cet ébrau- 3HI> EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. causes qui concourent au phénomène et que nous allons spécifier en les rapportant è la stéarine naturelle. 1 u La formation d’un équivalent de stéarate de chaux qui trouble la constitution de la tristéarine , et la rend moins stable ; , . 2» La solubilité notable du stéarate de chaux dans la stearme et plus encore dans l’acide stéarique, ce qui tend, comme je l’ai expérimentalement reconnu, Prendre le mélange émulsif dans le liquide aqueux, et par l’affinité môme qui existe entre l’acide gras et le savon calcaire, à provoquer la décomposition du corps gras neutre ; 3 L’action saponifiante qu’exercent en général tous les savons sur les matières grasses neutres, comme M. Pelou/e l’a démontré ; 4° L’influence de l’eau à une haute température, influence qui Rire à elle seule pour décomposer la matière grasse neutre, eh ptôtiuisam •vx- jusqu’à ce que la concentration du liquide ait porté sa densité à 20 ou 2+ degrés lîaumé; il est livré dans cet état aux fabricants de produits rhi- mtques pour être épuré par les procédés que nous décrirons plus loin et servir aux applications que nous ferons également connaître. 360 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. savon calcaire liquide passe dans le tube D, arrive dans le déversoir C qui le conduit à la cuve B. Décomposition du savon calcaire et lavage acide. On verse dans cette cuve de l’acide sulfurique à 14 ou 15° Baunié', en quantité équivalente aux 66 kilog. de chaux plus un léger excès. La décomposition du savon calcaire est aidée par l’élévation de la température à 100° soutenue durant environ deux heures à l’aide d’une injection de vapeur par un tube en plomb contourné en cercle au fond de la cuve. On décante alors tout le liquide gras surnageant composé des acides stéarique, margariqueet oléique rnis en liberté, au moyen d’un robinet adapté au milieu de la hauteur de la cuve, c’est-ù- direau niveau inférieur de la couche des acides gras liquides; ces acides gras sont dirigés dans une cuvé semblable et chauffés de même; on y effectue un lavage acide avec de l’acide sulfurique à 14 degrés 1 2 et l’on ajoute dans la même cuve toute la quantité d’acide gras liquide expulsé des tourteaux par la pression à chaud d’une opération précédente. Ces acides gras liquides ont entraîné une grande quantité d’acide margarique et d’acide stéarique qu’on se propose ^le reprendre en les faisant cristalliser, comme nous allons le voir, avec les produits de la décomposition que nous venons d’indiquer. Le lavage acide a en outre pour but d’entraîner en dissolution l’oxyde de fer en transformant en sulfate soluble les composés ferrugineux produits par le contact des acides gras avec la 1. Cet acide peut provenir de la saponification sulfurique et rendre plus économiques les deuv opérations qui, dans d’autres phases des réactions successives, se prêtent encore un mutuel concours. 2. On peut encore réaliser une économie en faisant servir cet acide à la première décomposition du savon calcaire dans ce cas il convient d’effectuer le chauffage par l’intermédiaire d’un serpentin fermé ou à retour d'eau, on évite ainsi d’étendre l’acide par la condensation de la vapeur et il conserve le degré utile pour la première décomposition du savon calcaire, puant à toutes les eaux acides soutirées des cuves, on les dirige par des caniveaux dans des bassins hors des ateliers et déversant les uns dans les autres, par des tubes partant du fond et déversant à la partie supérieure du bassin suivant, afin de retenir à la superficie les matières grasses, naturellement surnageantes entraînées par le mouvement des liquides. 361 PRODUITS CHIMIQUES, fonte et le fer des ustensiles. Au bout de deux heures le lavage acide est terminé, on décante comme la première fois les acides gras surnageants dans une troisième cuve où s’effectue, dans les mêmes conditions de chauffage par la vapeur, un dernier lavage à l’eau pure. Cristallisation des acides gras. Nouveaux perfectionnements. Il s’agit alors de faire cristalliser les acides stéarique et mar- garique afin de débarrasser ultérieurement leurs cristaux de l’acide gras liquide contenant l’acide oléique saturé des acides cristallisables qu’il dissout en proportion d’autant plus forte que la température ambiante est plus élevée. 11 suffît ordinairement de répartir le mélange, liquide à [chaud, des acides gras lavéS', dans des cristallisuirs disposés sur une étagère ; ce sont des petites auges plates en fer-blanc ayant environ 50 cont. do long, 36 cent, de large, 6 cent, de profondeur, de sorte qu’après la première pression à froid, les tourteaux puissent entrer aisément dans la bâche de la presse à chaud. Ces cristallisoirs déversent les uns dans les autres, afin que la pompe, élevant le liquide gras dans un caniveau au-dessus de la première rangée horizontale, toutes ces auges se puissent remplir spontanément; on arrête le jeu de la pompe aussitôt que la dernière rangée inférieure est pleine. Nous n’insistons pas sur les détails bien connus de cette opération très-simple ; mais une des innovations importantes que nous nous proposions surtout de signaler trouvera ici sa place. Les fabricants expérimentés savaient depuis longtemps que dans un travail commencé à neuf, sans résidus d’opérations précédentes, notamment sans qu’on eût à mélanger les acides gras liquides sortis des presses à chaud qui contiennent une plus forte proportion d’acide margarique et cristallisent mieux avec le produit en acides gras directement obtenus de la saponification calcaire, la première cristallisation était confuse; il devenait très-difficile dans ce cas d’extraire par la pression, le liquide interposé entre les cristaux trop menus. On avait parfois observé un inconvénient du même genre résultant de l’emploi des suifs fondus dans lesquels le suif brut 302 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. de mouton s’était trouvé en proportions plus fortes qu’à l’ordinaire relativement au suif provenant des bœufs; en d’autres circonstances enfin, on avait éprouvé des difficultés semblables, et même plus grandes encore, lorsqu’on employait exclusivement le suif venu de la Russie et dans lequel la matière grasse tirée des moutons est ordinairement dominante; soupçonnant dans ces dernières matières premières la présence de quelque substance étrangère particulièrement nuisible, plusieurs fabricants n’étaient parvenus à s’affranchir de ces embarras qu’en soumettant à la saponification sulfurique, puis à la distillation, les matières grasses trop difficiles à traiter par les procédés usuels de la saponification calcaire. Dans ce cas en effet, et dans d’autres encore, les deux méthodes peuvent s’entr’aider. Cependant les faits que nous venons de rappeler s’expliqueraient par la surabondance de l’acide rtéarique dans les produits delà saponification calcaire de certains suifs; or, la saponification sulfurique, en y comprenant la distillation, devait effectivement lever cet obstacle en diminuant la quantité d’acide stéarique dans le mélange des produits des deux sortes de saponifications, et il en était de même de l’addition dans les matières à saponifier par la chaux, de substances grasses moins riches que le suif de mouton en stéarine. On en était là, au point de vue pratique et théorique, lorsqu’une complication nouvelle s’est présentée en saponifiant par l’acide sulfurique, puis distillant certaines huiles de palme, on obtint des produits très-blancs mais offrant une cristallisation confuse opaque, tellement serrée que les acides gras liquides n’en pouvaient être éliminés par la pression ; d’un autre côté dans la même usine, certains produits de la saponification calcaire, résultant sans doute du traitement de suifs trop durs, donnèrent une cristallisation encore plus confuse, opaque et serrée; le mélange des deux produits à parties égales ne donnait pas de meilleurs résultats. MM. Petit frères ne se découragèrent pas, et en variant les rapports entre les deux produits qui, chacun de son côté, cristallisaient si mal, ils parvinrent à obtenir un mélange en proportions fixes, qui produisait une masse demi-translucide formée de volumineux cristaux nettement distincts et dont il était alors PRODUITS CHIMIQUES. 363 facile d’expulser, par la pression à froid, une très-grande partie des acides gras fluides interposés. Il semblerait, que dans de tels mélanges, des composés doubles et définis se seraient produits; doués, dans leur réunion, de propriétés cristallines nouvelles ; comme on le remarque par exemple on chimie minérale dans la série des divers aluns. Quoi qu’il en soit de la cause principale, le fait est bien certain et j’ai pu le constater dans mon cours à l’École centrale, en liquéfiant ensemble, au bain-marie, 80 gr. d’acides gras en masse blanche, opaque, dure, résistante à la pression, provenant de la saponification calcaire du suif de mouton, avec 20 gr. d’acide gras qui présentait des caractères semblables et provenait de l’huile de palme traitée par la saponification sulfurique, puis distillée; ce mélange donna spontanément une cristallisation bien distinctê", demi-translucide et cédant à la pression, à froid, la plus grande partie des acides gras liquides Voy. p. 398. C’est là sans doute un point de départ pour de nouvelles recherches expérimentales, dont les résultats immédiatement utiles sans doute au point de vue pratique seront en outre susceptibles de conduire à d’intéressantes données théoriques. Nouveau moyen économique de faire varier l’épaisseur des tablettes d’acide gras cristallisé. Jusqu’au moment où cette méthode de cristallisation normale aura pu s’établir et se généraliser on pourra diminuer beaucoup les difficultés de la pression efficace des acides gras, en réduisant plus ou moins l’épaisseur des tablettes d’acides gras obtenues dans les cristallisoirs superposés; une simple et ingénieuse disposition imaginée par le contre-maître de M. de Milly réalise économiquement cette condition, voici en quoi elle consiste Sur un bâti ordinaire où les cristallisoirs plats sont posés ho- ri zontalement, chacune des rangées dépassant alternativement SUr les deux faces du bâti la rangée inférieure dans laquelle tous ces cristallisoirs versent leur trop-plein, on place des barres sous tous les vases, au bout opposé au trop-plein ; des montants c jaque bout du bâti, mus verticalement par un double levier, sou vent à la volonté de l’opérateur toutes les barres horizontales, par conséquent, font à la fois incliner tous les cristallisoirs, 364 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. et diminuent d’autant plus leur capacité jusqu’au trop-plein, que la pente est plus forte; de moitié, par exemple, si l’on soulève l’un des bouts de chaque cristallisoir d’une hauteur égale à la moitié de la profondeur du vase. Dans cette situation, tous les vases étant remplis depuis la rangée* supérieure et par déversement dans toutes les rangées au-dessous, jusqu’à la dernière, tous contiennent moitié moins de liquide que dans la position normale, et en effet, dès que le remplissage est terminé, pendant que la matière grasse est encore 11 uide, on laisse abaisser les montants mobiles, et par conséquent les barres qu’ils supportent; tous les fonds des vases reprennent aussitôt leur position horizontale, mais la hauteur du liquide s’y trouve réduite de moitié, et par conséquent la masse cristalline aura une épaisseur moitié moindre. On peut donc ainsi faire varier à volonté l’épaisseur des pains ou tablettes à mettre en pression, et faciliter par là l’expulsion du liquide T . Lorsque la cristallisation est achevée, les tablettes d’acide gras sont enveloppées dans un tissu de laine dit de mal fil, puis rangées par lits horizontaux de quatre ou six tablettes que séparent des plaques épaisses de zinc, sur le plateau d’une presse hydraulique verticale, et en les accumulant à une hauteur de 1 m ,50 environ; cette première pression dite à froid doit être cxercéebien graduellement et prolongée le plus possible six heures lorsque le nombre des presses le permet, et au moins trois ou quatre heures. Perfectionnement relatif à l’épuration de l'acide oléique. Ici nous trouvons encore l’occasion de rendre compte d’une importante innovation que nous avons observée dans l’usine de MM. Petit l’acide oléiqûe qui s’écoule des presses à froid est, comme nous l’avons dit, saturé d’acides cristallisables en raison de 1. C’est ainsi, en effet, que l’on parvient facilement aujourd’hui à séparer la partie la plus fluide de matières grasses dont les cristaux sont mous et menus, en étendant en couches peu épaisses ces matières grasses entre des tissus de laine et les soumettant à une pression graduellement plus énergique par exemple le saindoux en vue d’obtenir une bonne huile lubrifiante, tandis que le résidu solide peut entrer dans la composition des savons durs. Les mêmes dispositions s'appliquent au pressage de Vhuile de coco, dont la partie solide est employée en Angleterre dans la confection des bougies communes. PRODUITS CHIMIQUES. 365 la température ; or on a tout intérêt à extraire ceux-ci, car leur valeur à poids égal est à peu près trois fois plus grande que celle de l'acide liquide. Afin d’y parvenir, on a ménagé, dans toutes les fabriques, des caves spacieuses dans lesquelles des cuves, ou de grands tonneaux posés debout, reçoivent directement les acides gras liquides sortant des presses à froid, et qui laissent par degrés cristalliser les acides margarique et stéarique à mesure que la température s’abaisse. En été, cette précaution devient quelquefois insuffisante, parce que les grandes quantités d’acide oléique qui se succèdent chaque jour dans les caves à la température des ateliers, dégageant d’ailleurs une quantité de chaleur proportionnée au changement d’état des acides gras devenant solides, de liquides qu’ils étaient, il résulte de ces deux causes que la température des caves en été s’élève assez rapidement pour annuler bientôt leur utile influence. MM. Petit ont changé complètement dans leur fabrique cet état des choses et sont parvenus à maintenir dans leurs caves la température basse favorable à la cristallisation par un moyen bien simple mettantîi profit le rayonnement nocturne, d’autant plus efficace que les nuits d’été sont plus belles, ils dirigent sous un hangar lout entouré de persiennes à larges lames l’acide oléique sortant des presses à froid; on l’entrepose en ce lieu pendant la nuit dans des bassins peu profonds, en bois doublés de plomb, isolés au-dessus du sol; la cristallisation s’y effectue, et le matin, en levant une bonde de fond, on fait écouler la portion demeurée liquide dans des filtres paniers doublés de tissu de laine qui retiennent et laissent égoutter les cristaux; ceux-ci rentrent en chargement; quant ii l’acide oléicjue filtré on le garde dans de grandes cuves où il dépose encore quelques cristaux, et au moment des livraisons on le filtre une dernière fois. En cet état il est préférable pour une de ses principales applications, l’ensimage ou graissage des laines, il y a donc double bénéfice il le traiter ainsi *. 1 • Par cette méthode l’acide oléique est si bien dépouillé de la plus grande partie des acides gras crislallisables, qu’il présente des caractères différents d’une manière notable de ceux des acides liquides, mis eu été dans les caves ordinaires. M. de MiUy obtient des résultats analogues par une ventilation bien réglée des vastes caves üe BOn u8 jnc. 366 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Pression à chaud; nouvelles plaques creuses. Nous venons de dire comment s’effectue la première pression à froid lorsque l’on veut y mettre fin, on arrête le jeu des pompes, et le robinet de retour d’eau étant alors ouvert, le plateau s’abaisse sous son propre poids et sous la charge qu’il supporte; on enlève successivement les tourteaux enveloppés dans le tissu de laine pour les placer aussitôt, et chacun séparément, entre les parois d’une étreindelle en crin dans la bâche d’une presse horizontale, afin de les soumettre à la pression énergique de 500 à 800 mille kil. sur la tête du piston, en élevant d’ailleurs par degrés la température qui doit faciliter la sortie de l’acide oléïque entraînant une partie des acides cristallisables. Relativement à cette pression dite à chaud, quatre ou cinq modes de chauffage sont encore usités. Ce sont, en commençant par le plus ancien , l’immersion dans une bâche en fonte contenant de l’eau bouillante ou un excès de vapeur, des plaques épaisses et pleines en fonte que l’on doit interposer entre les étrein- delles chargées comme nous venons de le dire; ou une injection de vapeur dans les doubles parois de la bâche ainsi que dans la bâche elle-même, que l’on recouvre momentanément de grosse toile ou de sacs, afin d’amoindrir la déperdition de la chaleur; ou encore l’emploi de plaques doubles entre lesquelles des canaux sinueux permettent de faire circuler la vapeur pendant la durée de la pression ; ces plaques peuvent suivre le mouvement des étreindelles à mesure que le volume des tourteaux diminue, car les tubes en laiton qui amènent la vapeur sont articulés et s’allongent ou se raccourcissent comme les tubes des lorgnettes ; souvent on remplace ces tubes métalliques par des tuyaux plus économiques en caoutchouc volcanisé, assez longs, flexibles et élastiques pour suivre plus facilement encore les mouvements gradués de la masse qui se comprime. Cette dernière méthode, le plus généralement en usage maintenant, laissait encore à désirer, surtout quant aux plaques doubles sujettes à être attaquées dans leurs joints par l’action combinée de la vapeur, de l’oxygène de l’air et des acides gras, qui, formant des oxydes, puis des sels de fer, occasionnent des engorgements, puis de nombreuses fuites et rendent le chauffage irrégulier; elles nécessitent, d’ailleurs, des réparations dispendieuses. PRODUITS CHIMIQUES. 367 Après de nombreuses tentatives pour remédier à ces inconvénients, MM. Petit y sont parvenus au moyen d’une remarquable innovation, fort simple en apparence, mais qui, dans son installation, n’a pas été exempte de difficultés sérieuses. Ils s’étaient proposé d’obtenir des plaques creuses coulées d’un seul jet et offrant à l’intérieur une grande étendue de surface chauffée. Dans ces conditions, aucune des plaques préparées sans précautions spéciales ne put supporter les changements de température et la pression maximum toutes furent cassées. Il fallut chercher un moyen de donner quelque ductilité à ces plaques ; l’on y parvint en ayant recours à la fonte malléable. Les dispositions intérieures sont d’ailleurs si mples et faciles à exécuter la plaque en fonte ayant 3 cent, d’épaisseur et 42 cent, de large sur 76 cent, de haut, doit contenir 12 cavités tubulaires de 18 millimètres de diamètre traversant de haut en bas toute la plaque; ces cavités sont séparées les unes des autres par un intervalle de 16 millimètres. Deux oreilles en fonte à 6 cent, de la partie supérieure de la plaque, débordant de 8 cent, de chaque côté, servent à la faire glisser sur les bords de la bâche et à maintenir à 10 cent, des bords, le joint que forme un sommier creusé d’une rainure mettant les cavités cylindriques en communication entre elles ainsi qu’avec l’ouverture au milieu du sommier ; celui-ci recevant l’ajutage qui amène la vapeur. Celle-ci, en traversant la plaque de haut en bas, ne peut éprouver aucune déperdition ; elle se condense en grande partie par son contact avec une surface considérable, échauffé dans toute son épaisseur la plaque de fonte dont les parois extérieures transmettent la chaleur utile aux tourteaux par l’intermédiaire des étreindelles et des enveloppes de malfil; on dirige le chauffage de façon à communiquer graduellement une température de 49°, à peu près, aux tourteaux pressés. La pression à chaud ne dure qu’une heure >. On arrête la trans- 1 Un manomètre permet de surveiller l’accroissement de celte pression ; atlu ^ v 6er qu’elle dépasse le terme assigné et qu’elle occasionne la rupture du corps P°n>pe, où ge meut le piston de la presse, accident arrivé dans plusieurs fabriques malgré l’épaisseur considérable de 20 centimètres environ donnée à ce corps de pompe, on emploie parfois une sonnerie électrique mise en jeu par le mano- mctie et avertissant l’ouvrier aussitôt que le maximum voulu de pression est atteint. 368 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. mission et on laisse retourner l’eau vers la bâche. Les produits liquides écoulés dans un récipient inférieur sont remontés à la pompe dans la cuve de lavage acide où ils se mêlent avec les acides gras de la saponification et subissent les traitements ci- dessus indiqués; quant aux tourteaux, on en fait un triage et l’on enlève les parties tachées pour les épurer dans la première cuve à lavage acide ; les tourteaux ébarbés sont alors soumis à un lavage avec de l’acide sulfurique étendu à 5° dans une cuve directement chaulfée par le barbotage de la vapeur. On soutire la matière grasse liquide surnageante, dans une seconde cuve où s’effectue le lavage à l’eau épurée par I à 3 millièmes d’acide oxalique, afin d’éliminer toute trace de chaux ou de sel calcaire, qui ternirait les bougies. Préparation des mèches, moulage à mèches continues, nouvelle méthode de refroidissement des moules. La préparation des mèches en 75 à 80 fils de coton, tressées, imbibées à la température de 45° d’une solution acidulée contenant 15 d’acide borique raffiné, plus 1 d’acide sulfurique pour 1000 d’eau s’effectue dans les différentes contrées suivant la méthode française, de même aussi on soumet les mèches au sortir du bain à un essorage forcé dans une machine rotative faisant 1200 à 1400 tours par minute, puis à un étuvage gradué jusqu’à dessiccation complète. Quant au moulage des bougies, les perfectionnements dus à MM. Cahouet et Morane ont été adopté chez les nations étrangères. Nous indiquons ci-dessous les dispositions de leur machine qui permet l’emploi de mèches continues, fournissant à chacun des moules les mèches de 150 bougies, et supprimant les embarras et la main-d’œuvre de la méthode primitive d’enfi- lage à la main. En décrivant ici les principales dispositions actuelles de cette machine, nous aurons l’occasion d’indiquer une intéressante modification introduite par M. Wilsou chez qui fut appliqué le premier système d'enfilage continu de M. Marshall. Dans cette machine, représentée par le dessin ci-contre, les moules en étain sont fixés verticalement par doubles séries de 10 moules, et chaque série double, comprenant 20 moules, se termine à la partie supérieure par une petite cuvette rectangulaire à parois évasées formant comme une auge d’une faible profondeur PRODUITS CHIMIQUES. 309 2 cent, environ, dix doubles séries semblables sont renfermées dans une longue caisse en tôle étamée AB, le fond de cette caisse est percé d’autant de petits trous qu’il y a de moules ; le bout conique de ceux-ci se trouve implanté dans ces trous. Sur la paroi latérale de la caisse, et à la moitié de sa hauteur, des regards circulaires x sont disposés vis-à-vis chaque double série, afin de permettre, en ôtant le tampon qui les ferme, d’introduire la main, de toucher les moules et d’apprécier ainsi leur température. A l’un des bouts de la caisse un conduit rectangulaire, communiquant avec un ventilateur N, amène à volonté, pour refroidir les moules, un courant d’air qui s’échappe au delà de l’autre bout. 0 ©* 0 * ©* © Fig. 4. Au-dessous de cette caisse se trouve un intervalle libre CD, dune hauteur égale, puis, au-dessous de celui-ci, une autre caisse en tôle EF semblable à la première et de même longueur mais un peu pl us profonde; la paroi formant le dessus de celle-ci UI. 24 370 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. est percée d’un nombre de trous égal à celui des moules et correspondant à chacun d’eux. Cette caisse inférieure elle-même renferme, enfilées sur des arbres horizontaux, les bobines en fer- blanc représentées dans une des cases ouvertes GII, ep nombre égal à celui des moules ; chaque bobine est chargée de mèches tressées et préparées comme nous l’avons dit, dont la longueur totale ainsi enroulée doit suffire pour garnir 150 fois l’intérieur d’un moule, et pour subvenir en outre aux déperditions de quelques centimètres de cette mèche à chaque démoulage. Pour la première fois seulement, toutes les mèches enroulées sur les bobines, et garnies chacune d’une petite rondelle épaisse en caoutchouc volcanisé, sont enfilées dans les moules à l'aide de l’ancienne tige à crochet introduite dans l’intérieur, que l’ou fait dépasser au-dessous et que l’on retire avec la mèche accrochée; celle-ci est tendue et serrée au haut du moule contre une lame portant une entaille qui fixe la mèche exactement dans l’axe. La petite rondelle de caoutchouc tirée par la tension même de la mèche ferme exactement l’orifice étroit à la pointe du moule 1 , vers la partie supérieure de celui-ci; on fixe alors, à l’aide de verrous , deux lames minces coudées, s’appuyant contre la saillie à chaque bout de la cuvette et formant entre elles une petite trémie renversée jj, qui surmonte la double rangée des 20 moules suivant toute la largeur de la caisse. C’est dans cette trémie que l’on verse, au moyen d’un bassin en fer-blanc ou en cuivre étamé, à bec de cafetière, le mélange des acides gras cris- tallisables qui constituent les bougies stéariques. Mais d’abord il a fallu mettre ces acides gras dans l’état le plus convenable au moulage, et notamment du moins pour les produits stéariques fusibles entre 52 et 55° tels qu’on les fabrique eu France rompre ou troubler la cristallisation, afin d’éviter la formation des longs et larges cristaux qui rendraient les bougies rugueuses et fragiles; on y parvient en agitant sans cesse soit à bras avec une spatule, soit mécaniquement à l’aide d’un moulinet en bois, ou mieux de deux lames en 1 . Cette petite rondelle, qui n’est pas, je crois, indiquée dans les ouvrages, a seulement 1 centimètre de diamètre et 5 millimètres d’épaisseur, il faut que la mèche y soit introduite à frottement, mais le petit trou s'agrandit, et après avoir servi pour le moulage de 150 bougies, il faut, en rechargeant chaque bobine, renouveler la petite rondelle. PRODUITS CHIMIQUES. 371 hélice fixées sur un arbre vertical tournant les acides gras clarifiés et décantés dans une petite cuve. A mesure que par le refroidissement la cristallisation commence et fait des progrès, le mouvement divise les cristaux la blancheur des bougies sera d’autant plus apparente en effet que ces cristaux seront plus menus, puisque l’air, en s’insinuant entre eux par degrés, rendra ultérieurement l’opacité plus grande 1 . A mesure que la cristallisation confuse s’effectue ainsi, et surtout au moment où elle approche du terme convenable, elle produit une sorte de bouillie claire, dont on ne saurait d’avance assigner la température, dépendante des relations entre les acides stéarique, marga- rique, et même oléique; à ce moment il faut échauffer les moules afin que le liquide gras, lorsqu’on les emplira, y pénètre sans se figer trop tôt. A cet effet on ouvre le robinet K qui amène' la vapeur dans toute la longueur de la caisse A par un tube horizontal percé de trous correspondant aux intervalles entre les moules. De temps à autre, dans l’intervalle de quelques minutes, on ferme le deuxième robinet A vapeur K' qui sert à régler ou arrêter l’injection, et l’on apprécie la température des moules en introduisant la main dans la caisse par les regards x, en en touchant quelques-uns de distance en distance ; l’eau produite par la condensation de la vapeur sur les moules et les parois internes de la caisse s’écoule sur le fond de celle-ci et sort par un tube LL qui la dirige par un entonnoir dans un tube vertical aboutissant au réservoir commun de ces condensations ; lorsqu’on juge la température suffisante 45° environ, on cesse l’introduction de la vapeur, puis on procède à l’emplissage des moules en versant le liquide gras dans chaque petite auge / j qui surmonte chacune des doubles séries de moules. Aussitôt que le liquide a bien rempli toutes les cavités, que quelques bulles d’air se sont dégagées ou logées dans les masselottes des petites au ges, il faut alors hâter le refroidissement de tous les moules. A ce t effet, on ouvre le registre du conduit, livrant aussitôt passage ^ 1 air extérieur lancé par le ventilateur spécial N ou par un gazomèt re ü à pression, l’air parcourt rapidement la caisse, sort 1 • ' le ' a même cause provient le blanchiment spontané des bougies renfermées dans les caisses, j orS j ue l’exposition à l’air cl h la lumière n’a pu être assez prolongée pour produire son maximum d’effet avant l’emballage. 2. Ordinairement le ventilateur ou le gazomètre contenant l’air comprimé est 372 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES- échauffé à l’autre bout B, jusqu’au moment où sa température n’étant plus sensiblement différente de celle de l’atelier, on ferme l’accès à l’air insufflé, puis on procède au démoulage. Dans cette vue, on fait rouler sur les barres horizontales du bâti O, P, le châssis à crémaillère Q, dont la traverse inférieure étant abaissée près de la masselotte en tournant la manivelle R, on engage dans des trous qui se correspondent près des lames coudées deux broches horizontales qui se trouvent aussitôt accrochées aux deux bouts de la traverse; il ne reste plus qu’â faire tourner en sens contraire la petite manivelle R, qui transmet par deux pignons le mouvement à la double crémaillère. Celle-ci, en s’élevant, entraîne la masselotte et les 20 bougies adhérentes; elles sortent des moules comme on le voit en S, S, par 2 des 20 bougies de l’une des 10 doubles rangées. Les mèches suivent le môme mouvement, tendues par leur frottement, dans l’ouverture étroite de la rondelle en caoutchouc ; on les pince toutes â la fois entre les deux lames susindiquées; on les coupe toutes aussi parle passage rapide d’une petite serpette; on enlève les deux lames précédemment posées, formant les parois latérales// supérieures de chaque masselotte, puis on détache les bougies pendantes pour les livrer aux opérations ordinaires de l’exposition à l’air et à la lumière afin de les blanchir. On procède ensuite au lavage en les mettant dans un baquet qui contient une solution aqueuse à 1 centième de carbonate de soude, puis on les soumet â l’action d’une frotteuse mécanique; de là, elles sont reprises, essuyées, et placées dans la trémie d’une seconde machine où elles sont rognées par un couteau circulaire, réglé à l’aide d’une vis de rappel, suivant la longueur qu’il convient de donner aux bougies pour qu’un paquet de 5 ou de 6 bougies pèse exactement le poids indiqué sur l’étiquette de 485 gr. ordinairement 1 . M. Morane jeune s’occupe en ce moment de construire une machine produisant dans un seul passage les quatre plus ou moins éloigné des machines à mouler ; dans ce cas, des caniveaux sous le sol amènenl le courant d’air par un conduit qui se relève et se recourbe vers l’un dés bouts A de la caisse. 11 suflll d’ouvrir un registre pour donner accès à l’air. 1, On peut adopter des poids moindres, suivant le désir des consommateurs, pourvu que le poids réel se trouve exactement inscrit sur l’enveloppe de chacun de ces paquets livrés à la vente. 373 PRODUITS CHIMIQUES. effets successifs rognage, premier frottement, séchage et dernier frottement qui donne le poli. On n’aurait plus alors qu’à mettre les bougies en paquets dans leurs enveloppes, si l’on ne voulait marquer chacune d’elles d’un cachet spécial, atin de donner aux acheteurs une garantie de plus, comme M. de Milly l’a fait le premier. Plusieurs fabricants ont suivi ce bon exemple. L’opération est d’ailleurs fort simple et très-facile il suffit, en effet, d’appuyer pendant 2 secondes chacune des bougies sur un cachet en bronze dont la tige est chauffée dans une petite boîte à vapeur, pour que les lettres en creux de ce cachet s’impriment en saillie sur la bougie; au surplus, les étiquettes sur les enveloppes de chaque paquet portent ordinairement, avec une dénomination spéciale pour caractériser le produit, le nom du fabri-* cant qui prend ainsi la responsabilité convenable. Perfectionnement de la machine à mouler. Depuis plusieurs années on s’est préoccupé en France de rendre dans la manœuvre de la machine Cahouet et Morane le refroidissement des moules plus économique et plus prompt, en substituant à l’air insufflé un courantd’ eau froide. Théoriquement, l’économie ne saurait être douteuse; lors même qu’il faudrait Puiser l’eau à une profondeur de 15 mètres, si l’on tient compte de la faible capacité de l’air pour le calorique un quart de celle de l’eau à poids égal et de sa faible densité, 800 fois moindre à peu près, on voit que, pour obtenir un effet égal, il faut un volume d’air, 3,200 fois plus considérable que celui de l’eau, même eu faisant abstraction de l’imperfection toujours très-grande du contact entre les gaz en mouvement et les corps solides auxquels Us doivent prendre de la chaleur. Mais les complications ou les difficultés d’exécution et d’entretien des appareils où l’eau pour- rait agir comme réfrigérant sur un aussi grand nombre de menus ustensiles, tels que les moules à bougies de différents calibres, on t jusqu’ici fait donner la préférence au refroidissement p ar p a j r atmosphérique dans les conditions ci-dessus indiquées. 11 n en a p as été { e même en Angleterre où le refroidissement par 1 air était encore bien plus dispendieux qu’en France ; car la différence de température devait être plus grande, comme nous 874 EXPOSITION UNIVERSELLE UE LONDRES. allons le voir; d’un autre côté, il fallait être en mesure de refroidir davantage c’est-à-dire à plusieurs degrés plus bas. En effet, les habitudes de la population anglaise laissent beaucoup plus de latitude que chez nous. En Angleterre, les fabricants ont intérêt à préparer des bougies plus fusibles, moins sèches, moins sonores, et moins lisses, car elles reviennent à meilleur marché et se vendent tout aussi bien ; une odeur sensible, une légère rancidité ne nuisent pas à la vente; aussi le plus grand nombre des bougies stéariques et à bien plus forte raison des bougies mélangées [composite candies contiennent-elles des matières grasses neutres la partie solide des huiles de coco, des suifs pressés; souvent on les améliore en y ajoutant de la paraffine, parfois on y introduit un peu de résine de carnauba qui rend les mélanges plus fermes. En tout cas et par l’effet même de ces mélanges on n’a pas à redouter une cristallisation trop régulière, il n’est donc en aucune façon utile de rompre la cristallisation ; ces circonstances locales expliquent l’emploi des procédés en usage, pour cette opération, chez l’un des plus habiles fabricants d’acides gras, de glycérine et de bougies diverses à Londres. Nous allons succinctement décrire ce remarquable procédé. Le système général d’enfilage continu des mèches, à l’aide de moules fixes et de bobines, adopté dans cette usine est celui qu’ont perfectionné MM. Cahouet et Morane; les dispositions relatives à l’emplissage, au refroidissement et au démoulage, diffèrent cependant un peu d’abord n’ayant pas à se préoccuper de troubler la cristallisation, qui doit être naturellement confuse, on peut maintenir la température de la substance grasse assez élevée au-dessus de son point de fusion pour qu’elle soit bien liquide tout le temps de l’opération; l'emplissage s’effectue donc très-facilement à l’aide d’un réservoir mobile à roulettes, parcourant sur un petit chemin de fer, qui règne au-dessus de tous les moules, une étendue d’environ 30 mètres, égale à l’étendue même de chacune des longues machines à mouler. Ce réservoir étant rempli du liquide gras, on le fait avancer successivement au-dessus de chaque série de 10 moules, puis, ouvrant un large robinet, la nappe fluide qui s’écoule remplit à la fois tous les moules de la série sans réserver de masselotte générale ; on ferme le robinet et on l’ouvre successivement, de nouveau, au-dessus de chacune PRODUITS CHIMIQUES. 37!> îles séries de moules; toute l’étendue des caisses ayant été parcourue et le remplissage effectué de la même manière, on ouvre à chaque série de moules des robinets qui introduisent dans des doubles enveloppes l’eau froide, celle-ci sortant échauffée par autant de tubes trop-pleins s’écoule en définitive par un tube commun dans un vaste réservoir à eau chaude 1 . Malgré l’emploi de ce mode plus énergique de refroidissement, les bougies formées avec les mélanges de corps gras neutres et d’acides gras distillés ne prennent pas, durant la cristallisation, un retrait suffisant pour être facilement extraites des moules par les mêmes moyens que les bougies stéariques normales de France on se sert, chez d’un procédé de démoulage tout par- ticuliér et fort ingénieux. Chacun des moules est muni, près de son extrémité conique inférieure, d’un ajutage à robinet, au moyen duquel, au moment où l’on doit extraire la bougie, on donne accès à l’air atmosphérique, comprimé dans un gazomètre spécial; cet air, ù l’instant, s’insinue entre les parois du moule et la bougie, pousse celle-ci de bas en haut et la fait immédiatement sortir; il semble, à voir la rapidité de ce démoulage, effectué si facilement par un jeune garçon, que celui-ci n’ait qu’à cueillir chaque bougie s’élançant toute seule au-devant de la main qui va la saisir. Et, en effet, lorsqu’à ma demande, un d’entre eux voulut bien laisser ces petits projectiles parcourir un espace un peu plus long, on voyait chaque bougie s’élancer successivement du moule, atteignant une hauteur de 20 à 30 cent, avant d’être en quelque sorte prise au vol par le jeune ouvrier. 1 • Dans ce réservoir en maçonnerie, le volume considérable d’eau qui se renou- y elle à uue douco température sutltt pour la philanthropique destination que lui a donnée 51. Wilson, le savant directeur de celte immense usine fondée au capital de 25 millions de francs. Trois fois charpie semaine, et à tour de rôle, les hommes et Puis les jeunes garçons peuvent y prendre des bains de natation ; on comprend qtUls profitent avec empressement de celle mesure hygiénique qui leur est offerte. n. 395, e8t à trois branches et 5 trois eaux, afin de pouvoir adapter une allonge sur la troisième branche lorsqu’on veut expulser de la chaudière le liquide goudronneux épuisé d’acides gras, restant à la lin de chacune des opérations. Il suffit alors de placer l’allonge en question, de fermer le papillon du col de l’alambic et de tourner le robinet C de façon à faire communiquer le fonds de la chaudière avec l’allonge, pour qu’en injectant un fort courant de vapeur par le tube R on puisse chasser, par la pression exercée dans la cucurbite, tout le goudron remontant dans le tube C sortant par l’allonge qui le dirige et le projette sur un bassin plat en tôle hors de l’atelier. 397 PRODUITS CHIMIQUES. vent tous les robinets des tubes à matière grasse et à vapeurs simple et mixte; 3°le réfrigérant à air libre, situé entièrement au dehors des ateliers; ce réfrigérant est formé de longs tubes en cuivre recourbés en siphons; à sa suite on voit le récipient K ou citerne aux acides gras distillés placée sous un hangard Fig. ». mm. sm eesAKji ..ùlf ..I âHH! rr?s*sj bans l’atelier principal, la cucurbite A, entourée de maçonnerie qui la préserve du refroidissement extérieur, est chargée, eommenous l’avons vu, de matière grasse acidifiée, lavée, séchée ^ * a température de 150°. On fait alors arriver par le tube D', en ouvrant le robiuet spécial sur son trajet, la vapeur du générateur dans le cylindre purgeur D, où sont retenus les globules d’eau; a vapeur ainsi épurée passe dans le serpentin en fonte chauffé '300 u environ par le foyer G, dont la flamme parcourt successi- vement les espaces sous les voûtes G E F ; à l’extrémité opposée l- * lois CUl urbües disposée» de la même manière permettent d’en avoir une nchange, en sorte qu’avec deux appareils réfrigérants on puisse maintenir tonsliiiument en fonction deux cucurbites munies chacune d’un semblable appareil réfrigérant. 398 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. du serpentin, la vapeur surchauffée passe par un tube engagé dans la maçonnerie aboutissant au robinet E' dans l’atelier de l’appareil distillatoire; c’est en ouvrant le robinet E'que l’on introduit la vapeur surchauffée dans la cucurbite, où elle se divise, par la pomme d’arrosoir, en une multitude de jets ou bulles traversant toute la matière grasse liquide et lui communiquant une température élevée à 290° environ. Ce courant multiple de vapeurs entraîne successivement les acides gras mélangés, mais aussi suivant l’ordre de leur volatilité qui pour ceux de l’huile de palme est en ordre inverse du degré de solidification. Voir plus haut, p. 394. Ces vapeurs grasses et aqueuses passent ensemble dans le col H de la cucurbite et son prolongement pour se rendre au réfrigérant extérieur. Sur leur trajet, les premières portions condensées de ces vapeurs rencontrent un large ajutage C par lequel le liquide s’écoule en suivant le tube C, au bas de l’ajutage qui les conduit vers une bâche I; arrivé là, le tube, comme le montre la figure, se termine en siphon renversé, ce qui permet l’écoulement du liquide dans cette bâche, sans que les vapeurs et les gaz puissent sortir. Un robinet, que l’on voit à la naissance du siphon, sert à intercepter l’issue, lorsque les premières parties condensées qui ont pu entraîner des projections sont sorties, et que dès lors il convient de séparer ces premiers produits impurs; ce qui s’écoule ensuite est dirigé dans le récipient général K. Les vapeurs engagées dans le long col H de la cucurbite se rendent au dehors de l’atelier dans un réfrigérant à l’air, formé de tubes de 20 cent, de diamètre, en cuivre, adaptés à brides sur les ajutages des bâches qui reçoivent tous les produits liquides de la condensation; ces produits s’écoulent par un tube collecteur dans le réservoir commun K placé sous un hangard clos, tandis que les gaz et vapeurs continuent de circuler en passant de bas en haut et de haut eu bas alternativement, d’une branche à l’autre de chaque large siphon ; l’avantage principal de cette disposition comparée avec les serpentins réfrigérants à l’eau, c’est que ceux- ci peuvent s’engorger, surtout au commencement de l’opération, si, la température de l’eau se trouvant inférieure au point de leur congélation, les acides gras qui distillent se figent dans les tubes et obstruent le passage, occasionnant une pression plus ou moins forte et des fuites avec leurs inconvénients et leurs dangers ; les ’ PRODUITS CHIMIQUES. 399 mêmes accidents se peuvent produire, si l’on renouvelle trop rapidement l’eau qui environne le serpeutin; sans doute on parvient à éviter ces inconvénients par de simples précautions ou à l’aide d'un tube supplémentaire rectiligne, dont la température ne saurait s’abaisser au-dessous de 50°, et dont l’extrémité inférieure, plongeant dans la cuvette à trop plein, récipient des liquides condensés, ne laisse aucune issue aux vapeurs. Le réfrigérant à l’air est en tous cas préférable, puisqu’il n’oblige à aucune de ces précautions, et cependant la condensation des acides gras s’y effectue si bien que les tubes rétrécis des siphons, dans lesquels circulent les dernières portions des gaz et des vapeurs, ne donnent plus qu’un liquide aqueux en arrivant au tonneau I' indiqué dans la figure ci-dessous ; ce dessin montre la disposition de toute la partie du réfrigérant à l’air, disposée suivant un plan perpendiculaire à la direction du long col de l’alambic. Le bout de ce col allongé vient s’assembler en T à Fig. 10. l’ajutage conique A, celui-ci est terminé à sa partie inférieure par un tube plus étroit qui laisse écouler dans la première bâche le liquide de condensation, tandis que les gaz et vapeurs s’élèvent 400 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. vers le coude B parcourant avec les portions liquéfiées toute la longueur du tube BB disposé en pente; là ce tube recourbé j s’adapte à l’ajutage de la bâche correspondante; les vapeurs, j après avoir parcouru les trois premiers tubes verticaux des si- plions, vus dans la fig. précédente, circulent dans les siphons ! suivants indiqués ici de D en D', E E\ F F', G G', Il H', II" H" ; i en cet endroit, les tubes n’ayant plus guère à condenser que des i traces de vapeur aqueuse, sont rétrécis comme le dessin l’indi- que, en formant les quatre branches des siphons suivants; de la dernière bâche ; le dernier tube s’élève verticalement en I, se recourbe et se dirige en pente de I en 1' vers le tonneau I', ne laissant plus écouler dans la cuvette I" que de faibles quantités ! de liquide aqueux lorsqu’on ouvre le robinet I". Ce tonneau est j doublé de plomb et clos par un couverclesur lequel un deuxième ajutage reçoit un deuxième tube semblable à celui que nous venons de décrire 1, I' appartenant au serpentin du deuxième appareil en fonction et qu’il termine de même. Le tonneau sert donc de récipient au produit des dernières vapeurs condensées; quant aux gaz incondensables qui s’y rendent également, ils trouvent une libre issue par un troisième tube X, à plus large section, implanté sur le même couvercle et aboutissant à la cheminée qui dissémine dans l’atmosphère ces gaz avec la fumée. La cucurbite de cet appareil se vide aisément, comme nous l’avons dit plus haut, p. 395, en fermant la valve à papillon de cette allonge ouvrant la communication entre l’intérieur de la cucurbite et l’air extérieur par le tube à trois eaux abducteur des matières grasses, qui, muni alors d’une allonge, offre une issue au goudron liquide, dès qu’en laissant arriver la vapeur par le tube terminé j en pomme d’arrosoir, la pression interne chasse aussitôt toute la ! matière fluide vers la nouvelle issue. Dans d’autres fabriques, la ! vidange s’effectue à l’aide d’un siphon à demeure; on peut quel- * quefois obtenir des acides gras distillés plus blancs en opérant cette vidange, sans attendre que le résidu soit épuisé, c’est-à-dire lorsque les 9 dixièmes ou les 95 centièmes du produit sont extraits; on laisse alors la température de la chaudière s’abaisser pendant quelques heures, puis on recharge l’alambic comme la i première fois avec la matière grasse acidiliée lavée et séchée à 150 degrés. Après huit ou dix distillations semblables, on peut laisser épuiser la matière goudronneuse, puis la chasser au de- It PRODUITS CHIMIQUES. 401 hors par le siphon, à l’aide d’une injection de vapeur, enfin lorsqu’on veut nettoyer à fond la chaudière, on suspend les opérations pendant un jour, on ouvre dans cet intervalle de temps le, trou d’homme en démontant le col de l’alambic et l’on effectue sans peine ce nettoyage. On a dû prendre le soin de fermer la vanne B, située sur le trajet du col de l’alambic, afin d’éviter la rentrée des gaz et vapeurs dans la cucurbite et dans l’atelier. Lorsque l’on a limité chaque distillation aux 0,9 ou 0,95 de la matière volati- lisable les résidus non épuisés sont mis en réserve, et, après dix û quinze opérations, la quantité réunie est suffisante pour en faire une distillation spéciale avant de procéder au nettoyage à fond de la chaudière. Dans l’usine de M. Wilson, la distillation des corps gras s’effectue à l’aide d’appareils semblables à celui que nous venons de décrire, mais en raison de l’importance plus considérable de la fabrication et de l’emploi des produits de l’acidification à l’exclusion de ceux de toute saponification calcaire dans cette usine, les appareils distillatoires sont beaucoup plus grands chacun d’eux suffit pour distiller, à la fois, 6,000 kil. de matière grasse acidifiée, en sorte que les quatre appareils représentent une fabrication journalière de 24,000 kil., non compris la production, de l’appareil à distiller par la vapeur seule et sans acidification préalable, appareil dont la cucurbite peut contenir également 6,000 l'il- qui passent à la distillation en 24 ou 36 heures. fies acides gras distillés sont ordinairement soumis à la cristallisation dans des augettes peu profondes en fer-blanc, comme les acides gras provenant de la saponification calcaire, puis, au naoyen des pressions successives à froid et à chaud, on élimine rte môme la plus grande partie de l’acide oléique, afin d’élever le Point de fusion des acides selidifiables qui doivent ôtre moulés en bougies. t hes bougies ainsi obtenues donnent une belle lumière et offrent es autres propriétés des bougies d’acides gras de saponification 4° les^ 6 ’ Sau ^ eur point rte fusion qui étant moins élevé de 2 à 3 ou est 1 Ien ^ ^ US susce ptihi es rte couler dans les endroits où l’air , . iaac ou agité. Nous avons vu plus haut comment, d’après la ^i e 10 e rte MM. Petit, on peut rendre plus régulière la cristal- îsa ion e certains acides gras, provenant de distillation ou de saponi îcation, et qui, chacun isolément, se prendrait en masse IU - 26 402 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. confuse difficile à presser ; lorsque l’on opère exclusivement par voie de saponification acide et de distillation, de l’huile de palme, cette ressource manque, mais alors on peut cependant obtenir des cristallisations normales en mélangeant les acides gras provenant de suifs acidifiés et distillés, avec les produits d’acidification et distillation de l’huile de palme; pourvu que l’on observe dans ce mélange les doses favorables, préalablement déterminées, entre les acides gras des suifs et ceux de l’huile de palme. Je tiens de M. Wilson un autre moyen, qui consiste faire cristalliser et presser directement les produits de la saponification acide, puis à distiller à part les acides gras solides qui en proviennent. De cette façon, la matière blanche distillée offre un point de fusion assez élevé pour être, sans nouveau pressage, directement moulée en bougies. Dans ce cas il importerait beaucoup, je le crois, de séparer les derniers produits de la distillation qui, sans doute, seraient plus fusibles que les autres, C’est, en tout cas, une innovation remarquable qui m’a paru digne d’être signalée à l’attention des fabricants ; avantageuse sans doute en Angleterre, elle offrirait peut-être un intérêt moindre en France où les consommateurs exigent des produits plus durs que ceux que l’on obtiendrait ainsi. Applications spéciales de l'acide olêique des deux origines. L’acide oléique, suivant qu’il provient d’une saponification sulfurique ou calcaire, présente des caractères particuliers que souvent il importe de reconnaître, en vue des applications spéciales de ces deux variétés d’acides gras liquides. Très-généralement l’acide oléique de saponification calcaire, quelque soin que l’on ait pris d’en extraire autant que possible les acides cristallisables, est toujours préférable à l’autre pour la fabrication des savons de soude, car ceux-ci sont plus durs et d’un meilleur usage que les savons à l’acide oléique de distillation. D’ailleurs, pour donner à ces derniers la consistance ferme que les consommateurs préfèrent, on est parfois obligé d’ajouter du suif aux matières premières, et le prix coûtant se trouve ainsi plus élevé. Une considération analogue tend ù déprécier l’acide oléique de distillation, lorsqu’il s'agit de la fabrication des savons mous ou à base de potasse, bien que l’on ajoute àl’acidegras,!, 2 ou 3 dixièmes de PRODUITS CHIMIQUES. 403 résine et d’huile commune ou plutôt de fèces d’huile 1 de colza, car le rendement est, en tout cas, moindre de 10 à 12 centièmes due celui obtenu, lorsqu’on emploie l’acide oléique de saponification calcaire. Celui-ci, par ces motifs, se vend, en général, plus cher que l’autre, bien qu’il ne semble pas préférable pour d’autres applications, le graissage des laines, par exemple 2 ; il importe, en tout cas, de distinguer ces deux acides gras d’origines différentes ; on y peut parvenir en effectuant certaines réactions d’une manière comparative. Si, par exemple, on agite ensemble 25 grammes d’acide oléique de saponification calcaire, et 1 gramme d’un mélange de 3 parties d’acide azotique, avec 1 partie d’acide hypoazotique, la totalité du liquide se prend en une masse consistante. Lorsqu’on, opère exactement de même avec l’acide oléique de distillation, le liquide ne se solidifie pas. Un phénomène contraire se manifeste lorsque l’on traite comparativement les deux acides gras par un centième de chaux, préalablement hydratée, en lait de chaux après le mélange intime dans des conditions égales l’acide oléique de distillation se prend en une masse de consistance graisseuse plus ou moins prononcée, tandis que l’acide des apo- ification calcaire donne un mélange sensiblement fluide. En effet, chauffés l’un et l’autre à 100 degrés, le premier se solidifie presque totalement, tandis que dans le deuxième un quart seulement du volumé est consistant ; la différence devient encore plus manifeste si l’on recueille de chaque mélange la portion solide sur un filtre entretenu à la température de 50°; enfin un dernier caractère distinctifs curieux, c’est que les savons calcaires lavés à l’alcool, puis décomposés par l’acide chlorhydrique, donnent Aes acides gras inégalement fusibles, le premier de distillation ^ 34°,5, i e deuxième de saponification calcaire à 33°. Les observations que j’avais faites sur la nature des acides gras fit * ^ eS Sortes 116 dépôts, le l’épuration des huiles par l’acide sulfurique, doivent ' e Préalablement lavés à l’eau bouillante qui décompose les acides sulfo-gras, ils retiennent al °rs de l’acide margarique en plus fortes proportions relatives ee qui n’arrive pas avec l’acide oléique de saponification calcaire surtout en l , lorsqu il retient on trop fortes proportions des acides gras cristallisahles, dans ce cas 1 acide oléique de distillation a semblé préférable. 404 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. à fusion plus élevée s’unissant de préférence avec la chaux, lorsque cette base est employée en close insuffisante pour saturer la totalité Voy. ci-dessus, pag. 356 et 357, m’ont conduit à rechercher s’il se passerait des phénomènes analogues en traitant de même l’acide oléique de saponification calcaire; en effet, cet acide à l’état commercial ordinaire, ayant été traité par l centième de son poids de chaux, le savon calcaire fut extrait à l’aide de l’alcool qui retint en solution les acides gras non saponifiés ; le savon insoluble fut décomposé par l’acide chlorhydrique; les acides gras ainsi mis en liberté, lavés et séchés, avaient un point de fusion de 36° centésimaux; la solution alcoolique évaporée, pour chasser l’alcool, laissa en résidu les acides gras non saponifiés; ceux-ci, traités comme la première fois, par 1 centième de leur poids de chaux, donnèrent un savon calcaire qui fut extrait de même, et qui, décomposé également, donna des acides gras dont le point de fusion fut de 31°. La solution alcoolique évaporée donna alors un résidu d’acide gras liquide, qui, traité par un troisième centième de chaux préalablement hydratée laissa, après décomposition par l’acide chlorhydrique et lavage, la matière grasse fluide à la température de -f- \ 6°. Ces expériences ajoutent un nouvel exemple de l’inégale affinité des acides gras pour la base minérale employée en dose insuffisante; elles pourraient servir de guide dans des essais comparatifs, en vue de déterminer l’état particulier des différents mélanges désignés sous la dénomination commune d’acide oléique. CÉTINE BOUGIES DIAI'HANES. Cette substance blanche, cristalline, translucide, fusible à 49°, composée de carbone 80, hydrogène 13,33 et oxygène 6,67 C 04 , 11 04 O 4 , cristallisable dans l’éther et l’alcool qui en dissolvent beaucoup plus à chaud qu’à froid, la cétine est encore très-improprement appelée dans le commerce, blanc de baleine, — car la baleine proprement dite ne fournit aucune quantité de cette sub- • stance.— La cétine est contenue principalement dans une cavité spéciale située à la partie supérieure du crâne du cachalot, elle forme avec l’oléine une matière huileuse importées dans des cargaisons américaines pour la plus grande partie, et dont l’armement se fait àNewbedford et anglaises. Ces cargaisons, au retour de longues et périlleuses navigations dans les mers lointaines de PRODUITS CHIMIQUES. 4% l’archipel Indien et du Japon, ont parfois, depuis plus de 80 ans, représenté une valeur annuelle totale de 45 millions de francs. Quant à nos sept ou huit baleiniers partant du Havre dans le même but afin de se garantir du moins, avant de s’embarquer, contre une des chances auxquelles cette entreprise les expose, ils vendent, à livrer, le produit probable de leur pêche aventureuse '. L’extraction et le raffinage de la cétine constituent, en Angleterre, une industrie importante, fondée sur la fabrication et le commerce des bougies demi-transparentes dites diaphanes, préparées avec la belle substance cristalline blanche, brillante, translucide, désignée sous les noms de spermacéti ou de blanc de baleine. Sa préparation fournit d’ailleurs une des meilleures huiles qu’on puisse employer pour lubrifier les parties frottantes des machines et notamment pour les broches des filatures. A l’Exposition de Londres plusieurs manufacturiers, et notamment M. Miller, qui est à la tête de cette industrie, en avaient envoyé de très-beaux spécimens. MM. Cogniet et Maréchal, dont nous avons plusieurs fois cité les noms propos des hydrocarbures minéraux et de la paraffine en particulier, étaient les seuls manufacturiers français représentant l’industrie de l’épuration de blanc de baleine et AqY huile de spermacéti; successeurs de M. Lajon- h-aire, qui avait, en 1825, fondé cette industrie à Montrouge auprès de Paris et obtenu en 1836 un brevet d’invention pour le raffinage du blanc de baleine. MM. Cogniet et Maréchal ont Perfectionné le procédé de raffinage de la cétine; leurs produits ne le cédaient en rien à ceux des habiles fabricants anglais. Mais les quantités sur lesquelles ils opèrent sont bien moindres, on le comprendra facilement en voyant sur nos registres de la douane ' • Le cachalot macroeéphale IMiysetcr macrocephalus, mammifère gigantesque presque aussi grand que la haleine, atteint, dit-on, jusqu’il 23 mètres de longueur ; 83 l te énorme, de forme cylindroide tronquée, est è peu près aussi longue que le 1-8 du corps do l’animal. Au-dessus de sa cavité crânienne osseuse et cartilagi- neuse rp l irouve le vaste amas adipeux, renfermant la matière oléiforme qui con- lient la céün . “ne. La peau trcs-unie de ce mammifère recouvre uno épaisse couche graisseuec l » • *-es cachalots se nourrissent de poissons, de mollusques, de erusla- ces, etc, ia vont par bandes de deux à trois cents, dirigés par un d'entre eux; dans certaines . . . basions > ils se réunissent pour leur défense commune, et quelquefois se battent ues f 't Uîlvec fureur, ils ont parfois aussi, dans leurs mouvements brus- q s, ait chaviier des embarcations puis englouti les hommes de l’équipage. 406 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. les importations de blanc de baleine brut limitées à 44 438 kil. en 1839 et à 35 115 kil. en 1860 les quantités de blanc de baleine rafliné importées durant ces deux aimées ont été de 2 238 kil. et 2 410 kil.. C’est que le produit principal, le blanc de baleine cristallisé, ne peut être classé que parmi les objets d’un luxe très- élevé et dont la consommation est par cela même, fort restreinte au point de vue économique, il ne saurait supporter la concurrence de l’acide stéarique ni de la paraffine, ces deux derniers produits, pour des applications analogues, ne coûtant que 2 fr. à 2 fr. 30, tandis que la valeur du blanc de baleine est en ce moment de 4 fr. le kil. Quant à l’huile de spermacéti, quelle que soit sa qualité, elle ne peut offrir l’économie qu’on trouve pour le graissage des machines dans l’emploi de diverses matières lubrifiantes, notamment de Y oléine de saindoux graisse de porc pressée à froid et des hydrocarbures paraffinés dont nous avons parlé plus haut. Quoi qu’il en soit, les procédés de raffinage du blanc de baleine brut, tel qu’il nous arrive, ne sont pas dépourvus d’intérêt. Voici comment on les exécute dans l’établissement de MM. Cogniet et Maréchal la matière, telle qu’elle est importée 1 , est chauffée d’abord à la température de 70 à 80° c., on la laisse déposer et le liquide clair est décanté dans des cristallisoirs où l’on ne peut obtenir des cristaux assez abondants qu’en attendant que la température ambiante s’abaisse entre 5 et 8° au-dessus de zéro; on recueille alors tout le produit de cette cristallisation dans des sacs ou grandes chausses en tissu de laine dit de Malfil; l’huile fluide passe aisément au travers des filtres, tandis que la substance cristallisée reste sur le tissu. On soumet celle-ci à une première pression graduée à froid, les tourteaux sont traités à chaud par quatre centièmes d’une lessive de soude caustique à 20° qui, 1. L'huile brute de première qualité provient du dépôt de matière grasse réunie au-dessus du crlne, dans la cavité formée par les os relevés sur les bords; plusieurs ramifications de cejdépôt s’étendent dans le tissus adipeux au-dessous de la peau. Ce sont sans doute les produits de ces ramifications qui, en se mélangeant avec ceux des tissus adipeux sous-cutanés, forment la matière brute appelée huile de corps, donnant 7 centièmes de eétine, tandis que la première, désignée commercialement sous le nom d’huile de tête, fournit au moins 12 de eétine pour 100 de son poids. PRODUITS CHIMIQUES. • 17 sans action sensible, dans ces conditions, sur la cétine, commence la saponification de l’oléine; on laisse reposer et la matière décantée est mise dans des moules, sortes de petites auges peu profondes en fer-blanc, où elle cristallise de nouveau; elle est alors soumise à une seconde pression entre des plaques creuses chauffées par un courant de vapeur qui élève graduellement leur température jusqu’à quarante-cinq degrés environ. Les tourteaux obtenus sont soumis à un lavage par trois ou quatre centièmes de solution de soude caustique à 18 ou 20° qui continue la première réaction, également favorisée par le barbotage de la vapeur. Après avoir ensuite laissé déposer, on décante la cétine, puis onia chauffe à sec, soit directement, soit à l’aide d’un serpentin en spirale à retour d’eau dans lequel circule la vapeur sous une pression de 5 atmosphères à une température de 153°; quel que soit au surplus le mode de chauffage, il faut élever la température de toute la masse à 120° environ, afin de porter à l’ébullition les parties aqueuses; on ajoute à plusieurs reprises et par aspersions quelques millièmes alternativement d’eau et de lessive caustique à 13 ou 20° qui, formant encore avec ce qui reste d’oléine un savon oléate de soude insoluble dans la cétine, le ramènent à la superficie, et que l’on enlève en écumes. Pour compléter l’épuration, lorsqu’il ne se produitplus d’écumes, on effectue la décoloration ultime par l’addition d’un centième de noir animal en poudre. Lé liquide chaud est versé sur des filtres en papier contenus dans des vases étamés à parois doubles entre lesquelles circule de la vapeur qui entretient la fluidité de la substance et facilite sa filtration. Le liquide limpide versé dans des cristallisoirs se prend en masse blanche composée de longues lames cristalliues. Si l’on décante le liquide resté au centre avant que le refroidissement soit complet, °u obtient ces magnifiques cristallisations en lames aiguës, brillantes, que l’on admirait dans plusieurs vitrines de l’Exposition internationale, notamment dans celles de et de MM. Co- ffuiet et Maréchal. On moule la cétine en bougies en ayant le soin rï y ajouter trois centièmes de cire pour mieux troubler sa cris- ^Uisation. Deux centièmes de cétine suffisent pour augmenter I e poli et la translucidité des bougies de paraffine de même que pour la paraffine seule, on doit couler à -{- 70° et plonger dans leau froide les moules dès qu’ils sont pleins. La cétine, enfin, sort à l’apprêt de quelques étoffes. CLASSE H. RENSEIGNEMENTS SUR LA VENTILATION RECUEILLIS EN ANGLETERRE EN 1862, I ' U'/ 409 RENSEIGNEMENTS SUR LA VENTILATION. binets particuliers du médecin et du chirurgien, le cabinet du dentiste, les logements des gens de service, des laboratoires, etc. Le 1 ei , le 2 e et le 3 e étage forment trois divisions, disposées sur un plan uniforme et comprenant chacune quatre grandes salles EE de 70 pieds anglais ou 21 m .35 de longueur, 21 pieds anglais ou 6 m . 40 de largeur, 14 pieds anglais ou i m .27 de hauteur, et une grande salle de réunion E pour la journée, ayant 48 pieds anglais ou 14”.64, sur 38 pieds anglais ou 9 m .15, située à la rencontre des salles, avec des chambres pour les sœurs, des lavoirs, une chambre de bains, un cabinet d’aisances et une étuve qui s’ouvre au dehors. Chaque salle particulière a, en outre, ses lieux d’aisances, ces derniers étant, dans tous les cas, en dehors des salles^ I^e nombre des malades admis dans chaque aile est de 130, dont 30 dans chaque division du 1 er , du 2 e et du 3 e étage. Les salles de subdivision EE contiennent de 12 à 13 lits. Il y a six personnes attachées à chaque division, savoir deux sœurs et quatre gardes pour les 50 malades. Le volume d’espace alloué pour chaque lit dans les salles est de 1 600 à 1 700 pieds cubes ou de 44 mc ,8 à 47 mc ,6. A l’étage supérieur sont les dortoirs des gardes et des autres personnes du service. . La totalité du bâtiment, à l’exception du vestibule central, du grand escalier et de quelques-uns des logements des employés au rez-de-chaussée, est chauffée et ventilée artificiellement par appel. L’espace ainsi chauffé et ventilé est d'environ 500 000 pieds cubes anglais ou 14 000 mètres cubes, dont pour Pieds anglais. Mètres cubes. 3080 8820 2100 14000 Les différents logements. 110 000 ou i Les trois divisions.. 315 000 ou j Les dortoirs,...... . . 75000 ou j 500 000 pieds. Dans le système de ventilation adopté, qui est celui de l'aspiration, l’air nouveau pris à une grande hauteur, alin d’assurer s a plu S grande pureté, descend par la cheminée d’appeljusqu’au tas de l’édifice, où il débouche vastes galeries G G appelées chambres d’air frais, qui régnent sous toute l'étendue du bâtiment. De,ces chambres il se rend dans des conduits verticaux établis dans l’épaisseur des murs, mais après avoir passé entre 410 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. des groupes de tuyaux horizontaux de circulation d’eau chaude pour le service d’hiver. L’air nouveau ainsi échauffé vient déboucher dans chacune des salles à chauffer ou à ventiler par des orifices ménagés près des plafonds. Le long du mur de face antérieur et à sa base il n’y a que deux rangées de tuyaux horizontaux a a, l’une pour le départ, l’autre pour le retour de l’eau, parcequ’ils ne sont destinés qu’au chauffage du rang de pièces simples placées de ce côté au rez-de- chaussée. En avant et dans toute la longueur du mur de refend, il y a sept rangées de tuyaux horizontaux b, b, b , pour le départ et autant pour le retour de l’eau. Ils sont destinés à chauffer l’hiver l’air nouveau qui doit ventiler les trois étages des salles de malades. 1 En avant et dans toute la longueur du mur de face postérieur, il y a trois rangées de tuyaux horizontaux c c, pour le départ et autant pour le retour de l’eau chaude. Ils sont destinés à chauffer l’hiver l’air d’alimentation des pièces habitées du rez-de-chaussée correspondantes, et qui sont plus nombreuses que de l’autre côté. Les tuyaux de circulation d’eau chaude sont à section triangulaire et disposés comme l’indique le croquis ci-contre. Cette forme a pour objet d’obliger l’air à passer le long de 4d 1 RENSEIGNEMENTS SUE LA VENTILATION. surfaces de chauffe, plus grandes que celles qu’offriraient des tuyaux horizontaux cylindriques. L’air qui a circulé entre les tuyaux gagne ensuite, comme on l’a dit, des conduits verticaux d d ménagés dans l’épaisseur des murs. La coupe transversale du bâtiment [fig. 1, fait voir qu’à tous les étages l’air arrive près des plafonds dd au rez-de-chaussée; il est fourni, comme on l’a dit, par les tuyaux dd placés le long des façades, et aqx autres étages par ceux du milieu. Des conduitsverticaux e,e, e, établis dans l’épaisseur des murs de face et ouverts à fleur du plancher, dirigent séparément l’air vicié de chaque étage, au moyen d’autres conduits horizontaux ff dans un grand conduit principal g g établi dans le comble, et- qui se termine à la tour d’évacuation établie au pavillon central, laquelle reçoit aussi la fumée des fourneaux d’eau chaude et des chaudières. Il y a dans chaque division 79 conduits d’introduction d'air dans les salles, et 63 conduits d’évacuation pour 150 lits, sans compter ceux de la salle de réunion de jour et des différents cabinets. L’on a eu soin de ne placer dans les lieux d’aisances que des cheminées d’évacuation, afin que l’appel de l’air s’y fasse toujours de l’extérieur vers l’intérieur de ces cabinets. A l’intérieur du grand conduit g g d’air vicié, qui a environ 1 m .80 de largeur, passe un tuyau principal de fumée h h en fonte, de 0 m .90 à peu près de diamètre, dans lequel viennent déboucher tous les conduits de fumée i i des foyers des appartements particuliers e t des salles. Un tuyau de circulation d’eau chaude parcourt aussi ce grand conduit et assure la ventilation d’été. Ce conduit principal aboutit à un autre kk, vertical qui verse dans la grande cheminée d’évacuation B tous les produits de la combustion de ces foyers et l’air vicié qu’ils ont contribué à aspirer. L’on voit que ces tuyaux de fumée, outre l’effet direct de ven- dlation qu’ils produisent dans les salles, peuvent aussi, par la chaleur de leurs parois métalliques, contribuer à activer l’appel de l’air vicié qui les entoure dans le canal g g. Lidin au centre et dans l’axe de la cheminée générale B, s’élève le tuyau de fumée des calorifères, qui y verse ses produits à une hauteur supérieure à celle du comble. Il résulte de cette dispo- 412 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. sition, dans la saison du chauffage, un appel énergique et une élévation notable de la température de l’air vicié, dès qu’il a atteint les conduits supérieurs, ce qui donne l’hiver une grande activité à cet appel. Il y a lieu de remarquer que la circulation d’eau chaude se fait, principalement dans les appareils employés, dans le sens horizontal, et que la distance verticale des tuyaux de départ et des tuyaux de retour n’excède guère 0 m .50. Cette disposition n’est peut-être pas la plus favorable pour obtenir d’une surface donnée de tuyaux réchauffement du plus grand volume d’air possible, mais d’un autre côté l’établissement au rez-de-chaussée, dans des galeries closes et non habitées, de ces tuyaux, dont le développement est de plus deS50 mètres, pour chaque aile, diminue beaucoup l’inconvénient des fuites d’eau. Aussi est-ce le mode le plus généralement employé en Angleterre pour les chauffages par circulation d’eau chaude. La forme de prismes triangulaires donnée aux tuyaux et les dispositions prises pour assurer réchauffement de l’air sont d’ailleurs favorables, et les tuyaux n’étant soumis ;'i aucune pression cette torme n’a pas d’inconvénient. Dans cet édifice l’on paraît avoir réalisé avec succès le problème pour lequel M. Reid avait échoué au parlement, et qui consiste à n’avoir qu’une seule cheminée générale d’évacuation, non-seulement pour l’air vicié, mais encore pour la fumée de tous les feux d’un même bâtiment. Le système de ventilation ainsi établi est tout à fait indépendant des moyens accidentels de ventilation des salles, auxquels on peut recourir, quand le temps permet d’ouvrir les fenêtres. Dans la distribution des grandes divisions l’on a porté une attention particulière à obtenir tous les avantages possibles de ce que l’on nomme la ventilation naturelle. Les salles particulières de chaque division sont placées deux à deux l’une â côté de l’autre, de manière qu’un mur de refend allant jusqu’au centre de l’édifice les sépare. Chaque salle n’a de fenêtre que d’un côté, mais il y a dans le mur de refend de larges arcades ouvertes, par lesquelles il peut s’établir un courant d’air au travers des deux salles contiguës, quand les fenêtres sont ouvertes; à peu près comme si chacune de ces salles avait des fenêtres des deux côtés. Les fenêtres sont ouvertes comme des châssis ordinaires à cou- 413 RENSEIGNEMENTS SUR LA VENTILATION. lisses verticales, et leur ouverture ue trouble en rien le système de la ventilation. La ventilation constante d’été du bâtiment est calculée pour fournir en 1' 70 pieds cubes 1,96 mètres cubes ou H7 rao .60 par heure et au delà à chaque malade. Dans l’hiver, le volume d’air nouveau à fournir est calculé de manière à concilier le maintien d’une ventilation efficace avec la conduite économique de l’appareil de chauffage. Pendant le froid très-rude qui a eu lieu en février et mars 1862, l’on a fait une série d’expériences pour déterminer la ventilation effective, et la comparer à la consommation de combustible nécessaire pour chauffer cet air. Le volume d’air introduit dans la cheminée d’appel a été mesuré à diverses reprises à l’aide de l’anémomètre. L’ouverture, par laquelle l’air passe de cette cheminée dans les conduits d’air froid est munie d’une ventelle à coulisse, au moyen de laquelle 1 aire de l’orifice d’introduction peut être agrandie ou diminuée à volonté ; à chaque observation Ton mesurait cette ouverture. Pendant la première partie de la période sur laquelle les expériences s’étendent, l’alimentation d’air neuf fut entièrement supprimée durant la nuit, ainsi que le chauffage des appareils. Cette marche avait été suivie dans l’hôpital pendant les deux derniers hivers, et semble avoir pour origine la tendance à donner plus d’importance aux considérations d’économie qu’à celles qui sont relatives à la salubrité, tendance qui se manifeste souvent là où Ton devait le moins s’attendre à la rencontrer. Ainsi qu’on pouvait le prévoir, la suspension de la ventilation pendant la nuit avait déterminé dans les salles une odeur désagréable particulièrement sensible le matin. Ce système ayant été abandonné, l’air nouveau fut aussi in- h’oduit pendant la nuit, le volume admis étant toutefois proportionné à la puissance calorifique conservée par l’appareil de chauffage, dont le feu n’était pas alimenté pendant la nuit, mais SI , S. T. S.. i L’on voit que, dans ces épreuves, les poudres de Dartford se sont montrées supérieures à celles le Ilonslow, etü peine égales aux trois espèces de poudres françaises correspondantes, fabriquées aux meules, et que nos poudres des pilons et des laminoirs sont aussi un peu plus fortes que celles de Ilonslow. En 1845, je rapportai également d’Angleterre, des mêmes fabriques anglaises, des poudres qui me furent signalées comme de qualité supérieure. Des épreuves comparatives au fusil pendule furent faites entre ces poudres et la poudre extraline d’Es- querdes, et fournirent les résultats suivants Vitesse communiquée à la balle de fusil du poids de 25 grammes, par une charge de 5 grammes. Poudres extralines Poudres anglaises. I d’Esquerdes, fabrication courante.... 41 l m ,95 du Bouchet. ld. 413 ,30 du Bouchet, fabrication spéciale. 436 ,40 i d’Honslow. 403 ,00 de Dartford... 397 ,45 Ces résultats montrent qu’en effet les poudres anglaises de 1845 étaient un peu supérieures à celles de 1842, mais qu’elles ont encore été inférieures aux poudres françaises fabriquées sous les meules. L’on voit donc que sous le rapport de la puissance balistique, les poudres de chasse françaises, qui, depuis plusieurs années sont exclusivement fabriquées par le procédé des meules, sont FOUDRES DE CHASSE FRANÇAISES ET ANGLAISES. 429 supérieures ou au moins égales aux meilleures poudres anglaises. Quant à la question de l’encrassement, des épreuves spéciales exécutées à la Direction des poudres ont montré que, sous ce rapport encore, les poudres françaises ne le. cédaient en rien aux poudres anglaises. Enfin, et quoique la valeur relative des poudres de guerre n’ait pas pour le public le même intérêt que celle des poudres de chasse, l’on peut ajouter que des épreuves faites sur des poudres de guerre ont aussi prouvé que les poudres françaises, fabriquées par le procédé des pilons, étaient au moins égales à toutes les poudres étrangères obtenues par divers procédés. Le ministère des finances, auquel le service des poudres remet les produits destinés au commerce, a d’ailleurs pris depuis plusieurs années des mesures pour que les poudres, qui ne lui sont jamais livrées qu’après des épreuves qui constatent leur bonne qualité, ne soient plus exposées à se détériorer dans les magasins des entrepôts. Elles sont renfermées dans des boîtes de fer-blanc, au lieu de l’être, comme par le passé, dans du papier, toujours plus ou moins hygrométrique, et ne doivent plus être déposées dans les mêmes magasins que le tabac, qui a besoin d’une certaine humidité. Il ne faut pas oublier en effet que les soins apportés à la conservation des poudres, et à les préserver de teute humidité, influent beaucoup sur leur qualité, et que les Meilleures poudres mal abritées peuvent bientôt perdre beau- c °up de leur puissance balistique. CLASSE \ 2 . MATÉRIEL NAVAL ET MACHINES MARINES, Par M. le contre-amiral paris. La marine est, par sa nature, la partie de l’industrie moderne qui se trouve le plus mal représentée dans une exposition universelle. Ses navires, chefs-d’œuvre d’expérience et de hardiesse, sont trop gigantesqiies pour être transportés sous des galeries, et quand même on irait les examiner dans les chantiers qui les produisent, on ne verrait qu’une énorme construction en bois ou en fer dont rien ne dénoterait les qualités ou les défauts. C’est sur mer et animé de la vie factice que l’homme a su lui donner, qu’il faut allèr admirer et juger ce grand être assez puissant pour sur- itionter les tempêfès et assez hardi pour parcourir tout notre globe et même en rechercher les parties ignorées. C’est là seulement qu’il péiit être connu et apprécié; encore faut-il du temps et de l’expérience pour se former une opinionàson égard. Comme un nouveau cheval il doit être monté longtemps et dans toutes sortes de circonstances avant d’être jugé réellement sans cela on est réduit à des appréciations par analogies, et si elles ont leur valeur, elles ne possèdent malheureusement pas la certitude de l’expérience directe. Aussi les nombreux modèles exposés dans la partie réservée à la classe 12 ont-ils été jugés plutôt d’après la réputation acquise parles navires qu’ils représentent, que par l’opinion fondée sur leur examen direct, et certes il y avait moins d’erreur à craindre de la sorte, qu’en se basant sur l’aspect d’un modèle à petite échelle, dont le vernis brillant empêchait d’apprécier les lignes. Cependant, quelque imparfaite que soit l’opinion formulée d’après des modèles, il y a eu lieu de regretter de ne pas en avoir aperçu un seul appartenant à la marine impériale ou marchande de la France. Ce fut un regret, 431 MATÉRIEL NAVAL ET MACHINES MARINES. car nous avons produit à toutes les époques de beaux types de navires, et les constructions du temps de Louis XVI, celles de l’empire exécutées sur les plans de Sané, auraient certes aussi bien figuré que les modèles des mêmes époques en Angleterre. Le premier navire blindé rapide, la Gloire, construit par M. Dupuy-de-Lôme, aurait bien tenu sa place près du Northum- berland qui est à peine en chantier; de même que la première batterie flottante française due à la volonté de l’Empereur eût figuré non loin de celles qui arrivèrent trop tard à Kilbouroun, pour prendre part au premier essai de ces nouvelles constructions. Il en eût été de même des modèles du Phocéen de M. Vence et du Napoléon de la poste, de M. Normand, qui, dès 1835 et 1840, précédèrent l’époque actuelle, en montrant sur mer des navires ayant des avants très-aigus jusque dans leur partie supérieure et séparant les vagues au lieu de les refouler; principe généralement adopté depuis, et quia produit les paquebots rapides capables d’arriver presqu’ù heure fixe, malgré les obstacles prolongés des coups de vent et de la grande mer de l’Océan. En examinant les différents types exposés, on remarque les périodes par lesquelles la construction navale vient de passer. L’ancien vaisseau est court, il n’a en longueur que trois fois et demie sa largeur, son avant arrondi présente pour les deux côtés un angle de 100° à 120°; ce n’est pas un coin qui sépare l’eau, c’est un demi-cercle qui la refoule presque direclement. Le navire de mer moderne est, au contraire, arrivé progressivement à avoir six, sept, huit, huit et demi et même dix fois sa largeur; ses lignes sont très-fines aux extrémités, l’angle des deux côtés de sa flottaison n’est quelquefois que de 20°, et au lieu de devenir presque carré à sa partie supérieure, il y conserve cette acuité de forme. Pourquoi de si grandes différences dans des objets ayant le même but, c’est-à-dire de porter de grands poids et de le faire avec le plus fie rapidité possible; car tel est et sera toujours le but de toute construction maritime, que son objet soit le transport du coton, fies grains et du charbon, ou celui d’une artillerie formidable, aussi prête à l’attaque qu’à la défense? Ce n’est certes pas sans raison que les nouveaux navires diffèrent autant des anciens, et ces raisons déduites de l’expérience de l’homme de mer sont plus faciles à saisir que celles qui ont présidé à cette variété infinie d’animaux qui ne semblent différer que par la nature de leur alimen- 432 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. tation. Le navire à voiles n’allait pas où il voulait, condamné â ne s’approcher que de 60° à 70° de la direction du vent, il était en danger, si cette direction était une mauvaise route. Il lui fallait donc pouvoir en changer subitement et avec certitude ; il devait par conséquent virer de bord vent devant avec facilité; or que faisait-il pour cela? il employait l’inertie de sa masse à conserver ► assez de vitesse pour que le gouvernail continuât son action pendant un temps et un espace suffisant pour recevoir le vent du côté opposé et continuer sa route dans une nouvelle direction. Il employait ses voiles â aider ce mouvement; mais l’effet de la vitesse sur le gouvernail était la vraie cause or l’étendue des évolutions est en raison des longueurs des navires, et la conservation de la vitesse acquise est en raison de la masse; il en résulte qu’il fallait être court et pesant pour évoluer avec certitude. C’est ce qui a maintenu les navires dans des limites aussi restreintes et leur fait donner des formes si élancées à l’arrière et surtout à l’avant, pour augmenter en longueur l’échafaudage aérien qu’on ne pouvait élever davantage et obtenir ainsi une plus vaste surface de voilure sans allonger le navire à la flottaison. Le moteur mécanique a changé toutes ces conditions, et l’a près- ’ que ramené à celles où se trouvait la galère avec ses rames ; il im- primeà volonté la vitesse, donc il donne etconserve au gouvernail son action. Si l’application de ce moteur est faite au moyend el 'hélice, il augmente même l’effet du gouvernail, en jetant sur sa surface la niasse d’eau qui cède à son impulsion. Dès lors on a pu allonger le navire autant qu’on l’a désiré; mais il s’est présenté pendant longtemps un obstacle à l’exagération; ce fut la nature des matériaux employés le bois était alors exclusivement consacré à la construction navale ; mais on sait combien il est difficile de l’unir à lui-même par des corps plus durs, aussi la liaison des parties fut toujours une des grandes difficultés des anciennes constructions et elle en limita la grandeur comme celle des constructions en bois exécutées à terre. On n’aurait pas plus fait passer des voitures dans un pont tubulaire de Menai en bois, * qu’on n’aurait osé faire sortir du port un Great-Eastern formé des mêmes matériaux. L’adoption du fer, due â l’initiative hardie de quelques constructeurs anglais, a donc aidé à la révolution que le moteur mécanique produisait; on a pu allonger les navires sans que les inégalités des vagues les tissent plier et se disjoindre de 433 MATÉRIEL NAVAL ET MACHINES MARINES. plus, comme la machine à vapeur est docile à la main qui la conduit, quelle quesoitsa dimension, on a possédé une force capable d’entraîner des navires immenses, et par ces deux causes, on est arrivé à montrer que la dimension des navires n’est plus qu’une affaire de convenance militaire ou commerciale, que les limites sont inconnues, et la réussite du Grcat-Eastem prouve que s’il fallait des navires plus grands encore, rien ne s’opposerait à leur exécution ni à leur emploi. Tout cela était impossible avec les anciens navires non-seulement nous avons vu que leur coque n’aurait jamais eu la solidité nécessaire; mais, eût-on résolu ce premier problème, celui dé la manœuvre se présentait plus insoluble encore; car plus le navire est grand, plus il lui faut de voiles, et plus la surface de celles-ci est vaste, plus la toile doit être forte et pesante. Or l’étendue des voiles est comme le carré de leurs dimensions, tandis que l’homme ne change pas de taille, et distribué sur les vergues, son nombre n’augmente que comme les dimensions. Il en résulte qu’il est un point où les efforts des matelots devenaient impuissants et le vaisseau à trois ponts était déjà trop grand pour eux, tandis que la frégate était assortie à ce qu’ils pouvaient faire. Telles sont donc les grandes différences des deux marines, et bien que les modèles exposés soient sur des échelles différentes, ces changements sont sensibles, surtout lorsqu’en élevant les yeux, on voit le dessous de la carène du Great-Eastem et qu’on se dit celui-là a de 207 mètres et pèse 30 millions de kilogr. tandis que ce beau trois ponts qui étale si haut ses mâts n’a que 64 mètres et ne pèse que 5 millions de kilogr. En se reportant sur de plus petits modèles, on remarque ces formes effilées qui, sous l’im- Pulsion des machines, arrivent à filer 14 et même 15 nœuds l , c’est-à-dire 26 à 28 kilom. à l’heure, tandis que si quelques circonstances de vent ou de mer donnaient très-rarement 11 ou 12 nœuds, la vitesse moyenne en bonne route n’était cependant que de 4 nœuds ou 7 kilom. et demi en comptant, il est vrai, les calmes 'lui parfois retenaient des semaines entières à la même place. La 'apeur a donc produit sur mer des changements aussi admira- es fine sur terre, mais elle n’y est arrivée qu’en augmentant lll'Ul'f. “u-uu est l exprcssion III. 28 434 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. beaucoup les dépenses; aussi n’a-t-elle pas supprimé l’usage des navires poussés par les voiles; car la valeur de l’action du vent n’est représentée que par les hommes de la manœuvre et l’usure des voiles ou des agrès; il faut donc seulement lui ajouter l’intérêt du navire et de sa cargaison. De plus, les voiles laissent à celle-ci toute la capacité du navire ; la vapeur, au contraire, en prend beaucoup pour son appareil et plus encore pour son combustible à mesure que le trajet est plus long. Dès qu’il s’agit de marcher vite, le navire est complètement chargé par sa machine et quelques heures de combustible ; s’il veut aller plus loin, il faut ju’il devienne plus grand. Aussi M. Brunei avait-il reconnu depuis longtemps qu’il fallait que les dimensions des navires il vapeur fussent en raison de leur vitesse et de l’étendue de leur parcours. Les machines à vapeur ont donc joué un aussi grand rôle sur mer que sur terre, seulement leur influence a été toute différente. En effet, les chemins de fer se sont aussitôt emparés des grandes communications, le roulage et les diligences ont disparu, et loin de détruire les petits services, ils les ont augmentés; les chevaux qui traînaient quelques diligences ont été attelés à d’innombrables omnibus. Sur mer l’inverse s’est présenté, la voile a conservé la grande navigation, le clipper est apparu pour faire concurrence à la vapeur et souvent il est arrivé avant le paquebot, forcé de renouveler son combustible; au contraire, le cabotage à voiles est en train de disparaître et c’est une conséquence naturelle des moyens d’approvisionnements; puis- qu’en mer il faut porter du combustible pour tout le trajet, tandis que les locomotives se relèvent ou prennent de l’eau et du charbon; s’il leur fallait aller d’un trait de Paris à Moscou, leur train entier serait chargé d’eau et de combustible, elles seraient dans le cas du paquebot parcourant de grandes distances. Si de ces généralités on passe à des comparaisons, on remarque qu’après s’être ressemblés à peu de chose près pendant des siècles, le navire de guerre et celui du commerce ont dilféré complètement ; le premier s’est obstiné à rester court, le second, affranchi de considérations secondaires et guidé parles profits et pertes, s’est allongé de plus en plus, parce qu’on admettait que la résistance est en raison de la masse d’eau divisée, c’est-à-dire de la maîtresse section, tandis que la cargaison est eii raison du volume. Sauf un modèle de frégate russe, d’après un type construit en 435 MATÉRIEL NAVAL ET MACHINES MARINES. Amérique, tous les navires de guerre sont restés courts et on préféré entasser encore jusqu’à quatre étages de canons, plutôt que de les distribuer sur une grande longueur pour acquérir les qualités des paquebots. Cette erreur est surtout venue de ce que l’hélice est un propulseur si bien assorti à l’action des voiles que, malgré l’exemple des clippers, on n’a pu se décider à changer les proportions si longtemps regardées comme nécessaires à l’ancienne navigation. Cependant, si les regards se portent sur le modèle de la grande frégate blindée le Northumberland, on voit presque un grand paquebot, comme l’ Himalaya; elle a 122 mètres de long sur 18 mètres de large, le rapport est donc 16,77, et cependant ce navire de 12 000 de déplacement est destiné à être couvert de plaques de fer dont le mètre carré pèse près d’un tonneau avec les accessoires ; de combien de millions de kilogr. raffinement de ses extrémités augmente donc la charge de la partie renflée au milieu? 11 faut estimer bien haut les avantages d’une marche rapide pour les avoir recherchés à un pareil prix. En effet, on peut établir que, dans un navire, chaque qualité a son poids et sa valeur, les unes par elles-mêmes, les autres parce qu’il faut les porter. Ainsi, la vitesse pèse en raison de son cubé, puisque la force dépensée et par suite la machine est en raison du cube des vitesses; la longueur des parcours pèse par le combustible, la force pèse suivant le nombre de canons, de coups par pièce et de canonniers avec leurs vivres; lasécurité, c’est-à-dire la cuirasse pèse suivant son étendue en longueur et son épaisseur; entin le navire pèse d’autant plus qu’il faut le rendre plus grand pour porter tout cela. C’est ainsi qu’on arrive à des dépenses exorbitantes et qu’après avoir trouvé, il y a peu de temps encore, qu'un vaisseau de 120 canons coûtait très-cher au prix de 3 millions de h'aucs, on en est venu à se faire à l’idée d’une valeur de 12 500 000 Pour 50 canons, sans compter qu’avec les 15 nœuds que les anglais veulent avoir on brûlera plus de 3000 francs de charbon par jour • n Europe, ce qui coûtera des sommes énormes, surtout dans les pays lointains. Jamais les engins de guerre maritime n’ont été plus ruineux; leurs savants boulets sont la moindre de leurs dépenses. L Exposition présente aussi un modèle du Warrior, c’est là le type de ce qui existe maintenant, et il serait curieux de le com- 435 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. parer à notre Gloire pour connaître dans quelle voie chacun des deux grands peuples maritimes s’est lancé, si déjà beaucoup de publications n’avaient traité cette question, et si l’adoption d’une cuirasse complète ne donnait raison à une partie de ce qui a été fait en France. Il convient donc plutôt de s’occuper des détails tels que les blindages. A ce sujet, on a reconnu qu’une épaisseur de 4 pouces et demi anglais 0 ra ,H2 était à l’abri des plus forts projectiles actuels, lancés à petite distance, que les fers les plus doux et les plus liants sont seuls propres à former les blindages; on a d’abord cru convenable d’embouveter les plaques pour les endenter les unes dans les autres; cette méthode dispendieuse est abandonnée et la fixation continue à être opérée par des boulons, le nombre des trous par unité de surface est à peu près le même qu’en France. On a proposé de ne mettre les boulons que sur le pourtour ou les rendant communs à deux plaques; on a eu l’idée de remplacer le bois que nous mettons derrière les plaques par un poids égal de fer et de porter l’épaisseur à 6 pouces ouO m ,1oO ; ces plaques devenant alors le bordé des navires. On a voulu mettre en dehors la couche de bois que nous plaçons en dedans; mais l’expérience de boulets entrés par les sabords a prouvé que c’étaitplus dangereux qu’utile. Parmi les objets exposés à ce sujet étaient les planches de fer engougées sur les côtés proposées par M. Lancaster relies ont 6 m , 10 à 7 m ,60 de long, 0 m ,450 de large, et 0'», 160 d’épaisseur. Les engoujures auront toujours le défaut d’être très-difliciles dans les parties gauches de la carène et de présenter beaucoup d’obstacles pour remplacer les plaques avariées dans une affaire. Pour éviter les fentes qui presque toujours partent des trous de boulons M. Griflith a proposé de glisser les plaques comme des trappes, entre des cornières en saillie, en dehors du navire. C’est impraticable dans les parties à surfaces gauches, et si les cornières étaient brisées les plaques tomberaient naturellement à l’eau. L’arsenal de Chatham a un outil qui évite les pertes de temps et les frais de l’envoi des formes du navire à l’atelier de fabrication ; c’est une puissante presse hydraulique, à gros piston arrondi descendant vers une surface plane sur laquelle on met des coins de manière à gauchir les plaques par la pression après les avoir recuites. L’éperon, ou plutôt nu avant saillant à la flottaison seulement, paraît être regardé comme une arme ollensive utile, du moins d’après les nouveaux 437 MATÉRIEL NAVAL ET MACHINES MARINES. modèles de l’amirauté, car le Warrinr a un avant élancé, ainsi qu’un mût de beaupré. En armant de la sorte les nouveaux navires d’un engin dont les effets et surtout l’emploi sont inconnus, on surcharge leur avant déjà si bas et si lourd,on compromet encore plus leurs qualités nautiques déjà si douteuses, et tout cela sans savoir si en adressant de la sorte les coups à la partie la plus solide de l’ennemi, c’est-à-dire à sa flottaison, on n'éprouvera pas autant de mal qu’on en causera, et si dans le désordre et la fumée il sera possible à ces nouveaux chevaliers de 6, 9 et bientôt 12,000,000 de kilogrammes d’avoir un horizon assez dégagé pour prendre du champ. C’est faire de grands sacrifices pour des idées quijusqu’à présentne sont appuyées sur aucune expérience. Avant de quitter la salle où sont exposés de nombreux navires blindés et à éperon aussi variés que souvent impraticables, il convient d’examiner une idée toute nouvelle dont l’application en Amérique vient d’émouvoir profondémentl’opinion publique; c’est celle des tourelles dans le genre du Monitor et des navires invulnérables de toutes parts, que la vapeur et l’hélice ont ren- Fig. t. dus piaticables en renfermant le moteur entier dans le navire au lieu de le placer sur les flancs ou de l’étaler dans les airs. Ce fut 438 EXPOSITION, le résultat de quelques boulets entrés par les sabords encore larges de nos batteries flottantes devant Kilbouroun, qui inspira au capitaine Cowper Coles l’idée de protéger encore plus les hommes en les renfermant ainsi que leur pièce dans une sorte de carapace tournante, de manière à pointer le canon en faisant pivoter le bouclier blindé qui le contient. La figure \ donne une idée exacte de cette disposition, a est l’un des deux canons placés côte à côte dans la tourelle conique bb, qui par un mécanisme d’engrenages d tourne sur des rouleaux c comme un plateau de locomotive et qui est maintenu par un axe creux e, par lequel un ventilateur fait arriver de l’air qui s’échappe par le haut. Toute la tourelle est en madriers " solides couverts par des plaques de fer. e de 0 m ,'l20. Les canons pointent dans toutes les directions, ce qui exige que le navire soit rasé tout autour comme le montre l’étrange transformation d’un majestueux trois ponts en un bâtiment cupola dont la figure 2 donne le triste aspect. Certes, un tel navire avec ses vingt canons tournant dans tous les sens et protégé contre les coups, sera plus fort qu’une troupe nombreuse d’anciens vaisseaux ; son peu d’élévation sur l’eau sera même une défense de plus, dans le genre de nos’ fortifications entourées de longs talus élevés jusqu’au niveau des pièces. Tout cela est vrai, mais pourra-t-il naviguer? Voilà aussitôt la question qui se présente. En effet, il y a d’abord lieu de remarquer que ce navire bas pèse autant MATÉRIEL NAVAL ET MACHINES MARINES. 43l> que l’ancien qui avait quatre étages, parce qu’il est formé d matériaux plus lourds; or, pour que les vagues remuent un corps flottant, il faut qu’elles trouvent au-dessus de la flottaison moyenne un volume suffisant pour soulever accidentellement et faire osciller les 6,000,000 kilogrammes que pèse le navire, et cela dans le court passage d’une vague; or il y a lieu de remarquer qu’en opérant ainsi, les vagues montent souvent à la seconde batterie et forcent à en fermer les sabords avec un temps très-maniable pour la navigation, et que dans un coup de vent il est nécessaire de fermer ceux de la troisième batterie, qu’enfin on a vu des temps qui ont fait embarquer de l’eau j$ur le pont à la quatrième batterie, qui est à ciel ouvert. Comme le passage des lames est à peu près de cinq à six secondes, qu’on se ligure, d’après cela, combien le navire à coupole sera envahi par la mer au moindre mauvais temps. Puissent des catastrophes terribles ne pas vérifier la justesse de ces conditions naturelles de la navigation des navires blindés, que les prouesses du Moni- tor semblent avoir fait oublier à tout le monde. Si après avoir ainsi examiné les nouveaux moyens de guerre maritime nous passons à la charpente des navires en fer, nous remarquerons quelle n’a pas subi de changement depuis l'adoption de ce genre de construction; ce sont toujours des cornières rivées sur les tôles; celles-ci se doublent entre elles par clins alternés c’est-à-dire, l’une est tout à fait en dehors, l’autre en dedans. Cela permet de mettre une rognure de tôle dans l’intervalle de la membrure et la tôle extérieure, tandis qu’avec les clins ordinaires, il fallait forger des pièces triangulaires pour remplir cet intervalle. La quille est souvent supprimée ou remplacée par deux quilles latérales pour tâcher de diminuer l’exagération du roulis, qui est le défaut de toutes les nouvelles constructions. Les cadres formant la portion de quille et les deux ctambots entre lesquels l’hélice tourne sont devenus des chefs- d œuvre de forge. Le défaut des navires en fer est la quantité d’herbes et de coquilles q u i s’attachent en peu de temps aux carènes et font perdre en s *x mois un nœud et demi et jusqu’à trois nœuds de vitesse, de sorte q ue ce surcro ît d’obstacle augmente la consommation de charbon et fait perdre l’avantage d’une belle marche, qui est toujours payé s i cher. Comme le navire en bois est exempt de ce 440 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. défaut, grâce au poison des feuilles de cuivre qui le recouvrent, on a voulu procurer les mêmes avantages aux constructions en fer, et M. Grantham a proposé de mettre des cornières extérieures tig. R, de remplir les intervalles entre elles par deux couches de bois et de clouer le cuivre sur ce dernier de manière à éviter tout contact des deux métaux. Les ingénieurs distingués qui composaient la douzième classe ont examiné cette question à plusieurs reprises, et ont conclu que cette addition d’épaisseur sera une cause de perte de marche, que l’avant et l’arrière seront très- difficiles ù garnir de la sorte, et que Timbibition rendant le bois conducteur de l’électricité, le fer serait promptement rongé par l’effet galvanique de cette immense surface de cuivre toujours mouillée d’eau salée. Cette chance de décomposition générale est l’objection la plus fondée, car la perte de marche par l’addition de volume n’approchera jamais de celle que les coquilles et les herbes occasionnent en moyenne, sans compter les dépenses des passages aux bassins et des peintures au minium. Quant au bois, il a le défaut de devenir plus lourd par l’eau qui s’inliltre dans ses pores, et au bout de cinq ans on a vu des vaisseaux enfoncer de 0 m ,30 de plus, et faire perdre une partie de la hauteur de batterie, qu’il est également si difficile d’obtenir. Parmi les modèles de bateaux, il y a surtout eu lieu de citer ceux des life-boats, de cette association réellement philanthropique qui, sous le généreux patronage du duc de Northumber- land, a garni les côtes de l’Angleterre de 120 bateaux d’une forme et d’une disposition remarquables. Ils se redressent s’ils chavirent, se vident par leurs mouvements, ont des caissons d’air qui les rendent insubmersibles, enfin ils se transportent sur des roues aux lieux les plus voisins des naufrages, et dans les dernières années ils ont sauvé plus de mille existences. Mais ce ne sont pas les constructions qu’il faut le plus admirer en cela, c’est l’esprit d’association et la persévérance qui ont produit l’orga- 441 MATÉRIEL NAVAL ET MACHINES MARINES. nisation de cette Société, ainsi que de bien d’autres tout aussi utiles ; c’est là ce que les Français doivent le plus étudier et chercher à imiter, suivant les particularités de leur organisation sociale. Heureusement le gouvernement s’occupe d’organiser des bateaux de sauvetage; on lui doit beaucoup de reconnaissance, mais on ne peut s’empêcher de remarquer la dilïérence qui existe entre une ordonnance et une souscription volontaire. On remarque naturellement beaucoup d’objets de détail relatifs à la marine, tel que les boussoles, les divers moyens de mesurer la vitesse, de connaître la profondeur et la qualité du fond, mais bien qu’ingénieuses, la plupart des inventions exposées ne promettent pas de réussite pratique. Ce que nous avons dit plus haut des carènes en fer donne l’idée de 1’ importance acquise dans ces derniers temps par les moyens de les mettre à sec, pour en enlever les herbes et les coquilles et renouveler la peinture au minium, qui rend un peu de poli à la surface et, jusqu’à présent, est le seul moyen de préserver les tôles de l’action corrosive de l’eau de mer. On a donc présenté sous différentes formes l’idée déjà ancienne des docks flottants, c’est-à-dire de grandes caisses jadis en bois mais actuellement toujours construites en tôle, qui se remplissent d’eau afin de s’enfoncer assez pour permettre au navire d’être amené au-dessus, et qui peu après le soulèvent en pompant l’eau. M. Rennie en a exécuté un énorme pour la marine espagnole; il est disposé de manière à ce qu’une fois soulevé, le navire puisse être balé à terre et laisser le dock libre pour en prendre un autre. C y a des systèmes dont le caisson est coulé entièrement, et se trouve maintenu horizontal par de grosses tiges articulées au fond de l’eau, d’autres ont des caissons divisés; mais tous ces Projets sont effacés par la manière remarquable dont fonctionne le dock hydraulique de M. Edward Clarck. Il présente deux ran- Eees parallèles, longues de 91 mètres et distantes de 18 m ,3, for- ™ees de seize colonnes en fonte enfoncées dans le sol; elles sont bo C UGS ’ et Une ^ or * e f raverse en tôle va de l’une à l’autre; chaque Om'lt; * e trave, se' est soulevé par une presse hydraulique de ^e diamètre et 7 n, ,62 de course, dont l’eau est pressée pai une machine commune. On place entre les colonnes un t,raru c laland en tôle, avec des traverses supérieures, on ouvre es soupapes de f ont i ü coule. Alors le navire est amené au- 442 EXPOSITION UNIVERSELLE IE LONDRES. dessus, il est coincé sur la partie supérieure et enlevé avec les pontons par les presses; l’eau se vide d’elle-méme, et lorsque le ÉBSil SiSill h !,; "V pm ülk T”vw ÊssaS ’i&ïT’.y. a?''*} If as m mm MM eu* f- l iï fond est à la surface, les soupapes sont fermées, les presses hydrauliques dévirées, tout flotte et le navire est conduit ailleurs 443 MATÉRIEL NAVAL ET MACHINES MARINES. pour se réparer, tandis que les presses en soulèvent un autre si c’est nécessaire. L’opération entière ne dure que vingt minutes, et pour le prix modique de 40 centimes par tonneau pour hisser, et 5 centimes pour chaque journée suivante. Cette méthode ingénieuse est applicable à toutes les dimensions de navires ; mais de môme que les bassins à sec ou flottants, elle doit coûter à peu près comme le fenbe des dimensions des navires à réparer. A l’aperçu qui précède il convient d’ajouter quelques détails sur les machines à vapeur spécialement destinées à la navigation, en ce que, bien que basées sur les mêmes principes que celles de terre, elles en diffèrent par les conditions toutes spéciales où elles sont placées, et parles dispositions qui en ont été la conséquence. En effet, la place occupée par une machine n’importe guère plus que son poids lorsqu’il s’agit de l’établir à terre, l’un et l’autre ne sont qu’une question de matériaux employés d’une manière plus ou moins utile; si les machines de mer présentent quelque analogie avec celles de terre, c’est tout au plus avec les locomotives qui, elles aussi, sont amenées par leur nature à peser peu et à être concentrées. Sur mer chaque mètre cube occupé par la machine est ravi à quelque chose d’utile; chaque tonneau empêche d’embarquer un poids correspondant de marchandises ou de munitions. Il a donc fallu dès le principe replier la machine sur elle-même, et à chaque modification chercher à économiser de la place et du poids, au point qu’après avoir eu les appareils à double balancier, on a réduit les organes et inventé beaucoup de dispositions dont les cylindres oscillants ont seuls survécu. Quand il s’est agi de l’hélice, on s’est débarrassé des énormes égrenages, longtemps regardés comme nécessaires à la rapidité de sa rotation, et le piston a été directement attelé à l’arbre du propulseur ; mais aussi on a imprimé à tout le mécanisme une rapidité de mouvement qui, vu l’énormité des puissances développées, présente aussi de graves inconvénients. fcn effet, nous avons sur mer des appareils de deux cylindres de 2-, 10 de diamètre et de t m ,30 de course chacun, qui battent jusqu à 50 coups doubles, et qui développent sur leurs pistons jusqu’à 3,400 chevaux de 75 k m . Ces appareils si puissants n’ont cependant q Ue 7,^,1 q dans le sens de la largeur, 6,90 dans celui de la quille, e t 4 m ,20 de haut, c’est-à-dire qu’ils tiendraient dans un parallélipîpbde de 206 mS On comprendd’aprèscela, etd’après 444 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. les conditions de légèreté imposées, combien le problème des machines marines a présenté de difficultés, depuis qu’on les confine au fond des cales pour être à l’abri du boulet, et cependant pour imprimer des vitesses de plus de 12 nœuds à des navires pesanto,600,000 kilogrammes. Ces dilficultés font aussi comprendre combien de mécomptes on a éprouvés, et combien ces appareils battant ' p' sont employées à faire circuler l’eau dans les condenseurs. La vapeur est fournie aux six tiroirs par un tuyau commun; lorsqu’elle a terminé son effet, elle s’échappe aux condenseurs d’une manière directe pour les cylindres extrêmes, et pour celui du milieu par des tubulures latérales qui entourent ensuite une partie du cylindre pour se rendre au gros tuyau de lâfclBUl W- bail VU chaque côté, l’our diminuer les effets fonds, reste delà surface des cylindres est en ’ ...eispe Celle-ci est par 1, vapeur arrivée directement de la chsmd, réchauffée dans la boîte à fumée par un appa n i aaues de tôle dont cependant les extrémités engagées ans j es boîtes sont conservées rondes ; l’alimentation passe a A fumée pour prendre un peu de la chaleur p rdue P a Je » de la combustion. C’est sur une surchauffe et suru beaucoup plus grande que d’habitude, produit p n ,»e sont basées les chances d'économies de cette drachme.^ faut cependant encore lui ajouter les condenseurs , u6rale _ caisses pleines de tubes, dont la surface totale êga » haudière ment celle de chauffe des chaudières; de la s °r e _ de dépôts ; reçoit toujours de l’eau douce et n’est pas encombr 448 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. mais les tubes du condenseur se couvrent promptement d’une légère couche de la graisse des tiroirs et des pistons qui diminue leur conductibilité et les empêche de condenser assez rapidement la vapeur. Aussi le vide diminue chaque jour et devient très-médiocre à la fin d’une traversée de peu de jours ; les paquebots de la Compagnie des Indes, partis avec 65 cent, de vide, n’en avaient pas 20 au bout de huit jours. De plus, les innombrables joints de tous ces tubes exposent à des fuites d'air, puisque leur intérieur est sans pression pour produire la force négative qui s’ajoute à celle de la vapeur sur le piston. C’est ce qui avait fait employer en Amérique 1 e double vacuum condenser de Pirsson, qui fait agir en même temps les condensations par contact et par mélange, afin d’avoir la même pression sur les deux faces des tubes. Pour éviter ces défauts, M. Benjamin Normand, du Havre, a eu l’idée d’adopter le refroidissement de l’eau de condensation elle-même, de sorte qu’il injecte directement comme à-l’ordinaire et que son réfrigérant tubulaire aies mêmes dimensions, mais ne fait pas de la force, par la différence de pression ; ce qui lui évite toutes chances de fuites, et, en cas d’avaries, il a la ressource de marcher comme le condenseur à mélange ordinaire. Avant de quitter le modèle de la machine à trois cylindres de Maudslay, il convient de donner un coup d’œil à son mouvement de tiroir qui, au lieu d’être opéré par le double excentrique, comme dans tous les appareils marins anglais, est effectué par un mouvement nouveau, dont la fig. 7 donne une idée. A est l’arbre à six manivelles des grands cylindres, a est celui qui, par une série d’excentriques e e, mène les tiroirs 111. Pour transmettre le mouvement de l’un à l’autre, il y a quatre roues dentées d’égal diamètre A ' cd a', les deux extrêmes montées sur les arbres, les deux autres entre les branches d’un double châssis b b qui porte leurs axes, est entièrement indépendant et tient les dents de ces roues en prise avec les autres au moyen d’un arc fendu et fixe, dans lequel glisse un bloc e comme pour les doubles excentriques des locomoteurs. Le support b b est abaissé ou élevé au moyen d’un balancier et d’un mouvement de vis V, que les mécaniciens manœuvrent avec la roue à manettes M. Si donc la machine est au repos et la roue A! fixe, et qu’on abaisse les deux roues mobiles, celle c sera forcée de tourner suivant la flèche, MATÉRIEL NAVAL DE MACHINES MARINES. 449 elle fera tourner d en sens inverse et a dans le même sens; or ,a' porte les excentriques, il fera donc mouvoir les tiroirs et les disposera pour la marche en avant par exemple. Quand A se mettra à tourner, toutes les roues conservant leurs positions relatives, la machine aura sa vapeur distribuée pour la marche en avant. Si, au contraire, on élève le tout, les roues prennent des mouvements inverses de ceux indiqués et renversent ainsi les positions des tiroirs par rapport à la course de piston. Au dire de l’inventeur, ce système produit la détente dans les positions intermédiaires, comme la coulisse Stephenson, et si son système a le défaut d’employer des engrenages qu’on ne voit jamais avec plaisir apparaître sur mer, il a au moins l’avantage de pouvoir être manœuvré en marche et sans craindre de secousses. Mais il ne peut être stoppé que par le registre comme avec les mécanismes usités par la marine; car la vitesse acquise du navire fait tourner f hélice et par suite l’arbre à manivelles du tiroir, qui, si son calage est changé, fait mal distribuer, mais ne peut être arrêté ni maintenu à mi-course. A Fig. 7. ... — mç, mais eue en a un muircuicu uc ijuo mo- os* 10n a serv * de base à ce que M. Mazelinea fait en France, sur 450 EXPOSITION ÜNITÉII9ÈLLE DE LONDRES. la gabare le Loiret potir profite! 1 clés avantages économiques du système à ddtible Cyfindi’é de Wolf, il fait arriver là vapeur dans le cylindre du milieu, et, comme les manivelles sont à 120°, il en résulte que l’üfl des cylindres latéraux est en avarice, l’autre en retard d’ufr quart de course, ét que ni l’un ni l’autre n’est en mesure dé recevoir la vapeur qui doit nécessairement trouver une issue i pour cela il existe en dehors des cylindres un réservoir ayant cinq fois environ le volume de l’un d'eüx, et qui est formé d’un long cylindre terminé par deux sphères, et enveloppé dans un vase semblable, afin qu’en circulant entre les deux, la vapeur arrivée de la chaudière s’oppose aux déperditions de ce réservoir, et soit elle-même protégée par une enveloppe en feutre. D’après cetté disposition, la vapeur sort du tiroir du cylindre milieu, et remplit le réservoir, pour en sortir par deux tutaux et agir dans les cylindres extrêmes. L'augmentation de volume du système de Wdlf étant dé la sorte produite par un nombre double de cylindres égaux, au lieu de l’êtré par un plus grand rapport des volumes, la détente dans les seconds cylindres est moins considérable ; mais c’est sans inconvénients, puisqu’on n’emploie que la pression réglementaire de 1 k .33 par centimètre carré. Il résulte de cette disposition que, dans la machine de M. Mazeline, l’économie est basée sur le genre d’action des machines de Wolf, tandis que dans celle de M. Maudslay, elle résulte de la surchauffe et d’une détente plus grande; les deux appareils profitent de la distribution d’effort sur trois manivelles, mais aussi présentent plus de complications. MM. Ravenhill et Salked exposent un modèle de machine à bielle en retour, dont ils ont fabriqué un grand nombre; tandis que MAI. Tod et Slac-Grégor, Alorrisson, Itennie et autres ont des appareils à hélice d’une faible puissance, dont les dispositions sont loin de valoir celles des premières. MM. Ilumphry et Tennant exposent un bel appareil, simple et solide, dont la bielle est à la suite de la tige du piston et par conséquent très-courte par le manque d'espace. La France avait, en fait de machine à hélice, un appareil de 400 chevaux exposé par les forges et chantiers delà Méditerranée, qui a aussi sa bielle en retour, mais diffère par la disposition de son condenseur, qui, loin de laisser la bielle à découvert, la guide dans un tunnel ; au lieu d’être en coquille, ses tiroirs sont en D, 1 MATÉRIEL NAVAL DE MACHINES MARINES. 451 comme ceux de Watt, et leur renvoi de mouvement, effectué par des engrenages et des pignons, se renverse si instantanément par l’obstacle d’un frein, qu’on préfère stopper par le registre pour manœuvrer une roue à mannettes quand la machine est arrêtée. Cette machine est très-bien exécutée, elle a des détails remarquables, mais elle est très-difficile à visiter. M. Nillus, du Havre, a exposé un petit appareil direct pour hélice, dont la pompe à air est à fourreau , menée par les tiges du piston et au fond duquel est le tourillon du pied de bielle, qui est inaccessible. Enlin, la Suède expose une machine de canonnière, remarquable par sa simplicité, en ce qu’elle produit les effets de la machine de Wolf, au moyen de deux cylindres concentriques, et n’a qu’une bielle et une manivelle son vireur est très-lourd et régularise le mouvement comme un volant. Elle a une mise en train très-simple, avec un seul excentrique, dont le callage, par rapport aux manivelles, est changé ù volonté, au moyen d’une rainure en spirale, conduite par un arbre intérieur, qui glisse suivant son axe, au moyen d’anneaux saillants pris dans les dents d’un pignon. Si, de ces machines, on passe à celles du commerce, on remarque que pour les roues à aubes les cylindres oscillants sont généralement adoptés, du moins pour les petits paquebots rapides, tels que le remarquable Cmnaught de M. Laird; car la grande compagnie Cunard a toujours conservé l’ancienne machine à balancier pour ses paquebots dont le service, entre 1 Europe et l’Amérique, est si régulier en toute saison. Une petite machine à double cylindre, exposée par la Suisse et destinée à ses lacs, offre une particularité, en ce que sa pompe à air est mue par une machine spéciale, ce qui ne peut être un avantage, dès que l’appareil principal n’a pas trop de vitesse, comme lors- Çl u d s’agit d’entraîner des roues. Enfin, pour le commerce, les sonuT** 8 ^ exposés par Tod, Mac-Grégor et Morrisson, ; e ’est-à-dire avec leurs cylindres renversés et sup- ar le b* 11 - ^ *° rles P^ 8 carrf ^ es servant de condeuseur et reliées pai e as au moyeu de la plaque de fondation ; les tiroirs et leur , lu entie les cylindres et rnenes par des excentriques p aces au-dessous. La pompe à air est conduite par un excen- nque ou mieux par le piston lui-même, et, comme ces machines 432 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. ont des condenseurs tubulaires, les supports de leurs cylindres sont joints entre eux de l’avant à l’arrière, pour offrir le volume nécessaire aux nombreux tubes de ce système. D’autres fabricants ont voulu faire profiter la marine de toutes les sources d’économie reconnues. Ils ont surchauffé la vapeur, l’ont détendue dans des cylindres séparés, et l’ont condensée sans mélange. Mais aussi on peut dire qu’ils ont accumulé toutes les chances de mécomptes de systèmes délicats, et qui, employés séparément, sont loin d’avoir réussi, quoiqu’il y ait longtemps qu’on les a essayés. M. Rowan a fait des machines à six cylindres renversés, disposés en deux groupes. Celui du milieu de chaque bord reçoit la vapeur de la chaudière et la détend dans ceux des côtés; un joug réunit les actions des trois tiges de piston, les fait marcher ensemble et transmet leurs efforts à la bielle et à la manivelle. MM. Elder et Randolph ont exposé des dessins détaillés d’un autre appareil, qui a donné de bons résultats économiques dans la mer du Sud il se compose aussi de deux jeux de trois cylindres; mais ils sont placés obliquement à 45°, sont aussi renversés, à bielle directe, et ont quatre pompes à air aux extrémités. Ce mécanisme est d’une complication qui porte à douter des éloges qu’on lui donne. Aussi est-il probable que celui qui, par sa disposition, a le plus de chance de réaliser les espérances conçues, a été exposé, sous forme de modèle fonctionnant, par MM. Humphry et Tennant. Comme le montre la figure 8, cette machine est ce qu’en marine on nomme à pilon ; les deux cylindres C et c du système de Woolf sont l’un au-dessus de l’autre et portés par quatre piliers carrés A A qui forment les condenseurs tubulaires. Les pistons sont liés par une même tige 11 qui va d’un cylindre à l’autre à travers une bague en acier, qui sort par un presse-étoupe en dessous du cylindre inférieur et s’articule à la bielle b; un montant à coulisse b' b' placé en arrière sert de guide à la tige. Pour se faire une idée de la manière dont fonctionne l’appareil, on a tracé à gauche sa section hypothétique; car le modèle n’était pas ouvert et les plans n’ont été vus que pendant quelques minutes à l’atelier. La vapeur arrive par le tuyau d, entoure les deux grands cylindres ainsi que les petits, et, par le côté, monte au tiroir supérieur T par une tubulure latérale qui n’est pas visible sur le dessin. Ce tiroir la distribue au pis- MATÉRIEL NAVAL Ilî MACHINES MARINES. M3 ton supérieur et, quand elle a fini son effet, elle descend à la boite du tiroir inférieur par une grosse tubulure latérale ce, est distribuée par le tiroir T et de là se rend au condenseur A. Celui-ci tmMi est formé d’une forêt de tubes verticaux en cuivre étirés au banc; ils ont 2 mètres de long et 0'“,015 de diamètre; leurs extrémités sont engagées dans des plaques de tête en bronze et elles y sont rendues éfanclies par un petit anneau de coton, pressé par une bague filetée en dehors et vissée dans le taraudage de la plaque de tête. Cette méthode est remplacée dans un autre condenseur de la machine à pilon de MM. Tod et Mac-Grégor par une grande feuille de caoutchouc de 0 ,n ,003 Tl’épaisseur, dont les trous, plus petits que les tubes, font rebrousser le caoutchouc, qui se louve pressé par une grande plaque épaisse et percée de trous toUde^ 61 ^ b resse- l° u P e ^ tous l es tubes à la fois. La surface cha VI GS ^ u ^ es c * e Humphry est à peu près égale à celle des vaut-les f T'^ U ^ eS ^° " el>s compris ; cette proportion varie sui- narce 3 lcailts ’ nia s H vaut mieux ne pas se tenir au-dessous, tubes e^ 110 ' 3 ^ ra ' sse diminue beaucoup la conductibilité des ten i 11 CX1 ^ e ^ ors Plus de surface pour que le vide soit main- nU ' ' a I ua tre pompes à air g g menées par des tiges g' per- 454 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. çant le dessous du cylindre dans un presse-étoupe; d’après la distribution des tuyaux elles aspirent probablement de l’eau par les tuyaux latéraux h h , la font circuler dans le condenseur et sortir par un tuyau opposé i i, tandis que d’après sa dimension le tuyau K K sert probablement à l’alimentation des chaudières, l’appareil n’ayant aucune pompe spéciale consacrée à ce travail. Telle est à peu près la disposition de cette machine dont la chaudière est en outre pourvue d’un surchauffeur et qui a donné des résultats assez satisfaisants sur la ligne du Pérou, pour qu’on en construise maintenant plusieurs autres. Elle est remarquable par la simplicité de ses renvois et de tout son mécanisme, surtout lorsqu’on la compare aux deux précédentes. Tels sont les types des machines marines de l’Exposition, et, pour terminer tout ce qui regarde les appareils spécialement destinés à la navigation, il reste quelques mots à dire sur le peu de propulseurs qui méritent l’attention. Ce sont les hélices Griffith avec leur grosse boule et leurs ailes tronquées sur les coins, dont la surface extrême, au lieu de s’opposer à la dispersion de l’eau, comme dans les hélices à cuiller de M. Holm, ou celles à cannelures de M. Vergne, présente au contraire un revers très-marqué qui repousse l’eau en dehors. A côté se trouve l’hélice tordue de M. Ilirsch, qui rappelle en partie le Boomerang propeller, imité d’une arme des sauvages de la Nouvelle-Hollande, consistant en une petite douvelle de barrique tordue, qu’on lance en tournoyant dans l’air jusqu’à une grande distance. L’amirauté a toujours conservé l’hélice Griffith ou celle à deux larges ailes, parce qu’elle tient avant tout à ce que le propulseur soit remonté dans un puits afin de ne pas nuire à la marche avec les voiles mais quelques navires marchands adoptent les quatre ailes. Cependant, d’après ce qu’il a été possible d’examiner, il est facile de s’apercevoir que la question importante des formes et surtout des proportions de l’hélice est loin d’avoir été étudiée avec autant de soin en Angleterre qu’en France. Il serait trop long de s’occuper des accessoires de la navigation ; peu méritent d’être mentionnés, si ce n’est le compas liquide de West, dont l’aiguille et la rose, noyées dans de l’esprit-de-vin, n’obéissent pas aux soubresauts du navire ou du canot et indiquent constamment la route; le liquide est comprimé par un fond à ressort. Les poulies en fonte malléable, plus 4ü5 MATÉRIEL NAVAL DE MACHINES MARINES. souple que la tôle et qui, à poids é$a, supportent de plus grands efforts. Les ancres n’ont rien de nouveau, ce sont les anciens types et ceux de Porter et de* Marti» j les chaînes n’ont rien de remarquable; l’amirauté n’en fabrique pas. Il y a cependant lieu de mentionner la chaîne Sisco dont les maillons sont formés de feuillard de barrique roulé en forme d’ellipse autour de la traverse ou étai, par un procédé très-simple. On a voulu arrondir et braser les couches de fer, mais on a probablement diminué la grande résislançe de ce système qui, pour les travaux de force exécutés à couvert, présente plus de sécurité qu’aucune autre chaîne, mais qui dans l’eau de mer ne serait bientôt plus qu’une masse de rouille. La marine française n’a exposé que des objets peu importants de beaux cordages de divers fabricants, les scaphandres et la lampe pour travailler au fond de l’eau, de M. Cabirol, remarquables par leur confection et leur prix modéré, des filets et engins de pêche, le cabestan et des chaînes de M. David du Havre, le modèle de la cale installée par M. Labat, pour haler les navires en travers à Bordeaux, et en avoir plusieurs sur la même cale, et enfin le procédé ingénieux employé par M. Bouquié sur les canaux de l’Est pour remorquer les bateaux sur une chaîne placée au fond, leur permettre de se croiser, de passer les écluses, et de transporter le moteur d’un bateau à l’autre. Les autres nations n’ont exposé rien d’assez intéressant pour qu’il y ait lieu d’en faire mention, En résumé, l’exposition maritime présente des sujets d’études très-importants, surtout en ce qui regarde les nouvelles formes des navires; mais ce n’est pas dans l’étude des objets matériels exposés sur les étagères ou sous les vitrines, qu’il faut puiser les instructions les plus utiles ; c’est plutôt dans la direction des idées qui ont amené à produire tant d’objets remarquables. C’est l’organisation intellectuelle de cette vaste industrie qui montre mieux la voie à suivre pour progresser. Il ne suffit pas aux nombreux Français qui ont visité l’Exposition de rapporter quelques cr °quis et quelques cotes de machines; il faut plutôt qu’ils reviennent avec le désir d’imiter cet esprit de publicité, de discussion approfondie et de communication constante des idées ou des faits, dont ils ont vu de beaux exemples dans les nombreuses sociétés industrielles, où ils ont été admis. Où en seraient l’élec- 456 EXPOSITION UNIVERSELLE UE LONDRES. tricité et la photographie si ceux qui s’en occupent ne répandaient pas leurs découvertes et n’avaient produit par la publicité la célérité merveilleuse avec laquelle ces nouveaux arts se sont perfectionnés. Si quelques industries ont l’avantage d’être concentrées dans des villes importantes, plusieurs manquent de centre et la marine surtout est complètement isolée, comme tous les arts l’ont été pendant le moyen âge elle n’a plus aucune annale, et elle est réduite à suivre de loin ce que publient les sociétés anglaises sur la mécanique et sur l’architecture navale. Aussi les marins ne doivent que plus de reconnaissance aux publications industrielles qui veulent bien donner place à quelques observations sur ce qui concerne la navigation actuelle. CLASSE 15. APPAREILS ÉLECTRIQUES, Pau M. E. BECQUEREL. La supériorité incontestable acquise depuis longtemps par les exposants français delà classe 13, dont quelques-uns ont prêté un concours si précieux aux savants dans leurs recherches, assignait à l’avance, à la branche de l’industrie qu’ils représentent, une des premières places à l’Exposition de cette année. En effet, à côté des appareils pour l’astronomie et la géodésie de M. Brun- ner construits avec toute la perfection possible, on trouve les instruments de précision de M. Perreaux; pour l’astronomie, la géodésie et l’art du dessin, les appareils de MM. Bardou, Balbreck, Colombi, Molteni, Gavard, etc. ; parmi les instruments d’optique on distingue les appareils exposés par M. Duhoscq, lesquels embrassent presque toute l’étendue de l’optique, puis les lentilles et les cristaux taillés de M. Bertaud, les microscopes de MM. Art- nack, ceux de les lunettes de M. Lebrun, etc.; parmi les appareils relatifs à l’emploi de l’électricité, on peut citer ceux qui sontexposés parMM. Breguet, Hardy, Dujardin, Serin, Digney, Mouilleron; comme constructeurs d’appareils de physique tels que balances, baromètres, on peut citer MM. Collot, Deleuil, Castré, Breton. Dntrmi. Naudet nnnr l’aeonstioue. M. Kœniar est phy 6 ' 1 ' a ^ an * ^ es a PP are H s relatifs à l’étude de cette partie de la tirer 1 attention. M. Lepaute et M. Sauter, nos deux habiles cons- d’ n ^ a PP are H s de phares, c’est-à-dire les représentants rnüü e n!! 1 l UStlae d’invention française qui prend de jour en jour 1*6 4- u u uuyuiou vjwi v*v> juut v** j- x e usion, ont exposé quelques-uns de ces appareils que on p ace sur presque toutes les côtes du globe; M. Roland, direc- 458 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. teur général des manufactures de tabac, a montré un spécimen des appareils régulateurs de température qu’il a imaginés et qui sont si utiles dans l’industrie; M. Berlioz, directeur de la compagnie l’Alliance, a fait placer dans l’annexe des machines un appareil magnéto-électrique destiné à la production de la lumière, et plusieurs des constructeurs précédents, auxquels on doit joindre MM. Derogy, Jamin, etc., ont exposé des objectifs photographiques. Nous aurions désiré voir figurer à l’Exposition plusieurs ingénieurs mécaniciens, parmi lesquels nous citerons notre collègue M. Froment, M. Rhumkorf, M. B. Bianchi, M. Paul Garnier, parce que leurs appareils, réunis à ceux dont nous avons parlé, auraient constitué une réunion presque unique en son genre, en embrassant dans leur ensemble les différentes branches de l’astronomie, de la physique et de la géodésie. L’Exposition, anglaise pour la classe 13, est très-nombreuse, mais elle est loin d’être aussi complète ; des instruments d’optique et des microscopes, d’une part, des appareils que des câbles de fils conducteurs de l’autre, tiennent la plus forte place; en dehors de ces deux spécialités, très-bien représentées du reste,, il y a peu d’objets à remarquer. Pour terminer cet aperçu rapide et avant de traiter certains points sur lesquels nous désirons surtout appeler l’attention, nous devons dire que parmi les objets exposés, on doit encore signaler particulièrement dans l’Exposition prussienne les appareils de télégraphie électrique de M. Siemens et Halske, elles tubes exposés par M Geissler q,ui ont servi, comme on le sait, à un très- grand nombre de recherches sur la production de la lumière électrique dans les gaz raréfiés; dans l’Exposition autrichienne, les objectifs photographiques de M. dans l’Exposition italienne les instruments de M. Amici et les appareils électriques de M. Bonelli ; dans l’Exposition belge quelques instruments de physique, parmi lesquelles nous distinguerons ceux de M. Gloesener. 1“ TÉLÉGRAPHES ÉLECTRIQUES. t- Les télégraphes électriques, depuis leur origine, bien que ne reposant que sur un petit nombre de principes fondamentaux, ont été modifiés fréquemment. Après le télégraphe à cadran et APPAREILS ÉLECTRIQUES. 459 celui à signes, adoptés à l’origine en France, et encore en usage dans les administrations des chemins de fer, est venu le télégraphe Morse plus ou moins perfectionné, qui est le plus générale- nient employé depuis plusieurs années, et qui est 1 une grande simplicité et d’un service très-facile. Déjà, à différentes reprises, on avait proposé de leur substituer des télégraphes imprimeurs, afin qu’il pût rester des traces de la transmission des dépêches, mais la plupart des appareils ne fonctionnaient pas avec une vitesse et une sûreté suffisantes, ou bien exigeaient une trop grande intensité électrique. Depuis plus d’un an, un télégraphe imprimeur imaginé par M. Hughes, professeur de physique .à New-York, et construit par M. Froment qui a apporté tous ses soins à l’exécution et au perfectionnement de cet appareil, n’a pas présenté les mêmes inconvénients que ceux qui avaient été proposés antérieurement, et marche avec une rapidité très-grande; il fonctionne avec la plus faible force électrique, puisque entre des stations éloignées il n’exige pas l’emploi de relais. Il est à regretter que cet appareil n’ait pas paru à l’Exposition universelle, car bien qu’il soit compliqué mécaniquement, quoique l'organe électrique qui le fait fonctionner soit très-simple, il donne d’excellents résultats, surtoutdans les grands postes télégraphiques, alors qu’il faut transmettre très-rapidement les dépêches. Mai6, en raison même de sa complication, il peut se déranger. C’est sans doute ce motif qui fait que pour la pratique courante le télégraphe Morse, modifié de manière à tracer les dépêches à l’encre d’imprimerie, n’a pas été remplacé jusqu’ici. Parmi les télégraphes imprimeurs exposés cette année, un des plus intéressants est celui présenté par M. Dujardin; le manipulateur de cet appareil ressemble à. celui des télégraphes ^ cadran, si ce n’est que dans son mouvement de rotation il envoie alternativement des courants électriques en sens contraire. Un appendice fixé sous le bouton de la manivelle permet, lorsqu’on j j.' sse cette dernière, d’interrompre le courant qui circule sur '8ne. C’est à ce moment que l’impression dans le récepteur P eut s’exécuter. tinctes^ C ^*- eUr se compose essentiellement de deux parties dis- / Une ^ P° ur objet de faire manœuvrer une roue à types, au it bé Caselli, auquel il travaille avec persé- ra nce depuis pi us i eurs années. Cet appareil construit par M. Fro- roent donne d’une manière très-simple et très-ingénieuse le moyen e tracer à l’une des stations le fac-similé d’un tracé fait à l’encre autre station. Cet appareil électro-chimique, plus parfait que ce ui de 11. Blackwell et que ceux du même genre qui avaient été proposés antérieurement, n’exige qu’un seul fil par paire d’ap- 464 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. pareil, comme les télégraphes ordinaires. Il faut espérer que dans certaines circonstances spéciales cet instrument ingénieux pourra être utilisé. Depuis l’établissement du câble sous-marin entre la France et l’Angleterre, des fabricants étrangers ont construit des câbles isolés, tandis que nos fabricants ne se sont pas livrés à cette industrie; aussi, à la dernière Exposition, aucune maison française n’avait exposé de ces produits ; cette année, M. Rattier a présenté des câbles de différents modèles, et sa fabrication, qui remonte déjà à cinq années, paraît permettre d’obtenir des fils convenablement disposés pour la transmission télégraphique sous-marine et souterraine. 2° APPAREILS D’INDUCTION MAGNÉTO-ÉLECTRIQUES. L’emploi de l’électricité comme force motrice n’a pu donner jusqu’ici que des machines de faible puissance dont le prix de revient est très-élevé, comparativement à celui des moteurs à vapeur environ 60 à 70 fois plus fort, dans les meilleures conditions de rendement. Il n’en est pas de même des appareils d’induction magnéto- électriques, qui sont la contre-partie des moteurs électriques, et qui ont pour but de produire de l’électricité à l’aide du mouvement relatif d’un conducteur et d’un aimant dans l’annexe de l’Exposition se trouvent deux machines de ce genre donnant toutes deux de l’électricité par le mouvement de rotation de bobines passant contre des pôles de puissants aimants artificiels. L’une appartient à une compagnie française représentée par M. Berlioz, directeur, et par M. Joseph Van Malderen, mécanicien; l’autre est exposée par une compagnie anglaise représentée par M. Holmes. L’appareil français est disposé pour la production de la lumière •électrique, et sans l’addition d’aucun commutateur pour redresser les courants électriques. Ainsi, il utilise les courants d’induction alternativement renversés, ce qui permet d’attacher les conducteurs sur l’arbre même de l’appareil en rotation. C’est une importante innovation introduite depuis plusieurs années dans la construction de cet appareil. La machine anglaise est pourvue d’un commutateur; cette APPAREILS ÉLECTRIQUES. S disposition, nécessaire lors de l’emploi de ces appareils pour la galvanoplastie, n’est nullement avantageuse pour la productionde la lumière, qui est la seule question abordée cette année par les personnes qui présentent ces appareils. Sous ce rapport, la machine française est donc préférable. La place occupée par ces machines à Londres n’a pas permis de chercher quel est le pouvoir éclairant de l’arc voltaïque obtenu avec un régulateur de lumière électrique lorsqu’on dispose les bobines et les fils de diverses manières, et avec différentes vitesses de rotation. Nous ne pouvons que rapporter les résultats des expériences faites à l’administration des phares de Paris avec ufie machine appartenant à la Compagnie française, mais un peu différente de celle qui est exposée. La machine française exposée est composée de 2 parties pouvant fonctionner séparément ou simultanément à volonté, et formées chacune de quatre rouleaux à 8 bobines par rouleau ; cela fait 32 électro-aimants par machines, ou 64 en totalité. Celle qui a servi aux expériences dont nous parlons ci-après a 6 rouleaux, chaque rouleau ayant 16 électro-aimants ou 96 électro-aimants et 56 aimants pour la machine entière. Chaque aimant permanent pèse 12 k ,5 et il peut porter environ 3 fois son poids. La machine qui a donné lieu aux observations suivantes était mise en mouvement par une machine à vapeur qui, dans une première série d’expériences, avait la force d'un cheval £ environ et consommait 6 kil. de coke pat heure ; dans une seconde série, la machine à vapeur avait la force de 2 chevaux et consommait 9 kil. de charbon par heure. Les courants induits alternativement inverses étaient transmis à un régulateur électrique du système de M. Serrin ^donnant automatiquement le recul des charbons entre lesquels se produit l’arc voltaïque. flans la seconde série, on a trouvé par heure, en divisant par / >t- ' .4. . • bon plus pur charbon préparé par M. Curmer... . de 800 à 880 près de 1300 n on a déduit l’intensité lumineuse en bougies, de l'intensité d’une lampe Carcel brûlant 42 gr. d’huile à l’heure et estimée équivalente à 7 ^ ou 8 bougies. On voit que pour une dépense relativement très-minime, celle qui donne le prix de la houille ou du coke nécessaire pour produire par heure la force d’un cheval dans une machine à vapeur, on a avec le régulateur de lumière électrique une intensité lumineuse soutenue égale au moins à 700 bougies. Il est intéressant de comparer le prix de revient de cette lumière à celui des lumières produites par les moyens ordinaires. On a, en effet d’après les recherches que nous avons faites sur ce sujet SOURCES UJ MINEUSES, j POIDS UES MATIERES consommées par heure, pour une intensité lumineuse correspondant à 1 bougie stéarique. PRIX DK REVIENT 1 de la lumière équivalente A 700 bougies stéariques purheure* OBSERVATIONS. Lumière électrique appareil de 0 f .10 à 0',20 magixéto~électrique] .. 4, a ld. Pile voltaïque de 60 à 80 éléments. a de 3 à 5 francs. Gaz de iâbouille. 15 litres. 3',20 Au prix de 0 f ,30 le mètre Huile de schiste légère.... 4P, 5 2 3',85 cube départ}} 1 Huile de colza épurée. 5 r ,IO 6', 10 Au prix de l f ,70 le kil. 10* r ,5’5 12',60 AupHx dé kil. Bougie stéarique. I0 r ,40 2'fl',ÏO K\i fHx de 3*,ÿ0 W kil, Bougie de cire. 8* r ,26 32', 40 Auprix’de 5 f 60 le kil. On voit donc que, comme source lumineuse, celle qui résulte des courants magnéto-électriques est la moins coûteuse, mais pourvu que l’on produise une lumière très-vive en un point donné et APPAREILS ÉLECTRIQUES. 467 qu’on utilise toute cette lumière, car la division de la lumière si nécessaire aux Circonstances habituelles de l’éclairage public n’est pas’possible par ce procédé. Ce n’est donc que dans des cas spéciaux qu’elle peut-être actuellement utilisée. Il faut espérer que lès appareils d’induction qui ont déjà été employés pour le dépôt électro-chimique des métaux, vont trouver à généraliser leur usage, non pas par exemple lorsqu’il s’agit du dépôt d’un minéral tel que le cuivre dans des circonstances où l’où compté avec, le'prix de revient de la force électrique employée car à l’aide de ces appareils l’électri'cité produite a une forte tension et est én très-faible quantité, mais bien comme lors du dépôt de l’or et de l'argent, car le prix de revient de-la force employée est compté pour peu de chose, et la valeur de la main-d’œuvre l’emporte de beaucoup sur celle des matières déposées. ' 3" RÉGULATEURS ET APPAREILS MAGNÉTO-ÉLECTRIQUES DIVERS. On doit distinguer, parmi les appareils électriques exposés par les fabricants français, des instruments très-divers dont les dispositions nous ont paru préférables à celles que l’on trouve dans les expositions étrangère M. Hardy a exposé le chronoscope au moyen duquel M. Martin de Brettes, chef d’escadron d’artillerie, a pu étudier la marche des projectiles et résoudrè simplement plusieurs questions im- . portantes de balistique Cet appareil est basé sûr le mouvement uniforme d’un cylindre qui est régularisé panun pendule conique et sur le tracé de points sur le cylindre à l’aide d’étiBcelles fournies par un appareil d’induction;Ce tracé est infiniment 'préférable à celui qui 'Consiste à faire usage d’un pendule, lequel aux différentes positions de son mouvement oscillatoire donne lieu au même effet, car lefe formules à l’aide desquelles ort déduit le temps qui sépare deux instants donnés, de l’espace angulaire qui sépare deux points tratés par ce pendule, sont très-compliquées; il'n’en est pas de ihême dans l’appareil de M. Martin de Brettes, puisque le pendule est doué d’un mouvement uniforme. . -i, Nous devons ajouter que nous avons vu, dans les ateliers de M. Froment, un appareil différent du précédent, construit avec 4fiH EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. une extrême précision et formé, dans sa partie essentielle, d’un cylindre dont le mouvement est régularisé d’une autre manière. Mais le tracé sur la surface s’elfectue de même dégraissée elle comporte naturellement, Cottirtte jè l’üi fait observer pouf l'argile de Stourbrige, la JüahtittS de sàble faé- cessaire pour diminuer sa plasticité. Dans quelques endroits, cependant, on sépare, après qu’elles se sont délitéèS, lèà masses d’un aspect plus sableux pour les mélanger, à Volumë égal, aux variétés plus franchement plastiques; c’est aiitsi qu’à Glaâ- cott-Colliery, j’ai vu mélanger, à parties égales, les variétés atiai- lysées sous les numéros 2 et 3. Après les observations générales qui viennent d’être présentées, je ferai remarquer que le laminage semblé, au moins po'iir les briques communes, donner un façonnage économiquè. MM. Cazenave et Jardin avaient exposé leur machine ; elle fonctionnait dans l’annexe, section française. La pâte, comprimée entre deux cylindres, s’échappe sôus forme d’une nappe continue de l’épaisseur dè la brique. Unè disposition ingénieuse permet au fil qui débite les briques de suivre un plan vertical, bien qu’il soit aWinié d’un mouvement de translation. A cet effet, il est guidé par un mentonnet placé en tête de la planchette sur laquelle la brique Se trouve déposée. On a* remarqué leur moyen très-simplé de faire agir verticalement le fri qui débite les briques à' longueur voulue, dan's urt'é' direction perpendiculaire au mouvement de translation de la' nappe de pâte. Il résulte d’expériences faites aux ateliers du chemin dé fér dlê' Toulouse à Tarbes, que trois hommes et cinq ertfants, paVé^ ensemble 11 fr., peuvent mouler en une journée dé' dix héures* 12,780 briques , modèle dé Bourgogne, soit 1,000'briques p’étit 0 r >86'; les briques sortant dm laminoir sont d’une grande putété’ de lignes et bien 1 conditionnées. La tefre employée par la 1 ihà- ehine peut avoir plus de consistance que celle qu’on emploie dans le moulage à la main, ce qui permet de les placer de suite sur champ et de moins encombrer les ateliers. La dessiccation est d’ailleurs plus rapide ; la retraite que prend la brique est bè’atl- coup-plus faible. façonnage mécanique des tuyaux. L’Angleterre fabrique encore’ aujourd’hui de grandes quantités de tuyaux pour drainage et 1 conduites d’eau. Les machines à taire les tuyaux de drainage sont connues. Nous signalerons’ cependant uile légère modification 496 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. que les constructeurs anglais ont apportée depuis plusieurs années aux dispositions de leurs machines. Au-dessus de l’ouverture qui laisse échapper la terre moulée sous la forme voulue, ils ont disposé deux ou trois réservoirs qui contiennent de l’eau et qui l’instillent goutte à goutte sur les surfaces à leur sortie de la filière ces surfaces, constamment lubrifiées, sortent plus nettes et moins déchiquetées. Peut-être une émulsion d’huile commune remplirait-elle avec plus d’avantages ces mêmes fonctions. Lorsque les tuyaux ont un diamètre assez considérable, il faut les faire au moyen d’appareils placés verticalement. On connaît la disposition générale au moyen de laquelle on les façonne; sous ce rapport, je n’aurais rien à dire, si je n’avais vu dans deux ou trois ateliers des tuyaux à grand diamètre obtenus entièrement par la machine; le renflement supérieur se moule en même temps que le tuyau lui-même. On n’ignore pas qu’ordinairement ces emboîtements sont rapportés et faits après coup ; cette pratique augmente notablement le prix de revient. Pour bien comprendre comment l’appareil fonctionne, il suffit de décrire la partie inférieure du cylindre par lequel la pâte est façonnée. L’ouverture pratiquée dans le fond, obtenue par un noyau central, donne le plus grand diamètre du tuyau; le noyau central descend d’une certaine longueur pour faire l’emboîtement , il est entouré pendant que le piston descend d’un anneau circulaire qui s’ouvre en deux par un assemblage à charnière, à la tin de l’opération, quand la portion du tuyau qui présente la plus petite section se trouve complètement dégagée. Cette sorte de collier forme, quand il est fermé, la filière qui façonne le tuyau. Lorsqu’il est ouvert, l’orifice moule l’emboîtement par la même manœuvre. Quand le tuyau sort du cylindre à longueur, un fil le découpe en passant au-dessous du noyau lui-même, plus bas que le fond du cylindre. La manœuvre de l’appareil est, du reste, identique à celle des cylindres ordinaires. La charnière autour de laquelle tournent les deux parties de l’anneau est fixée solidement au fond du cylindre. La réunion des deux parties du collier est obtenue par une sorte de griiïe, de crochet ou de verrou, capable de résister à la pression considérable exercée parle piston. Moulage des briques en pâte ferme. L’idée de mouler les briques 497 PRODUITS CÉRAMIQUES. en terre presque sèche n’a pas été perdue de vue. L’Exposition de Londres contenait un modèle d’un semblable système inventé par M. W. Wilson, îi l’usine de Campbell-Field, près Glascow. La pâte pulvérisée et sèche est introduite dans une chambre remplie de vapeur; l’eau qu’elle peut condenser, suffit pour l’hu- mecter partiellement et lui donner la plasticité nécessaire'à la facilité du travail, sans que la pression devienne trop considérable. Les moules qu’on charge de la pâte ainsi préparée sont placés sur une couronne qui tourne autour d’un axe vertical; leur fond est pressé par-dessous contre une plate-forme fixe et résistante. La pression est réglée par un plan incliné; ce dernier force chaque refouloir à pénétrer de plus en plus avant dans la cavité qui forme le moule; il paraît que cette machine est capable de donner des briques d’excellente qualité, bien faites et préparées pour recevoir presque immédiatement l’action de la chaleur. La fabrication est régulière; elle est représentée comme devant être très-économique. Façonnage des poteries fines. Depuis la dernière Exposition de Paris, le tour automoteur a reçu de grands développements la difficulté n’était pas de relier le tour directement avec un arbre commun dérivé de la force motrice générale, et faisant tourner simultanément tous les tours d’un même atelier; il fallait trouver une disposition simple, permettant au tourneur de changer rapidement et à volonté la vitesse de son tour pour la mettre en rapport avec l'état d’avancement de son travail. 11 semble qu’en Angleterre l’appropriation du tour automoteur mécanique se soit faite d’abord dans les ateliers de fabrication des grès cérames. La magnifique exposition de MM. Doulton et Watt, de Lambeth près Londres, comprend une série très-remarquable de pièces tournées; elles sont le résultat de l’emploi d’un tour qu’on a pu voir fonctionner dans la Galerie des machines. On sait que dans les tours ordinaires employés â la fabrication des faïences, la girelle est mise en mouvement par un enfant, ou comme .en Angleterre, quelquefois par une femme. Le tour exposé présente cet avantage que, directement mû par le moteur général de l’établissement, le tourneur, au moyen de mécanismes très-simples, peut régler lui-même la vitesse de son tour et Tarin, 32 49X EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. rêter tout à fait lorsqu’il le juge convenable. A cet effet, une pédale sur laquelle il peut agir sans changer de place, fait embrayer en même temps qu’une sorte de griffe avance ou recule à volonté la courroie qui met en mouvement deux cônes placés horizontalement; leurs sommets sont en sens inverses. La vitesse du tour est donc en rapport avec la place qu’occupe la courroie de transmission sur les deux cônes dont l’un communique avec l’arbre du tour et l’autre avec le moteur général. Chez M. Vieillard, de Bordeaux, la variation instantanée dans la vitesse est obtenue par un cône de friction agissant sur le volant du tour et qui se déplace en avançant plus ou moins vers le centre, suivant qu’on veut modifier la vitesse de rotation. Il est ê remarquer que les procédés de tournage'deviennent extrômeinentexpéditifs lorsqu’on réunit la méthode du calibrage à l’emploi du tour automoteur ; on évite généralement alors les dépenses du tournassage ; il suffît d’un réparage que des enfants peuvent exécuter avec assez de soins pour terminer des pièces de vente courante, comme vaisselles et services de table. C’est par le secours de ces moyens mécaniques très-bien compris que l’Angleterre a pu voir dépasser à son exportation de poteries le chiffre de 35 millions. Façonnage des porcelaines par le procédé du coulage. Si l’on ne trouva pas dans l’exposition française, et môme dans l’industrie céramique de notre pays, cette grandeur de ressources que nous rencontrons si frappante dans l’industrie anglaise, on est néanmoins frappé de suite des détails qui nous font à juste titre passer pour être plus inventifs que nos voisins. Une étude de la céramique, considérée maintenant à ce point de vue, va nous permettre de continuer l’exposé des progrès réalisés depuis le commencement du siècle, et que le travail de la Commission française de 1851 a dû suspendre en 1850. Plusieurs de ces perfectionnements sont dus à la Manufacture de Sèvres; elle n’est pas restée en dehors de son programme. Fournir libéralement à l’industrie privée des modèles de bon goût, éclairer la fabrication particulière en essayant les procédés nouveaux, corrigeant les anciens, étendant le champ si vaste cultivé par le potier de terre, telle est sa raison d’être; rester utile, tel est son but pour répondre dignement à la volonté souveraine du Prince PRODUITS CÉRAMIQUES. 49» qui supporte toutes les charges imposées par les Manufactures impériales. Fidèle à son passé, l’établissement de Sèvres avait exposé dans le palais de Kensington le résultat d’efforts considérables; le concours de l’art pur a mis en relief les matériaux préparés par l’élément scientifique. L’utilité de Sèvres n’est contestée par personne; les progrès et le développement delà fabrication française démontrent que son exemple est suivi; nous disons avec orgueil pour les artistes qui travaillent dans la Manufacture impériale qu’ils sont imités, même à l’étranger; l’exposition anglaise prouve l’influence qu’ils ont exercée depuis 1851. Les procédés de coulage sont appliqués avec succès depuis plus de dix années au façonnage des pièces minces et des pièces de grand diamètres; ils ont été perfectionnés par l'application du principe des pressions ; l’air comprimé ou l’air raréfié interviennent, suivant les cas, pour empêcher la déformation; ils concourent à maintenir tantôt le contact à l’intérieur du moule, par une pression intérieure, tantôt l’adhérence indispensable pour un moulage parfait, par une diminution dépréssion à l’extérieur du moule ; on obtient, en même temps, le raffermissement au moyen d’une sorte de succion. M. Silberman jeune a pensé pouvoir utiliser cette même méthode dans la fabrication des faïences fines imprimées ; en supposant que le moule soit creux et qu’il porte l’empreinte d’un dessin quelconque, cette empreinte étant chargée de couleur étendue d’une gomme miscible à l’eau, la croûte peut être appliquée sur ce moule; une compression convenable exercée il l’intérieur du moule façonnera la pièce et l’imprimera d’un seul coup. Il suffit de boucher le moule par une plaque qui ferme hermétiquement ; des sphères entières peuvent être faites ainsi. Sculpture pâte sur pâte. On se rappelle que Sèvres a produit, il y a dix ans, des pièces remarquables que beaucoup de fabricants ont imitées avec succès; les pâtes céladon avec reliefs, pâte sur pâte, sont devenues des types que l’on reproduit partout. L’exposition actuelle offre une grande variété de porcelaines colorées par des oxydes nouveaux ; à l’oxyde de chrême, seul usité dans l’origine, on ajoute actuellement les oxydes d’urane, de tungstène, de cobalt, de fer, de manganèse et de nickel; seuls ou 800 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. mélangés, ils conduisent à des résultats remarquables, et non-seulement on obtient des effets monochrômes intéressants, mais encore on peut faire des sujets peints et colorés qui, ne nécessitant qu’une cuisson, donnent, en quelque sorte d’un seul jet, des poteries décoratives d’un mérite véritablement artistique. Mais il y a là de grandes difficultés à vaincre pour atteindre la perfection d’une industrie courante ; l’introduction dans la pâte de certains oxydes modifie la retraite et la fusibilité ; il faut corriger les pâtes colorées, afin de les ramener aux propriétés primitives de la pâte blanche. Ce n’est que par des tâtonnements longs et pénibles qu’on peut espérer arriver à des résultats satisfaisants. On ne peut les multiplier qu’en procédant méthodiquement et du simple au composé; l’exposition d’une série d’échantillons préparés avec grand soin fait voir ce que l’on peut attendre de semblables moyens. La seule modification des proportions dans la composition de certaines pâtes a conduit à la préparation d’une matière remarquable par les nuances roses qu’elle prend à la lumière artificielle. De grands vases à fond uni ou à reliefs blancs sur fond vert-olive, vus à la lumière d’une lampe, paraissent rouge-rubis ; ils forment des effets nouveaux dont l’industrie ne tardera certainement pas à s’emparer bientôt. Les études faites à Sèvres sur la cuisson à la houille ont conduit à croire qu’on pourrait tirer un grand parti, pour la coloration au grand feu, de l’action qu’exercent sur les oxydes ou les silicates métalliques les gaz au milieu desquels on peut les maintenir à la température rouge. L’expérience a montré que des pâtes colorées par certains oxydes prenaient, après leur cuisson, des nuances différentes, suivant la composition de l’atmosphère au sein de laquelle elles étaient cuites. En employant donc, à volonté, pour une pâte donnée, des atmosphères oxydantes, neutres ou réductrices, on produit des couleurs variées dont quelques-unes au moins sont entièrement nouvelles les poteries ainsi faites ont un caractère essentiellement céramique. Le chrême donne des bleus clairs, d’une nuance très-agréable, dans une atmosphère réductive , parce qu’il reste à l’état de protoxyde; tSmsnne atmosphère neutre, ù donne à l’état de sesquioxyde les verts de chrome ou le céladon quand il est en très-petite quantité. Dans une atmosphère oxydante, une partie de l’oxyde se PRODUITS CÉRAMIQUES. SOI suroxyde et la pièce prend au jour des tons d'un vert foncé avec îles reflets pourprés; mais elle devient d’un rouge pourpre à la lumière artificielle des lampes ou des bougies. L’urane donne une belle couleur jaune au feu oxydant, un vert plus ou moins foncé dans une atmosphère neutre , enfin dans Vatmosphère réduisante des rouges bruns, clairs ou foncés, suivant la proportion de l’oxyde. C’est avec des mélanges, en certaines proportions, d’oxyde de chrôme et de pechblende, qu’on a pu préparer les vases à nuances changeantes, décorés de sculpture en pûtes rapportées, qui figurent parmi les pièces les plus importantes de l’Exposition de 1862. Ces exemples, auxquels on pourrait en ajouter beaucoup dau- tres, montrent l’importance qu’il y a pour les arts céramiques de pouvoir modifier à volonté l’atmosphère particulière dans laquelle doit se placer chaque pièce décorée, bien qu’elle se trouve au milieu d’un four qui est surtout rempli de pièces blanches de service. La Manufacture de Sèvres a réalisé ces diverses conditions par des moyens qu’il serait trop long d’énumérer ici. § 4. PUOCÉDÉS DE CUISSON. La forme des fours dans lesquels on cuit en Angleterre les différentes poteries que le commerce fournit est trop connue pour que nous nous y arrêtions ici. Toutefois, je ferai remarquer que les tuyaux de drainage, les briques et les terres réfractaires sont quelquefois cuites dans des fours spéciaux dont la forme n’est plus celle des fours ordinaires usités dans le StaU’ordshire pout la cuisson des poteries. Le four est toujours cylindrique, mais alors le profil se rapproche davantage des fours employés en France. Les foyers, au nombre de six, sont placés û la circonférence et débouchent dans des cheminées ou carnaux qui s’élèvent intérieurement jusqu’à la voûte du four; les produits de la combustion lancés de la sorte dans la partie la plus élevée du four traversent en descendant les produits à cuire, ordinairement placés dans le four en échappade ou les uns sur les autres, sans encastage; ils s’engagent ensuite dans une cheminée centrale et commune pour être rejetés dans l’atmosphère. J’ai vu vingt de ces appareils dans un seul établissement. 02 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Il s’est produit à Londres, autour des fours exposés par M. Siemen, une certaine émotion. Les fourneaux de cet inventeur sont appliqués, quant à présent, à la fabrication des verres à vitres et de la glace; ils sont en pleine activité dans l’usine de MM. Chance de Birmingham, et dans la C ie des British-plate-glass. On les a proposés pour la cuisson des briques et des poteries ; ils ont été usités en métallurgie pour le puddlage du fer et dans les usines à gaz pourdistiller les houilles destinées à l’éclairage. Je ne puis encore réunir ici les documents que j’ai réclamés; je le ferai d’ailleurs plus utilement dans la note relative à la Verrerie, qui paraîtra bientôt. Dans tous les cas, il résultera des essais et tentatives dus à M. Siemen quelques notions intéressantes bien capables de modifier, dans de nombreuses circonstances, les conditions dans lesquelles on utilise aujourd’hui les combustibles solides. 5. PROCÉDÉS DE DÉCORATION. En abandonnant la fabrication proprement dite pour étudier la décoration, nous aurons à citer plusieurs observations intéressantes qui se sont produites depuis 1851. Dorure brunie. Il est assez singulier que les procédés de dorure employés en Angleterre, au moins dans le Staffordshire, ne ressemblent en rien à ceux qui sont répandus en France, en Allemagne, en Belgique. Les décorateurs anglais ne semblent connaître ni l’or au mercure, ni l’or à la couperose; ils ne font pas usage de l’or précipité chimiquement. Je crois qu’on a renoncé dans les Poteries à l’usage du métal divisé par précipitation simplement parce que les conditions à remplir pour avoir une matière d’un emploi facile, douce à étendre, ductile et couvrant bien, n'étaient pas nettement définies. Je renvoie, pour l’indication de ces conditions, au volume II de ce Recueil, page 717. Il faut ajouter à celles que j’ai déjà prescrites, celle peut-être plus indispensable encore, de ne faire usage, pour précipiter l’or par la couperose, que d’une dissolution très-étendue de sulfate de protoxyde de fer. L’or dont on se sert en Angleterre est exclusivement de l'amalgame. On prend huit parties de mercure et dix parties d’or; on agite le tout avec assez de vitesse dans un petit moulin mû méca- PRODUITS CÉRAMIQUES. 303 niquement. Cet amalgame est gris. Quand on veut faire de la dorure économique, on ajoute à cette poudre une certaine quantité d’oxyde rouge de mercure; le dissolvant est l’essence de goudron; elle brûle plus facilement que l’essence de térébenthine. Cette pratique explique pourquoi les moufles n’ont pas de tuyau pour conduire au dehors les vapeurs provenant de la combustion des huiles essentielles. L’or est en général fourni par les marchands de Londres; on l’a traité par le mercure, puis coulé dans l’eau et repris par l’acide azotique pour éliminer le mercure. Cependant l’or en coquille est acheté chez les batteurs d’or de Paris. Dorure brillante. Le fait le plus capital dont nous devions parler est l’application inlroduite en France des procédés au moyen desquels on supprime le brunissage par la dorure sortant toute brunie du moufle. MM. Dutertre frères ont les premiers fait connaître un procédé qui donne d’excellents résultats, et qui a contribué d’une manière très-efficace au développement de la porcelaine d’exportation. MM. Dutertre frères font plus d’un million d’affaires, et ce chiffre ne porte que sur la façon ; ils reçoivent il forfait la porcelaine blanche et la livrent toute décorée. L’or sans brunissage a permis de décorer richement certaines pièces à dessins contournés, dans l’intérieur desquels le brunissoir n’eût pu pénétrer; la préparation décrite par MM. Dutertre a été le point de départ d’une foule de recettes qui concourent toutes à former un produit qui est encore à l’état de secret en Allemagne, là où fut découverte la dorure brillante. Cette dorure brillante, ou dorure Dutertre, comme on la désigne généralement en France, était exposée par M. Iîattier, de Limoges; le jury n’a pas cru devoir accorder à cet exposant la médaille qui ne pouvait appartenir qu’aux frères dutertre; si MM. Dutertre avaient exposé sous leur nom, cette récompense leur était décernée. J’ai déjà fait apprécier dans ce Recueil , page 726, volume II, la valeur des procédés de MM. Dutertre ; nous n’avons pas à reproduire ici la description de leur méthode puisque nous l’avons donnée déjà d’une manière suffisamment détaillée. Lustres nacrés. Rien n’est plus simple que les principes qui ont été révélés par MM. Dutertre pour fabriquer leur dorure; ils se 804 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. résument ainsi, comme on le sait préparer un liquide huileux pouvant se charger d’or, le conserver à l’état tluide, le déposer ensuite, sous l’influence de la chaleur qui brûle les parties organiques, sous forme d’une couche mince métallique apparaissant avec la couleur et l’éclat du métal le plus précieux que nous connaissions; ces principes ont été mis à prolit par M. Brianclmn, pour obtenir des lustres brillants et nacrés qui sont excessivement remarquables. Les oxydes de fer, de plomb, de bismuth, d'urane, d’argent, substitués à l’or dans des réactions analogues à celles jue MM. Dutertre ont dévoilées, conduisent aux elfets les plus surprenants, soit qu’on emploie ces agents seuls, soit qu’on opère par superposition sur des fonds blancs ou sur des tonds de couleur. Non-seulement M. Brianclmn a reproduit ainsi les tons naturels de la perle et de la nacre blanche, mais il a fait l’imitation la plus satisfaisante qu’il soit possible de réaliser des nuances irisées qu’on rencontre quelquefois sur certaines coquilles de couleurs foncées. L’exposition de MM. Gilet et Brianclmn se fait remarquer par un ensemble complet et un cachet de nouveauté qu’on ne trouve nulle part. En effet, outre les lustres d’or, nommés buryns , et quelques nuances tirées du plomb et de l’argent, nous ne connaissons dans ce genre que le lustre de fer imitant la dorure, dont la manufacture de M. Million fait un emploi journalier pour filer des assiettes de faïence fine et d’autres pièces de service. Il ne sera pas inutile de faire connaître en peu de mots les données qui servent de base aux procédés de M. Brianclmn. Sa méthode comporte deux opérations distinctes la préparation des fondants et celle des colorants; ces derniers, une fois obtenus, s’ajoutent aux fondants dans des proportions variables et déterminent par là les teintes les plus variées. Les fondants qui servent à glacer les oxydes et les sels mé- talliques sont les sels de bismuth et de plomb; les premiers sont préférables ils supportent beaucoup mieux et sans alté- ration les hautes températures; leur préparation comme fon- dant est, du reste, exactement la même. On prend 10 parties de nitrate de bismuth cristallisé, en poudre, 30 parties de résine d’arcanson ou de colophane, et 75 parties d’essence de lavande ou toute autre essence ne four- nissant pas de précipité dans le mélange. On procède ainsi PRODUITS CÉRAMIQUES. .>05 Dans une capsule qui repose sur un bain de sable chauffé graduellement, on met les 30 parties de résine, et à mesure qu’elle fond, on verse petit à petit les 10 parties de nitrate de bismuth, tout en remuant pour bien incorporer les deux substances; dès qu’elles commencent à brunir on verse, au fur et à mesure, 40 parties de l’essence de lavande, et on continue d’agiter le tout alin de produire le mélange intime et la dissolution des substances, après quoi la capsule est retirée de son bain de sable et refroidie graduellement; c’est alors qu’on ajoute les 35 parties restantes de l’essence de lavande, puis on laisse refroidir quelques heures, autrement l’emploi en serait difficile et inégal. bes sels ou oxydes métalliques qui concourent à la formation des colorants sont ceux que la chimie inorganique a fait connaître, tels que les sels de platine, d’argent, de palladium, de rhodium, d’iridium, d’antimoine, d’étain, d’uranium, de zinc, de cobalt, de chrôme, de cuivre, de fer, de nickel, de manganèse, et quelquefois même d’or, pour produire ou les riches teintes des coquillages, ou les reflets du prisme. Pour préparer un colorant jaune, on opère ainsi Dans une capsule chauffée par un bain de sable, on fait fondre 30 grammes de résine d’arcanson, à laquelle on ajoute, lorsqu’elle est sur le point d’être fondue, 10 grammes de nitrate d’uranium en poudre, et, pour faciliter le mélange, 35 à 40 grammes d’essence de lavande; lorsque la matière liquide a été rendue homogène par l’agitation, on retire la capsule du feu et on ajoute à nouveau 35 ou 40 grammes d’essence de lavande. Ce colorant, mélangé par parties égales au fondant de bismuth et appliqué au pinceau sur l’objet, fournit une préparation qui, après cuisson, donne un ton jaune. On obtient un colorant rouge-orange ou nankin, en faisant fondre, comme ci-dessus, 15 grammes de résine d’arcanson; après fusion, on verse 15 grammes de nitrate de fer concassé et 18 grammes d’essence de lavande. Ces additions se font peu peu et en ayant soin d’agiter; lorsque le mélange est convenablement homogène, on retire du feu et quand le tout est suffisamment refroidi, on ajoute vingt parties d’essence de lavande. Ce colorant, mélangé soit à un ’V'MVè'. 506 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES- cinquième, soit à un tiers de son poids de fondant, fournit des préparations qui, après cuisson, donnent des nuances rouge- orange ou nankin et tous les tons intermédiaires, suivant la pro- portion de fondant ajouté. L’imitation de l’or poli se fait par le mélange des deux pré- parafions qui précèdent, en faisant entrer deux ou trois par- ties de la préparation d’uranium pour une de celle de fer. Pour obtenir enfin les couleurs irisées du prisme, on prend ou l’ammoniure d’or ou le cyanure d’or et de mercure, ou l’io- dure d’or; ces composés aurifères sont broyé6 avec de l’es- sence de térébenthine sur une palette de façon à former une pâte qu’on laisse sécher pour la rebroyer de nouveau avec de l’essence de lavande ; on ajoute ensuite au produit aurifère une, deux, trois et jusqu’à dix parties du fondant préparé au bis- mutli. En l’étendant au pinceau sur toutes les pâtes cuites, et recouvrant cette première peinture de la dissolution d’urane, * on obtient de6 tons plus ou moins foncés. Toutes ces préparations se mélangent entre elles; elles se superposent même, et, appliquées au pinceau elles fournissent, après cuisson, les nuances les plus éclatantes. Il est urgent de bien connaître l’épaisseur à laquelle chaque couche doit être étendue ; il faut encore éviter toute poussière qui ferait des taches en accumulant sur certains points des iné- galités de matière colorante. On cuit dans les conditions des autres peintures. » Chromolithographie. La section française a permis d’étudier d’intéressants résultats d’impression en couleur. La chromolithographie présente dans l’exposition de M. Macé une certaine importance; depuis longtemps on sait imprimer sur les poteries ou sous glaçure comme pour les faïences, ou sur glaçure comme pour les porcelaines. Mais c’est seulement dans ces dernières années qu’on a pu faire l’application à cette sorte de décoration de la chromolithographie. La gravure en creux ne permet pas le même genre de travail, et d’ailleurs elle est beaucoup trop coûteuse. Un ouvrier lithographe, du nom de Mangin, conçut le projet d’appliquer la chromolithographie à la peinture sur porcelaine. Il trouvadanslespratiquesdel’ PRODUITS CÉRAMIQUES. 507 temps par M. Macé et quelques autres décorateurs, comme M. Prévost, le moyen de réaliser son idée. Plusieurs planches repérées convenablement donnent sur une seule et même feuille de papier une succession de nuances, ou juxtaposées ou superposées, de manière à former un dessin coloré. L’encrage de la pierre se fait au vernis. Le papier est encollé avec une préparation glutineuse particulière. Lorsque le vernis est encore frais, on saupoudre l’épreuve avec de la couleur en poussière impalpable, qui n’adhère que sur les points chargés de vernis. On complète l’adhérence par un passage à la presse. On superpose ainsi toutes les couleurs, en commençant par les plus foncées pour terminer par les plus claires, généralement plus délicates; elles seraient altérées par les autres, si l’on opérait inversement. Un seul décalcage suffit. Le papier imprimé par masses, préparées à l’avance, peut être conservé et livré aux décorateurs ou fabricants affranchis de la sorte de l’embarras du tirage et de la gravure. Il est vraisemblable que cette impression rentrera un jour ou l’autre dans les attributions des lithographes. En Angleterre déjà, les dorures imprimées sont spécialisées entre les mains d’industriels qui vendent des papiers imprimés en or; le fabricant ou le décorateur n’a plus qu’à détremper le papier, faire le transport et cuire. Quelques tentatives de chromolithographies ont été faites en Allemagne, mais les résultats exposés font voir que cette application y est encore à l’état rudimentaire. En Angleterre, onest beaucoup plus avancé, quoique les procédés dilfèrent en plusieurs points. On n'a plus recours à la lithographie. Les planches sont à saillies contournées suivant les dessins qu’il faut obtenir, et l’on se sert de clichés à reliefs, qui se chargent au rouleau. L’encrage est fait avec la couleur elle-même. On n’a pas la même netteté que par les procédés français; au reste, comme les impressions anglaises se font généralement sans glaçure, et pour des couleurs dites fluantes, la netteté n’est pas une condition que l’on recherche d’une manière absolue. Guillochages. Le tour à guilloclier, employé depuis longtemps pour faire sur des bijoux des dessins réguliers, est appliqué maintenant à la décoration des porcelaines. M. Daniel a fait au tour à guilloclier une série intéressante de tasses décorées. La 508 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. tasse étant chargée d’un fond de couleur, la pointe du burin, montée sur le tour, forme un trait régulier qui dépend de la forme de la rosette. Employé dans des conditions déterminées pour de petites pièces dites la main, ce procédé permet une régularité, une finesse de traits qu’on n’obtiendrait, en dehors des moyens mécaniques, qu’avec les plus grandes difficultés. Réserves et enlevages. La pose des fonds offre souvent de grandes difficultés quand ces fonds sont chargés d’ornements qu’il faut enlever ou réserver. On sait comment se font ordinairement ces réserves ou ces grattages. Un décorateur d’origine française, M. Grégoire, vient d’importer en France quelques modifications intéressantes aux procédés de pose des fonds avec réserve. Elles permettent d’obtenir facilement, promptement et sûrement la pose des fonds parfaitement unis, en réservant certaines finesses et des espaces libres sur lesquels on peut après coup peindre ou dorer, ou sur lesquels on a déjà peint, quand le fond se place seulement pour cuire au second feu, c’est-à-dire au feu de retouche. Les parties que l’on veut réserver sont couchées, sans précaution autre que celle de ne pas déborder les portions à couvrir, avec un liquide soluble à l’eau, composé de sucre et d’amidon légèrement coloré par un suc d’une substance végétale, ordinairement du carmin de cochenille; lorsque ce liquide s’est ressuyé et qu’il n’est plus poisseux, on le surcharge d’un mordant qu’on applique avec la queue de morue sur toute la surface en recouvrant à peu près également les parties déjà chargées du premier mélange. On étend la matière grasse huile de lin avec un petit sachet ou tampon de mousseline ou de soie très-fine dans l’intérieur duquel on a mis du coton ou de la ouate; on se sert de ce sachet comme on le ferait d’un putois; mais on a cet avantage que le grain du putois n’existe plus et que le fond est parfaitement uni. Quand le mordant s’est étalé sur lui-même, ce qui se fait ordinairement dans une étuve à l’abri de toute poussière, et qu’il reste encore poisseux, on pose la couleur à l’état de poudre impalpable; elle adhère complètement sur toutes les parties gluti- neuses. La couleur est étendue en la frottant à sec par saupoudration sur la poterie, à une seule fois pour les tons clairs, à deux reprises pour les couleurs foncées ; quand il s’agit de décorer de 609 PRODUITS CÉRAMIQUES. fonds bleus la porcelaine tendre ou la faïence fine, on se borne à saupoudrer d’oxyde de cobalt la pièce mordancée; la glaçure, sous l’influence de la chaleur, dissout cet oxyde et lui fait acquérir sa coloration bleue caractéristique. Lorsque le mordant abreuvé de couleur est suffisamment sec, on humecte la pièce avec de l’eau. La couleur se délaye partout où la réserve soluble dans l’eau forme la partie inférieure de la couche, et en facilitant le détrempage avec quelques flocons de coton, on fait apparaître le dessin qu’on a voulu réserver. Depuis mon retour de Londres, j’ai fait quelques essais qui m’ont complètement réussi. J’emploie comme réserve le mélange suivant qu’on amène à consistance voulue Eau. 20 ou dextrine. . 10 .. 5 Craie. .. 5 Fuschine.. . . laque de garance. ... 5 La matière grasse employée comme mordant n’est autre chose que l’huile de lin siccative dont font usage les artistes qui peignent à l’huile. Cette méthode, employée d’une manière courante chez M. Macé, d’Auteuil, est d’importation anglaise; nous ne pouvons donner le nom du fabricant qui le premier a mis en usage ce procédé dans le Stafl'ordshire. Elle est plus pratique et plus expéditive que celle qui consiste à mettre sur le fond déjà posé une couche huileuse colorée par de la cochenille ou de la laque, et dont l’effet est de délayer la matière résineuse qui rend adhésive, sur les parties qu’il faut dénuder, la couleur du fond. Ce dernier procédé, trouvé par M. Plée, décorateur de Limoges, est celui qu’on emploie généralement en France. Il a été perfectionné à la Manufacture de Sèvres, où l’on a remplacé la matière huileuse huile d’œillette ou de noix par de l’essence de lavande ou d’aspic. Ces essences délayent facilement les fonds posés depuis longtemps et trop secs, ce que ne fait que lentement le mélange de M. Plée. Couleurs vitrifîables. La restauration, à Sèvres, de la fabrication de l’ancienne porcelaine, rapprochant dans les mêmes magasins des peintures sur pâte dure et des décorations sur pâte tendre, a mis en évidence toute la supériorité de cette dernière au point fil'J EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. de vue décoratif. Des tentatives intéressantes ont été faites pour ajouter plus de brillant aux porcelaines dures, et l’Exposition de 1862 prouve qu’à cet égard des progrès réels ont été réalisés. Les couleurs cuites à la température qu’on nomme demi-grand feu étaient réservés autrefois seulement pour des cas spéciaux, celui des fonds sur lesquels on devait appliquer de la dorure; elles sont employées maintenant aux peintures décoratives, et la voie nouvelle dans laquelle on est entré ne peut tarder à porter ses fruits. On est d’accord pour regarder les peintures allemandes comme plus brillantes que les peintures françaises. Il y a surtout une école à Munich qui reproduit les tableaux à l’huile avec un glacé parfait. Quoique l’excès du glacé puisse paraître un défaut, nous devons dire comment on peut l’obtenir. On attribuait à la composition des couleurs cette belle réussite. Les observations qui suivent tendent à corriger cette erreur; elles sont d’ailleurs conformes à des déductions tirées d’analyses que j’ai faites sur des matériaux que j’ai reçus directement d’Allemagne. En effet, j’ai trouvé dans le fondant général et le fondant de pourpre dont on fait usage à Meissen les résultats que je rapproche des analyses des fondants similaires anglais. Quant aux couleurs anglaises, on sait que leur réussite tient principalement à la nature des vernis sur lesquels on les applique, vernis ordinairement plombeux et plus fusibles que la couverte des porcelaines dures. J’ai trouvé dans ces fondants, les uns servant aux gris et rouges, les autres aux pourpres et carmins Gris et rouges. Pourpres et carmins. Perle au feu. 1 allemand 0,00 * anglais 2,50 » allemand 0,00 »! anglais 1,40 Silice. 25,00 — 20,00 — 30,00 — 30,00 Alumine. 1,00 — traces — 0,60 — traces Oxyde de plomb..... 14,00 — 55,11 — 16,20 — 44,00 Soude . 0,00 — 6,51 — 11,20 — 1,50 Potasse. 1 races — 0,00 — traces — traces Oxyde de fer. traces — 0,30 — traces — 0,35 Gliaux. traces — 0,25 — traces — 0,25 Acide borique. 0,00 — 15,18 — 36,00 — 11,50 100,00 — 100,00 — 100,00 — 100,00 PRODUITS CÉRAMIQUES. 511 On trouve en simplifiant i * » M Sable. 25,00 — 22,00 — 80,00 — 30,00 Minium. 75,00 — 55,00 — 16,00 — 45,00 ; Borate de soude. 0,00 — 22,00 — 53,00 — 25,00 L’analyse n° 1 correspond au fondant rocaille employé chez nous; il est plus dur que les fondants dont on fait usage dans la palette ordinaire. L’analyse n° 2 correspond à peu près au fondant aux bleus usités à Sèvres, dans lequel on aurait doublé la dose de borax; il est plus tendre que notre fondant. L’analyse n° 3 correspondrait au fondant de carmin employé chez nous, dans lequel on augmenterait le plomb en faisant usage des rapports 31 5 au lieu de 3 1 5. Enfin, l’analyse n° 4 représente un fondant de pourpre dans lequel on aurait interverti les doses du minium et du borax on trouve les rapports 463 au lieu de 4 3 6. Ce dernier fondant doit être plus fusible que celui que nous employons; mais il n’entre qu’excep- tionnellement dans la palette du peintre de porcelaine. On voit ainsi qu’on peut préparer une palette assez riche même pour la peinture des fleurs, sans grande modification des couleurs actuelles. En éliminant parmi les couleurs celles qui sont trop altérables, en changeant quelques fondants, le problème recevrait une solution certaine. Le plus grand obstacle sera de préparer les couleurs d’or pour qu’elles résistent à l'intensité du demi-grand feu. Il est à remarquer qu’il suffit pour tourner la difficulté de mêler le chlorure d’or avec une substance inerte capable de se colorer en rose sous l’influence de la chaleur et de faire entrer cette substance comme oxyde dans la composition de la couleur. Cette méthode de faire varier la nuance et la solidité des couleurs d’or peut devenir susceptible de plus d’une application. Je pense avoir prochainement à donner denouveaux détails sur la préparation des couleurs tirées de l’or. Ces résultats prouvent que la composition des couleurs ne diffère pas sensiblement de .celle qu’on adopte en France et à Sèvres en particulier. On cuisait plus fort en Allemagne que chez nous; c’est là la seule différence qu’on doive constater. Cuisson des peintures. La cuisson des poteries peintes est nécessaire pour faire adhérer les couleurs et développer les nuances 512 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. quelles possèdent. On remarque chez les Anglais une très-belle fusion, et surtout l’absence de taches et de poussières trop fréquentes sur les porcelaines du confinent. On appelle moufles les fours spéciaux dans lesquels on cuit les peintures et la dorure, en général toutes les décorations vitri- fiables. Les moufles employées en Angleterre diffèrent beaucoup des nôtres. On sait qu’en France les moufles se composent d’une sorte de caisse en terre cuite formée soit d’un seul morceau, soit de tuileaux placés de champ; dans ce cas, ils sont assemblés et ne forment qu’un tout. Au-dessous de cette caisse se trouve un foyer plus ou moins profond avec grille et cendrier; sur la grille on place le combustible; c’est ici du bois, h moins qu’il ne s’agisse de brûler les graisses et essences grasses dont on a fait usage, par exemple dans l’impression des faïences. Avec cette disposition, l’ouverture de la moufle et l’entrée des foyers sont ouvertes du même côté, et la conduite du feu, comme l’em- mouflement et le démouilement, peuvent se faire, par le même personnel. S’il y a quelque avantage au point de vue de certaines éventualités, il faut quelquefois regretter des défectuosités provenant des taches que les cendres peuvent occasionner. En Angleterre les moufles sont placées sous de véritable fours overi, analogues û ceux qui couvrent les appareils à cuire les poteries; elles ont des dimensions variables et sont en nombre plus ou moins considérable suivant leur dimension. Les foyers sont disposés au rez-de-chaussée dans une grande halle, les uns à droite, les autres à gauche, d’autres en face de la porte d’entrée. Les foyers d’une même rangée chauffent une même moufle placée perpendiculairement à la direction de la grille sur laquelle on brûle du charbon de terre. On ne trouve l’accès des moufles que dans un espace distinct qui ne communique pas avec la chambre de chauffage. On n’a donc à craindre ni fumée, ni poussières, ni cendres. Les portes des moufles sont en fonte et ù deux battants au milieu desquels on réserve deux ouvertures fermées par des plaques de fer mobiles dans des coulisses, comme les petites portes de nos poêles de faïence commune. Elles servent à quitter le feu. On cuit au moyen de carmin étendu sans précaution avec le doigt sur un tesson. Les dimensions des moufles sont variables avec leur place sous PRODUITS CÉRAMIQUES. 513 le four; elles ont 2 ou 3 ou 4 alandiers distincts les moufles à 4 foyers ont généralement Prorondeur...de 2 m ,83 à 2 m ,97 Largeur. 1 ,05 5 1 ,10 Hauteur 5 la voftlc. > ,47 îi 1 ,52 Elles sont en plein cintre. En moyenne on trouve qu’elles consomment au feu de carmin regulav Kiln Ees plus grandes à 4 alandiers, 1,200 kilogr. de charbon. Les moyennes à 3 alandiers, 900 kilogrammes. Les plus petites ù 2 alandiers, 750 kilogrammes. On n’attend pas pour faire le feu que la moufle soit pleine; on cuit le jour et on détourne le lendemain. Ces moufles sont dans un bon état de conservation. Quand on cuit des couleurs de grand feu, on ne fait usage que des petites et des moyennes moulles ; elles consomment alors Les moufles à 2 alandiers, 900 kilogrammes. Les moufles à 3 alandiers, 1,000 kilogrammes. Les pièces à cuire sont supportées par des plaques comme dans un enfournement en chapelles; les plaques sont séparées par lits horizontaux au moyen de colonnes placées de telle sorte que les piliers verticaux se correspondent. Les assiettes sont cuites dans des espèces de support à trois pieds placés les uns sur les autres. Le fond de ces supports porte soit un renflement triangulaire, soit un creux triangulaire aussi, qui remplace les pernettes ou pattes de coq. Les assiettes sont ainsi placées horizontalement; elles ne cassent pas à cause de la lenteur avec laquelle la chaleur se propage à travers les parois qui ont jusqu’à 55 mill. d’épaisseur. Les tasses et autres pièces sont cuites sur des pernettes, ou sur des plaques de terre qui forment chapelle. I C. l’RODUlTS NOUVEAUX. Quelque avancés que soient les procédés céramiques, on trouve toujours à chaque Exposition nouvelle des produits qui frappent non pas précisément par un caractère d’absolue nouveauté, mais au moins par une certaine originalité. L Exhibition III. 33 SI4 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. de Londres a permis aux amateurs de céramique de constater des progrès sérieux en deliors de ceux qui peuvent être rattachés plus directement à l’art pur. J’ai déjà parlé des objets que la Manufacture de Sèvres avait exposés et qui doivent leur caractère particulier à l’introduction d’une certaine série d’oxydes non encore employés jusqu’à ce jour. On trouve dans l’Exposition anglaise d’autres produits qui doivent leur mérite à la nature de la matière choisie pour les fabriquer. Parian ou Paros. — On a pu voir avec intérêt l’extension que prend en Angleterre la pâte dite parian , et les spécimens remarquables offerts au choix du public par M. Copeland. Cette matière est d’une nuance jaunâtre agréable; elle séduit beaucoup plus que les biscuits si froids de notre porcelaine, comme ne le prouve que trop l’exposition de M. Gille; elle a reçu dans les ateliers de M. Copeland une destination toute princière; elle y est appliquée avec discernement à la reproduction des marbres antiques. On citera, nous n’en doutons pas, la Vénus de Milo, dont la nuance et le poli sont irréprochables. Nous avons encore remarqué dans ce genre un buste de l’Apollon du Belvédère, par M. Brown-Wes- thead, de Hanley. Le parian se présente avec des caractères de réussite exceptionnelle, lorsque après l’avoir mis en glaçure et cuit, on use la surface soit à la meule, soit à l’acide tluorhydrique; il en résulte une poterie d’un grain fin de l’aspect le plus flatteur. Ivoire. — On sait que le parian est une sorte de porcelaine qu’on prépare avec du feldspath géologiquement pur, additionné d’une matière plastique dont l’addition est nécessaire pour faciliter le façonnage. La teinte jaune de ce produit est le résultat de l’état d’oxydation du fer que les éléments de la pâte contiennent naturellement. En exagérant un peu la nuance jaune du Parian, en choisissant, pour en composer la pâte, du feldspath un peu plus ferrugineux, en maintenant très-oxydante la constitution de l’atmosphère de cuisson, on a fait une pâte très-remarquable; c’est une imitation très-exacte de l’ivoire. L’exposition de M. Grainger renferme de charmants petits vases découpés àjouretdes boîtes 515 PRODUITS CKRAMKJUKS. à bonbons du plus bel effet. Cette même pâte, imitant l’ivoire se trouve émaillée dans la vitrine de M. Kerr de Worcester. Terres noires modes à dessins brillants. — Sir James Duke a, comme nouveautés que nous pouvons citer encore, des fonds très-brillants et des dessins de même teinte, glacés, enlevés sur fond mat. Ces décors, qui rappellent les étrusques, auxquels d’ailleurs ils ont emprunté leurs contours et leurs formes, sont faciles à reproduire. Les pâtes colorées en noir sont recouvertes de vernis qui avive la nuance de la pâte. On trace la silhouette, puis on enlève, en usant ou de toute autre manière, par exemple en rongeant â l’acide fluorhydrique liquide ou gazeux, les parties que l’on veut rendre mates. Peinture au crayon. — Je crois pouvoir signaler aux fabricants français comme pièces d’une confection intéressante et principalement comme poteries qu’ils pourront facilement reproduire, des terres cuites peintes sous glaçure, qui sont d’un glacé très-brillant. Un trait fait sur le biscuit lui-même avec un crayon composé, donne une silhouette d’ensemble qu’il suffit d’ombrer ou de modeler avec des couleurs dures pour avoir un travail complet. Le ton clair delà pâte forme, sans autre artifice, l’extrême lumière des figures. Ce travail au crayon, très-remarquable, dont nous avons trouvé des traces dans une exposition d’Allemagne, celle de M. Muller, de Berlin, peut accomplir une révolution et donner au potier les ressources d’une sorte de pastel, s’il sait préparer des crayons de couleurs variées. Or, il n’y a pas de difficulté sérieuse. Une boîte de pastels convenables permettra donc à l’artiste, débarrassé de toute préoccupation de métier, de dessiner sur dégourdi, et de substituer ainsi à la décoration monumentale faite au moyen de la mosaïque, de véritables peintures murales également inaltérables. Cuites et passées sous une couche de matière vitreuse et transparente, ces peintures constitueront une sorte de fixé comparable aux anciens émaux; l’excipient métallique serait rem- P a cé par un excipient de terre cuite. La belle aiguière de M. Minton et le plateau qui la reçoit sont aits par ces procédés. Il est donc possible de faire plus que n’avait rêvé M. Muller; dans son esprit, ses crayons ne devaient servir qu’à dessiner sur 516 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. un fond vert ou brun , pour modeler des objets dont la lumière devait être obtenue par un grattage convenable. Je suppose qu’on pourrait encore dessiner avec ces crayons sur des papiers à imprimer et transporter comme on le fait dans la gravure ordinaire. II est vraisemblable d’admettre que les matières qui servent à confectionner les crayons lithographiques cire, savon et gomme laque, additionnées de couleurs vitrifiables donneront d’excellents crayons propres à remplir le but que j’indique ici. Pâtes marbrées. — Les terres cuites à pâte marbrée recouvertes de glaçures colorées conduisent aux pièces queM. Minton appelle malachite, porphyre, et azulite. L’industrie française peut à son tour s’enrichir de ces nouveautés et surmonter les difficultés matérielles que ces fabrications doivent rencontrer. Les Belges nous ont appris à faire des pâtes de diverses nuances qui, par un mélange imparfait donnent des ébauches rubannées; ces irrégularités qui semblent dues au hasard peuvent être savamment préparées et conduire à des résultats remarquables. On augmente la variété de ces résultats en recouvrant ces poteries dont la pâte est fine de glaçures monochrômes vertes, bleues, brunes, jaunes, violettes, etc., colorées dans la masse. La réaction qui se produit entre les glaçures et les oxydes qui forment les veinules de la masse accuse d’une façon originale des modifications de nuances. Il est facile de tirer parti de ces observations surtout dans l’ornementation extérieure, vases de jardins, de terrasses, de vestibules, etc., etc. C’est ainsi que M. Minton obtient ses poteries malachite, porphyre , azulite,etc. C’est assurément pour établir des poteries de ce genre qu’on peut utiliser le borate de chaux et de soude dont nous avons parlé déjà p. 491. Voici, à titre de renseignement une série de colorations qui peuvent servir de bases à d’autres émaux de couleur Dieu. Vert. Brun. Jaune. Sable ou feldspath. . - 1000 — 1000 Minium. - 1500 — 1500 Borate de chaux. - 500 — 500 Oxvde de cobalt . 40 — _ y U Oxyde de cuivre. — B — a Oxyde de fer. - 200 — a Chromate de potasse. - B - 25 PRODUITS CÉRAMIQUES. 517 On fond et on coule; on applique ensuite soit au pinceau, soit pur immersion. 7. produits d’art; poteries décoratives. Les produits céramiques sont de ceux qui peuvent être envisagés sous les faces les plus nombreuses. S’agit-il de déterminer la valeur de ces objets comme qualité, comme commodité, comme produit commercial, on peut facilement tomber d’accord; car, dans une certaine mesure, ces qualités se rapportent à des types que chacun accepte. Il est loin d’en être de même, quand on aborde la question de bon goût. Ici rien d’absolu; ce qui plaît à l’un déplaît à d’autres; rarement une même pièce résiste-t-elle à toutes les critiques. Je n’ai pas donc pas la pensée de juger à ce point de vue, et dans ce recueil, les œuvres exposées à Londres en 1862 ; c’est une prétention qui siérait mal à mes tendances; je me bornerai, pour terminer mes appréciations et pour combler une lacune qu’on ne manquerait pas de remarquer, à citer les genres que le public semble le plus particulièrement rechercher. Le goût du jour pousse les amateurs vers les faïences et les terres cuites décoratives. En Angleterre, comme en France, ce courant semble irrésistible il entraîne les uns après les autres tous les fabricants. t Poteries anglaises. La cour anglaise fait surtout apparaître les efforts qu’on a fait dans ce sens depuis la première Exposition universelle. M- Minton, seul en 1851, s’était vu disputer déjà, en 1855, la première place par MM. Copeland, RoseetKerr de Worcester ; en 1862, on voit chez MM. Wedgwood d’Étruria, Grainger 1 de Wor- I. M. Grainger nous a paru devoir Être cité d’une manière toute particulière l J °ur ses faïences fines; leur blanc est parfait; leur pâto a donné à l’analyse. Perte au feu. Silice.,.,. Alumiue. Oxyde de fer.... i .30 Chaux. Potasse. Soude. On \oil que les matériaux employés à cette fabrication sont assez purs. C’est à 5IS EXPOSITION UNIVERSELLE UE LONDRES. cester, sir James Duke de Burslein, une tendance artistique bien marquée et le désir d’enlever à MM. Minton, CopelandetKerr, une partie de leur clientèle aristocratique. Les services, à cet égard, que peuvent rendre à l’Angleterre les artistes potiers qui figurent parmi nos exposants, ont été gracieusement reconnus par les jurés anglais, qui n’ont pas montré vis-à-vis d’eux la sévérité qu’on aurait pu redouter de la part de juges représentant une nation des plus habile dans l’art de travailler la terre. L’exposant anglais, qui est encore resté supérieur à tous les autres, malgré la valeur artistiqüe qu’on remarque chez M. Cope- land, est toujours M. Minton, qui occupe le premier rang par la variété de sa fabrication, par les mille sujets divers qu’il expose en earthenware de toutes sortes, en majolique, en terra cotta, en porcelaine tendre anglaise, en porcelaine tendre française, en poteries vernissées, en carreaux imprimés ou incrustés. Le caractère principal de l’exposition de MM. Wedgwood est tiré des jaspes que le célèbre Wedgwood a le premier créés et que ses descendants n’ont pas cessé de faire. Néanmoins, cette fabrication ne leur a pas paru suffisante; à la fabrication de la pâte légèrement jaunâtre que les Anglais nomment cream colour ou queens ware, MM. Wedgwood ont ajouté celle des faïences peintes ; ils ont fait appel aux talents de M. Lessore, dont on a retrouvé les travaux chez M. Minton et dans quelques autres expositions de négociants qui, comme Goode et Phillips, achètent à Stoke- on-Trent les produits dont sont décorés leurs magasins de Londres. La terre de pipe de Wedgwood, cuite en vernis, peut parfaitement recevoir un second feu sans qu’elle se gerce ou tressaille comme le fait la faïence commune à glaçure stannifère. M. Lessore fait donc sur ces pièces au feu de moufle de la peinture qui, largement touchée, produit un bel effet. Nous pourrons citer dans ce genre deux vases à dessins lâchés, obtenus sans frais par l’oxyde de Ter qu’il faut attribuer la coloration des autres faïences; cet oxyde est l’un des plus importants à doser dans les analyses du genre de celle qui précède. Je mentionne pour mémoire des traces de phosphate; tous les kaolins, comme la plupartdes roches d’origine ignée, donnent, comme on le sait, la réaction de l'acide phosphorique quand on essaie par le molybdale d’ammoniaque les produifs qui résultent de leur attaque par la fusion au carbonate de soude. PRODUITS CÉRAMIQUES. 319 les aplats bleus, modelés en demi-teinte avec un trait pour limiter les contours et quelques coups de grattoir pour retrouver les lumières. Les expositions de M. Kerr de Worcesleer sont remarquables par leurs imitations d’émaux de Limoges, reliefs blancs sur fond Lieu; les blancs sont bien gras, sans tressaillures ni écailles; ce genre, autrefois caractéristique de la manufacture royale de Worcester, se retrouve actuellement sans défaut dans les expositions de MM. Minton et Copeland. MM. Battam et fds ont une spécialité dans l’imitation des étrusques ou vases italo-grecs. Quelques-uns sont d’une exactitude remarquable. Poteries françaises. La section française offrait à Londres une variété d’objets auxquels nous n’étions pas habitués. Les poteries décoratives étaient surtout très-diverses. A côté de quelques pièces de M. Avisseau de Tours, les faïences de M. Jean, de M. Pinart, de M. Devers, de M. Lavalle, et de M. Laurin, se présentaient avec des caractères bien différents; les porcelaines de M. Rousseau et les poteries de M. Deck ont certainement ouvert des voies qui ne seront pas perdues pour nos voisins. M. Avisseau fait des imitations intéressantes des rustiques de Bernard Palissy. Il continue la réputation de son père. M. Jean fabrique de la faïence décorative. Ses peintures, exécutées sur émail, sont recouvertes d’une couche vitreuse qui donne à ses productions un brillant très-remarquable. On a cité les vases fond bleu avec rondes d’enfants en camaïeu violacé rehaussé de blanc. M. Pinart excelle dans la peinture des faïences exécutées sur émail cru, art très-difficile, qui conserve aux poteries leur caractère éminemment céramique. M. Devers s’est constitué le continuateur de Lucca délia Robbia. M. Lavalle fait des plats d’une dimension considérable. Plu- Sleurs spécimens décorés en bleu prouvent une grande habileté. M. Laurin, qui s’est associé dès longtemps aux premières e preuves deM. Lessore, décore les faïences à glaçure stannifère. M. Deck affectionne les magnifiques productions arabes; il a fait ressortir les avantages que le style p ersan permet d’introduire dans les décorations extérieures. 520 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Tel est l’ensemble que les potiers français ont envoyé pour briller au concours. Us ont réussi, sans doute; mais il n’est pas inutile de considérer la question sous une seconde face. L’habileté des Anglais dans les arts céramiques leur permettra sans peine d’amener à la dernière perfection les imitations des modèles qui viennent de leur être présentés; il est donc à craindre qu’ils ne laissent loin derrière eux leurs maîtres d'aujourd’hui. Le danger nous paraît sérieux. La fabrication des poteries, quelles qu’elles soient, comporte, non-seulement l’art, qui est la pensée, mais la matière qui devient le corps, la forme que revêt cette pensée. A part quelques-uns parmi ceux que nous venons de nommer, comme MM. Pinart, Jean, Lavalle, qui connaissent parfaitement le métier, qui sont initiés aux connaissances si nécessaires aux céramistes, il en est qui ont trop négligé la partie pratique de leur art, celle par laquelle et à cause de laquelle leur œuvre durera. A ceux-là, s’ils ne veulent pas être distancés, nous conseillons d’emprunter aux Anglais leur grande habileté, leur persévérance, leur intelligence complète de toute la science céramique. L’Angleterre et la France ne sont pas seules à comprendre le bienfait de l’application des beaux arts à l’industrie. La céramique est en Italie, en Espagne, en voie de progrès; en Italie le marquis de Ginori poursuit à Doccia près de Florence la renaissance d’une industrie nationale. En Espagne, la Manufacture de la Cartuja se développe et prospère. La Manufacture impériale de Saint-Pétersbourg, avec des ressources restreintes, a de beaux spécimens de poterie artistique, et la fabrique de M. Bing et Gronsdahl, en Danemark, est une digne émule de la Manufacture royale de Copenhague. Les produits de Vienne et de Berlin ont une tendance nouvelle. Plusieurs pièces se ressentent des inspirations venues de Sèvres et témoignent de l’abandon d’un passé trop ancien. L’exposition prochaine ne peut manquer de mettre en relief de nombreux progrès tant au point de vue de l’art qu’à celui des sciences appliquées. Paris, — Imprimerie liOUKDIER et rue Mazarinc, ao. EXAMEN COMPARATIF DES EXPOSITIONS des differents peuples suite, Pau M. II. TRESCA. Danemark. L’exposition danoise, qui renferme près de 300 exposants, est intéressante surtout en ce que les produits de l’Islande et du Groenland viennent se grouper avec ceux du royaume principal et des ducliés plus ou moins allemands de Ilolstein et de Schleswig. A en juger par l’exposition, Copenhague est une ville très-manufacturière les plus importantes sont ensuite Kiel Ilolstein et Flensborg Schleswig. Parmi les produits naturels, quelques-uns sont très-remarquables; par exemple, les magnitiques cristaux de spath d’Islande, les argiles à infusoires du Jutland, la cryolite du Groenland, qui a donné lieu dans ce pays à toute une industrie spéciale, et particulièrement à la fabrication de l’alun, de l’alumine, de l’bydrate de soude et du carbonate de soude; les cristaux de ce dernier seul, obtenus par la Compagnie minière du sud du Groenland, sont de toute beauté. Les verts et les jaunes de chrome de l’usine de Flensborg, et les produits extraits, par distillation, des sables asphaltiques de Heide, présentent le seul intérêt des produits chimiques. Les produits agricoles du Danemark, et particulièrement les graines, sont très-estimés aussi l’École royale d’agriculture de Copenhague et la Société d’agriculture de Kiel ont-elles pris le soin de se faire convenablement représenter dans cette dernière localité, l’amidon se fabrique en grande usine. Les conserves, principalement celles de viandes et de poissons, constituent à Copenhague et à Flensborg des industries importantes, au nombre desquelles il faut encore placer celle des huiles de graines, lit. 34 522 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. des huiles de foie de morue et des huiles de poisson; le travail de la corne est encore une des spécialités de l’Islande; et, parmi les bois du Groenland, on pourrait citer plusieurs plateaux de chêne ayant jusqu’à 2 mètres de diamètre. Au nombre des curiosités de cette exposition il faut nécessairement indiquer le coton en fleur et en fruit, venu naturellement à Sainte-Croix. Les laines d’Islande sont très-renommées. La deuxième section de la classification officielle était moins bien représentée peu ou pas de machines agricoles ou autres; deux voitures d’une exécution douteuse, quelques modèles de bateaux et d’instruments de pêche; un beau portrait photographique de grandeur naturelle, de l’auteur Anderson; un excellent régulateur des successeurs de Kessel, quelques instruments de musique, peu remarquables, mais des instruments très-justement estimés de chirurgie; assez pour montrer tout à la fois ce qui est fait et plus encore ce qui reste à faire pour entrer dans la vie industrielle des peuples de l’Occident. Les arts textiles n’étaient réellement bien représentés que par des tissus de laine, des damassés de lin et des cordages; mais les fourrures ont, dans ces contrées froides, une importance toute spéciale ; aussi les trouve-t-on sous toutes les formes, en tapis, en vêtements et en ornements de toutes sortes. Les gants du Danemark n’ont pas encore la réputation de ceux de Suède, maisilsne tarderont pas à s’en rapprocher à tous titres. Pinneberg et la capitale du Danemark possèdent deux usines importantes, l’une pour la confection des ustensiles de ménage en fer, vernissés, émaillés ou étamés, l’autre pour la poterie d’étain. Les grandes bassines rectangulaires émaillées, pour l’écrémage du lait, de Carlshütte, sont tout à fait remarquables un petit vérin à vis permet de leur donner facilement l’inclinaison convenable à chaque moment de l’opération. Les meubles sont en général peu soignés; mais plusieurs villes, Kiel et Altona, en confectionnent de fort jolis en osier. Les albâtres gris, mieux étudiés dans leurs formes, pourraient fournir, dans certaines circonstances, de très-bons effets d’ornementation. L’industrie des papiers est peu avancée, bien qu’on en fasse de tous genres Copenhague, comme d’autres contrées, avait aussi envoyé son papier de bois. L’orfèvrerie, avec ses oppositions de mat et de poli, revêt un EXAMEN COMPARATIF DES DIFFÉRENTS PEUPLES. S23 caractère spécial qui no manque pas d’originalité; la galvanoplastie et la joaillerie sont en progrès. Mais ce qui, sans aucun doute, a été le plus remarqué dans l’exposition danoise, ce sont les porcelaines parmi celles de la Manufacture royale, les modèles genre étrusque, et parmi celles de MM. Bing et Grondalil, les pièces peintes et richement décorées. A en juger par la galerie des objets d’enseignement, le Danemark serait sous ce rapport fort avancé ; ses cartes et ses globes en relief, ses préparations d’histoire naturelle, ses dessins de végétaux, etc., etc., sont tous faits dans un esprit excellent. Suède et deux contrées, les plus septentrionales de l’Jïurope, sont administrées isolément et avec des constitutions différentes, bien qu’elles obéissent au même souverain. Au point de vue industriel nous connaissons surtout, sur le marché européen, la Suède par ses fers de première qualité, la Norwége par ses sapins; mais l’examen le plus superiieiel des produits exposés fait bien voir que les différences ne sont pas aussi tranchées que ce rapprochement semble l’indiquer, et que les deux pays ont, en outre, des industries qui, pour n’être pas aussi importantes, n’en sont pas moins dignes d’intérêt. A tous les points de vue la prépondérance appartient à la Suède, qui ne comptait pas moins de 500 exposants, alors que le chiffre correspondant pour la Norwége ne s’élève qu’à 122 seulement. Suède. C’est surtout par la métallurgie du fer et par les sapins que l’exposition de la Suède est belle. Les minerain de Stora Rlanka, de Moss, de Persberg, deLângvik, deBispberg, de Stripa, de llolm, de Westcrjo, deTaberg, de Westana, de Nya Koppar- Rerg, de Norberg, de Sorskog, de Skotvang, de Forola, de Win- Skinnarang, deTuna Hastbcrg, deNora et d’Asboberg, demandent tous à être cités parce qu'ils produisent les meil- leurs fers q U e nous connaissions et qui constituent, pour là Suède, u ne incontestable supériorité sous ce rapport. Plusieurs de ces minerais sont maintenant traités par la méthode Bessemer, ou Par le p roc édé Uchatius. Nous avons peine à croire qu’il convienne d e chercher dans des procédés nouveaux, dans lesquels une pi us grande proportion du métal paraît être bridée, une amélioration dans le prix de revient, pour des fers qui n’ont 524 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES- pour ainsi dire pas de prix. Dans quelques circonstances, les fabricants suédois font des alliages de nickel et de fer qui leur ont fourni, paraît-il, d’assez bons résultats. Le cuivre, le plomb, le cobalt et le manganèse appartiennent aussi à la métallurgie de cette riche contrée, qui exploite encore les porphyres et les granits comme pierres de construction et d’ornementation. La stéatite est employée pour le même objet; mais on fabrique aussi, avec cette matière, de très-curieuses marmites servant aux mêmes usages que nos marmites de poterie ou de fonte. La fabrication des produits chimiques ne se fait remarquer à l’exposition que par le salpêtre récolté dans les fermes. Quant aux produits agricoles, ils ressemblent beaucoup à ceux du Danemark et de la Norvège, et les échantillons de blé d’automne récoltés à Itters- tforss montrent jusqu’à quel point cette plante peut prospérer à la latitude de 65°. Les fromages, le sucre, l’amidon, et les conserves sucrées, forment les seuls produits alimentaires de la classe 3 ; le tabac, préparé pour ses différents emplois, joue encore un rôle important dans l’agriculture suédoise. Les laines sont en général de belles qualités, et voilà déjà que la soie pénètre dans ce pays qu’on croirait absolument déshérité de ce précieux filament il s’est formé à Stockholm une société pour l’élève du ver à soie, et M. Rossing de Gothenburg est parvenu à obtenir industriellement de la soie, non plus en nourrissant les vers avec le mûrier, mais avec la scorzonera humilis, ou hispanica. Tout ce que l’on peut obtenir et vendre avec le sapin et le pin fait l’objet d’une grande industrie le bois de sapin blanc et rouge, les pignons, les cordes faites en sapin, les filaments obtenus des aiguilles, la térébenthine et ses produits accessoires, le noir de fumée y figurent chez un certaiu nombre d’exposants. Les moulures et la menuiserie de sapin de MM. Burk et Warburg dénotent une fabrication très-avancée. On fait aussi, avec ce bois vefendu, une sorte de voüge, large de 12 à 15 centimètres, qui est employée en toitures, le plus souvent après avoir été préparée à chaud dans une dissolution de sulfate de cuivre. L’industrie des machines est très-perfectionnée en Suède, grâce sans doute au développement des procédés métallurgiques. La machine à vapeur à deux cylindres concentriques de l’usine de liergsund est une des plus remarquables de l’exposition, et la EXAMEN COMPARATIF DES DIFFÉRENTS PEUPLES. 32a machine à fabriquer les clous au laminoir nous paraît nouvelle dans toutes ses parties le fil qui doit être forgé est passé à chaud entre deux cylindres dont les cannelures en regard vont graduellement en augmentant ; le clou est par cela même plus laminé vers la pointe, le corps va constamment en se renforçant, et lorsque ce corps a acquis la longueur convenable, le fil est coupé, la tête est forgée sur place par une étampe appropriée, et l’opération recommence, à chaque tour, dans les mêmes conditions. L’habileté que l’on reconnaît dans ces machines principales entre aussi pour quelque chose dans la construction des instruments agricoles et la carrosserie. Il en est de même de tous les emplois du fer et des autres métaux usuels. Les feuilles de tôle qui recouvraient la proue d’un navire ont été tordues et repliées par un choc des plus violents, et cependant aucune fissure ne s’est produite, la navigation a pu être continuée en sécurité et cette preuveparlante de la qualité du métal n’a pas cessé, pendant toute la durée de l’exposition, d’attirer l’attention d’une foule de visiteurs. Au nombre des instruments de précision se trouvait le petit pyromètre avec lequel M. le capitaine Bystrom a fait récemment un grand nombre de déterminations sur la température de fusion des divers métaux et de leurs alliages, et une série de modèles pour faire comprendre les lois des ondulations lumineuses. Plusieurs calorifères d’appartement en poterie vernissée, et de 3 mètres environ de hauteur, montrent comment on sait, dans les villes, se mettre à l’abri du froid. Parmi les produits fabriqués, les soieries seules sont remarquables ; la peausserie est une des industries principales, et l’on peut citer encore la fabrication des stores, parmi lesquels une broderie en laine sur canevas à jour et à grandes mailles fait un très-joli effet. fin voit par ces détails que l’industrie de la Suède est beau- c °up que celle des pays limitrophes elle le doit Su ''tout à la supériorité de ses produits métallurgiques et parti- icrement de ses fers et de ses aciers. Nonvégg L’exposition de la Norvcége est beaucoup moins considérable; cependant le fer et l’acier sont également de bonne qualité; la pyrite magnétique y est abondante, et est la plupartdu EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. ;i2fi temps très-riche en nickel; l’exploitation du cuivre donne lieu déjà à une exploitation fructueuse, et les mines d’argent de Kongsberg sont extrêmement intéressantes cette mine est exploitée par l’État, et l’on remarque, dans son exposition, de magnifiques échantillons d’argent fibreux et en larmes, que l’on chercherait vainement ailleurs. L’huile de foie de morue et les produits résineux du sapin forment toute l’industrie chimique de la Norwége. Les produits végétaux les plus remarquables sont ceux de la culture et des forêts de Finmarkcn, à une latitude de 70° nord ; le plus abondant est l’orge, qui est l’objet d’une grande consommation; la fabrication des ustensiles en bois forme, avec celle des filets de pêche, les principales industries domestiques. Les traîneaux sont d’une bonne exécution, et l’on voit déjà, dans quelques spécimens d’instruments d’agriculture, lès indices d’une construction bien entendue. La marine et la guerre sont représentées par un grand nombre de modèles; on remarque surtout une ancre colossale provenant des ateliers de la marine de l’État, qui dénote un haut degré d’avancement dans l’exploitation des procédés métallurgiques. Parmi les instruments de précision, en petit nombre, on ne peut citer qu’un beau chronomètre. Les fourrures et les articles de sellerie sont les objets de luxe de ces contrées froides; l’orfèvrerie y est encore à l’état primtif, mais la bijouterie de filigrane a surtout à Bergen une délicatesse de forme toute particulière. Comme en 1855, le caractère spécial de l’exposition norwé- gienne est celui qui résulte des costumes, des ornements de femme, des scènes d’intérieur, qui sont représentés quelquefois jusqu’en vraie grandeur par des modèles disséminés dans toutes les parties de l’exposition. Si ces objets n’ont pas, pour l’étude, un grand intérêt, ils rompent cependant la monotonie des produits plus sérieux, et ils ne manquent pas de pittoresque c’est ce qui a lieu surtout en ce qui concerne la Finlande et la Laponie. Russie. Quoique la Russie soit plus grande que l’Europe, elle a moins de 80 millions d’habitants; ce vaste territoire, qui occupe une grande partie de l’Asie, se prolonge en Europe et en Amérique, et possède tous les climats dont les plus favorisés pro- EXAMEN COMPARATIF DES DIFFÉRENTS PEUPLES. 827 luisent, pour les pays de l’Occident, une importante réserve de céréales; les contrées les moins bien dotées sous ce rapport sont les plus riches en mines de toutes sortes; mais la population n’est vraiment industrielle que dans les environs de Saint-Pétersbourg et de Moscou. En 1851, déjà, l’exposition russe s’était fait remarquer par ses métaux, par ses céréales, par ses lins, et par ses soieries ; mais les circonstances politiques au milieu desquelles l’Exposition de 1855 s’est faite, ayant empôché la Russie d’y prendre part, il était très-intéressant d’apprécier, dans la nouvelle Exposition, les progrès qu’avait pu faire ce vaste empire, qui ne s’est fait représenter cependant que par 650 exposants. Cette proportion indique que l’industrie n’est, en quelque sorte, que l’exception dans ces populations si disséminées, qu’elles ne pourront naître à la vie industrielle avant de s’être concentrées davantage, et d’avoir acquis des droits politiques qu’elles n’ont pas encore aujourd’hui. Les mines et l’agriculture ont seules une importance générale que l'Exposition de Londres accusait avec une grande netteté. Parmi les 32 exposants de produits minéraux, les gouvernements d’Orenburg et de Perm sont les mieux représentés, c’est, en etfet, sur ces contins de l’Europe et de l’Asie, que se trouvent, dans la chaîne des monts Ornais, les richesses métallurgiques les plus importantes ; plus à l’est, la Sibérie a, de son eûté, donné lieu à des découvertes tout à fait inattendues. Un Français, M. Alibert, en recherchant des sables aurifères entre les rivières Oka et Irkoutsk, aperçut des traces de graphite pur, tout à fait comparable, sinon supérieur à celui de la célèbre mine de Jlorrowdal, dans le Cumberland. 11 redoubla d’attention dans ses recherches, et tinit par s’assurer de la présence d’une grande quantité de ce précieux minéral sur le versant de l’un des monts Saianiens. Les échantillons exposés ont été sciés, P°Es et sculptés sous la direction de M. Alibert, qui, se soudant de son origine, a donné à notre Conservatoire le ma gmliq ue trophée qu’il en a fait. Sous ces diverses formes, la puieté de la matière, son homogénéité surtout sont plus faci- ement saisissables, et la découverte de M. Alibert, couronnée à 1 Exposition par deux récompenses, fera certainement époque dans l es annales des découvertes utiles. Les deux autres 528 EXPOSITION UNIVERSELLE IE LONDRES, envois de graphites de Sibérie étaient de qualité bien inférieure. La néphrite est une pierre d’ornementation de grande valeur et du plus bel effet; jusqu’à présent elle n’avait été trouvée qu’en Chine; M. Alibert en a retiré, de ses mines, un bloc qui ne pèse pas moins de 700 kilogrammes, et qui ligure également à l’Exposition, ainsi qu’un vase exécuté avec cette riche matière. C’est encore la Sibérie qui a fourni le bloc de cuivre natif du pays des Kirghis, du poids de 640 kilog., ainsi que d’autres minerais de cuivre, d’argent et de plomb. Les gouvernements d’Orenburg et de I’erm étaient représentés surtout par du fer et de l’acier très-remarquables et par des cuivres provenant de mines nombreuses; le dernier, seulement, par des sables aurifères et de la poudre d’or. La houille, peu abondante, se rencontre à Orenburg, dans le voyaume de Pologne et au Caucase, particulièrement à Imeritia, mais les lignites du mont Shibusdag sont plus importants. M. le baron de Volkersam avait envoyé près de 200 spécimens de l’ambre à insectes de la mer Baltique. Le soufre, le sel du lac Inder, la chaux, le plâtre, et presque tous les métaux secondaires complètent cette nomenclature qui place certaines parties de la Russie au nombre des contrées les plus favorisées sous le rapport métallurgique. Les établissements de produits chimiques'sont plus rapprochés des grands centres de population; ils sont, en général, peu remarquables, mais il convient de mentionner dans le Caucase, la soude brute d’Érivan, les produits des puits de naphte de la mer Caspienne, et la poudre de pyrèthre du Caucase qui est si heureusement employée à la destruction des insectes domestiques ; l’importance de cette poudre insecticide doit être comptée au nombre des faits industriels les plus intéressants. Les industries du caoutchouc et de la gutta-percha n’offrent nulle part des produits mieux préparés et plus variées. Les terres noires de l’Ukraine, par leur prodigieuse fécondité, sont incessamment appelées à combler les déficit en céréales de toutes les contrées de l’Occident. Certains froments sont les plus beaux de l’Europe, et, par leur densité, ils viennent en premier rang, après les blés exceptionnels de l’Australie, qui pèsent 80 à 84 kilog. l’hectolitre. Le lin et le chanvre, etla graine de lin pour 529 EXAMEN COMPARATIF DES DIFFÉRENTS PEUPLES. semence n’ont nulle part une aussi grande importance. Les vins et les tabacs de la Crimée et de la Bessarabie ont eu certaine réputation. La Russie produit de grandes quantités de laines, les plus belles pelleteries; les soies du Caucase, de la Crimée et de la Bessarabie comptent déjà pour un certain chiffre dans la production de ce précieux filament; ces deux dernières contrées surtout sont à tous les points de vue favorisées par le sol et par le climat. Malgré toutes ces richesses en matières premières, les usines ne sont pas très-nombreuses en Russie la mouture et la fabrication du sucre sont parmi les plus importantes. Les lainages, parmi lesquels il convient de remarquer les draps consommés en Chine, et les tricots en poils de chèvre, imitant assez bien la dentelle; les cotonnades dont les teintures en rouge sont excellentes; les tissus imprimés, pour l’Asie centrale et pour l’Inde, qui, malgré leur aspect peu agréable, font, dans ces contrées, une concurrence sérieuse aux produits anglais; la maroquinerie, qui, en Pologne surtout, a pris un développement considérable; la coutellerie qui est très-bien représentée à l’Exposition telles sont les industries qui dominent, mais qui n’offrent aucun fait saillant. L’état de la fabrication des papiers est tout à fait caractéristique ; on ne fait en Russie que du papier de chiffon, et le surplus de cette matière première qui, partout ailleurs manque absolument, est un objet d’exportation considérable vers toutes les contrées de l’Europe. C’est là le côté le moins brillant de la civilisation russe ; la population consomme beaucoup de linge, parce qu’elle est nombreuse, mais elle est proportionnellement peu lettrée ; elle n’écrit presque pas. Lorsque nous arrivons, dans l’Exposition russe, à considérer les objets qui sont plus du domaine de l’art industriel, nous sommes frappés de l’étonnante perfection et de l’éclat tout à fait extraordinaire de certains objets; nous nous croirions revenus en France, si le modelé n’était pas un peu roide, si l’imitation n e * a it pour ainsi dire exagérée, et si, d’un autre côté, les ornements religieux n’avaient un caractère de grandeur et d’origina- 1 e a i’tistique que nous ne saurions rencontrer chez nous au même degré. Do tous les peuples étrangers, le russe est celui qui se rap- 330 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. proche le plus des allures françaises; aucun autre ne parle aussi bien et aussi purement notre langue; aucun autre non plus ne s’en rapproche davantage par le goût et le sentiment du beau. Pour les soieries,* pour l’orfèvrerie, surtout pour l’orfèvrerie religieuse, pour les bronzes, même, cette industrie qui n’a pu se créer encore en Angleterre, et qui n’est un peu connue qu’en Prusse, l’Exposition de l’empire russe est extrêmement remarquable. Les mosaïques sont aussi belles que celles de Rome; les pierres en relief sont plus belles que celles de Florence; il y a, parmi les porcelaines, des pièces décorées qui ne le cèdent, en mérites de toutes sortes, à aucune autre. Sans doute les manufactures impériales, entretenues à grands frais par la munificence du souverain, sans doute les fortunes princières qui encouragent volontiers les arts, ont exercé sur ces qualités indiscutables une très-grande influence. Il faut applaudir à ces efforts, car si la Russie veut créer chez elle une grande industrie, elle est trop isolée du mouvement général de l’Europe pour puiser à l’extérieur d’autres éléments de prospérité que ceux qui résultent de l’exportation de ses matières premières; il faut que longtemps encore elle trouve en elle-même toutes ses ressources, et ce que nous venons de voir à l’Exposition nous donne une grande idée de ce que son industrie peut devenir. Les machines seules font défaut on compte à Odessa par centaines les machines locomobiles et les machines à battre qui y sont chaque année expédiées en entrepôt parles constructeurs anglais; les améliorations qu’elles produisent ne sont pas déjà sans influence sur la meilleure utilisation des produits agricoles qui n’arrivaient aux marchés jusqu’ici que par des voies et à travers des obstacles presque insurmontables et auxquels, d’un autre côté, les nouveaux tracés de chemins de fer assurent désormais un débouché facile. Les institutions déjà plus libérales de l’empire russe aideront encore au développement de ces améliorations, et, sans nul doute, nous en reconnaîtrons déjà l’influence dans les prochaines expositions industrielles. Là où la matière première est abondante et où le sentiment du goût est déjà développé, les lacunes intermédiaires ne peuvent manquer d’être promptement comblées. 531 EXAMEN COMPARATIF DES DIFFÉRENTS PEUPLES. Grèce. L’exposition de la Grèce est bien l’image de ce que doit être l’administration de ce pays. Les matières minérales et les produits agricoles sont mélangés avec les objets d’art; et, si ce n’est pour ces derniers, qui ont incontestablement du mérite, on croirait qu’on a ramassé au hasard ce que l’on destinait à l’Exposition. Ce n’est pas cependant que la Grèce soit sans importance sous le rapport du climat et des richesses minérales ; mais c'est à peine si les moindres notions d’industrie ont commencé à se faire jour dans ce malheureux pays, dont les destinées ont été si grandes et qui s’annihile, s’il est possible, de plus en plus. A peine si les habitants cultivent ce sol si fertile; ils seraient habiles négociants si les produits leur arrivaient sans qu’ils eussent à se donner la moindre peine. Parmi les produits minéraux, le chromate de fer, l’émeri de Naxos, la magnésite et les marbres ont de l’importance; le marbre blanc de Paros, le vert antique du Péloponèse pourraient donner lieu à de fructueuses exploitations. Chaque circonscription ou demos a envoyé du blé, de l’orge, du maïs, du riz, des raisins, des figues, du tabac; mais tout cela ne'constitue qu’une sorte d’étalage de pharmacie, sans ordre, sans méthode, et surtout sans caractère. Les bois seuls, les huiles et les soies sont assez bien classés, surtout les bois de teinture qui sont en assez grand nombre ; la cire et le miel apparaissent au milieu de tous ces produits. Les éponges donnent lieu à une pêche abondante, comme sur tout le littoral de l’Adriatique. Les arts textiles sont représentés par des tissus légers, des baréges, des costumes nationaux, brodés en or et en argent sur toutes les coutures, des tissus qui se rapprochent de ceux de la Turquie; mais à part ce rapprochement, on ne trouve dans l’exposition grecque ni l’industrie mécanique de l’Occident, ni l’originalité des contrées orientales. Un beau buste en marbre de Paros est placé tout à côté d’un costume de bayadère, et l’objet le plus remarquable consiste en une sorte de châsse en bois sculpté qui représente l’origine du monde, et qui est d'une perfection toute chinoise. La Grèce, à en juger par son exposition, â tous les points de vue, en est encore à hésiter entre les diverses civilisations qui l’entourent et ne sait faire aucun mouvement pour se rapprocher de l’une ou de l’autre. Quelque grande commotion viendra-t-elle 532 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. la faire sortir de cette sorte de torpeur qui n’est rien moins qu’industrielle. Iles Ioniennes. Ces îles qui semblent faites pour s’annexer à la Grèce continentale, mais c^ui, sous le protectorat exclusif de la grande nation qui les traite aussi bien que si elles lui appartenaient, jouissent du même climat, récoltent les mêmes produits, et cependant leur exposition n’est plus celle d’une contrée inactive et sans industrie. Les richesses minérales sont bien groupées, les produits végétaux sont abondants, les vins et les huiles sont bien étiquetés, les broderies d’argent et d’or, les costumes sont frais et élégants; le coton et l’aloès figurent à côté des tissus qu’ils servent à confectionner; un commencement d’activité se révèle sous ces produits de toutes sortes; avant peu Céphalonique, Cérigo, Corfou, Ithaque, Paros, Santa-Maura, Zantc, seront des îles franchement européennes, pour ne pas dire des îles anglaises. Turquie et Égypte. Liées par leur organisation politique, ces deux contrées vivraient pour ainsi dire de la même vie, si l’une d’elles ne s’était davantage aguerrie, par la force même des choses, au contact des habitudes européennes. Chez l’une et chez l’autre la presque totalité de la population ne vit que pour aider, dans leur faste ou dans leurs jouissances, un petit nombre de seigneurs opulents et placés dans des conditions entièrement différentes. L’existence de plusieurs ouvriers sera à peinesufïîsante pour exécuter un de ces produits exceptionnels, d'une grande richesse par la matière qui les constitue, d’une plus grandes richesse encore par la somme de patience que sa confection aura exigée. Cette existence large de quelques-uns, alimentée par la misère d’une population nombreuse, n’est certainement pas faite pour donner un grand essor aux pratiques perfectionnées d’une industrie en progrès. Si les tissus sont légers et élégants, si les ornements, les broderies et les tapis ont un cachet particulièrement artistique, si partout la finesse et la lenteur héréditaire du travail se traduisent par une perfection inimitable dans les produits, il ne faut pas croire, pour cela, qu’ils soient bien différents de ce qu’ils étaient il y a un siècle. Une grande usine fera plus de progrès en un jour que cette ancienne organisation en cent ans. EXAMEN COMPARATIF DES DIFFÉRENTS PEUPLES. 333 Sans doute on s’arrête avec étonnement devant ces tissus d’or et de soie ; mais combien la réflexion modifie cette admiration 1 comment prétendre, après cela, que le développement de l’industrie soit une cause de démoralisation? En assignant, à chaque individu, un rôle actif à remplir, ce développement n’est-il pas nu contraire un gage assuré de la nécessité du travail pour tous, & quelque condition qu’ils appartiennent? Et cette solidarité de tous les efforts peut-elle conduire à un résultat plus certain que le contentement de soi-même et le sentiment de sa propre dignité, pour tous les travailleurs? Si l’on étudie les catalogues dans leurs détails, on s’aperçoit bien vite que, dans cette organisation,l’initiative individuelle est si étouffée que les gouverneurs de province occupent fréquemment la place que les exposants individuels occupent dans les expositions des autres pays. Les collections ne constituent plus dès lors que des cabinets de curiosité; il faudrait, pour les faire connaître, examiner les produits un à un, et cette étude n’est plus de notre domaine. L’exposition turque se compose de quelques échantillons de minéraux, de produits végétaux semblables à ceux de la Grèce ; de quelques meubles incrustés en nacre et parfaitement laids, d’un petit nombre de poteries de caractère oriental, d’un très-bel assortiment de tissus de coton, de laine et de soie, parmi lesquels on peut signaler, comme étant d’utilité générale, le linge de bain en tissu bouclé de coton et surtout les tapis de Smyrne, de riches harnais, enfin d’ornements d’un grand prix en or, en argent et en ambre pâle. L’exposition égyptienne] serait toute semblable si l’on n’y remarquait quelques objets de sparterie d’une bonne exécution, une très-belle collection d’armes ordinaires et dlarmes de luxe, de la bijouterie et de l’orfèvrerie d’un beau caractère, et surtout un grand nombre d’objets de grande valeur et d’un admirable travail provenant des tombeaux de l’ancienne Égypte. 0u voit déjà, dans ces différences, une tendance plus marquée vers les arts industriels; aussi dans ses fréquentes visites à 1 Exposition, i e vice-roi a-t-il fait de nombreuses acquisitions, pour la plupart choisies avec discernement, et dont l’introduc- tion ne sera pas sans inlluence sur les progrès à venir. L’exécution du canal de Suez est une nouvelle campagne française qui 534 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. ne peut manquer de donner une impulsion plus rapide encore ii cette tendance bien marquée vers les travaux utiles. Chine et Japon. On fait, ce nous semble, beaucoup trop d’honneur aux gouvernements de l’Asie orientale, en croyant qu’ils aient eu l’intention de prendre une part quelconque à la grande Exposition des produits industriels. Ni la Chine, ni le Japon, ni le royaume de Siam ne se sont préoccupés de l’Exposition. Quelques amateurs de curiosités, quelques négociants liés d’intérét avec ces peuples, quelques fonctionnaires désireux de faire connaître ont seuls fourni les objets qui figurent au Palais de Londres. Ces objets, qui sont pour la plupart des objets d’art, auxquels on a joint quelques produits naturels, ne sont pas davantage l’expression de la vie industrielle de chaque peuple, dont le nom fait partie du Catalogue, que la magnifique Exposition d’objets d’art qui a lieu en ce moment au musée de Kensington n’est l’expression de l’état actuel de l’art industriel en Angleterre. Celui qui jugerait la Chine par ses laques, ses porcelaines et ses ivoires, sculptés, ne serait pas plus fondé dans ses appréciations que celui qui ne verrait de la France que ses bronzes et sa bijouterie. On a répété sur tous les tons, et d’après cette méthode, que nulle contrée du globe n’est peut-être plus avancée en industrie que le Céleste Empire. C’est là une erreur bien grande, et l’on nous permettra de nier, de toutes nos forces, cette prétendue supériorité. La Chine a des ouvriers habiles à force de patience, mais elle n’a point d’industrie; elle s’est fait connaître en Europe par quelques tours de force de cette nature, qu’il est de bon goût d’admirer ; mais comment donc une nation serait^elle véritablement industrielle, si elle n’a point de machines perfectionnées, si les outils mêmes sont grossiers, si les instruments d’agriculture sont presque barbares, si les canons sont en bois, si la masse de la population vit dans l’ignorance et dans le besoin? On estime à 340 millions le nombre des habitants de l'empire chinois; la moitié de cette population appartient à la Chine, proprement dite, ou empire du milieu, et, dans cette innombrable multitude, on estime à 500 mille à peu près le nombre des let- F,XAMEN COMPARATIF DES DIFFERENTS PEUPLES. 53S très. C’est à peu près un sur 600 chez cette nation qui passerait pour si instruite. Les petites merveilles les plus étonnantes sont les ivoires sculptés à jour, qui sont d’une perfection presque inimitable, de belles et grandes porcelaines, et des ornements en jade d’un grand effet; les plus curieux se composent du sceau de l’empereur, de l’autographe du premier chef des rebelles, de ses coins, et d’une sorte de relique en or à laquelle le crâne de Confucius sert de prétexte. L’empire chinois est fertile sur presque toute son étendue, mais les produits agricoles sont en petit nombre, et, sous ce rapport, l’agriculture moins favorisée du Japon n’est pas mieux représentée. Cet empire, beaucoup moins puissant que l’empire chinois dont il n’est séparé que par la mer du Japon, se compose de quatre îles principales sa capitale est Jeddo, et il ne compte pas plus de 30 millions d’habitants. Bien que nos observations précédentes soient de tous points applicables à l’industrie japonaise, nous avons cependant à citer de merveilleux petits ouvrages en fer, ciselés et damasquinés avec une délicatesse extrême, des bronzes dans le genre grotesque, mais ayant cependant du caractère, des imitations d’objets d’histoire naturelle également en bronze, des porcelaines, et surtout des émaux. Les meubles en laque sont d’une fort belle exécution, et le papier, comme en Chine, se fabrique en très-grande quantité pour tous usages, voire même pour l’imitation du cuir et la décoration. On pourra juger des connaissances musicales des Japonais par ce fait ; un violon ayant été envoyé de France pour en faire laquer la boîte, l’instrument est revenu du Japon complètement verni et incrusté ; il était vraiment magnifique, mais ce n’était 'lus un instrument de musique. Le commodore John Ray avait formé pour l’Exposition une collection vraiment intéressante des soies du Japon. Il paraîtrait l ue ! es plus beaux produits ne peuvent être exportés, et que la pioduction totale n’est pas inférieure â celle de la France. Royaume de Siam. Au milieu de l’Indo-Chine, limitée à 1 ouest par la Birmanie, trop voisine de l’IndousLan pour n’ôtre pas con- 530 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. voitée par les Anglais, à l’ouest par le royaume d’Annam, dans lequel les opérations de la Cochincliiue se poursuivent, le royaume indépendant de Siarn ne compte pas plus de 3 millions d’habitants. En relation avec les Etats européens à diverses époques, les Siamois n’en sont pas pour cela plus avancés dans la pratique industrielle. Comme la Chine et comme le Japon, ils se livrent à la culture de la soie ; les tissus de coton à bandes de couleur, ou à bandes d’or et d’argent, les plumes de paon, les nids d’hirondelles, et quelques produits du sol constituent la presque totalité de l’exposition. Comme produits céramiques, des éléphants informes; comme outils, de la coutellerie grossière, ne sont pas faits pour placer l’industrie siamoise à un niveau bien relevé; cependant des émaux et des damasquinures de petites dimensions permettent de retrouver encore quelques traces d’habileté professionnelle. Iles Sandwich. Déjà loin des côtes orientales de l’Asie, bien loin aussi du continent américain, à l’est, se trouve l’archipel Hawaïen, qui, du milieu du grand Océan, et tout à fait à la limite sud de la Polynésie, vient faire constater à Londres son indépendance. Situé sous le tropique, l’archipel Hawaïen jouit d’un climat comparable à celui des Antilles, et perdu au milieu de l’Océan, il se suffit pour ainsi dire à lui-même. Les beaux-arts sont représentés par le portrait en costume européen du roi Kamcharmeha IV, qui nous était jusqu’alors peu connu ; les lettres, par une traduction de la Bible, en langue hawaïenne, imprimée à Ilonolulu ; par des livres et des journaux, et même une carte du pays de même origine; l’agriculture, parla racine à l’aide de laquelle on prépare la liqueur si vénéneuse, que l’on connaît sous le nom d’awa; parla fibre de Pulu, nouvelle matière textile qui donne lieu déjà à un commerce considérable; l’industrie, enfin, par des tissus offerts par le roi à lady Franklin, et par la série des instruments qui servent à leur fabrication. C’est dans cette même vitrine que se trouve un fragment de pierre qui a été pris à la place même où le capitaine Cook a été frappé à mort. Amérique septentrionale. De l’Asie à l’Amérique septenlrio- EXAMEN COMPARATIF DES DIFFÉRENTS PEUPLES. 537 nale la transformation est complète au point de vue qui nous occupe. Les curiosités disparaissent, et les madones interviennent dans la plupart des fabrications. Par un excès également regrettable, la forme n’a plus aucun prix; on ne comprend plus ffue ce qui est matériellement utile, que ce qui est consommé en grandes masses, que ce qui est produit avec rapidité. Etats-Unis. Il eût été vraiment instructif de pouvoir apprécier les résultats de ce positivisme absolu, si les Etats-Unis, qui le professent, avaient exposé d’une façon plus complète. Engagés dans une guerre inutile et terrible, les Américains du Nord et du Sud, les unionistes et les sécessionnistes se sont également abstenus; et, parmi les 113 exposants qui figurent seuls au Catalogue, plus de moitié appartiennent à l'État de New-York; plusieurs autres ne sont que des négociants anglais s’abritant pour la circonstance sous le pavillon américain. On ne peut donc pas considérer l’exposition actuelle, à l’égal de celle de 1851, comme représentant, avec quelque exactitude, le mouvement si rapide qui place certaines villes du continent américain au nombre des cités les plus industrielles. Parmi les 113 exposants inscrits au Catalogue, 19 seulement appartiennent aux quatre premières classes, 27 seulement aux 20 dernières, en telle sorte que les produits de la deuxième section forment plus que la moitié de l’ensemble ; peu de matières premières, peu de produits fabriqués, et beaucoup de machines ou instruments de travail, voilà précisément l’inverse de ce que nous avons rencontré chez tous les Peuples les moins avancés dans la pratique industrielle, et cette Prépondérance est plus marquée qu’en Angleterre môme, où les Produits fabriqués occupent une place proportionnellement plus grande. Parmi les produits naturels, les minéraux seuls sont intéressants, et parmi eux les minerais d’or delà Californie, et quelques minerais d’argent et de mercure. Comme produits fabriqués, c’est à peine si l’on peut citer autre ohose quequelques tissus de coton, les imitations de cuirs, connues sous le nom de cuirs américains, et un grand portefeuille, monte sur roues, pour le service des bibliothèques. Les machines, au contraire, ont toutes un caractère original, et sous une forme toute différente de celle que nous leur t'onne- 35 m. 538 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. rions, eu égard leurs destinations, elles sont, pour la plupart, remarquables par quelque côté; cette originalité nous engage ù donner la liste des plus intéressantes Classe 5. Modèle d’un système pneumatique pour la transmission des dépêches. — Photographies de locomotives à grande vitesse, d’une construction générale peu robuste. — Modèle de locomotives pour routes ordinaires. Classe G. Voitures légères avec roues plus légères encore ; les rais, construits en bois d’Hickori, ont une section qui ne dépasse pas le quart des pièces unatogues dans la construction européenne. Ce bols d’Hickori, qui se rencontre en grandes quantités au Canada, est appelé à jouer, avant peu, un rûle important dans notre carrosserie de luxe. Classe 7 . Machines il coudre parmi, lesquelles la machine originale du premier inventeur, M. llowe, qui so fait aujourd’hui, par les droits de licence qui continuent il lui être payés, par suito de la prolongation de sa patente, un revenu de près de un million par an, La législature américaine, en accordant cette faveur à l’une des inventions les plus importantes de notre époque, a donné un grand exemple aux pays qui so prétendent les meilleurs juges des droits qu'il convient de conférer aux inventeurs. — Une grande machine à lisser les tapis, avec trames disposées sur rouleaux mobiles, venant se placer automatiquement en prise avec les organes du tissage. La même Idée avait élé résolue en France, sauf le déplacement des rouleaux qui s’opérait it la main. — Machines & gaufrer les tissus fonctionnant avec une grande perfection. — Collection très-remarquable d'une Bérie de machines nouvelles pour la reliure. Concasseur de pierres pour la préparation du macadam, Irès-rustiquc et d’une grande efficacité. — Une machine à couper les bouchons, d’uno construction tout à fait nouvelle, prenant elle-même le fragment do liège et le tournant à l’aide d’une grande lame circulaire très-bien disposée. — Une série de machines à commettre les cordages, plus simples et mieux groupées dans ses organes que nos machines analogues. Classe 8. Machines à air chaud d’Ericcson et de Wilson, qui sont employées en grand nombre comme moteurs dans les petites Industries. — Dynamomètre enregistreur deNearni peu sensible, mais d’uno construction très-simple et très-ramasséc. _ Modérateurs i\ boules de Porter, adoptés d’une manière générale pour remplacer le modérateur de Walt. _ Machines à vapeur, système Corliss, pour le moins aussi perfectionnées que les meilleurs systèmes de nos constructeurs frunjuisi COMPARATIF DES DIFFÉRENTS PEUPLES. î-31 — Machines A rnpeur de Allen, A déicide variable dans des limllcs trèit- élendues. — Pompe A incendie il vapeur do Lee et Lurncd, la première des machines de ce genre ipii ait fonctionné en Franco et en Angleterre. — Pompe à vapeur sans volant, fonctionnant avec distribution particulière, A une vitesse assez grande. — Machine à imprimer, avec tablier à bascule cl d’uno construction entièrement nouvelle. Classe 0. Plusieurs machines A moissonner, parmi lesquelles il faut remarquer celle de Mac Cormick, récemment munie d’un râteau mécanique pour faire la javelle. — Instruments A main, lois que herses, pelles et fourches en bois de Hickori. — Charrues en acier. — Pompe pour traire les vaches plus rapidement qu’A la main. — Excavateur très-pratique pour les travaux de terrassement. A la seule lecture de cette énumération fort incomplète, on se trouve surpris de la puissance d’invention 4S FER PUDLÉ. Les recherches de Graham et les spéculations de Herschel, Brayley et autres savants, ont attiré l’attention sur la similitude d’état des substances fondues à des températures trcs-diflfé- rentes et possédant des caractères physiques et des compositions chimiques diverses. I1 en est résulté la division des substances en cristalloïdes et en colloïdes. Il est probable que quand le fer est amolli par le feu et liquéfié, il prend la constitution colloïdale. M. Graham remarque que l’acide sili- cique peut exister tantôt comme cristalloïde et tantôt comme colloïde, de môme que la glace formée à 0° peut prendre l’état vitreux ou colloïde et est en réalité un verre de glace, tandis que celle formée A une température plus basse a, d’une manière très-marquée, toutes les apparences d’un cristalloïde. Ni les cristalloïdes, ni les colloïdes ne perdent leurs propriétés caractéristiques par la liquéfaction, et les recherches de Graham nous ont donné une vue plus précise sur les caractères de la matière passant de l’état liquide A l’état solide. Elles nous conduisent A une nomenclature et à une théorie qui peut nous servir A expliquer plusieurs opérations métallurgiques. Jusqu’A quel point le fer peut-il, dans le four A pudler, de cristalloïde passer en colloïde, ou devient-il un mélange des deux, s’il est vrai qu’un pareil passage d’un état dans l’autre se produise? C’est IA l’objet d’une recherche intéressante. Dans le four A pudler, le fer d’abord se débarrasse du silicium combiné, par suite de la grande affinité de celui-ci avec les autres substances étrangères mises en présence, comme cela doit être dans une opération d’affinage, aidée sans aucun doute par la légèreté et la grande fusibilité des composés siliceux. L’enlèvement du carbone du fer fondu est dû A la plus grande affinité du carbone pour les gaz en contact avec lui que pour le fer. Cette action doit être graduelle; elle peut alors être arrêtée A volonté. Environ 4 1/2 quintaux de fer sont généralement produits par chaque opération, et cette quantité est généralement divisée en deux , quatre ou six loupes par l’ouvrier, dans le but d’exposer toutes les parties A la flamme qui oxyde le carbone et réduit ce qu’il peut y avoir d’oxyde de fer lonné. 550 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Suivant la quantité de carbone enlevé, on a de l’acier pudlé, du métal homogène ou du fer pur. Le système adopté pour obtenir de fortes loupes de métal non libreux consiste à réunir deux balles ensemble sous le marteau à cingler, et en ajoutant successivement une mise à une autre mise, d’obtenir de grandes masses se brisant avec des fractures non fibreuses. On voit des exemples do ceci dans l’Exposition l’acier pudlé de Firth, le fer pudlé ou le métal homogène de Lord Ward, et beaucoup d’autres variétés obtenues en raison des modifications du procédé de pudlage et de forgcage, dont l’objet est d’éviter la structure fibreuse pour les fers à rails, qui n’est pas désirable en raison delà tendance à une semblable texture que le laminage leur communique. Ils sont accompagnés de spécimens de fer possédant des fibres remarquables, ce qui est obtenu en laminant et réchauffant plusieurs fois jusqu’à ce que les fibres soient produites. L’enlèvement du charbon par le pudlage est l’opération inverse de celle produite dans le four à cémentation pour convertir le fer en acier. Le procédé de cémentation pour faire de l’acier doit être réglé avec le plus grand soin, de telle sorte que le carbone puisse parvenir à la distance voulue de la surface de la barre de fer, et que la proportion convenable de carbone soit répandue dans sa masse. Dans le procédé employé pour convertir la fonte en fonte malléable, celle-ci est portée à une température élevée en présence de l’oxyde de fer, et le carbone est enlevé, mais seulement à une certaine distance de la surface, par l’effet de sa plus grande affinité pour le peroxyde de fer chauffé que pour le fer pur avec lequel il est combiné. Il est probable que le fer, quand il est chauffé, prend l’état colloïdal, et que cela surtout a lieu quand on réunit les pièces séparées en une masse en les soudant; quant à la dureté de l’état cristalloïde avec ses plans et ses angles, elle est remplacée dans l’état colloïdal, par la résistance de l’état amorphe, sur une épaisseur plus ou moins grande à partir de la surface, et par suite il n’est pas nécessairement vrai qu’une masse de fer forgé, bien que composée de pièces unies ensemble, soit plus faible aux surfaces de jonction que dans la masse de la pièce. Plusieurs manufacturiers préfèrent doubler le fer à l’état de LAMINAGE ET FOllGEAGE DES MÉTAUX. Soi loupes que de le réunir plus tard à l’état de barres ou de plaques, pensant arriver ainsi à une plus grande solidité. Il y a plusieurs opinions à cet égard; mais on doit observer que la Compagnie de Lowmor et les fabricants du meilleur fer du Yorksliire pensent qu’il est important de briser les blocs de fer pudlé en petits morceaux, afin d’examiner la fracture de chacun d’eux. Ils se fient entièrement à l’adresse de leurs ouvriers pour les souder ensuite ensemble, et parviennent ainsi à une grande régularité de fabrication. La réussite dépend, avec l’habileté des contre-maîtres et des ouvriers, de la bonne construction des fourneaux, de la pureté des matériaux et de la bonne organisation du travail. C’est beaucoup trop l’usage de regarder la réunion faite à la forge ordinaire comme l’art tout entier 'du travail du fer à chaud, pendant qu’en fait de semblables travaux sont faits dans les bonnes usines à'fer par des méthodes totalement différentes et dans des conditions bien plus avantageuses. Cela est si vrai que les mécaniciens, les constructeurs de locomotives notamment, évitent presque entièrement le forgeage à la main, et découpent les pièces dont ils ont besoin dans des masses de fer forgé, non que le fer corroyé soit par lui-même un produit inférieur quand il est chauffé dans des fours et des fourneaux convenablement construits, mais parce que cette opération, faite à l’aide de la forge ordinaire du forgeron, ne conduit pas avec certitude au résultat voulu. Ilerschel remarque que dans la soudure à chaud il doit se produire un regel, et je vais donner quelque idée de cette théorie ici, parce qu’il y a sans doute à en faire une application éloignée à 1 art de la métallurgie. Les cristaux de glace à certaines températures peuvent être reunis par compression en un bloc solide de glace, en tout semblable à une masse formée librement 1 . Dans le procédé consistant à réunir ensemble des pièces de fer par compression, à des températures peu distantes du point de fusion, on a l’exemple I. La théorie du regel, fondée sur l’abaissement du point de congélation par l’effet de la compression, est une des plus curieuses applications de la théorie mécanique de la chaleur qui seule pouvait permettre de prévoir ce résultat. En donnant le moyen d’évaluer la grando quantité de chaleur quo dégage le travail mécanique consommé par le travail de la forge, cette théorie permettra aussi d’éclairer diverses parties obscures de cette opération. 552 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. d’une réunion parfaite de particules mises en contact les unes avec les autres ; et bien que les particules d’oxyde de fer ou autres substances gênent d’abord par leur présence le contact immédiat, la pression et la température élevée des gaz peut soit amener la réduction de l’oxyde, soit agir sur les matières étrangères, de telle sorte que les oxydes légers et les silicates deviennent libres de remonter à la surface par la puissance de diffusion qui appartient aux corps colloïdes. Je pense que c’est pour cette raison que la ténacité du fer augmente jusqu’il un certain point quand on le travaille, tandis que le passage au marteau et au laminoir, longtemps prolongé, fait naître une structure cristalline au lieu d’une structure fibreuse. Quand un rail de fer fibreux est laminé froid sous une pression considérable, il perd la structure fibreuse et prend l’état cristallin. On connaît plusieurs exemples d’unions de métaux tels que l’étain et le cuivre, produites sans que les deux éléments soient complètement fondus, des mélanges dans lesquels la cohésion résultant de l’attraction mutuelle des métaux est considérable, mais il n’y a pas il les citer ici, voulant seulement attirer l’attention sur ce fait que certains métaux, et parmi eux le fer, sont susceptibles de contracter une grande cohésion, sans passer par l’état de liquidité complète, comme d’autres métaux qu’il faut fondre. C’est de la sorte que les rubans du canon Armstrong sont réunis en cylindres sous la seule action du marteau, que un ou plusieurs cylindres formés d’hélices, sont réunis ensemble au moyen de vis pour être placés dans le fourneau et ensuite soumis au marteau-pilon. Les seuls auteurs qui aient traité le sujet des colloïdes et du regel sont, je crois, Graham Philosophical Transactions et Bray- ley Proceedings Itoyal Society . PLAQUES DE BLINDAGE. Les matières employées pour fabriquer les plaques de blindage par les cinq établissements qui, en Angleterre, en ont produit jusqu’à ce jour, ont été exclusivement des fers anglais obtenus à l’aide des minerais habituellement exploités dans ces diverses usines. J1 n’y a pas de mode de comparaison bien établi LAMINAGE liT FORGE AGE DES MÉTAUX. *53 pour apprécier les qualités des fabrications différentes. On sc contente de les soumettre à froid à l’action du marteau et d’écouter le son qu’elles rendent, mais surtout on refuse une fourniture d’après l’essai d’une pièce d’une fabrication qui résiste mal à l’action du boulet. Les procédés employés dans les usines pour obtenir ces plaques sont ceux, habituellement usités pour la fabrication des grandes tôles à l’aide du laminoir ou du marteau. Je n’ai pas A décrire ici une fabrication bien connue; mais on lira, j’espère, avec intérêt, quelques notes prises en suivant la fabrication des plaques de blindage. De grandes masses de fer forgé, pesant de où 15 tonnes, devant être formées de petits éléments, la première question qui se présente est celle-ci Des parties soudées sont-elles moins résistantes que celles qui ne le sont pas? La réponse dépendra de la manière dont on concevra la soudure et le pudlage. Dans le four A pudler, le métal est recouvert d’une couche de matières réfractaires et séparé du combustible par un pont. La fonte ou le fer affiné, ou tous deux mélangés, sont fondus par la chaleur provenant du feu fait de l’autre côté du pont, comme dans les fourneaux A réverbère ordinaires. L’action des gaz dans de semblables fourneaux a été expliquée par MM. Le Play, Percy et d’autres auteurs. Le but que doit se proposer le fabricant, est d’obtenir des plaques dont le fer, nécessairement libreux après avoir été soumis au marteau et au laminoir, ait des libres croisées dans toutes les directions, alin qu’il n’y ait pas de plans de moindre résistance. On y parvient par le traitement suivant — La charge du four A pudler de 4 quintaux 1/2 est divisée en loupes de I q. 1/2 chaque. Deux de ces loupes sont réunies et forment sous le marteau de forge un bloc de 3 quintaux. Ce marteau est préférable aujnarteau-pilon A vapeur, parce que le coup est toujours le meme, tandis qu’avec le marteau A vapeur l’ouvrier peut le donner hop faible. Ces blocs sont ensuite réchauffés et laminés en an es de h pouces de large, 3/4 de pouce d’épaisseur, et coupes en 3 ou 4 morceaux de 3/4 de quintal chaque, propres ormei un paquet, ce qui donne le moyen d’examiner la qualité, qui est alors celle du meilleur fer. Deux ou trois de ces pièces, pesant I I 4 quintal ensemble, sont for gées avec deux ou LL 30 554 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. trois pièces semblables faites avec des riblous, de manière h former alors un bloc de 2 1/2 quintaux. La barre de fer de riblous, dont il vient d’être parlé, est faite de petits morceaux soudés ensemble et chauffés dans un four à petit fer. La loupe de petit fer est alors portée au marteau de forge et laminée en barres de S à 10 pouces de large et 3/4 do pouce d’épaisseur, puis coupée en pièces ayant après le travail un peu plus de longueur que les barres pudlées; elles sont formées de fer de qualité deux lois bonne. Ce bloc de 2 1 /2 quintaux est chauffé et laminé en une plaque de 3 pieds X 3 pieds sur 5/8 de pouce, et les bords dressés de telle sorte que le poids soit de 2 quintaux; la qualité obtenue répondant i\ celle d’un échantillon de fer trois fois bon. Quatre de ces plaques carrées sont chauffées et laminées ensemble pour former une plaque de 8 pieds X 4 pieds 3 pouces et de 1 pouce d’épaisseur, qui peuvent être dites d’un fer quatre fois bon et pesant 7 ou 8 quintaux. Quatre de ces plaques sont chauffées ensemble et laminées en une pièce de 10 pieds X 4 pieds 3 pouces X 4 1 /2 pouces, donnant une qualité de fer cinq fois bon et pesant 2G quintaux. Quatre pièces semblables, pesant 1 tonne 1/2 chacune, sont chauffées et laminées, et d’une épaisseur de fipouccs et d’une longueur de 10 pieds sont amenées à une épaisseur de 4 pouces 1/2 et étendues à 12 ou 14 pieds de longueur. 11 est nécessaire de passer la plaque au laminoir deux ou trois fois, ce qui exige moins d’une minute pour chaque passe; malgré le poids de la plaque et celui des cylindres, ceux-ci sont arrêtés pour renverser le mouvement, afin d’éviter d’avoir à élever la plaque au-dessus des cylindres, opération qui offre de grandes difficultés. La qualité obtenue est six fois bonne, quel que soit le fer employé, le fer de riblous étant à la surface. Il n’est pas d’usage dans le langage commercial de désigner le fer le meilleur autrement que par qualité supérieure ou deux fois bon, mais il est important ici de rappeler le nombre de façons qu’il a supporté. Il n’y a pas de doute que le bon fer s’améliore par le chauffage et le façonnage répétés six ou huit fois, mais qu’il se détériore ensuite. En employant dès le début de gros blocs, on peut faire deux réchauffages de moins. Je décrirai maintenant la fabrication au marteau des plaques de blindage. Les morceaux de fer sont choisis avec soin, chauffés LAMINAGE ET FORGEAGE DES MÉTAUX. 3aa clans le leur à réchauffer, laminés et coupés en morceaux de faible longueur. Ceux-ci sont forgés et laminés en barres, fjui à leur tour sont réchauffées, doublées et laminées en plaques pesant 5 quintaux chaque et de 1 1/2 à 2 pouces d'épaisseur. Cinq plaques semblables sont portées au marteau, et soudées à une longue barre de fer portée par une grue qui conduit du four à un marteau de 5 à 7 tonnes. Ces plaques sont réduites par le martelage en une masse homogène, qui peut èlre dite la forme n°l, de l’épaisseur de i 1 /2 pouces, qui est réchauffée, sa surface urne, et son extrémité dressée. Elle est alors mise au feu pour être réunie à une série de plaques semblables composant la forme n° 2, et portée au blanc soudant sous le marteau. La plaque, composée des formes I et 2, pèse alors 2 tonnes 1/2 quand le soudago est complet. La surface do la placée est dressée, et son extrémité préparée pour une réunion semblable à celle qui vient d’ôtre décrite. Il semble qu’il n’y a pas d’aufres limites à la grandeur des plaques martelées que celles fixées par les dimensions des grues, des marteaux et des fours. Avec le nouveau marteau dcM. Krupp, qui doit, dit-on, peser 20 tonnes, on pourra fabriquer des plaques de 12 pouces d’épaisseur, probablement sur des dimensions en largeur et en longueur supérieures à celles que l’on fabrique aujourd’hui. J’ai essayé de réduire en tableau les séries d’opérations rivales de laminage et de martelage; j’y ai réuni les poids employés, qui varient avec les dimensions des plaques à fabriquer et avec d’autres circonstances. MM. Beale de llotherham, qui sont entrés dans la carrière les premiers, ont produit une grande quantité d’excellentes plaques laminées, et les forges de la Mersey, comme les ateliers dits Thames-Iron-Works, en ont fabriqué au marteau de très- bonne qualité. John Brown de Shefïield, et la Compagnie But- terley, ont des ordres pour fabriquer des plaques laminées, et il en es ^ déjà sorti de leurs ateliers. Mars et C il! ont aussi à fournir eS^.S-» B £ Z g*s i-S'sa. .» B 3* .J J K 3 —'* St? S "O U û. B. fl t£— O—* Cf a *i fl C 0**5 'o-û- 6 * es B O ^. O O — ta » S £ v»s .sS e S'ï'S" 8 fl'T’“ I = * 3 U fl fl '3 V O A = w *9 B A fliae 9 S JS g- Ü*gi. ,i *>•••» B si»- SS'iH d CO ^3 A-fJ? A ej J2 fl- fl ja • £ b s s fl E .5 *B fl 40 J! _ B C g »~S 5 o3 - fri S 3 fl .2 o ^ 1 & S»? e. S oTS O •»*; fa ^fr • . Bt*. O fc™ O fl -b C-ja a s 2 à "S^flSalfflfl - A O B fl s fl S v v» o 05 ?- S-ë 2 S-5 S §£££ g^S'S^j S*' b . a » £ b 44 • a .o ” 00 LVxlrémil mise n° chauffée, teleeetdi est soude une no mise. Le est alors Fer € loi Poids tonnes. , . . -, .—..M î b g s g” g.'sa-ïç- -s £ï g 2 CO lü r- „r rt 2. b 9-2 s S a c ? SSngT 0-3*2 ^ të - 2 *• JS * J £ *“ - .S s 5 S ï. a. s □ £**6^* -S'Aura Hli UJ — — 1- cc n 2f U 25 H 31 f L*cssai ne continue pas. 11 36 n 2 -J, U 1 f 4 5 33 f 1 12 39 n 1 f U 3* 5 40 13 39 n 3i U 25 3 5 46 14 39 n U 3 S 5 5 51 i . 15 39 n 3 f • • . . . . . . 1 Essai continué le 7 octobre 1861. Les forges de Monkbridge exposent des spécimens de bandages de fer et d’acier soudés par un procédé particulier, et amenés ensuite au laminoir à toute section '. CANONS. Le canon d’acier de 9 pouces, exposé par M. Krupp, est fait 1 ; ^’ Am alcs du Conservatoire, la description donnée par M. Trosca do eotto faillie,dion montée par M. Verdié, maître do forges à Firminy, qui a donné ïi ce produit le nom do Produit mixte. C’est le brevet do cet industriel que les forges de Monkbridge exploitent en Angleterre. 502 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. avec un lingot d’un poids de 25 tonnes, et forgé au marteau, tandis que le canon des forges de la Mersey est laminé d’une manière fort ingénieuse par le procédé patenté de M. Clay, dont je donnerai ici la description. On se sert des cylindres ordinaires à surface lisse; mais, au lieu de vis pour déterminer leur écartement, des tiges de piston sont adaptées aux coussinets supérieurs du cylindre de dessus et celui-ci monte et descend avec ces tiges. Elles sont attachées à des pistons se mouvant dans des cylindres hydrauliques qui surmontent les deux montants. Ces cylindres portent des tuyaux de sortie fermés par une soupape, qui permet de régler à volonté la sortie de l’eau du cylindre. Supposons le cylindre rempli d'eau, les rouleaux donneront une certaine compression, soit à une loupe, soit îi une barre poussée entre eux. Lorsque la valve viendra à être ouverte pendant que la barre de fer est entraînée atin d’obtenir la forme conique, la pression des cylindres sur la barre diminuera graduellement en proportion de l’eau qui s’échappe du cylindre, et du piston qui par suite s’élève. Une des extrémités de la barre est alors diminuée d’épaisseur pendant que l’autre est à peine altérée. La barre est ainsi passée entre les cylindres jusqu’à ce qu’elle ait pris la forme conique voulue. Quand il s’agit de forger un canon, si l’extrémité du côté de la bouche et celle du côté delà culasse doivent appartenir à des cônes très- différents , ou varier brusquement d’épaisseur, les cylindres peuvent être arrêtés en débrayant quand la partie de plus petit diamètre est linie, et ils sont alors disposés pour une opération suivante, la soupape étant ouverte pour une forme nouvelle. La soupape étant ajustée, la culasse est fabriquée à l’aide des mêmes cylindres. Les tourillons sont assemblés en dernier. Cette méthode est applicable au laminage de toutes les pièces déformé conique. Inventée à Birmingham au commencement du siècle pour laminer les canons de fusil, elle a été appliquée à la fabrication des carabines d’Enfield, comme on le voit par l’exposition de la fabrique de Wolwich. La barre de fer de riblons ou la loupe est passée à travers des cylindres différents jusqu’à ce que les bords soient réunies, soudée et passée à travers des cylindres qui portent des parties de forme convenable pour allonger je canon à la longueur voulue et lui donner la forme conique demandée. De semblables cylindres peuvent être faits pour toute LAMINAGE ET FORGEAGE DES MÉTAUX. 803 fabrication spéciale, en faisant en sorte que la largeur et la longueur des barres soient en rapport avec celle du mécanisme, et il est probable que ce système de laminage conique, employé pour la fabrication des canons, est également bon pour de petites pièces. Les canons d’acier, vendus jusqu'à ce jour par M. Krupp aux gouvernements étrangers à 4,200 liv. st. pièce, pourront désormais être produits mécaniquement à des prix très-modérés. On doit toutefois reconnaître à cet éminentfabricantle mérite d’avoir appliqué le premier de puissantes machines au travail de l’acier, et il a eu parfaitement raison de demander d'abord des prix élevés pour payer facilement ces machines avec le profit retiré des articles vendus, ce qui lui permettra par la suite de faire de grandes réductions de prix et de produire à bon marché. L’exposition de M. Krupp contient Des bandages de roues de 34 à 58 pouces do diamètre, variant de 290 à 745 livres. Leur surface tournée ne présente pas un seul défaut, pas plus que ceux brisés ne montrent pas une paille. Des échantillons courbés en tout sens montrent la flexibilité du métal ; Deux essieux de locomotive en acier fondu, avec des roues et bandages en même matière, prêts à être employés, pesant 1,550 livres; Un essieu principal de locomotive en acier fondu, avec des roues en fer forgé et des bandages d’acier fondu, qui ont parcouru 66,000 milles sur le chemin de fer Eastern Counties 6ans avoir été tournées; la machine pesant 28 tonnes et le poids des roues étant do 10 tonnes; Uno manivelle doublement coudée pour transatlantique à hélice, pesant 11 tonnes; longueur 24 pieds, diamètre 15 pouces; Un arbre pesant 15 tonnes, forgé avec un lingot de 25 tonnes; Ulle partie d’ancre de navire pesant 1/2 tonne; Une hélice propulsive de 9 pieds de diamètre, en acier fondu; Une paire de rouleaux d’acier, durcis et polis pour laminer 1 or c’est la fabrication do ces petits articles, depuis quarante ans, qui a fait d’abord la réputation de M. Krupp. 504 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Enfin les bouches il feu suivantes Canon de Diamètre de Fume en pouces. 4 go chargeant par la houchc. 3,4 1 Poids en livres. 595 Canon de 25 se chargeant par la culasse. 3,75 1,905 Canon de 40 — 4,75 3,012 Canon de 100 — 7,00 7,709 Canon de 08 — pas fini. 8,12 8,305 Canon de » _ _ 9,00 18,000 Tous ces canons sont terminés intérieurement et extérieurement, à l’exception des deux derniers, qui n’ont pu être achevés en temps utile. ACIER BESSEMER. D’après l’expérience de cent années, on a reconnu dans tous les pays que certaines mines produisaient des fers à propension aciéreuse, et les produits de ces mines ont reçu des prix en rapport avec leur valeur. Le fer extrait de l’hématite prend rang maintenant parmi les fers à acier par l’introduction du procédé Bessemer, qui s’y applique heureusement à cause de son bas prix et de l’absence de soufre et de phosphore que cette méthode n’enlève pas entièrement. 11 serait peut-être plus exact de dire que le fer extrait de l’hématite bessemerisé est un fer supérieur, que de l’appeler un véritable acier, car il faut toujours le mêler à du fer possédant une propension aciéreuse. Il n’entre pas encore parmi l’acier vendu aux fabricants de Sheffield. Le patenté a établi une petite fabrique bien plus destinée à l’expérimentation qu’à la production, et a préféré vendre des licences à d’autres personnes que de fabriquer lui-même. Une immense publicité a été donnée au procédé Bessemer, et plusieurs fabriques se montent dans divers pays. John Brown et la Compagnie Wear Dale fabriquent cet acier. Ces habiles manufacturiers s’appliquent, à l’exemple de M. Krupp, à la production d’articles chers, et demandent d’abord un prix élevé pour couvrir leurs grandes dépenses d’établissement, sans doute pour diminuer plus tard leurs prix, lorsque la consommation augmentera et que le prix de revient deviendra moindre. Malheureusement, à mon avis, M. Bessemer a trop parlé du bas prix auquel il pourrait livrer un article qui allait faire concurrence aux aciers connus dans le LAMINAGE ET FORGEAGE DES MÉTAUX. Mü commerce. Les inconvénients de. ce plan sont évidents pour l’acquéreur de sa licence M. Brown, obligé de demander un prix rémunérateur qu’il obtient difficilement du public, qui attend de très-grands avantages par suite de tout ce qui lui a été annoncé. La demande a été jusqu’ici fort limitée, et a consisté surtout en rails, qui ont été vendus de 18 23 liv. st. la tonne par M. Brown. Ceux-ci sont bons daus certains cas, mais rencontrent la concurrence des rails en fer durcis par cémentation à la dépense de 1 1. st. par tonne, et aussi de celle des rails plaqués d’acier. L’acier pudlé de Firth, obtenu avec un mélange des meilleures fontes du Rhin au charbon de bois et de quelques-uns des meilleurs fers anglais au coke, peut être acheté au même prix que le fer de Lowmor; et s’il y avait une forte demande de rails d’acier, il n’est pas douteux qu’il serait employé à cet usage. L’acier pudlé fabriqué avec le fer du Rhin, et fondu par la méthode de Sheffield dans des creusets d’argile, est, pense-t-on, la substance employée par M. Krupp pour la fabrication des magni- liques spécimens qu’il expose. Il est également employé par la Compagnie Bocchum '. M. Bessemer, d’ailleurs, fond quelquefois son acier après l’avoir bessemérisé dans des creusets d’argile. Je ne sais pas quels sont, parmi les échantillons exposés, ceux qui sont produits de la sorte, ni dans ses listes de prix ce qu’il cote comme acier direct ou bien comme acier seulement; il n’y a pas de classification do ce genre parmi les échantillons. La preuve de la bonté de l’acier produit par l’ingénieux système que Bessemer a fait breveter, serait qu’il pût se vendre sur le marché de Sheffield comme une substance propre à être fondue pour produire les premières qualités d’acier. Après de longues recherches, M. Leplay perdant toute foi dans les rapports publiés sur les qualités du fer en France et dans d’autres pays, et sur leurs propensions aciéreuses respectives, préfère adopter les prix des fers des différentes mines comme critérium de leur valeur relative. Les marchands de Sheffield ne sont intéressés dans aucune mine particulière, et les *• L ’ U8 >ne de M. Krupp renferme aujourd’hui quatre cents fours do fusion, recevant chacun de deux à vingt-quatre creusets qui contiennent chacun 05 kilogrammes d’acier pudlé obtenu par le traitement des fontes miroitantes du pays de Siegen. On réum t les produits d’un nombre suilisant de ces fours pour couler les grandes pièces. üGü EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. acheteurs veulent toujours en avoir pour leur argent. L’expérience de plus d’un siècle a fixé la valeur relative do toute marque de fer bien connue. Le procédé Ressemer a été introduit en Suède, et appliqué aux produits des mines qui fournissent des minerais convenables pour fabriquer de bon fer, et lorsque le métal Ressemer serajun article de vente sur le marché de Shef- field, on aura une mesure exacte de sa valeur. Il y a cent ans le gouvernement et plusieurs compagnies en France assurèrent que le fer de France était le meilleur du monde pour fabriquer de l’acier. C’était une erreur, comme le {trouve le fait que jamais du fer français n’a été vendu à l’étranger dans un but semblable. Les Français prohibèrent l’introduction dans leur pays du fer de Suède qualité supérieure, à cause de cette malheureuse prévention en faveur de leurs propres produits. Quand les barrières ont été levées, les fers de Suède ont commencé à être employés en France, et la réputation des produits français fabriqués en acier a immédiatement gagné. Quant il l’applicabilité du procédé Ressemer pour obtenir des lingots de grandes dimensions pour arbres à manivelles, canons, etc., je pense qu’il y a des difficultés pratiques qui empêchent ce procédé de tenir ce qu’il a promis sous ce rapport, difficulté dont on pourra, j’espère, triompher. Tel est le court intervalle de temps pendant lequel le fer décarburé est mélangé à une substance fortement carburée, pour produire un acier régulier modérément carburé. La forme de la cornue rend l’état d’imparfaite liquidité, ou, si l’on préfère, d’imparfaite solidité très-incommode; elle gêne pour diriger le métal où il doit être porté. Aussitôt que la couleur de la flamme qui paraît au-dessus du vase qui renferme la charge de fer fondu montre que le carbone a été enlevé, la soufflerie est arrêtée, et immédiatement une charge de fonte au bois, comme celle du Rhin, propension aciéreuse, dont il a été parlé, y est versée. Le vent est alors rendu, et le temps nécessaire pour l’union parfaite des deux éléments n’est que de quelques moments, pendant lesquels le carbone est réduit à la proportion voulue par le vent. Dans la fabrication ordinaire de l’acier fondu, l’acier n’est pas détérioré pour être resté fondu même deux heures entières dans le creuset, et l’ouvrier ne verse jamais le contenu du creuset avant d’être assuré que l’acier est homogène et exactement àla température convenable, bien qu’il b07 LAMINAGE ET EORGEAGE DES MÉTAUX. n’y ait qu’une seule nature de substance dans le pot. Ces précautions olfrent beaucoup plus de difficulté avec deux espèces de matériaux dans un vase fermé, comme dans l’appareil Ressemer; et il paraît nécessaire, pour la perfection du travail, que le métal soit renfermé dans un vase auquel la chaleur puisse être appliquée pendant un temps suffisant par des moyens artificiels, de manière à donner le temps nécessaire pour l’union parfaite des substances. 11 y aurait à se rapprocher de l’ancien procédé de Sheiïield, de l’emploi du creuset. FORGEAOE DU FER ET DE L’ACIER. Les remarques que nous avons faites à propos de la fabrication des plaques de blindage nous dispensent d’entrer dans de longs détails relativement au travail du fer forgé. Un grand progrès a été accompli dans le travail du forgeron par la construction du marteau ù vapeur dans ces dernières années. En disposant de bons et nombreux fourneaux à réchauffer près des marteaux à vapeur, et en se spécialisant dans certains travaux de forge, on peut arriver à une grande rapidité dans la fabrication en môme temps qu’à une qualité supérieure des produits. L’essieu à manivelles pour locomotives, exposé par MM. Taylor frères, est annoncé comme fait en une demi- journée; mais nous ferons remarquer que ces essieux sont consommés en de telles quantités que le maître de forges peut avoir des ordres sur ses livres pour cent ou cent cinquante à la fois, et l u ’ü peut prendre par suite les meilleures dispositions pour former ses ouvriers et bien organiser son travail. Quand il y a beaucoup d’hommes employés et beaucoup de fourneaux pour préparer le travail pour un seul marteau à vapeur, il est économique de payer, même un prix très-élevé, le forgeron qui dirige j e travail, pour s’assurer un ouvrier supérieur; et quand même es Maires seraient extraordinairement élevés, la qualité du tra- vail le sera encore plus. a ylor frères exposent aussi quelques barres pour les rubans s canons Armstrong; elles proviennent d’un mélange de fonte 1 e 0I ' ts hire, à air froid, et de fonte au bois de Suède, mêlées poui 1 affinage et pudlées avec beaucoup de soin. La fracture 368 EXPOSITION UNIVERSELLE 1E LONDRES. est excellente, et plus compacte que celle d’un fer d’essieu. On ajoute quelquefois au produit suédois un autre de l’Inde. Pour arriver à cette manière de procéder, une longue série d’expériences sur les qualités du fer forgé obtenu par des mélanges de fonte de diverses qualités a été faite par les producteurs de fer du Yorkshire, qui a eu une si grande réputation. Je crois que M. Taylor a été pendant plusieurs années le directeur ou le contre-maître des forges de M. Cooper à Leeds, et on doit croire que les mélanges de fer dans différents buts sont basés sur les résultats d’expériences faites dans quelques-unes des meilleures forges. Je ne connais pas les proportions de fer de Suède employé pour le fer à canon employé [tour les rubans des canons Armstrong, mais j’ai été informé par d’autres sources qu’une addition de 15 0/0 de fonte de Suède au bois, ajoutée à 8a 0/0 du meilleur fer de Yorkshire, produit un excellent résultat. L’acier est continuellement employé à de nouveaux usages. La fabrication de Sheflield a fait de grands progrès depuis 1851, et MM. Firtli et Fils ont fondu des lingots d’acier fondu de plus de 5 tonnes pour canons; mais malheureusement l’emploi de l’acier n’a pas reçu d’encouragements de Wolwich, ce qui est bien à regretter, car il ne peut être douteux que l’acier fondu ue trouve de nombreux emplois dans l’artillerie. Il en est ainsi par exemple pour les canons en acier pour carabines. L’acier fondu de Sheflield est coupé en petites longueurs de 12 pouces, percées, chauffées et laminées àla longueur du canon qui estensuile alésé et rayé. Le supplément de dépense nécessaire pour remplacer le fer par l’acier est insignifiant, et cependant permet d’obtenir un canon de qualité vraiment supérieure. CLASSE 4. ASSAINISSEMENT KT MISE EN VALEUR DES LANDES DE GASCOGNE, Par M. J. CilAMBRELENT, Ingénieur des ponls et chaussées. Nous devons à l'amitié do M. Chambraient do pouvoir reproduiro loi l’intéressante notice qu'il a publiée à l’occasion de l’Exposition do Londres. Depuis 1840, époque où il a fait la première application de son modo de culture des Landes, il a eu bien souvent à expliquer, à faire comprendre son système nous dirons un mot en terminant pour montrer comment il n’y est pas toujours parvenu, malgré la simplicité do sa méthode, aussi cst-il arrivé itlo formuler avec une netteté parfaite. Nous croyons pic ces pages resteront comme la forme définitive do l’Exposition des principes simples cl féconds auquelsla France va devoir, dans peu d’années, la mise en valeur de 800,000 hectares de terres incultes dont on n’avait jamais su tirer parti, et l’enrichissement de deux départements de la France. C. L. Toute l’étendue de terrains connue sous le nom général de Landes, qui se trouve comprise entre la mer et les vallées de la Garonne et de l’Adour, présente une superficie d’environ 8,000 1 otnètres carrés, dont la presque totalité, il y a dix ans, était oncoie inculte et inhabitée. On n’y trouvait de loin en loin que 'lues chaumières isolées et quelques bouquets de pin, inac- esst es 1 hiver par l’inondation des terrains environnants. immense désert est cependant placé aux portes d’une des p us grandes villes de France et sous un des climats de l’Europe e plus favorable à la végétation. 11 est traversé aujourd’hui par HL 37 570 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. le chemin de fer de Bayonne, destiné à devenir, par son prolongement sur Lisbonne, l’une des lignes les plus importantes pour les transits avec l’Amérique, et il va être bientôt relié, dans toute son étendue, à cette grande artère, par des routes agricoles qui, partant des différentes gares, iront porter dans tout le pays le bienfait de nombreuses et faciles communications. On conçoit de quelle importance était la mise en culture d’un si vaste territoire placé dans des conditions si favorables. Depuis longtemps de nombreux essais avaient déjà été faits dans ce but; mais tentés le plus souvent sans une étude approfondie de ce singulier pays, ils avaient toujours échoué d’abord, parce qu’avant de les entreprendre on n’avait pas même songé à mettre ces terrains dans des conditions normales de culture, et d’un autre côté, parce que tandis qu’on s’efforçait, par des peines infinies et d’énormes sacrifices d’argent, de donner au terrain des qualités que la nature lui avait absolument refusées et de lui demander des produits incompatibles à son sol, on méconnaissait d’autres qualités non moins précieuses dont il était largement doté, et qui, avec de faibles efforts, devaient porter dans cette terre la richesse et la fécondité. Nous allons présenter une description succincte delà configuration et de la constitution du sol des Landes et l’on verra combien la mise en culture du terrain résultait naturellement d'une étude attentive et raisonnée du pays. Configuration et constitution du sol des landes. Les landes de la Gascogne forment un vaste plateau presque entièrement horizontal, placé à une hauteur de 80 à 100 mètres au-dessus de la mer. Le terrain qui le forme est composé d’un sol maigre et sablonneux, sans aucune trace d’argile ou de calcaire, d’une épaisseur moyenne de 0 m ,60 à 0 m ,80, reposant sur un sous-sol imperméable. Ce sous-sol imperméable, qui présente une épaisseur moyenne de O^O à 0 m ,40, et qui est connu dans le pays sous le nom d ’alios, est composé d’un sable ordinaire, agglutiné par des matières végétales qui forment une sorte de ciment organique. 57 ASSAINISSEMENT DES LANDES DE GASCOGNE. Il n’existe sur le plateau aucune source, aucune trace d’eau à la surface pendant l’été; mais en Inver, au contraire, les eaux pluviales, si abondantes sur ces côtes de l’Océan, s’abattent pendant plus de six mois sur ce plateau, et n’y trouvent ni écoulement intérieur, ni écoulement superficiel; elles y restent stagnantes jusqu’à ce qu'elles aient été évaporées par les chaleurs de l’été. Ainsi, l’inondation permanente l’hiver, la sécheresse absolue d’un sable brûlant l’été, tel est le caractère principal du terrain. Qu’on se ligure maintenant l’effet de ce passage continuel d’une inondation de six mois à une longue sécheresse, et on aura l’idée de la stérilité du sol pour toute culture, et de son insalubrité pour les animaux et les malheureux habitants qui y travaillent. Ou comprendra quels mécomptes devaient accompagner tous les essais tentés avant qu’on ait pensé à y faire disparaître ces deux causes, si nuisibles à tout développement agricole quelconque. Nécessité d’un assainissement préalable. — L’assainissement préalable n’était donc pas seulement une amélioration utile pour les landes, c’était une condition indispensable de leur mise en culture, et l’on peut dire sans hésiter que la cause principale qui a fait échouer jusqu’ici tant d’entreprises dans ce pays, c’est de n’avoir pas reconnu cette indispensable nécessité d’assurer, avant tout essai de culture, l’écoulement des eaux superficielles. Il est vrai que le terrain des landes avait toujours été considéré comme ayant par lui-méme si peu de valeur, et qu’en général les procédés de dessèchement d’un terrain marécageux nécessitent des dépenses si considérables, que jusqu’ici, môme ceux qui avaient constaté la nécessité du dessèchement, avaient reculé devant les dépenses à faire. On ne saurait penser, du reste, pour peu qu’on y réfléchisse, à appliquer à ces terrains le drainage proprement dit avec des conduits souterrains. La faible valeur des landes relativement au prix élevé du drainage, l’impossibilité de trouver des terres argileuses dans le pays, la couche imperméable d’alios qu’il faudrait percer, en lin la nature des cultures, consistant principalement en essences forestières qui étendent leurs racines en tous sens, sont autant de causes qui rendrout toujours impossible ce mode de drainage dans les landes. Un seul grand propriétaire a 572 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. voulu le tenter malgré toutes ces raisons, et il y a fait pour cela des travaux très-coûteux, auxquels il a dû renoncer complètement au bout de deux années. Système d’assainissement appliqué en 1849. — Si cependant on étudie avec soin la configuration générale du plateau des landes, on reconnaît un fait remarquable qui règne sur toute l’étendue du pays, et qui doit rendre l’assèchement très-simple et très-peu coûteux. Sur tout le plateau il existe, depuis le faîte jusqu’au versant des vallées, dans les deux sens perpendiculaires, une pente générale excessivement régulière; sur aucun point le terrain ne forme cuvette de manière à nécessiter des travaux spéciaux pour l’écoulement des eaux. Cette pente est tellement faible, que les moindres accidents ou plutôt les simples irrégularités du terrain la contrarient et empêchent l’eau d’en suivre la déclivité. Mais ces irrégularités, qui entravent ainsi l’écoulement, n’ont jamais plus de 0 n, ,30 à 0 ra ,40 de hauteur maximum, de telle sorte que, si sur un point quelconque de la lande, on ouvre un fossé de 0 m ,40 à O" 1 ,50 de profondeur, dont le plafond soit dressé suivant un plan bien parallèle à la pente générale du terrain, on est certain que ce fossé pourra être exécuté dans toute son étendue sans nécessiter des déblais de plus de 0 m ,GO à 0 m ,70 de profondeur, et qu’il écoulera parfaitement toutes les eaux qui y arriveront; traversant d’ailleurs un terrain de sable très-perméable, il attirera à lui les eaux superficielles jusqu’à une assez grande distance; et comme la pente de ce fossé, tout en étant bien suffisante pour l’écoulement des eaux, n’est jamais de plus de 0",001 à 0 m ,003 par mètre, les eaux y couleront toujours lentement et régulièrement sans en corroder les bords. Par suite de la perméabilité du terrain, il suffira du reste que ces fossés soient à des distances encore assez grandes les uns des autres pour obtenir le dessèchement complet du terrain. C’est ce système d’assainissement qui a été appliqué d’abord par nous en 1849 aux landes de Saint-Alban que nous avons mises en exploitation; ces landes étaient si inondées qu’on ne pouvait y circuler la moitié de l’année que sur de hautes échasses. Des fossés de 1’",20 de largeur en gueule, sur 0™,40 de profondeur, ont été ouverts dans le sens de la plus forte pente et dans ASSAINISSEMENT DES LANDES DE GASCOGNE. î>'3 une direction perpendiculaire. La longueur totale des fossés a été de 100 mètres par hectare. L’ell'et de ces fossés, qui constituaient un véritable drainage à ciel ouvert, fut complet et immédiat. Le terrain fut si bien asséché, que pendant les plus fortes pluies d’hiver, pendant que l’eau coulait abondamment dans tous les fossés et avec une remarquable régularité, le terrain ne présentait nulle part à la surface la moindre trace d’eau stagnante ; toute l’eau pluviale qui tombait traversait immédiatement le sol pour se rendre aux fossés, sans qu’on en vît même courir la moindre partie à la surface du sol. On peut d’ailleurs se faire une idée de la régularité et delà faible vitesse avec laquelle l’eau coulait dans les fossés, par ce fait pic depuis plus de douze ans que nos 200 kilomètres de fossés reçoivent tontes les eaux de la propriété et même une assez, grande partie des eaux supérieures, il ne s’y est pas produit la moindre corrosion. Le sol ainsi assaini pouvait recevoir toutes les cultures compatibles avec sa nature ; mais dans un tel terrain, composé d’un sable pur, sans mélange de calcaire et d’argile, et privé de population, la culture immédiate en grand des céréales ne pouvait se faire qu’avec d’énormes dépenses. C’est à peine si dans des terres de bonne qualité où ne manquent ni les engrais ni la population, la culture des céréales peut payer le cultivateur que serait cette culture aujourd’hui dans les terres maigres des landes, où manquent à la fois les amendements, les bras et les engrais 1 La culture forestière, au contraire, qui réussit si bien d’elle- même sans soins et sans efforts, sur les points isolés où le sol est naturellement assaini, indiquait clairement ce que nous avions à taire d’abord pour la mise en valeur immédiate de toute cette vaste étendue de terrain, où l’on ne pouvait appeler tout de suite toute la population nécessaire pour y développer de riches cultures. Climat. - Le terrain sablonneux des Landes, [^^0 essences forestières, est placé d’ailleurs sou ^ vi f. \\ y France les plus favorables à la " d ct ^ coudant; règne, dès le mois de mars, un solcd ej 1 o74 EXPOSITION UNIVEKSKLLE DE LONDIŒS. il y tombe toujours aussi, du mois de mars au mois de mai, des pluies fréquentes provenant du voisinage de l’Océan et des vents de mer qui régnent souvent sur la côte, mais dont les landes sont en partie garanties par les hautes dunes qui longent le littoral. Ces eaux de pluies restant toujours stagnantes à la surface, par suite de l’imperméabilité du sous-sol et de l’horizontalité du terrain, tous les semis de glands-faits jusqu’ici n’avaient pu y réussir facilement, malgré les excellentes conditions climatériques du pays, parce que pendant les deux mois du printemps, au moment de la germination naturelle, la chaleur solaire qui devait faire germer la graine était entièrement absorbée par l’eau qui couvrait le sol. Ce n’était guère que vers le milieu de juin, ou tout au plus à la lin de mai, que la terre, dégagée des eaux pluviales de l’hiver, recevait la chaleur nécessaire à la plante. Le gland germait bien alors quelquefois, mais avec peine; puis, quand arrivait la chaleur du mois de juillet, le plant à peine naissant ne pouvait résister au soleil brûlant de cette saison, et mourait en juillet pour n’avoir pas pu naître en avril. Pour les semis de pins, le mal n’était pas aussi grand, parce que cette essence pouvant végéter ù peu près à toute époque de l’année, et résistant mieux aux chaleurs de l’été, triomphait plus facilement des mauvaises conditions du terrain; mais sa végétation n’en soutirait pas moins, et en ne commençant à pousser qu’au mois de mai ou de juin, il était naturellement bien moins développé que s’il avait pu profiter dès le mois de mars de la chaleur solaire de cette époque, qui allait en quelque sorte s’éteindre dans l’eau qui baignait le sol où il se trouvait. Sur quelques points même où l’eau séjournait jusqu’au milieu de l’été, la graine elle-même ne pouvait germer. Aussi, au milieu des semis de pins tentés jusqu’ici dans la lande non assainie, parmi des arbres jaunâtres et soutirants qui disputaient chaque printemps â l’eau une partie de la chaleur nécessaire à leur végétation , voyait-on de nombreux vides où le pin n’avait jamais pu sortir et où toutes les dépenses de défrichement et de semis avaient été faites en pure perte. En semant, au contraire, sur le terrain assaini de manière à ce que l’eau ne fasse que traverser le sol, le-gland et la graine de pin ont pu germer partout dans le courant de mars, sous la double iniluence des pluies du printemps, dont l’eau ne fait que ASSAINISSEMENT DES LANDES DE GASCOGNE. 875 traverser et arroser la terre, et d’un soleil déjà chaud à cette opoque, dont toute la force est employée à féconder la végétation; et au mois de juillet, les jeunes plantes, qui ont poussé promptement leurs racines dans un sol léger et très-divisé, se trouvent assez profondes et assez fortes pour résister au soleil et pouvoir reprendre dès les premiers jours du printemps leur active végétation. Un fait jui s’est présenté d’une manière remarquable, et qu’il otait facile du reste de prévoir, c’est que dans ces parties basses °u le pin ne pouvait venir parce que la graine y était noyée, la végétation s’est développée après l’assainissement avec une activité bien plus grande encore que sur les autres points. Les eaux y avaient entraîné, en effet, chaque hiver, tous les détritus végétaux ou animaux, tous les engrais que les moutons y avaient déposés; de telle sorte que ces parties, perdues jusqu’ici pour toute végétation, se sont trouvées, par le fait du dessèchement, être les parties les plus fertiles de la lande. Après avoir appliqué, à l’automne de 1849, le système d’assainissement que nous venons d’indiquer, sur les landes de Saint-Alban, situées sur une des parties du plateau les plus fatiguées par les eaux, nous y fîmes exécuter au mois de mars des semis de pins et de chênes. Ces semis réussirent si bien, qu’en 1855 nous pûmes envoyer à l’Exposition universelle de Uaris des sujets qui avaient jusqu’à 4 mètres de hauteur, 0 m ,10 de diamètre. Ces résultats parurent si remarquables au Jury international, qu il voulut faire visiter sur les lieux les semis faits, qui se développaient alors sur une étendue de 500 hectares. Cet examen lit reconnaître 1° Que la bonne venue des arbres était aussi remarquable sur toute la surface des landes assainies; Que le système d’assainissement appliqué à ces landes était auss ^mple que peu coûteux; '1 Que le même système pouvait être appliqué avec la même aci ité sur toute l’étendue des 8,000 kilomètres carrés de terres e l insalubres qui existaient encore sur cette partie du sol 1 L a lance ’ et en permettre une mise en valeur rationnelle. Le Jui y international lit constater au^si, que sur tous les points 57C EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. où le terrain les landes se trouvait naturellement dans les conditions d’assainissement où nous pouvions mettre toute l’étendue des Landes, au moyen do nos fossés d’écoulement, il existait des arbres déjà Agés qui s’étaient développés chaque année d'une manière aussi remarquable que ceux venus dans les landes inondées, après notre assainissement préalable, ce qui ne pouvait laisser de doutes pour l’avenir des semis faits dans ces derniers terrains. Depuis 1855, nos semis de 1850 et tous ceux qui ont été faits depuis ont continué à se développer avec une vigueur au moins aussi grande; on peut en juger par les sujets que nous avons envoyés celte année à l’Exposition universelle de Londres des chênes venus de glands semés en 1850 présentent des hauteurs de tige qui vont jusqu’à 7“',80, et une circonférence de O" 1 ,70 au collet. On ne peut citer, dans l’histoire de la végétation en France, rien d’aussi remarquable que le développement de ces jeunes arbres. M. Duhamel du Monceau, dans son grand ouvrage des semis et plantations, cite comme exemple de belle venue de chêne, un semis fait en 1732, dans un excellent terrain de sable gras, qui fut bien cultivé pendant les premières années, et qui présentait en 1759, c’est-à-dire après vingt-huit ans de pousse, un taillis de 22 à 25 pieds de haut, où beaucoup d’arbres avaient 12 à 14 pouces de diamètre. Nos semis, qui n'ont que onze ans, présentent une hauteur à peu près égale, et un diamètre de plus des deux tiers des autres. Les sujets que nous avons envoyés à Londres ne sont pas, du reste, des sujets exceptionnels et beaucoup plus beaux que l’ensemble de ceux qui existent dans nos semis. En 1859, lors de l’Exposition de la Société philomathique de Bordeaux, le jury d’agriculture nomma une sous-commission pour visiter nos semis dans toute leur étendue. On peut voir, par le rapport fait à la suite de cet examen, ce qu’est l’ensemble des arbres sur toute la surface de nos landes assainies. La belle venue des chênes, dit le rapport, est parfaitement égale sur toutes les parties consacrées à cette essence; et quelque remarquables que fussent les sujets exposés, il eût pu en être pris de plus beaux sur le domaine. Une des objections qui avaient été faites dans le principe ASSAINISSEMENT D1ÏS LANDES DE GASCOGNE. Ü77 contre notre système, c’est que les fossés d’écoulement ouverts dans un terrain sablonneux s’ébouleraient et se combleraient promptement, et qu’ils cesseraient de fonctionner au bout de peu de temps. On verra aussi, par l’extrait du rapport de la commission de visite des lieux, en 1859, que les fossés ouverts depuis dix ans sont en parfait état de conservation. Ce fait, qui paraît assez surprenant, était cependant facile à prévoir pour qui u bien étudié le sol des Landes. Bien que ce sol soit formé d’un sable fin et meuble, sa surface est couverte d’une abondante végétation de bruyère, dont les racines forment dans l’intérieur du terrain, jusqu’à la profondeur de l’alios, une sorte de trame assez serrée, qui donne de la consistance au sable et en prévient l’éboulement. D’un autre cèté, l’égalité de la pente générale du sol nous a permis de dresser le plafond de nos fossés suivant une pente tellement uniforme et des lignes tellement droites, que l’eau y coule avec une parfaite régularité, sans jamais y causer de corrosions. C’est ainsi que nos fossés, après une durée de douze ans, se trouvent dans l’état de parfaite conservation constaté par le jury de Bordeaux en 1859. Une autre objection encore plus sérieuse avait été produite contre l’avenir de nos semis. Quelques personnes avaient fait observir que le sous-sol imperméable des landes, qui règne à 0 m ,60 environ au-dessous de la surface du terrain, étant un tuf d’une nature particulière qui ne peut être traversé parles racines des arbres, il était à craindre que, lorsque les racines arriveraient ù ce terrain, elles ne pourraient point pivoter, et que, par suite, le développement de la tige s’en ressentirait. Nous avions déjà répondu à cette objection en faisant remarquer combien le pivot de l’arbre, qui ne reçoit jamais l’humidité ni la chaleur fécondantes de l’atmosphère, était moins important que les racines traçantes, pour le développement de l’arbre ; mais il était encore mieux de répondre à l’objection par le fait lui-môme. Pour cela, nous avons fait enlever les arbres envoyés à l’Exposition de 'Ondres av ec toutes leurs racines. On verra combien peu ces memes ont pivoté, sans que cependant le développement des ai les ait cessé d’élre de plus en plus remarquable. our faire comprendre encore mieux combien le pivotement c e a îacine a peu d’influence sur le développement de la tige, nous avons présenté aussi un jeune pin pris dans un semis qui 578 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. a été fait en 1855, dont le pivot avait déjà commencé l’année dernière à s’émousser contre le tuf, et qui néanmoins a présenté cette année-là une longueur de pousse énorme de 1 m ,G0 pour les deux pousses du printemps et de l’automne. On verra, au surplus, par le peu de développement de cette racine, combien le pin des Landes se nourrit peu dans le sol, et combien sa végétation se fait principalement dans l’air. Débouché des produits. — En présence de la grande production de bois que devait amener l’ensemencement forestier d’une si vaste étendue de terrain, il est naturel de se préoccuper du débouché de ces bois. Culture des pins. — Après vingt ans, les pins des Landes peuvent être résinés, et alors ils donnent des produits dont on est tou jours sûr de trouver un facile débouché. Mais pendant les vingt premières années du semis, on ne peut tirer des éclaircies qu’il faut faire au fur et à mesure de la croissance des arbres, que des bois de chauffage ou des bois d’œuvre. L’exploitation des éclaircies de jeunes pins en bois de chauffage ne donne qu’un combustible de faible valeur sous un gros volume, et qui paye à peine le transport, pour peu que le semis soit à une grande distance de bordeaux. Quand les semis ont sept ans, on peut y trouver des éclialas pour les vignobles du département. C’est déjà un produit qui peut donner en moyenne 15 à 18 fr. par hectare, et dont la consommation annuelle est considérable dans la Gironde. De douze à vingt ans, les éclaircies de semis de pins peuvent donner des chevrons pour charpente, des poteaux télégraphiques et autres bois d’industrie; mais les éclaircies de cet âge ont trouvé depuis quelques années, en Angleterre, un autre débouché important qui tend à s’agrandir de plus en plus. Il a été demandé, en effet, ces dernières années, aux propriétaires des Landes, une grande quantité de poteaux de pins pour le fonçage des puits de mine, dans les exploitations houillères. Il a été expédié notamment, au port de Troom, en Écosse, pour les mines du duc de Portland, sept navires chargés de ces poteaux de pins. Les dimensions exigées pour les poteaux sont de 0 m ,06 de 579 ASSAINISSEMENT DES LANDES DE GASCOGNE. diamètre au petit bout, et 2",50 de longueur minimum. On voit, par le sujet que nous avons exposé à Londres, que dès l’âge de onze ans nos pins des landes assainies peuvent satisfaire à ces conditions. Le prix des poteaux envoyés en Écosse a été de 6 sliellings les 100 pieds anglais, livrés sur le quai de Troom, soit environ 7 fr. 50 les 3I mètres courants. Les navires qui transportent les poteaux de Bordeaux à Troom reviennent à Bordeaux-chargés de charbon. On voit dans quelles conditions avantageuses de transport peuvent se faire les envois de pins, et quel débouché nous pouvons espérer, pour les éclaircies de douze à vingt ans, des semis qui se font sur une grande échelle, depuis quelques années, dans les landes assainies. A vingt ans, les pins peuvent être résinés, et donnent alors des produits divers dont l’emploi se généralise de plus en plus dans le commerce, et dont on est toujours sûr de trouver un débouché facile et avantageux, quelle qu’en soit la quantité à écouler. A trente ans, un hectare de landes peut contenir 200 arbres, donnant en moyenne un revenu, en produits résineux, de 20 c. par arbre, soit 40 fr. de revenu annuel '. Le produit peut se maintenir au moins trente ans, si le pignadas est bien aménagé. A mesure que les arbres grossissent, il peut être bon de les éclaircir de manière à en réduire le nombre à 150 par hectare; mais alors le produit de chaque arbre augmente, et maintient à peu près le chitire du revenu, indépendamment de la valeur des sujets abattus. A soixante ans, les 150 arbres restants, après avoir été résinés pendant trente ans, peuvent avoir une valeur nette de 10 fr. au moins, ce qui peut donner un produit de 1,500 fr, par hectare, nou compris la valeur du sol qui reste après la coupe des arbres. Si l’on remarque à quel prix on peut avoir encore aujourd’hui un hectare de landes, assaini et ensemencé, on peut juger de rits! ^ epU ' S lnnm - e dernière, par suite de la guerre d’Amérique, le prix de la do 6 ** llUS f ' UC doublé, de telle sorte que les belles plantations de pins ont jg" 0 ! ' ,8 ' 1U ’ 1 110 francs de revenu net par hectare. Il est probable que ce prix d U ' U ' IIC » e se maintiendra pas aussi élevé qu'il l’a été en 1861, mais il no îe osiendi a jamais aux prix anciens, et l'on peut alllrmer que dans l’avenir le produit d un hectare de pins ne sera jamais moindre do 50 à 60 li anes. 11 est peu do terrains qui donnent un revenu aussi considérable. Ü80 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. l’avantage que peuvent présenter, pour l’avenir des familles, des propriétés semées en pins. Culture du chêne. — Tour les semis de chêne, les résultats sont encore plus avantageux. Le bois de cliône a toujours été le bois le plus recherché, soit pour les constructions en charpente, soit pour la marine; on peut être assuré d’un débouché d’autant plus avantageux, dans l’avenir, pour ces bois, qu’ils deviennent chaque jour de plus en plus rares en France et même en Europe, et qu’on est obligé de les faire venir d’Amérique, où le chêne est d’une qualité bien inférieure. Un fait important, qui donne encore plus de valeur aux résultats obtenus parla culture des chênes dans les landes et qu’on ne saurait trop signaler aux agriculteurs du pays, c’est que ces chênes, venus si rapidement, donnent néanmoins des bois d’une qualité supérieure. Le caractère, en effet, le plus remarquable du chêne des Landes, venu dans un terrain assaini, c’est que, contrairement ù larègle presque universelle parmi les végétaux ligneux, l’énorme lfâtiveté du bois ne règne pas aux dépens de sa qualité. Ce fait si important nous a été confirmé par plusieurs ingénieurs des constructions navales, et il est signalé depuis longtemps dans l’ouvrage Des Forêts delà France page 151, de M. de Bonnard, inspecteur général des constructions maritimes, comme le résultat d’une enquête faite sur les lieux en 1822 par des hommes spéciaux. M. de Bonnard, après avoir expliqué combien il serait heureux, pour les besoins de la marine, qu’on pût asseoir dans les Landes une grande institution forestière, ajoute ; Il est fâcheux qu’un si brillant aperçu soit gâté, quant û présent, par deux grands empêchements, par le manque d’un bon débouché pour extraire du pays l’approvisionnement qu’on y créerait, et par l’état de marécage malsain dâ au défaut d'écoulement des eaux hivernales sur le sol plane et imperméable des Landes. » Notre système d’assainissement fait entièrement disparaître le plus grand des deux obstacles. D’un autre côté, le chemin de fer de Bayonne et les routes agricoles que l’État fait exécuter en ce moment assurent au pays des débouchés, qui pourront d’ail- ASSAINISSEMENT DES LANDES DE GASCOGNE. 381 leurs être augmentés au fur et à mesure que les produits développés dans les landes assainies augmenteront de valeur. Depuis notre Exposition de 1855, sur laquelle le jury international avait fait un rapport si favorable, la presque totalité des landes appartenant aux particuliers ont été assainies et mises en valeur. Une loi du 19 juin 1857 a prescrit, en outre, l’assainissement et la mise en valeur de toutes les landes communales existant dans les deux départements de la Gironde et des Landes. Dans la discussion de cette loi au Corps législatif, la Commission chargée d’examiner la loi cita dans son rapport les résultats que nous avions obtenus par nos travaux de 1849 et que nous avions fait connaître en 1855, ainsi que la faible dépense qu’ils avaient nécessitée. Ces résultats répondaient d’une manière péremptoire ù ceux qui prétendaient qu’il n’y avait pas plus de raison d'ordonner la mise en valeur des landes de Gascogne, que celle de toutes les autres landes du sol de la France. Nulle part ailleurs on ne pouvait, avec la même dépense, obtenir des résultats plus certains et aussi considérables. Les travaux d’assainissement et d’ensemencement faits par les communes sont payés avec le prix d’une portion de leurs landes, vendue avec la condition imposée aux acquéreurs d’y faire eux- mêmes des travaux semblables. Aujourd’hui, l'assainissement et la mise en valeur de toutes les landes de Gascogne s’exécutent avec la plus grande activité dans les départements de la Gironde et des Landes; et dans quelques années, toute cette vaste étendue de terrains arides et insalubres, où avaient échoué jusqu’ici toutes les entreprises qu’on y avait tentées, auront disparu sous de magnifiques forêts de pins et de chênes, où les nations voisines, et notamment l’Angleterre, viendront chercher les bois nécessaires à leur industrie. 582 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. CULTURES DIVERSES. Fabrique d’engrais. — Tabac. — Pommes de terre. — Prairies. Nature des eaux et puits d’eau potable. Quoique la culture forestière doive être longtemps encore la base des grandes exploitations dans les Landes, ù côté de cette culture il faut développer, mais en marchant lentement, et au fur et à mesure que les ressources le permettent, une culture qui puisse appeler et nourrir la population qui doit servir à cette exploitation, et surtout la formation de prairies pour les chevaux et les bœufs destinés au transport des bois. Dans le terrain maigre et sablonneux des Landes, l’élément le plus essentiel pour la culture est le fumier, et il est d’autant plus rationnel de chercher à en avoir le plus possible, que ce sol sablonneux, avec une quantité suffisante de fumier, est un des sols qui se prêtent le mieux à la culture. L’on ne pouvait songer à suffire aux besoins de la culture avec le fumier du bétail actuel des Landes, car le peu de fumier que fournissent les maigres et chétifs troupeaux de ces contrées, exigerait qu’on consacrât à ces troupeaux la presque totalité des immenses déserts où chaque mouton est obligé de parcourir plusieurs hectares pour trouver une nourriture qui peut à peine le soutenir. Ce qui manque, du reste, le moins dans les Landes, c’est la litière. Les bruyères, les fougères, les herbes de toutes sortes qui couvrent tout le sol des Landes, la feuille de pin elle-même, conviennent très-bien à la confection du fumier; elles contiennent jusqu’à 0,40 pour 100 d’azote, d’après les analyses qui en ont été faites avec le plus grand soin. Avec cette abondance de litière et un très-grand centre de population relié aux landes par un chemin de fer, nous avions les deux éléments nécessaires pour une production en grand d’engrais qui a pu s’établir d’une manière simple et économique. Les vidanges de Bordeaux, que les entrepreneurs étaient obligés de porter à de grandes distances de la ville, et les urines, ASSAINISSEMENT DES LANDES DE GASCOGNE- 583 qu’ils jetaient le plus souvent à la rivière, sont transportées le matin au chemin de fer, sur lequel nous avons pu obtenir un tarif spécial, et dirigées sur un point des landes de Saint-Alban, où on les emploie, soit dans leur état naturel, pour la fermentation des litières, soit à des productions de poudrette, pour desservir les parties des landes les plus éloignées où les transports des composts seraient trop coûteux. Avant leur arrivée au chemin de fer, les matières et les urines sont désinfectées par une dose de sulfate de fer de 2 kilogrammes environ par hectolitre, qui fixe le carbonate d’ammoniaque en le transformant en sulfate. La désinfection est si complète, que tous les trains peuvent se charger des transports sans le moindre inconvénient. La dépense est, du reste, insignifiante elle n’est que de 14 à 20 centimes par hectolitre. A l’avantage de faire disparaître la mauvaise odeur des matières, le sulfate de fer joint un autre avantage plus grand encore c’est de retenir dans les matières les principes volatils les plus favorables à la végétation, et de conserver ainsi la richesse de l’engrais. Du reste, notre engrais de vidange, dont la composition est si variée, est un de ceux qui conviennent le plus au sol si maigre des Landes, surtout ù cause des carbonates et des phosphates calcaires qu’ils lui apportent et qui manquent si complètement dans le sol. 38,4c Cl, 54 100 , 00 — 100,00 Cette fabrique d’engrais, établie dans les Landes depuis 1857, L’analyse de cet engrais a donné les résultats suivants 1 ° Matières volatiles. Eau et produits volatils ou combustibles, non compris , . 30,47 . . 1,00 — Aïotc. ' 2° Cendres. „ , , 0,92 aels solubles dans l’eau... U6sidu arçila-& Insoluble dans les acides. ’ Alumine, peroxyde do fer et phosphate. Chaux. 3 >’* Acide carbonique ou pertes. ^ ’ ,">84 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. a permis surtout d’introduire dans notre exploitation une culture des plus riches, celle du tabac. Celte culture nous donne un très-grand produit par elle-même, mais elle a surtout l’avantage de préparer parfaitement le sol pour y former des prairies. Il a été planté, en 1861,246 hectares de landes en tabac dans le département de la Gironde. Il est probable que cette surface s’étendra chaque année davantage, à mesure que se développera, dans les landes, la population qu’y appellent les semis de pins et de chênes. Une autre culture assez productive et répandue dans toutes les fermes, c’est celle de la pomme de terre, qui a aussi l’avantage de bien préparer le sol pour des prairies. La prairie est, sans contredit, après l’exploitation forestière, la culture la plus rationnelle des Landes, où se trouve un sol frais jusqu’au commencement de juin, époque delà fenaison, qui devient tout à fait sec au moment delà maturité des céréales, et qui se trouve, du reste, privé des bras nécessaires à la culture des céréales. Notre fabrique de Saint-Alban, située sur le bord du chemin de fer, ne fournit pas seulement des engrais aux landes de la Gironde il s’y fabrique des poudrettes qu’on expédie aussi dans le département des Landes. En 1861, il en a été expédié plus de 1,400 hectolitres au domaine impérial de Solférino, où ces poudrettes ont été signalées comme un des meilleurs engrais à employer. Cet engrais, en se répandant de plus en plus dans les Landes, permettra d’y développer chaque année davantage les cultures, et par suite les prairies. Celles-ci, en favorisant l’élève du bétail, créeront à leur tour une nouvelle source d’engrais, qui augmentera encore par elle-même le développement des cultures. Nature des eaux. — Une des causes qui nuisent le plus au développement agricole dans les Landes, c’est la mauvaise qualité des eaux qui servent à l’alimentation des hommes et des animaux. C’est là un des plus grands obstacles dont on doit chercher à triompher; car tant qu’on ne réussira pas à assurer aux habitants et au bétail une boisson pure et saine, on ne peut espérer de voir se développer dans le pays la population qui doit en assurer la mise en valeur ASSAINISSEMENT DES LANDES DE GASCOGNE. Ü85 Ainsi que nous l’avons dit, il n’existe aucune source d’eau •vive sur tout le plateau des Landes. La seule eau qu’on y trouve pour la boisson des hommes et des animaux provient d’une nappe générale située sous la couche aliotique, à 1 ra ,20 environ au-dessous du sol. Les puits ne consistent ainsi que dans de simples trous, creusés à travers l’alios pour arriver à la nappe d’eau placée immédiatement au-dessous. L’eau de cette nappe provient des premières eaux pluviales de l’automne qni tombent sur le sol des Landes; ces eaux, après avoir lavé le terrain et entraîné tous les détritus végétaux et animaux qui s’y trouvent en abondance, passent à travers les interstices assez nombreux de l’alios, et vont se loger dans le banc de sable qui se trouve immédiatement au-dessous. Elles y restent stagnantes, toujours chargées d’abondantes matières organiques, parmi lesquelles se trouve principalement de l’albumine végétale. Ces eaux sont généralement d’un aspect jaunâtre, d’une saveur âcre; aucune végétation, aucun roulement sur le sable ouïe gravier, ne contribue à les purifier ou à les aérer, ainsi que cela a lieu pour les eaux courantes. Placées d’ailleurs presque au niveau du sol, elles sont glaciales en hiver et tièdes en été. De telles eaux, où la putréfaction de l’albumine végétale développe des produits azotés, sont généralement bonnes pour l’arrosage des terres, et la facilité de les avoir, l’été, sur un point quelconque de la lande, par un simple trou de t ,n ,20 de profondeur, en fait une ressource précieuse pour la culture du pays. Nous les avons utilisées avec avantage dans certaines cultures, notamment celle du tabac, et on peut les considérer comme devant être d’une grande importance pour les cultures que l’avenir développera dans les Landes avec la population. Mais on comprend, en môme temps, combien de telles eaux doivent être funestes pour la boisson des hommes et des animaux; pour assurer une bonne exploitation agricole, il fallait a solunrent avoir une eau plus saine. Au-dessous du banc de sable dans lequel se tient cette nappe d eau, il existe des gisements d’argile et de calcaire sous lesquels il n est pas douteux qu’on pût trouver de l'eau plus pure que celle qui existe immédiatement au-dessous de l’alios; mais des sondages de plus de 20 mètres de profondeur, que nous avons Ut. 38 880 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES, faits sur différents points, n’ont pas atteint ces couches, et il est probable, d’après l’étude géologique du pays, que les bancs d’argile ou de calcaire se trouvent à une trop grande profondeur pour aller chercher l’eau des puits ordinaires en dessous. Mais au fur et à mesure quel’eau impure de la surface descend à travers le sable, elle se débarrasse peu â peu des matières organiques qu’elle tient en suspension; de telle sorte que la même eau, prise à une profondeur de quatre mètres par exemple, offre un degré de pureté plus grand que celle prise à la surface. Si, de plus, on fait passer cette eau prise à 4 mètres à travers une forte couche de calcaire et de gravier argileux, elle finira par se dépouiller du restant des matières organiques et sortira de cette couche artificielle tout à fait pure. Pour appliquer cette idée, nous avons construit un puits de 4 mètres de profondeur seulement, pour rendre la dépense le moins élevée possible. Les parois ont été cimentées de manière à être imperméables. L’eau n’y arrive maintenant que par la partie inférieure; nous avons mis, en outre, au fond, une couche de 0 m ,50 de gravier argileux et de pierrailles calcaires qui n’étaient que les débris de la taille de nos pierres; l’eau, en sortant de cette couche, se trouve pendant quelques jours un peu blanchâtre, mais elle reprend bientôt sa limpidité et se trouve entièrement débarrassée de toute matière organique; elle est, au contraire , chargéo d’un peu de bicarbonate de chaux dont elle était privée avant d’arriver au puits, puisque c’était de l’eau pluviale, mais qu’elle y a pris en passant à travers notre filtre artificiel. Or, comme on le sait, la présence des sels calcaires en petite quantité dans l’eau est favorable aux conditions hygiéniques de l’eau. L’eau distillée est reconnue moins bonne à l’estomac que celle qui contient, une petite proportion de bicarbonate de chaux. Des puits semblables ont été construits dans toutes les communes des Landes du département de la Gironde. Cette substitution d’une eau pure et saine ù la mauvaise eau que buvaient les habitants, a été une des plus grandes améliorations apportées à la salubrité du pays. Dans un grand travail de dessèchement qui s’exécute aujourd’hui sur une longueur de 100 kilomètres, sur le versant occidental du plateau des Laudes, entre la Gironde et le bassin d’Arçachon, dans la partie du pays où les 887 ASSAINISSEMENT DES LANDES DE GASCOGNE, fièvres sévissaient avec le plus de force, nous n’avons pas eu do malades depuis trois ans dans des chantiers de plusieurs centaines d’ouvriers, et ce résultat est principalement dû aux précautions prises pour assurer de la bonne eau aux travailleurs. Tel est l’ensemble des mesures prises pour obtenir l’assainissement et la mise en valeur des Landes de Gascogne, et qui assurent aujourd’hui à la France la conquête pacifique de ce vaste territoire. Note. —La nécessité si bien démontrée ]iar M. Cliambrclentparun raisonnement si clair et bien plus péremptoirement encore par une expérience si probante, de faire précéder toute plantation dans les Landes de l’établissement de fossés assurant l’écoulement des eaux stagnantes, est à peine généralement compristrau- jouril’hui. Il se trouve encore quelques personnes, et il s’en trouvait surtout beaucoup, il y a quelques années, qui pensaient que l’on pouvait so dispenser de semblables travaux, qui n’en appréciaient pas l’absolue nécessité. Je n’en citerai pour exemple que quelques passages d’un rapport inséré au Moniteur du 11 octobre 1850 sur tes cultures des domaines impériaux des Landes, et certes les ingénieurs chargés de leur direction sont des hommes plus éclairés que la plupart des propriétaires des Landes. Après avoir rendu compte de divers modes d'ensemencement, le rapport dit qu’on a ensemencé en pins une étendue de 351 hectares par un mode particulier, dit à la canne. Nous devons avouer, y lil-on, que ce semis a mal réussi. Nous ne croyons pas toutefois devoir condamner définitivement, d’après cette expé- rience, ce mode d'ensemencement très-rapide et très-économique, t-u effet, le semis exécuté de celte manière a été fait en juillet, en vue d'expérimenter les semis tardifs que plusieurs praticiens du pays considèrent comme les plus cill- caces ; mais nous croyons définitivement que les mois de juin, de juillet et d’août sont la saison la plus défavorable aux semis de pins et que la campagne du printemps doit finir en mai et celle d’automne ouvrir en septembre. * On voit que la conséquence définitive à laquelle arrive l’auteur du rapport n’est autre chose que la reconnaissance du principe essentiel posé par M. Chatn- brelent fie semer en mai, mais sans ajouter qu’un bon résultat n'est assuré qu’’P GS lui suffisent avec un léger accroissement dans la puissance, dans la surface de chauffe et le poids servant à adhérence. C’est ainsi que le poids porté par l’essieu moteur des 610 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. machines express atteint souvent 14 tonnes; 11 1/2 sur les machines à deux essieux couplés, et 10 1/2 à 11 sur les machines à trois essieux couplés. La pression de la vapeur est plus élevée, les foyers plus spacieux, les roues motrices plus grandes', et l’approvisionnement d’eau et de combustible plus considérable. Ces modifications permettent de remorquer, à vitesse égale, des trains un peu plus lourds que par le passé; elles ont surtout pour but d’augmenter la vitesse, qui est le point principal sur lequel se porte la concurrence entre les lignes anglaises. Mais si l’Angleterre ne présente aucune disposition d’ensemble nouvelle, son exposition est du plus haut intérêt, au point de vue des dispositions de détail et de la perfection de l’exécution. On sent que chacune des pièces est travaillée par un outil spécial, et que la main-d’œuvre se réduit de plus en plus au simple montage des machines. Le choix d’excellentes matières est très-apparent, ainsi que la tendance à la simplification dans la forme et à la réduction du nombre des pièces. Les roues motrices sont exclusivement en fer, les bandages en acier fondu, ainsi que les essieux et plusieurs pièces du mécanisme. Le travail de l’aciér nécessite l’emploi d’outils très-résistants, et la transformation des machines-outils. Sous ce rapport, l’Allemagne entre dans la même voie que l’Angleterre la maison Borsig, de Berlin, expose une machine dont les pièces d’acier n’ont été dressées et ajustées qu’après la trempe. FOYERS. La variété des foyers fumivores destinés à brûler la houille est beaucoup plus grande en Angleterre qu’en France. Les machines exposées olfrent, sous ce rapport, plusieurs dispositions très- dignes d’être étudiées. Nous citerons le foyer Mac-Connell, en usage depuis plusieurs années sur le North-Western, qui se compose d’une chambre de combustion s’étendant bien au delà do la grille, séparée en deux parties, ainsi que la grille, par un bouilleur vertical qui va presque jusqu’à la plaque tubulaire. 11 y a deux portes, deux grilles, et pour ainsi dire deux foyers qu’on charge alternativement. Cette grande capacité de la chambre de combustion per- MACHINES LOCOMOTIVES. CH met un mélange complet de l’air et des gaz combustibles, et produit, en conséquence, la fumivorité. Le foyer Clark, dans lequel le mélange de l’air et des gaz est produit, au moyen de jets de vapeur, par les deux faces latérales du foyer. Nous citerons, en outre, le foyer Kamsbottom, appliqué sur la machine Lady of the Lake , du North-lVestern, dans lequel l’air est introduit par deux ouvertures carrées placées au-dessous des tubes, par conséquent sur la face postérieure du foyer et munies de clapets pour modérer l’admission. Au-dessus de ces ouvertures se trouve une voûte en briques réfractaires qui avance d’une quantité presque égale à la demi- profondeur du foyer et qui force l’air ù passer sur la surface du combustible et à produire des remous en changeant brusquement de direction pour entrer dans les tubes. Le foyer Cudworth, de la machine exposée par MM. Sharp, Stewart et C ie . Ce foyer se compose d’une longue grille de 2 m ,40 fortement inclinée, qu’on peut piquer par le dessous et nettoyer en marche; elle est terminée par une petite grille horizontale à renversement. La boîte à feu contient un bouilleur longitudinal occupant un peu plus de la demi-longueur de la grille et qui la sépare pour ainsi dire en deux grilles distinctes desservies chacune par deux portes spéciales superposées. Le foyer Connor, appliqué sur la machine express de MM. Neil- son et O, de Glascow, offre un rabat en briques réfractaires disposé exactement comme celui de M. Ramsbottom; seulement l’introduction de l’air a lieu par la porte. Le foyer Frodsham, employé sur le Easiern-Gounties, consiste principalement dans un rabat placé derrière la porte d’introduction d’air, et dans l’emploi de jets de vapeur dans l’intérieur du foyer, de façon à mélanger les gaz combustibles avec l’air nécessaire à leur combustion. Nous citerons encore le foyer employé par M. Jenkins sur le Lancashire et Yorhshire, et qui se compose d’un rabat lixé au- dessous des tubes avec prise d’air par trois rangées horizontales de trous sur la face postérieure, et une rangée sur la face antérieure du foyer. Nous citerons enfin, comme le résumé le plus complet des tentatives laites dans cette voie, les nombreux foyers de M. Beattie, sur le London and Eor t h-Western. Les premiers foyers con- 612 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. sistaient en deux grilles distinctes à la suite l’une de l’autre, desservies chacune par une porte, et dans l’intervalle desquelles se trouvait un bouilleur transversal en métal percé de trous. Sur la première grille, on chargeait de la houille ; sur la seconde, du coke ; derrière ces grilles, se trouvait une chambre de combustion, profonde, séparée en deux parties par un bouilleur vertical. Aujourd’hui on ne charge plus qu’avec de la houille, le bouilleur est agrandi et reporté plus au fond du foyer. L’Exposition anglaise se composait de 12 machines dont 4 machines express; 4 — à marchandises ; 4 — de petites dimensions pour houillères et travaux de terrassement. Sur ces 12 machines, 4 seulement ont des cylindres intérieurs ; et sur les 20 qui composaient l’exposition de toutes les nations, 6 seulement avaient des cylindres intérieurs. MACHINES EXPRESS. Les 4 machines express exposées ont les roues motrices placées entre les roues, de support. La surface de chauffe, quoique plus grande qu’autrefois, n’atteint pas encore 100 mètres carrés pour les machines dont la largeur de voie est 1 m ,50. Le diamètre des roues motrices est, en général, de 2 m ,10 à 2 m ,50. Les roues, de 2 m ,70, sont les plus grandes que l’on puisse trouver sur les machines express des lignes anglaises. Un poids de 12 à 14 tonnes est porté par les roues motrices. — C’est le dernier mot de ces machines sous ce rapport. La C io du London and North-Western expose 2 machines l’une, construite aux ateliers deWo'lverton, par M. Mac-Conneli, l’autre, aux ateliers de Crewe, par M. Ramsbottom. 1° La machine de M. Mac-Connell est à cylindres intérieurs, dont la course est 0 ra ,61. Les roues motrices ont 2 m ,30 de diamètre. La surface de chauffe n’atteint pas 80 mètres. Les bandages, les manivelles, et l’essieu coudé sont en acier de Krupp. MACHINES LOCOMOTIVES. 613 Elle est munie d’un injecteur Giffard. Le tertder est à 6 roues et porte des balanciers compensateurs entre les roues du milieu et celles d’arrière. L’ensemble pèse avec 8 tonnes d’eau et 2 tonnes de coke, 54 tonnes, soit 675 kilos par mètre carré de surface de chauffe. Le foyer disposé pour brûler de la houille est de la forme décrite précédemment, sous le titre de foyer Mac-Counell. 2° La machine de M. Ramsbottom est à cylindres extérieurs, de 0 m ,407 de diamètre, et de 0 m ,61 de course. Les roues motrices ont 2 m ,33 de diamètre. La base a une longueur de 4™,70. La surlace de chauffe est de 91 mètres carrés, dont 7»',75 au foyer. Le poids servant à l’adhérence est de 11 1/2 tonnes. La machine est munie de deux injecteurs Giffard. Le tender à 6 roues porte 8 tonnes d’eau et 2 de combustible. L’ensemble pèse plein 531 /2 tonnes, soit 575 kilos par mètre carré de surface de chauffe. Le foyer est disposé pour brûler de la houille et de la forme des foyers Ramsbottom. Le soupapes de sûreté et les pistons sont d’un modèle nouveau dû û M. Ramsbottom. Enfin, cette machine porte un appareil spécial inventé également par M. Ramsbottom, pour l’alimentation d’eau sans arrêt. Sur la voie se trouve une rigole en fonte de 400 mètres environ de longueur, de 0 m ,40 de largeur, et 0 m ,13 .de profondeur, pleine d’eau. Le tender porte un large tuyau mobile, recourbé en avant à sa partie inférieure. Lorsque la machine arrive en vitesse, près de la rigole, on fait plonger le tuyau recourbé, et 5 à 6 mètres cubes d’eau sont introduits dans le tender en moins d'une minute. Toutefois l’eau ne commence ü entrer dans le tender que lorsque la vitesse du train est de 36 kilomètres à l’heure. Cette rigole, établie sur le chemin de Chester à Holyhead, permet un service régulier et journalier de 136 kilomètres sans arrêt. Depuis l’époque où cet appareil a été installé, environ 7,000 mètres cubes d’eau ont été pris par les machines. La C 10 du London and Nord- Western railway , se dispose à installer ces rigoles dans d autres stations. Comme détail intéressant, nous rappellerons que, le 7 janvier 1862, l’emploi de ce moyen a permis à une machine de franchir sans arrêt et en 2 heures 25 minutes les 210 kilomètres qui séparent Holyhead de Stafford. 3° Le Caledonian railway exposait une machine de M. Connor, construite chez M. Neilson et C ic . Cette machine est à cylindres 614 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. extérieurs, de 0”,6I de course, et à double châssis extérieur et intérieur. Le diamètre des roues motrices est de 2 m ,50. La surface de chauffe est de 99 mètres carrés extérieurement. La longueur des tubes est de 3 m ,80; leur nombre, 192; leur diamètre extérieur, 47 millimètres 1/2. Le foyer est fumivore, et de la forme indiquée précédemment, sous le titre de foyer Connor. L’essieu moteur est en acier fondu et fabriqué dans les ateliers du Caledonian railtvay; les bandages sont en acier fondu de Krupp. Le poids de la machine pleine est do 31 tonnes; en lui supposant un tender à 6 roues, le poids par mètre carré de surface de chauffe serait de 530 kilos. C’est la plus légère des express exposées par l’Angleterre. Le poids sur l’essieu moteur est de 14 tonnes 1 /2. La 4 e machine express est exposée par Beyer, Peacock et C, et destinée au chemin de fer du Sud-Est du Portugal, dont la voie est de 1 m ,68. Les cylindres extérieurs ont 0 ra ,41 de diamètre, et 0 in ,56 de course. Le diamètre des roues motrices est de 2 m ,14. La base est de 4 m ,67. La surface de chauffe est de 122""', dont >,50 au foyer. La longueur des tubes est de 3",38; leur nombre 215; le poids servant à l’adhérence 11 tonnes; le tender contiendra 10 tonnes d’eau et 1 1/2 de charbon. MACHINES MIXTES ET A MABCIIANDISES. 1° Machine mixte à 4 roues couplées du South-Eastern-Connties railtvay, projetée par M. Robert Sinclair et construite dans les ateliers de Robert Stephenson, à Newcastle. Cette machine a parcouru 72,000 kilomètres sans autres réparations que celles de peinture et du tournage des roues motrices. Elle a des cylindres extérieurs placés horizontalement, de 0 m ,61 de course. Le diamètre des roues motrices est de 1 ,n ,83. Les bandages sont en acier de Krupp, et une paire de bandages qui ont parcouru 110,000 kilomètres sans être tournés, est exposée avec la machine. L’usure de ces bandages est d’environ 6 millimètres. La machine est munie d’injecteurs Gififard. La surface de chauffe totale est de 94 1/2 mètres carrés, dont 88 pour les tubes extérieurement. Le poids de la machine pleine MACHINES LOCOMOTIVES. 615 est de30 tonnes, dont 20 sur les 4 roues motrices; le poids du tender plein est de 23 tonnes. Ces poids correspondent au chiffre de 560 kilogr. par mètre carré de surface de chauffe. La machine est munie du foyer Frodsham décrit précédemment. 2° Machine à 4 roues couplées, exposée par S. W. G. Armstrong, construite dans ses ateliers de Elswick Works, près Newcastle. Cette machine destinée à Y East-lndian railiuay, a une largeur de voie de b",68, et des cylindres extérieurs de 0 m ,56 de course. Cette machine a 9™,30 de surface de foyer, et seulement 95 mètres carrés de surface extérieure des tubes. 3° Machine à 6 roues couplées à cylindres intérieurs de 0 m ,61 de course, exposée par W. Fairbairn et Sons, de Manchester, cons- Iruite sur les plans de M. Kirtley. Le diamètre des roues est de 1 m ,68; le châssis est double. L’essieu coudé repose sur 4 boîtes à graisse. Le nombre des tubes est de 180 ; leur diamètre 54 millimètres ; leur surface de chauffe de 106 mètres carrés. La porte du foyer est formée de 2 vantaux s’ouvrant horizontalement. 4° Machine à 6 roues couplées, à cylindres extérieurs de 0™,43 de diamètre, et de 0 m ,61 de course, construite par MM. Sharp, Stewart et O, de Manchester. Diamètre des roues 1 ,n ,68; la base est de 4 m ,73; poids de la machine pleine, 32 tonnes, dont 11 1/2 sur l’essieu moteur du milieu. Il y a un double châssis extérieur et intérieur; l’essieu coudé est porté par 4 boîtes à graisse. Le générateur est alimenté par deux Gitfard. La surface de chauffe totale est de 108 mètres carrés, dont 11 au foyer. Le nombre des tubes est de 189. Le foyer fumivore est celui que nous avons décrit précédemment sous le titre Foyer Cudworth. Les bandages sont attachés aux roues, de façon à ne pouvoir pas s’en séparer en cas de rupture. Nous avons indiqué les moyens employés par les ingénieurs français pour accroître la puissance des machines dans le but de leur faire gravir de fortes inclinaisons ou de remorquer des trains très-p es ants, tout en prenant les précautions nécessaires pour leur permettre de passer sans fatigue dans des courbes de laible rayon, il es t cur i e ux de comparer ces moyens avec les dispositions P ri ses récemment par les ingénieurs anglais dans les mêmes circonstances. 016 EXPOSITION UNIVERSELLE IE LONDRES. Ces circonstances se présentent dans l’Inde, sur le chemin de fer Great Indian peninsula, où se trouvent deux fortes inclinaisons l’une, celle de Bore-Ghaut, a 25,200 mètres de longueur et franchit 564 mètres de hauteur. C’est une inclinaison moyenne de 22 mm ,4 par mètre. La rampe n’est pas régulière; elle s’élève à 27 millimètres sur 7,200 mètres. La machine le Bore-Ghaut, construite à Manchester sur les dessins de M. J. Kershans, ingénieur, par MM. Sharp, Stewart et C io , est ù 10 roues, dont 6 motrices, situées h l’arrière et couplées. Les quatre roues de support sont à l’avant; leurs essieux sont montés sur un truck ou bogie. Le diamètre des roues motrices est de l m ,32, celui des roues de support est de 0 m ,84; la distance entre les essieux extrêmes est de 6 m ,09. Le poids porté par les six roues motrices est de 37,500 kilogrammes; les roues du bogie portent 11,500. Le poids total de la machine est ainsi de 49 tonnes, y compris son eau d’approvisionnement 4,775 litres et son combustible '. La surface de chauffe est de 134 mètres carrés, dont 120 en tubes et 14 en foyer. Le bogie placé à l’avant peut pivoter et glisser à la fois de plus, les roues de l’essieu moteur intermédiaire ont leurs bandages sans saillies et tournés cylindriquement. Ces dispositions permettent à la machine de passer sans effort dans des courbes de 150 mètres de rayon, malgré le grand écartement des essieux et la rigidité des châssis intérieurs et extérieurs qui ont, tous deux, la longueur de la machine et sont très-solidement établis. La machine est munie de quatre freins à sabots, système Lai- gnel, glissant sur les rails, et qui peuvent porter le poids entier qui pèse sur les roues motrices. Cette disposition a pour but de ménager les bandages qui, sur des pentes aussi longues, ne pourraient glisser sur les rails sans être rapidement altérés. L’ingénieur et les constructeurs espèrent que cette machine remorquera un train de200 tonnes, au moins, sur le Bore-Ghaut. Cela est difficilement admissible. Un train de 200 tonnes exigera, sur la rampe de 27 milli- 1. Ces chiffres sont extraits de l’Artizan. MAC1IIN1ÎS 017 mctres, un effort de traction de 31 k ,25 par tonne, soit pour 200 tonnes. 6,250 kil. La machine pèse 49 tonnes; à elle-seule, elle exigera. L’effort total de traction serait donc de. 7,780 kil. Le poids adhérent étant de 37,500 kil., l’effort de traction serait le cinquième environ rie ce poids. Or on sait que le rapport habituel de l’effort de traction au poids adhérent est de -J- à i. Si môme on compare les poids maxima autorisés par les ordres de service sur la plupart des chemins de fer, avec l’effort de traction que ces poids supposent, on trouve que cet effort n’atteint jamais le cinquième du poids adhérent des machines qui remorquent ces trains. Pour les machines qui portent leur approvisionnement, la proportion — r est d’autant i ,0 plus convenable que l’approvisionnement diminue rapidement en marche. Si on compare la surface de chauffe avec l’effort de traction sur lequel l’ingénieur paraît compter, on arrive à des chiffres également impossibles. L’effort de traction de 7,780 kil. qu’on espère tirer de 134 mètres de surface de chauffe et à la vitesse de 24,500 mètres à l’heure, correspond à 58 kil. par mètre carré. Or, dans les machines dont il s’agit, l’expérience indique 36 kil. pour l’expression habituelle du rapport de l’effort de traction à la surface de chauffe et à la vitesse de 16 à 18 kilom. seulement. L’effort de traction pouvant être, au maximum, élevé au septième du poids adhérent, quand la surface de chauffe est suffisante, il serait ici de 5,350 kil., et cela correspondrait à 40 kil. par mètre carré de surface de chauffé, c’est-à-dire à un produit encore considérable. La machine remorquerait dans ce 49 totlues , dans lesquelles elle entrerait elle-même pour onnes - 41 resterait 122 tonnes de poids brut, correspondant à onnes de poids net, au lieu de 140 qu’on paraît attendre, n se fondant sur l’expérience acquise pour obtenir un effort ^ o traction de 7,780 kil., nécessaire pour remorquer un poids de 200 tonnes sur une rampe de 27 millimètres, les ingénieurs fran- HL 40 618 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. çais auraient construit une machine ayant 21 h mètres de surface de chauffe et 50 à 60 tonnes de poids adhérent. Des machines ayant ces proportions se construisent en ce moment dans les ateliers de MM. Gouin, sur les dessins de la Compagnie du Nord, qui entend les appliquer à un service de trains très-pesants. Rien de particulier dans la machine anglaise ne fortifie d’ailleurs l’espoir que ses auteurs manifestent; les cylindres ont, il est vrai, un grand volume ; mais le diamètre des roues motrices est proportionnel. Le foyer, qui dans nos plus puissantes machines a 10 mètres de surface de chauffe, en a 14 dans celle-ci ; mais la surface tubulaire est relativement très-faible l'expérience indique d’autres proportions. Rien ne peut, du reste, mieux caractériser l’infériorité de cette machine comparativement à celle des chemins de 1er français, que le rapprochement suivant son poids est, par mètre carré de surface de chauffe, de 365 kil., tandis que, dans les machines récemment construites et en construction, il s’est abaissé, en France, ù 319 et aujourd’hui à 258 kilogrammes. MACHINES DE PETITES DIMENSIONS POUn TRAVAUX DE TERRASSEMENTS ET POUR MINES. Ces petites machines, au nombre de 4, sont surtout remarquables par la solidité et par la simplicité de leur construction. Elles prouvent la tendance de spécialiser de plus en plus les machines aux besoins à desservir. EXPOSITION BELGE. La Société anonyme de Couillet expose une machine à marchandises à 6 roues couplées, à cylindres intérieurs. Le diamètre des roues est de 1 m ,40; la surface de chauffe de 114 mètres carrés, dont 7 m ,80 au foyer; le poids de la machine pleine est de 33 1 /2 tonnes; le poids maximum par paire de roues est de 11 tonnes. La course des pistons est de ü m ,60; leur diamètre 0 m ,445; la base est de 4'»,00. La machine porte un foyer llelpaire, dont nous avons donné précédemment la description; l’essieu d’arrière est placé au- dessous de ce foyer. MACHINES LOCOMOTIVES. 619 . EXPOSITION ALLEMANDE. Cotte exposition comprend 4 machines, dont 2 pour l’Autriche, 1 pour la Prusse, et 1 pour la Saxe royale. Cette exposition est très-remarquable sous le rapport de la perfection de l’exécution, de la nouveauté des dispositions, et du rôle que joue l’acier dans ces machines. 1 0 Machine locomotive express Dupleix, exposée par M. Ilaswell, directeur de la Société autrichienne de Vienne. Voici les raisons par lesquelles M. Ilaswell explique les dispositions qu’il a adoptées pour cette machine. Les forces qui naissent de l’inertie des masses animées d’un mouvement alternatif ont pour résultat, comme on le sait r de produire un mouvement saccadé longitudinal d’avant en arrière, et d’arrière en avant, dont l’intensité croît avec la grandeur relative des masses à mouvement alternatif par rapport à la masse entière. Elles tendent aussi, à cause de l’action des pistons, tantôt concordante, tantôt opposée, et changeant alternativement de direction, à faire tourner la machine horizontalement autour de son centre de gravité, de gauche à droite et de droite à gauche, c'est-à-dire à produire ce qu’on appelle le mouvement de lacet. Elles produisent enfin d’autres mouvements désordonnés, comme le roulis ou balancement de la machine autour de son axe longitudinal; Xondulation de toute la masse qui porte sur les ressorts de suspension; le galop, ou les élans autour d’un axe transversal horizontal. Enfin l’inertie des manivelles et des pièces qui s’y attachent produit une force centrifuge dont la composante verticale tend à surcharger et à décharger alternativement les roues motrices. On peut empêcher le mouvement longitudinal saccadé et le Mouvement de lacet au moyen de contre-poids exerçant une action égale et opposée à celles des masses en mouvement. Mais Poids lui-même de ces contre-poids exerce une action verticale 111 nse dont le résultat est, soit de soumettre les bandages et les lai s à des efforts supérieurs à ceux que nécessite leur conserva- îon, soit de réduire l’adhérence et de produire la tendance au patinage et au déraillement. » L ingénieur s’est donc proposé de réaliser, sans le secours des 620 EXPOSITION UNIVERSELLE 1E LONDRES. contrepoids , l’équilibre horizontal et vertical des masses en mouvement. Dans ce but, les 2 cylindres ordinaires sont, remplacés chacun par 2 cylindres superposés, d’une surface moitié moindre, dont les axes sont situés dans un plan incliné à l’horizon. Les tiges des pistons sont convergentes et l’intersection de l’angle qu’elles font est presque horizontale ; leur mouvement est alternatif; elles se terminent par des glissières situées au-dessus du second essieu porteur. A ces deux tiges s’attachent deux bielles agissant sur l’essieu moteur par une double manivelle, dont les deux tourillons sont aux extrémités d’un même diamètre. On se fera une idée très- nette du fonctionnement de ce mécanisme en supposant que la manivelle double représente la base d’un triangle dont les bielles sont les deux autres côtés, et dont les tiges des pistons sont les prolongements de ces côtés. Les épreuves ont confirmé les prévisions de l’ingénieur. La machine ayant été suspendue et les roues motrices animées d’une vitesse correspondante à une vitesse de marche de 154 kilomètres, le déplacement horizontal n’a été que de 2"" n ,2 et le déplacement vertical de 5 millim. Tandis qu’une machine exactement du même type, mais avec deux cylindres ordinaires et des contre-poids, a donné, pour une vitesse de 80 kilomètres seulement, un déplacement horizontal de 6 mm ,60 et de 42 millimètres verticalement. La machine Dupleix est alimentée par deux injecteurs Giflard ; elle a ses roues motrices à l’arrière; leur diamètre est de 2'",065; la charge sur les roues motrices est de 12,500 kilogr. La surface de chauffe totale est de 125 mètres carrés, dont 7,80 au foyer. On voit que les machines autrichiennes grande vitesse se rapprochent davantage, sous le rapport de la surface de chauffe, des machines françaises que des locomotives anglaises. Le constructeur de cette machine pense qu’indépendamment de l’avantage qu’offre cette disposition de pouvoir atteindre, en toute sécurité, les plus grandes vitesses, il y a lieu d’espérer qu’en raison de la suppression des actions perturbatrices les plus graves, les conditions d’usure de la machine seront améliorées, et que la conservation de la voie fera plus que compenser l’excédant d’entretien du double mécanisme résultant de l’emploi de quatre cylindres. MACHINES LOCOMOTIVES. 021 2° Machine à marchandises Steierdorf il cinq essieux couplés, exposée par la même société. Cette machine, destinée au chemin de fer d’Orawitza à Steierdorf Bannat, qui présente sur 17 kilomètres des rampes de 20 millimètres, et des courbes de 114 mètres de rayon, offre une disposition d’accouplement de cinq essieux permettant le passage dans des courbes de 90 mètres de rayon. L’étude de cette disposition, provoquée par M. Engerth, pour remplacer l’accouplement à engrenage, qu’il ne considérait lui- même que comme une solution temporaire et incomplète-du problème, a pris pour point de départ un mode d’accouplement par l’intermédiaire d'un faux essieu proposé par M. Kirchweger, directeur du service des machines du Hanovre. Après beaucoup d’essais et de tâtonnements, l’un des ingénieurs de la société autrichienne, M. Pius Fink, proposa la combinaison qui a été définitivement appliquée à la machine Steierdorf. En voici la description sommaire l’essieu d’avant du tender porte au-dessus de lui, au moyen de deux supports à tourillons sphériques, un faux essieu qui est maintenu à une distance sensiblement constante de l’essieu d’arrière de la machine essieu moteur au moyen de deux tiges guides assemblées aux coussinets du faux essieu et de l’essieu moteur, et portant deux articulations sphériques. L’essieu moteur et le faux essieu portent chacun une manivelle dont les boutons sont réunis par une bielle inclinée à tourillons sphériques. Cette bielle laisse en dedans la bielle d’accouplement des roues du train de la machine, ainsi que la bielle motrice. Enfin, les manivelles du faux essieu et du premier essieu du tender, portant des tourillons sphériques, sont réunies par »ne bielle pendante qui est toujours verticale en voie droite. Quand la machine passe dans une courbe, le premier essieu du tender et le faux essieu changent de position relative. L’essieu u tender prend une direction normale à la courbe, tandis que le faux essieu conserve une direction parallèle à l’essieu moteur. ans ce changement de position, les supports du faux essieu m, celui- c i descend par conséquent d’une petite quantité ou, en lestant horizontal, et tout en restant à la même distance e essieu moteur; le parallélogramme formé par les manivelles 622 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. lu faux essieu et de l’essieu moteur, par la grande bielle inclinée et par les tiges guides, s’aplatit ou s’ouvre suivant la direction de la courbe; le second parallélogramme, formé par le support, les manivelles du faux essieu, du premier essieu du tender et par la bielle pendante, se déforme également, et la bielle pendante cesse d’être verticale. Ce système d’accouplement permet de transmettre à l’essieu du tender les forces agissant sur l’essieu moteur; il n’a aucune tendance à déplacer les essieux et il ne modifie en rien leur charge. La machine est attelée au tender par une cheville ouvrière. Elle est munie d’un frein à vapeur dont les quatre sabots agissent sur le sommet des roues du deuxième et du troisième essieu de la machine. Les données principales de la construction sont Poids total servant à l’adhérence, y compris les approvisionnements de service, 46,750; surface de chauffe 122 mètres carrés; diamètre des roues, 1 mètre; surface de la grille, 1 m ,40; le poids porté par chaque essieu ne dépasse pas 9,500 kil., à cause de la faible dimension des rails. Les essais ont montré que cette machine est susceptible de franchir des rampes allant jusqu’à 25 millimètres, et do passer dans des courbes de 100 mètres de rayon. 3° Machine à marchandises à quatre roues couplées de Borsig à Berlin. Ce type est exclusivement adopté sur la ligne de Cologne à Minden pour le service des trains mixtes et des trains de marchandises. On le trouve, en outre, sur un grand nombre de lignes allemandes. Les particularités qu’offre cette machine sont une détente variable à double tiroir applicable exclusivement aux machines à marchandises ; une suspension h compensation destinée à maintenir une répartition constante du poids sur les trois essieux; l’ensemble do la machine repose sur trois points. Les bielles d’accouplement sont d’une grande légèreté apparente, elles sont en acier fondu et n’ont été dressées qu’après la trempe; les tiges de piston, les bielles, les manivelles sont en acier fondu; les boîtes à graisse en fer forgé. La surface de chauffé est de 93 m ,50, dont 6 au foyer; le nombre des tubes est de 156; leur longueur, 4 m ,20; leur diamètre G23 MACHINES LOCOMOTIVES. extérieur, 49 millimètres. Les cylindres ont 0>",43 de diamètre et 0'",56 de course. Le poids porté par les deux essieux moteurs est de 24 tonnes; le poids total de la machine et du tender en marche est de 50 tonnes, soit 535 kil. par mètre carré de surface de chauffe. Le tender, avec ses formes massives qui datent de quinze ans, fait contraste avec la machine si légère d’apparence et si hien étudiée. 4° Machine de montagne à quatre roues couplées exposée par Hartmann, à Chemnitz. Le caractère particulier de cette machine est un truck ou bogie d’une disposition nouvelle, placé à l’avant de la machine, et quf lui permet de passer dans des courbes de 85 mètres de rayon. Le châssis de ce truck, qui n’est supporté que par un seul essieu, est triangulaire; il est attaché à une espèce de cheville ouvrière qui lui permet de se mouvoir transversalement dans une certaine limite; ce truck supporte le corps de la chaudière par trois points qui permettent également un mouvement transversal. Cette locomotive a des cylindres extérieurs de 0“,38 de diamètre et 0 m ,56 de course; le diamètre des roues motrices est de 1 m ,37. Le poids porté par un essieu est de 10 tonnes 1/2 au maximum. La surface de chauffe est de 78 m, ,40, dont G,40 au foyer. Le nombre des tubes est de 148; le poids de la machine pleine est de 28 tonnes. Nous terminerons cet exposé en reproduisant ici la conclusion de notre rapport sur les locomotives. L’excellence de la fabrication des machines locomotives est due principalement à l’emploi de machines-outils spéciales. Sous ce rapport, l’outillage des ateliers anglais et allemands, qui se renouvelle chaque jour en se spécialisant, est aujourd’hui très- supérieur à celui des ateliers français. Pour faire cesser cette Cf iuse d’infériorité dans la fabrication des machines, nous demandons l’application des droits d’entrée du feraux outils étrangers 8 °rvant â travailler le fer pour la fabrication des machines. d’autre part, l’acier fondu, mais un acier fondu d’une qualité analogue â celle de l’acier de cémentation fondu ou de l’acier Krupp, est destiné à rendre de grands services à la construction des machines locomotives. 11 importe donc, pour stimuler la fabrication de cet acier et en accroître la consommation, d’ou- 024 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. vrir le marché français aux qualités d’acier que jusqu’à ce jour l’Allemagne et l’Angleterre ont seules pu nous fournir. Un autre point sur lequel se porte l’attention, en France, parce qu’il y constitue un obstacle de plus en plus sérieux aux progrès mécaniques, c’est l’influence de la législation des brevets. Depuis plusieurs années, un flot immense de brevets s’élève comme un rempart presque inaccessible devant les moindres comme devant les plus larges modifications du matériel des chemins de fer. Dans le vaste champ des dispositions mécaniques plus ou moins ingénieuses, appliquées, puis délaissées, puis reprises en partie et appliquées de nouveau avec succès, l’ignorance, la spéculation ou l’intrigue ont tout ramassé et se sont approprié à la fois ce qui se fait, ce qui ne se fait plus, et ce qui a quelque chance d’ôtre de nouveau appliqué. A mesure que la science découvre un principe nouveau, une loi, un corps ou de nouvelles propriétés d’un corps, une nuée de soi-disant inventeurs en traduisent immédiatement les applications ù toutes les industries et s’emparent de l’usage le plus simple qui en pourrait être fait. Cette lèpre des faux inventeurs est facile à reconnaître aux marques d’ignorance que constate la rédaction même du plus grand nombre de brevets. Elle monte et tend à couvrir le corps tout entier de l’industrie; elle constitue elle-même une industrie, une profession qui veille aux portes des ateliers, des bureaux de dessin, des laboratoires; qui s’y introduit indiscrètement, déloyalement, pour épier les progrès des idées ou de l’étude, les devancer et s’en attribuer la propriété. Aujourd’hui, le secret d’une amélioration doit être bien gardé si son inventeur veut avoir le temps d’en faire l’essai. Il y a plus l’employé le plus honnête, l’agent que sa situation attache aux travaux de l’industrie, devient incertain de savoir s’il gardera et exploitera lui- même, ou s’il laissera à celui pour lequel il travaille, les idées que la situation qui lui a été faite fait germer et éclore en lui. A part la moralité négative d'une institution qui assure une prime aux plagiaires et aux employés indiscrets ou infidèles, si l’on considère le développement inouï de l’envahissement par les brevets, du domaine de l’industrie et de la science, on reconnaît qu’il y a une impossibilité réelle à ce qu’un état de choses si contraire à tout progrès se maintienne. MACHINES LOCOMOTIVES. 02a Nous présenterons enfin une dernière considération dont l’Exposition montre l’opportunité. Les ouvriers anglais et allemands, employés dans la construction des machines, possèdent, plus que les ouvriers français, les notions scientifiques spéciales à leur industrie, Pourquoi? Ils n’ont pas l’intelligence plus apte à 1 étude, ils n’ont pas plus d’intérêt à s’instruire, non; mais il leur est plus facile d’acquérir ces notions. L’enseignement entre, à cet égard, dans le courant des habitudes de l’ouvrier anglais. Des institutions gratuites et spéciales pour la jeunesse et pour 1 a- dulte offrent à la fois l’occasion de l’activité intellectuelle et..du repos physique. L’adulte, qui y est conduit par le sentiment de son intérêt et de son devoir, y entraîne l’apprenti, et 1 habitude les y ramène chaque jour. En France, de généreux et habiles efforts se font dans cette voie trois écoles d’arts et métiers forment des hommes auxquels la carrière est ouverte, et dont le plus grand nombre atteint de belles positions dans les rangs du travail ; puis viennent quelques centres d'enseignement gratuit. Mais ces rares institutions, au lieu d’être voisines du domicile de l’ouvrier, l’appellent îi de grandes distances, exigent un changement de tenue et deviennent ainsi inconciliables avec le besoin de repos qui suit la fatigue de la journée. Il faut cependant un enseignement scientifique à l’ouvrier mécanicien. Sans cet enseignement professionnel, la France restera inférieure aux autres nations dans les arts mécaniques. L’adresse et l’intelligence ne suffisent plus, il leur faut un guide; les sciences exactes peuvent seules le donner. Où trouver une occasion plus belle et plus opportune de provoquer l’intervention du gouvernement? Les tableaux qui suivent montrent l’augmentation progressive de la puissance des machines des différents types pendant ces dernières années, et la réduction du poids de métal par mètre carr é de surface de chauffe. 126 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Machines express. ANNÉES. NORD. EST. ORLEANS. Poids servant h J'adhérencc. Surface de chauffe. Poids servent i\ l’adhérence. Surface de clwulfo, Poids servant A l’adhérence. Surfaoo de chauffe. tonnes. tonnes. tonnes. 1845 à 50 9,2 à 11,0 02 il 78 8,4 5 9,8 05 5 72 7,0 5 11,4 70 5 79 1850 à 55 11,0 à 12,0 78 à 94 9,8 à 10,3 72 5 97 11,4 5 12,3 79 5 80 i855 à 00 » 94 à 99 » D U » 18G0 à 62 12,0 5 13,G I O 0 12,3 5 13,0 80 ù 101 Machines mixtes. ANNÉES. NORD. Poids servant à Surface l’adhérence. de chauffe. EST. ORLÉANS. Poids servant k l’adhérence. Surface de chauffe. Poids servant à l’adhérence. Surface de chauffe. tonnes, U .2 tonnes. tonnes. 1845 5 50 14,5 05 17,2 5 20,4 83 5 104 1850 5 55 15,2 5 22,4 74 5 125 14,5 5 18,G 05 5 89 20,4 5 22,4 104 5 110 1855 5 00 18,05 21,5 89 5 99 22,4 5 24,0 110 5 128 1800 5 02 22,4 5 21,4 126 5 1G4 0 » » » 1. Express et trains ordinaire de voyagenrs. Machines à marchandises. ANNÉES. NORD. EST. ORLÉANS. Poids servant k l’adhérence. Surface de chauffe. Poids servant fi l’adhérence. Surfaro de chauffe. Poids servant à Fadhdrcncc. Surface do chauffe. 1845 5 50 1850 à 55 1855500 1800 5 G2 tonnes. 21,0 5 23,2 5 33,9 33,9 5 40,3 5 54,0 G7 5 74 74 5 120 12G 5197 197 5 213 tonnes. 24,0 24,0 5 20,8 20,8 5 39,4 30,9 80 805 100 100 5 190 125 tonnes. 22,3 5 28,9 28,9 5 30,7 30,7 5 37,0 37,0 5 38,0 ni .S G 9 5 114 114 5137 137 5140 140 5 209 TABLEAU représentant la diminution progressive du poids des machines-locomotives, par mètre carré de surface de chauffe. a • © © o ^ ? J gëi C0©00©*-i-'k0k!0©^© oor-eocoi—cot''-i'-cor-© © © oo CO 1^ kO O 05 0004©—lCO©kOCO© COuOrtlCOCOG^CNCOCN q s s " a O = = ï JS -0 0 O S" AI ©krt-t©' O» î- PH 05 r-39 au-dessus à une distance égale à l’épaisseur de la partie du fil qui passe entre les deux ; et dans le passage entre le deuxième et le troisième galet, tous ceux au-dessus sont soulevés de deux épaisseurs ; et enfin entre les derniers, ou entre le dixième et le onzième, le soulèvement du galet supérieur 6era la somme de dix épaisseurs, le système étant combiné pour que les actions successives du jaugeage s’ajoutent. Il est, de plus, multipliépar lo mouvement des axes i i' à l’extrémité du long bras ou index du levier D, et en raison du rapport entre les deux bras du levier ii 1 / / fit 4' c' dont la disposition est indiquée dans une projection horizontale [fig. 10. Le degré d’élévation de ces axes indique la moyenne de la portion de fil passant par les divers galets. S’il arrive une variation dans l’épaisseur du fil, elle se décèle par l’élévation ou l’abaissement du levier D' aveclesdits axes. Les axes i disposés vis-à-vis l’un de l’autre dans une fourchette à l’extrémité du levier D', constituent une portion du mouvement d’arrêt des bobines G G' G**. Lorsque le fil et la bobine sont arrêtés, on enlève çefte dernière pour lui en substituer une autre. Supposons que les trois bobines G G’G 2 correspondent à trois grosseurs 1, 2 et 3, et le fil 1 le plus fin, 2 le moyen et 3 le plus gros. Soit I en marche si l’épaisseur 2 augmente ou diminue, l’appareil s’arrête par la direction des leviers; l’ouvrière s’aperçoit si le fil devient plus fin ou plus gros; elle change alors la bobine en activité contre la bobine 1 ou 3. Disons de suite que la machine peut être réglée de façon à débrayer spontanément pour un plus grand nombre de cas; il suffit, à cet effet, de modifier un peu la disposition du débrayage qui s'effectue par la relation entre les axes i et avec des crans correspondant à un levier et un cadre agissant sur le levier à fourche q de la figure H cesser le contact de la bobine G' avec le galet H, fig. 8. Cette action se réalise, soit pour deux changements de grosseurs, par la communication des broches i i' avec trois crans; on pourrait en combiner quatre ou un plus grand nombre pour autant de finesses différentes. Avant de décrire les détails de ces débrayages, disons que l’originalité de l’appareil consiste essentiellement dans l’idée de ces galets superposés en équilibre, jouant le rôle d’une série de filières infiniment petites, d’une sensibilité infinie, pouvant au besoin opérer sur les plus grandes finesses. Et pour empêcher la 660 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. rupture du fil lorsqu’il est trop fin, on visse un bouton d’arrêt dans la partie supérieure du bras du levier D' opposé à celui qui porte les axes i i' du mouvement d’arrêt, et disposé de telle façon que, quand le fil touche à l’extrême limite de finesse, le bouton vienne se mettre en contact avec la tête du châssis il, empêcher la descente du bras le plus lourd du levier, et libérer le fil de la pression du galet C'. Outre les variations dans la grosseur des différentes parties d’une même bobine, il peut se présenter une variation assez considérable dans la grosseur moyenne des bobines ; il faut alors ajuster l’appareil jaugeur au mouvement d’arrêt au moyen de la vis de pression d placée à la partie inférieure. Suivant que l’on agit sur la vis dans un sens ou dans l’autre, on soulève ou l’on abaisse le premier galet C. Dans le premier cas, qui convient à un fil fin, on soulève tous les galets au-dessus ; dans le second, opéré en vue d’un fil gros, on augmente de la quantité voulue l’espace entre le galet et celui qui lui est superposé. Système de débrayage. Les dispositions aussi délicates que précises et sûres pour arrêter spontanément et presque instantanément la bobine lorsque la grosseur du fil varie, méritent d’être décrites surtout à cause des applications variées qui peuvent en être faites à d’autres appareils analogues. Pour comprendre les détails de ce. mécanisme, il est nécessaire de consulter simultanément les figures 8, 9,10 et 11, les trois dernières donnant certaines parties sur une échelle plus grande. L’un des éléments principaux du mécanisme de débrayage consiste fig . 11 dans le levier à crans P, et un châssis à mouvement de bascule Q. Le levier P est attaché par son extrémité inférieure à un arbre fixe k , tenu dans des paliers l /, fixés au châssis principal A, et ce levier est disposé de manière à se mouvoir à quelque distance de l’arbre k, et d’osciller autour de ce point. L’extrémité opposée du levier est amincie et porte deux crans n et n sur un côté, et sur l’autre côté un troisième cran, vis à vis l’espace qui existe entre les deux premiers. Le châssis Q est attaché à un petit arbre à bascule m, tournant dans deux paliers pp, fixés à l’arbre principal ; l’un de ces côtés s’étend au-dessus de l’arbre à bascule et a sa partie supérieure LES INDUSTRIES TEXTILES. 01 recourbée en q'fig. 8, de telle sorte que par un mouvement en avant il puisse remplir l’oilice d’une came sous la bobine en action, dont les tourillons portent dans les paliers ee, de manière à faire cesser le contact entre cette bobine et le disque II. Pendant que l’opération du parage s’effectue et que la prise du III a lieu, le levier P se trouve compris dans la bifurcation du levier D' [fig. 8, et repose par l’effet de son poids contre uades axes i i du levier D' fig. 10. Si le fil passant par les galets jau- gours est de grosseur moyenne, on place le levier P sur la droite de la bifurcation du levier D' hors de la voie de l’axe i', et entre les crans n' n 2 fig. 10 et 11 posant contre l’axe i. Tant que la grosseur du fil en dévidage ne s’écarte pas de la moyenne, l’axe i ni ne s’élève au-dessus ni ne s’abaisse au-dessous de cette partie du levier ; mais si la grosseur vient à augmenter, l’axe i s’élève au-dessus du bord inférieur du trou n' du levier P; si, au contraire, cette même grosseur diminue, l’axe i descend au-dessous du bord supérieur du cran n 2 dudit levier, et dans l’un et l’autre cas, la partie supérieure de ce dernier reste sans support. Son poids le fait alors abaisser contre la partie inférieure du châssis, suivant l’indication ponctuée fig. 8, faisant passer en avant le bras recourbé supérieur q contre le fond de la bobine b, pour la libérer du disque de commande II. L’ouvrière coupe alors le 111, retire la bobine, et la remplace par une autre destinée à une grosseur différente de celle en travail. Quoique cet appareil ait été spécialement imaginé pour le triage des soies et surtout des soies exotiques inférieures, nous pensons qu’il pourrait être utilement appliqué à la vérification de la régularité d’un fil quelconque, et rendre des services dans la fabrication et l’usage des fils d’autres substances ; son usage Pourrait servir à contrôler la régularité des titres sur tous les Points de leur longueur, ce qui est impossible par les moyens de vérification en usage. nouvelle machine a bobiner et a lustrer automatiquement LES FILS A COUDRE. Le dévidage ou transport d’un fil en écheveau ou en bobine sur une autre bobine est un travail des plus simples en apparence. Cependant le problème se complique si l’on considère 602 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. que le fil dans son envidage doit rester constamment soumis à une tension uniforme, qu’il doit se disposer en circonférences successives avec une régularité mathématique, que l’ensemble des couches superposées, au lieu de former un cylindre régulier d’égale grosseur sur toute sa hauteur, doit se constituer d’un fût cylindrique, avec des rebords en talus qui simulent assez bien une embase et un chapiteau, que la quantité ou la longueur de fût d’une même bobine doit rester constante et être fixée sur la bobine au commencement de l’opération et arrêtée à la fin par une entaille faite au petit récepteur, que le fil soit lustré en s’enroulant; enfin que cette opération accessoire du dévidage est une charge dont il faut diminuer autant que possible la dépense et les frais. Cette dernière condition, ajoutée à celle de la nécessité de la régularité de la forme, a fait imaginer depuis longtemps déjà des machines à tourner les bobines. La nature de celles-ci peut varier; on en fait parfois en métal, en os, en ivoire; mais elles sont le plus généralement en bois. Les tours automatiques destinés à ces bobines mériteraient une description spéciale si elle ne nous éloignait du sujet qui nous occupe. Pour donner une idée de leur utilité, il suffit de dire que l’une de ces machines, surveillée dans sa marche par un enfant, peut tourner 70 ji 80 grosses de bobines par jour. La machine à bobiner, exposée par MM. Sharp Steward et O, de Manchester, est de l’invention de M. William Weild, auquel l’industrie doit des progrès remarquables; la manière extrêmement ingénieuse dont il a résolu l’opération du dévidage automatique complet prouve à elle seule les connaissances spéciales et l’originalité de l’auteur. Aux conditions à remplir^ énoncées ci-dessus il a ajouté celle du transport et du placement automatique de la bobine. La machine la prend en effet dans une auge où elle est disposée, la met en place sur son axe, et commence l’enroulement en spirales superposées du fil, tout en le frottant, jusqu’à ce que la longueur totale des spires représente la longueur déterminée à l’avance, 180 mètres par exemple. La machine pratique alors spontanément une entaille pour y engager l’extrémité du fil; puis la bobine, après s’être dégagée, va se placer dans la position qui lui est réservée en descendant le long d’un petit plan incliné. Une seule machine peut former simultanément un plus ou moins grand nombre de bobines ; celle de l’Exposition LES INDUSTRIES TEXTILES. C03 en avait six. La perfection du résultat ne laisse rien à désirer. La construction de cette machine et d’autres de ce genre, pour les besoins du tissage, prouvent combien l’industrie anglaise est familiarisée avec ces sortes d’appareils et attache d’importance à la réalisation de problèmes auxquels nous n’accordons qu’une médiocre attention. Le Conservatoire des arts et métiers s’est empressé d’ pour ses galeries un magnifique modèle, sur une échelle réduite, et qui fonctionne néanmoins avec la précision de la machine qui a été tant admirée à l’Exposition. L’examen et l’étude de ce modèle fera mieux saisir l’intérêt qu’il présente que ne pourrait le faire la description longue et compliquée qu’il exigerait ici. Nous dirous seulement, pour faire apprécier le degré d’avantage de cette machine, qu'avec ses six bobines elle peut en faire de 18 à 20 grosses par jour de dix heures de travail effectif. Elle peut être soignée par une ouvrière quelconque, et réalise eri moyenne le travail de 0 à 0 dévideuses habiles, travaillant à la main. Il a été calculé dans un compte rendu anglais, concernant les services de cette petite machine, qu’elle pouvait faire économiser annuellement une somme de près de 100,000 livres ou 2 millions et demi de notre monnaie, c’est-à-dire les cinq sixièmes de la main-d’œuvre de trois mille personnes employées jusqu’ici au dévidage des petites bobines. TISSAGE. Les machines qui concourent au tissage peuvent se diviser en machines à préparer les tils et en métiers à tisser. Elles diffèrent suivant le genre de tissage, selon qu’il est uni ou façonné, lisse ou à poil, à entrelacements rectangulaires, à lils tendus et serrés, ou curvilignes à jour, à mailles üxes polygonales, ou enfin à un fil libre rebouclé produisant des réseaux élastiques. Les moyens indépendants de la nature des fils varient avec les caractères des entrelacements que nous venons d’indiquer sommairement delà les métiers à tisser ordinaires les étoffes unies, façonnées, les gazes, les velours, les tulles, les dentelles, les crochets et les tricots. Dans les métiers à tisser les unies, et surtout dans l’exécution des machines préparatoires, l’industrie anglaise paraît occuper 004 IMPOSITION UNIVERSELLE UE LONURES. le premier rang. 11 nous semble que nous sommes au contraire sensiblement plus en progrès dans la construction et le montage du métier Jacquard, à faire les façonnés à la main, tandis que les Anglais sont plus familiarisés avec l’application du Jacquard complètement automatique. Aucun métier à tulle n’étant exposé, nous n’avons pas il en parler; quant aux métiers à tricots, qui peuvent à leur tour se subdiviser en métiers à tricots droits et ii tricots circulaires, nous sommes plus avancés en France dans la construction de ces derniers. Quant aux premiers, nous commençons à peine à employer les métiers à faire un plus ou moins grand nombre de bas simultanément; nos concurrents nous ont devancés dans cette direction. Les constructeurs et les industriels anglais ont compris depuis longtemps toute l’importance des machines préparatoires; aussi se sont-ils ingéniés à les perfectionner autant que possible c’est surtout dans cette direction que l’exposition des machines anglaises brille. Machines à dévider, à ourdir, à encoller, à faire les lisses, les peignes, les cannettes, ligurent de toutes parts, et chacune d’elles est remarquable par quelques perfectionnements de détail ou quelque ingénieuse modification ou addition. Les dévidoirs, souvent trop rustiques chez nous, ont tous des combinaisons plus ou moins rationnelles pour que le fil, dans son transport de l’écheveau à la bobine, ou d’une bobine à une autre, ait lieu sous une tension constante, malgré la variation de volume des récepteurs une foule de dispositions ingénieuses sont imaginées à cet effet. Les ourdissoirs sont disposés de façon à ce que, malgré le nombre considérable de fils et la rapidité de leur marche, on puisse les surveiller, arrêter, et retrouver instantanément celui qui vient à manquer par une cause quelconque. Les machines à encoller, substituées presque partout aux anciennes machines à parer, ont permis de diminuer le matériel si compliqué de ce chef des cinq sixièmes, en produisant cinq à six fois plus, et au moins aussi bien que par le passé lorsque les encolleuses sont bien gouvernées et la colle bien faite. Enfin les appareils automatiques à faire des cannettes serrées, se produisent sous des formes différentes et se sont introduites dans presque toutes les industries. 11 nous serait impossible d’entrer dans la description de la plupart de ces appareils, dans un article du genre de celui-ci; nous y renonçons sans grand 665 LES INDUSTRIES TEXTILES. regret, attendu que la plupart de ces machines ne sont pas précisément remarquables par leur nouveauté, mais par la généralité de leur application en Angleterre. Afin de démontrer jusqu’à quel point les industriels de ce pays recherchent la précision dans l’outillage en apparencele plus simple, nous donnons fig. 12 la coupe d’un dévidoir établi de façon à ce que la tension des fils se rendant des éclieveaux sur les bobines reste constante, et fournissent des couches de fils également tendues et serrées sur toute leur grosseur, malgré la variation des diamètres de cette bobine à chacune des révolutions du récepteur du fil. La machine est symétrique; elle reçoit deux rangées de bobines, Tune à chaque côté du bâti, placées à égale distance l’une de l’autre. Ces bobines II ont une position verticale, comme dans la plupart des machines de ce genre ; l’axe ou broche de la bobine tourne en contact d’une espèce de palette ou frein Y fixé à l’extrémité supérieure d’un bras courbe élastique, agissant comme un ressort. La communication du mouvement de rotation est imprimée aux bobines par un disque circulaire horizontal L, placé à la partie inférieure de chacune d’elles, et reposant sur un autre disque vertical M; l’ensemble de ces derniers reçoit l’action simultanée par un arbre horizontal mû par les roues S et T, dont la dernière est fixée sur l’arbre moteur U. Chacun des disques frottants est garni de cuir ou d’une autre substance convenable pour adoucir le contact. Il résulte de cette disposition, que la vitesse de chacune des broches ou bobines dépend du rapport entre le diamètre du plateau déterminé par son contact avec le disque M. Plus le rayon de contact entre les deux disques tournant sera rapproché de l’axe de la broche, et plus la vitesse de celle-ci sera grande, toutes choses égales d’ailleurs. Cette vitesse diminuera nécessairement dans le cas contraire, c’est-à-dire à mesure que le contact entre L etM s’éloignera du centre de la bobine. Or, c’est cette variation ou diminution progressive de la vitesse en raison de l’augmentation de la grosseur de la bobine, qui est réalisée spontanément et automatiquement de la manière suivante Le pied du bras courbe O {fig. 13, dont la palette guide-fil supérieure reste constamment appuyée tangentiellement contre la bobine, peut glisser dans une coulisse pratiquée dans le chariot II, de façon à ce que la plus légère pression lui fasse 111 . 43 606 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. prendre un mouvement latéral, il s’ensuit qu’à chaque superposition de couche .nouvelle le bras courbe, la bobine et le disque L se déplacent d’une quantité égale à l’épaisseur de cette couche, et le diamètre suivant lequel le contact a lieu entre L et Fig. 12. Fig. 13. .O Yj IWtiltà- sW**o. M, et par suite leur vitesse relative change dans la môme pro- portion. La figure 12 démontre la situation relative des disques, 667 LliS INDUSTIUKS TKXTILHS. au commeiicomenl, au milieu et à la fin de l’envidage; la position a et 11 des disques correspond à l’action au commencement» du travail, c démontre la bobine à moitié pleine, et d l’indique au moment de son achèvement. Afin que les déplacements des bobines et commandes puissent s’opérer latéralement, conformément à la description qui précède, ces bobines et leurs disques sont placés sur une traverse à l’extrémité d’une barre J,-qui peut se déplacer autour d'une articulation K, qui a son point l’appui sur une traverse ou pièce D représentée en section horizontale /co oooooooooodooooooooooooooooooo CO CS CO OS KO £ - X fM — fN t- OS vO CM CS t* O KO CO CS fM io 5 âaCTcs'NaNirt'»itooiftt'O>wiocoi'*- 0 coowtr — CO CO KO -1* 00 1- TJ 1 i-O lO KO -H r -r-lCMCMCNCOr'r- > »*CMT}lO ' 5 lf 2 Sa^ , ^^îO'^>O'-H»Aa 5 'tfXC-'CO'* 1 T?GOo 6 aOO&l'''©C 5 ©orofN-,cOooîrt-icsoi'hir.h GH C'I H H Srh&SS&iSSSSOO^^^^^^tr^^ttCOOSXe-CSOCMCtOXX IIOIMOt^ 3341 ;-nDKv iSSS^ 2  3 i 2 SSC;°Ç 2 !çîG e ô ooc o w ^ î û 5 »^cocoxxi^coi->xi- TT©©Nf>lflOœ©©CO»»©ftfCH©ciiNC 1 MNNN!HN CM . ^ . .f CM. S CM O O O IO co cm co ’Xntfrii Wp • J S\KU ’wwHtton TOfOcMCMCMCOCOCOCOCMcMCMCOCOcMCNCNCNCOCOCMCOCOCOCOCOCOCOCOCO OOXXXXXXXapXXOQXXXXOC 0000000 » 0 »OXOQCMCM CMCMOHCMCMCMîMCMG 1CMCMG HCHM,30 de largeur, s’élargissant on forme l’anneau, à l’intérieur duuel est rivée une enveloppe cylindrique en tôle mince, consolidée à son orifice inférieur par une bride, et formant à la fois un support et une sorte de cage, pour recevoir la chaudière. Cette extrémité de la plaque est supportée par des ressorts semblables à ceux d’un omnibus, par l’intermédiaire de tiges de tension et d’attache, fixées k chacun des angles; le centre de gravité se trouve directement au-dessus de l’essieu d’arrière, qui est coudé, pour laisser passage à la chaudière. Les ressorts sont formés de lames d’égale épaisseur, mais dont la largeur diminue depuis le centre jusiju’aux extrémités. Al’avant, on se sert de deux resorts semblables, superposés, dans la ligne d’axe, et destinés k supporter le poids de la machine en son milieu. Ils remplissent ainsi le double objet de la maintenir, au moyen d’articulations placées aux deux extrémités d’un petit arbre vertical, formant émérillon ou joint universel. Ce mode de suspension par un seul point maintient mieux la machine pendant son transport; il empêche ses oscillations et la garantit mieux que toute autre combinaison, et avec le moindre poids de matière, contre les accidents de route. Les dimensions V DIAMÈTRES des tuyaux a vapeur. il eau. d’aspiration. de refoulement. m. U. m. 1. m. m. 1 Mcrrvwcathcr et fils .... ,, 2 Shaïul el Mason.. . 3 Shand et Mason... ... 704 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Los deux machines sont à cylindres horizontaux et à double effet; celle de Merryweather n’a pas de volant et le tiroir est conduit par un renvoi de mouvement, venant de la tige des pistons. On a cherché, au moyen d’un ressort, à faire démasquer brusquement les lumières d’admission, ce qui donne lieu à une série de chocs qui doivent fatiguer le mécanisme en peu de temps. La disposition générale de la machine est indiquée par la figure ci-jointe. Fig. 4 . mm'ÊAÈSSm . 1 W. / ' , . 1 .- La pompe de RIM. Sliand et Mason, fig. 5, est la plus simple ; le cylindre à vapeur À est placé dans le prolongement du cylindre à eau B, et il n’y a dès lors d’autre transmission de mouvement que celle nécessaire à la marche du volant C, destiné à faire passer les temps morts ; la chaudière est construite de manière à obtenir une mise en vapeur très-rapide; cette vapeur est conduite directement au tiroir par le tube D, contourné de manière à rendre ses dilatations plus libres ; elle s’échappe ensuite par le tuyau courbe E dans la cheminée très-courte F; mais MACHINES A ÉLEVER L’EAU. 70ü suffisante cependant, au moyen de l’échappement, r pour déterminer un tirage convenable. Le régulateur A air G est grand, bien disposé, et placé derrière le siège du cocher, il n’embarrasse pas la machine ; A côté Fig. b. JshMÏÜ iMjiïtm 1 W'/M rrc ato rar’ WL9- _sm- l’T7 ofrMlR '• . de ce régulateur se trouve une sorte de panier en tôle II, destiné A contenir une certaine longueur de tubes, insuffisante cependant dans la plupart des circonstances. Tout le système est porté sur quatre roues et facilement transportable avec deux chevaux. Voici comment le capitaine Shaw rend compte des opérations auxquelles M. le duc de Sutherland a procédé, avec le jury qu’il présidait Après l’examen des chaudières et des machines, les constructeurs remplirent leurs générateurs avec de l’eau directement puisée dans la rivière; les feux ayant été préparés, l'allumage s’est fait en même temps pour les trois pompes, et l’ordre a été donné de commencer le travail, pour chacune d’elles, aussitôt que la pression indiquée par le manomètre aurait atteint cinq atmosphères. 700 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. La machine de M. Merry weather y arriva en 12' 30"; le grand modèle de MM. Sliand et Mason en 18' 30" ; le petit modèle en 30 minutes seulement, par suite de la nécessité où l’on fut de la rallumer une seconde fois. » Voici d’ailleurs quelques détails nécessaires pour compléter les indications du tableau général des expériences que nous donnons ci-après. La machine n° t, de M. Merryweather, a atteint la pression de 5 atmosphères en 7'.40 ; après être montée jusqu’à 5 atmosphères, elle s’est abaissée de 1 atmosphère, pendant le premier essai. Elle s’est ensablée pendant les expériences 3, 9 et 13 et elle a éprouvé quelques dérangements dans les organes de distribution. , La machine n° 2, de MM.. Shand et Mason, n’a eu qu’un petit accident au tuyau d’aspiration, et l’expérience n° 17 a été prolongée pendant plus d’une heure. La machine n° 3 a également bien fonctionné, mais son jet de 0^,022 n’était pas de plus grande dimension que ceux des grandes pompes anglaises manœuvréesà bras; on verra par les tableaux des expériences que cependant 53 0/0 du volume de ce jet ont encore été utilisés à 1 8 m ,30 de distance et à 6 m ,10 de hauteur ; la plus grande rapidité delà marche de la machine, et l’énergie de l’effort exercé par la vapeur ont produit, même avec cette dimension d’orifice , d’excellents résultats. Dans le meilleur essai sur les pompes à bras on n’a pu atteindre un débit de 700 litres par minute ; le modèle n° 2 à vapeur en a débité, dans l’expérience n u 3, 4842 litres dans le même temps, et rien n’est plus propre, que cette comparaison, pour montrer les services que ces nouvelles machines peuvent déjà rendre; le débit est plus que sextuplé et le jet peut atteindre à une distance de 18 m ,30, mais à la hauteur très-faible, il est vrai, de 3 m ,05. Cette même machine a porté son jet à 24 m ,40 et à une hauteur de 9'»,15 avec une utilisation, en volume, de 0,37, là où toutes nos pompes françaises auraient été absolument inefficaces. Les brigades de pompiers de Londres possèdent déjà plusieurs de ces machines, et MM. Shand et Mason en ont installé une sur un bateau, pour protéger les propriétés riveraines de la Tamise; on sait qu’à Londres il n’y a pas de quai, et que les magasins les plus considérables en occupent la place. Comme simplification TABLEAU des expériences des pompes à vapeur. MACHINES A ÉLEVER L’EAU. 707 ’oinnjOA no uo n w »'!inu •XIUHJ OOP* OOOOQOOO O OOOOOOOOOOOOOQO -0'CONOOHO>OiOOO'SSM 07 ÏÏhofl!iô©*cococc>coi-» SOSiOuOriuOCNOi-OItfîMOCOfNCrt C 5 CO-COCOO}iOCOCOGt^^^HrHf~lt-rH^CNCSH?OC^^CONt^ÇOÇSir'r^mf^t- 1 C 0 t'* 00 O 5 G^i^^^^ÉNtor-t'-t-'*oci£>i^cot>oocôoô hhN01NNhhhhhhJhhhhhhhhwN{Niî1h O O O O O OOOO O OOO c ^ , . , .'O .O .©Hl'O N OOOî r E 20 ! S io r 2 !2 !2 co ."2 32 » fj ."2 » o ,52 de diamètre, de manière à produire une vitesse de 14 milles à l’heure ; dans un petit trajet on a môme atteint 18 milles. Les roues sont mises en mouvement par une chaîne, et des moyens simples sont employés pour remédier aux allongements ou à l’usé de cette chaîne. Les essieux moteurs, un pour chaque roue, sont montés chacun sur deux ressortsd’unegrandeélasticité, et, la place des plaques de garde ordinaire, des tiges radiales sont employées pour les réunir au bâti. Une simple roue directrice, à l’avant, permet de tourner dans un cercle de 3 m ,GG de diamètre, presque aussi vite qu’un bon cavalier avec son cheval. Rien, en vérité, ne peut surpasser la facilité avec laquelle la machine obéit, dans l’exécution, à. ces différents mouvements. Sur l’arbre principal se trouvent une poulie et un cabestan, la première pour remorquer la machine, s’il est nécessaire, et l’autre pour l’employer à l’élévation des fardeaux, objet pour lequel M. Marc avait sans doute l’intention de l’employer, la plupart du temps ; quand elle fonctionne comme pompe à incendie, on emploie deux pompes de M. Roberts; les deux pompes sont à double effet ; chaque cylindre a 0 m ,240 de diamètre et une course MACHINüS A ÉLEVEK L'EAU. de O m , 177. La chaudière est faite pour contenir une grande quantité d’eau, et le temps nécessaire pour mettre en vapeur est par conséquent assez grand. Lorsqu’elle fonctionne, un jet de 0 n \044 de diamètre atteint au sommet d’une cheminée de 42 m ,70 de hauteur, ou à une distance horizontale de 60 mètres, sans compter les 4 ou o mètres suivants, dans lesquels l’eau n’arrive plus que disséminée en gouttelettes. La vapeur ne s’est pas maintenueà une pression uniforme; après s’être élevée à 10 atmosphères, elle s’est abaissée rapidement, mais M. Roberts espère qu’il pourra corriger ce défaut, avant le complet achèvement de la machine. Pendant l’essai, il a montré comment, alors que les pompes fonctionnaient à 50 tours par minute, on pouvait employer successivement des jets variant de 0"',040 A H,032 de diamètre. La machine est revenue sans accident à Mihvall à une heure avancés.’- » Un voit, par ces détails, l’intérêt que l’on attache en ce moment, tout A la fois A la machine de traction et A la pompe A vapeur; nous ne croyons pas, pour notre part, A la solution du double problème; pour être vraiment supérieures, quant. A une application déterminée, les machines demandent A être étudiées spécialement en vue de cette seule application ; cependant le problème mérite d’être poursuivi, et, A ce titre, on nous saura gré sans doute de faire connaître le programme du concours ouvert, A Londres- même, pour la meilleure construction des pompes A vapeur. Les fabricants de pompes, les ingénieurs mécaniciens et autres, sont informés qu’un fonds a été souscrit, dans le but de distribuer des prix aux constructeurs des pompes A vapeur, qui, par suite des essais, seront reconnues les plus efficaces pour l’objet en vue duquel elles sont construites. Les arrangements relatifs A ce concours, les conditions sous lesquelles les constructeurs y seront admis, et l’attribution des récompenses seront décidés par un comité composé ainsi qu’il suit Président. — Sa Grâce le lue de Sutherland. Le T .-H. comte de Caitlincsse; Lord IL- Grosvenor, M. P. ; Cramplon ; J. Hawskley; Mac-Connell ; J—G. Appold ; J—E. Bnteman; Brown ; J. Nasmyth ; AV. Smith ; Capitaine Shaw, secrétaire honoraire. 70 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Le comité offre les prix suivants pour les meilleures pompes à incendie à vapeur qui seront essâyées à Londres le 1 or juin 1863 Les machines présentées aux essais formeront deux classes La première classe se compose des machines dont le poids ne dépassera pas 30 quintaux 1,500 kilogrammes ; La seconde, de celles dont le poids sera supérieur à 30 quint, et n’excédera pas 60 quint. 3,000 kilogr., ce poids ne comprenant ni le charbon, ni l’eau, ni les tuyaux ou autres accessoires. Les prix offerts dès à présent sont de 6,250 francs pour la meilleure machine, et de 2,500 fr. pour celle qui sera désignée comme la seconde, dans chaque classe. Le comitéespère qu’il pourra prochainement former une troisième classe, qui comprendrait toutes les machines se transportant par elles-mêmes, sans distinction de poids. Les principaux points sur lesquels le comité fixera son attention, après la considération du coût et du poids, sont ceux qui sont relatifs à l’efficacité générale de ces machines comme pompes à incendie, en réunissant, parmi d’autres points d’excellence, la rapidité dans l’apparition et la production de la vapeur, la sûreté de l’aspiration, le volume du jet, la distance à laquelle il peut atteindre avec la moindre perte, la simplicité, la facilité d’accès et la durabilité de toutes les parties. Le comité se réserve le droit de modifier de retirer ces prix, dans le cas où aucune des machines produites ne lui paraîtrait suffisamment recommandable, et les compétiteurs sont informés que les décisions du comité seront définitives et sans appel. Les communications devront être adressées au capitaine Shaw, secrétaire honoraire du comité, 63, Watling street, à Londres, E. C. » L’appel du comité sera entendu, et nous ne craignons pas de dire que l’avenir réserve aux pompes à vapeur un grand rôle; elles auraient déjà été indirectement utiles, si les résultats spéciaux qui précèdent pouvaient convaincre l’administration de la nécessité de mettre l’eau plus libéralement à la disposition] des services qui ne la réclament que dans un intérêt commun. Nous avons pensé, d’ailleurs, qu’il était utile de faire connaître à nos constructeurs des faits encore dignes de leur attention» MACHINES A ÉLEVER L’EAU. 71 i La question des presses Hydrauliques se rattache si intimement à celle des pompes, qu’il nous semble nécessaire d’en dire quelques mots, non pas que les pompes se soient notablement moditiées dans leur construction; mais le rôle de la soupape de sûreté s’est agrandi de telle sorte, qu’elle constitue maintenant un appareil intermédiaire qui, sous le nom d’accumulateur ou de réservoir de force, ou de compensateur, a doté ces sortes d’appareils de propriétés tout à fait nouvelles. L’emploi des presses verticales est encore plus exclusif en Angleterre [qu’en France, où cependant on semble aussi tendre vers la même préférence. La construction des presses anglaises est très-bonne, mais elle n’est pas plus avancée que chez nous, bien qu’on emploie cette machine à des usages beaucoup plus variés. Les énormes poids qu’elle peut supporter la font rechercher chez nos voisins pour les grands travaux de construction ; et l’on voyait, en 1851, le modèle de celle qui avait servi à soulever le pont Britannia. Aujourd’hui le vérin hydraulique est, en Angleterre, aussi employé que l’est, chez nous, le vérin à vis. L’extraction de l’huile de lin se fait exclusivement à la presse hydraulique, et les modèles exposés étaient fort remarquables, sous le rapport de l’agencement des plateaux et des sacs, disposés de manière à faciliter le chargement et à éviter toute perte d’huile bien mieux que chez fabricants ont généralisé, dans toutes les usines, l’emploi de l’huile elle-même, à la place de l’eau, pour transmettre les pressions aux pistons. Il est maintenant bien établi que les cuirs et surtout les surfaces métalliques se conservent beaucoup mieux en opérant de cette façon. Ces détails écartés, le seul fait important est celui de l’emploi, qui se généralise en France, de l’accumulateur. L’accumulateur est une véritable presse hydraulique, disposée de manière à ce que la pression s’y maintienne constante, quelles que soient les variations du jeu des pompes d’injection, qui la desservent, et les quantités d’eau qu’on lui enlève, à chaque instant, besoins des autres presses. C est un appareil intermédiaire entre les pompes et les presses hydrauliques, en si grand nombre que l’on voudra, d’une usine. Les figures 6 et 7 font voir l’appareil en élévation et en plan. La figure 8 est une coupe horizontale par le milieu de la base du corps de presse; la figure 9, une coupe verticale laite suivant ab, I .1 712 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. pour les organes de la presse elle-même, et suivant a! b', pour le système des plateaux de fonte qui chargent, au degré voulu, le piston. TTU B 0N PÈGt\RO Fig. G, 7, 8 et !. Les orifices d’injection des pompes et ceux d’alimentation des presses, que le compensateur doit desservir, se trouvent distri- MACHINES A ÉLEVliK L’EAU. 71,! bues, au nombre de quatre, clans le pied de l’appareil, au-dessus de la plaque de fondation. Le corps de presse A est très-long par rapport à son diamètre il est alésé intérieurement, et garni des cuirs emboutés convenables pour assurer le jeu du piston B, et exactement tourné A l’extérieur pour permettre au cylindreC, garni de ses rondelles, de glisser librement, suivant la demande du piston. La solidarité entre l’une et l’autre pièce se produit au moyen de la forte bride triangulaire D et des trois tiges de suspension E; celles-ci relient entre eux les deux plateaux C, qui comprennent entre leurs tiges un nombre de plaques plus ou moins considérable, suivant la pression à laquelle on veut se maintenir. Ainsi chargé, le piston peut parcourir, du haut en bas, toute sa course, sans pour cela que la pression varie, et pourvu qu’il ne repose pas par la bride supérieure D sur le corps de presse, ^appareil sera toujours prêt à injecter une partie de son eau sous cette môme pression. Les pertes que fait ainsi le cylindre A sont d’ailleurs incessamment réparées par le service des pompes d’injection qui ne doivent cesser de fonctionner que si le piston B est arrivé au sommet de sa course. .Si, par impossible, cette circonstance se présentait, on voit en B' comment l’eau excédante serait rejetée en dehors par le petit conduit B', ménagé à lapartie inférieure du piston. Mais c’est là une condition de sécurité surabondante, car les choses sont ainsi disposées qu’en venant rencontrer le poids I au moyen du tampon D', et avant de permettre à l’eau de sortir par le conduit B', le piston détermine la cessation du fonctionnement de la pompe ou des pompes d’injection. Dans la machine exposée par M. Lecointe, le piston B a une section transversale de 33 centimètres carrés; le poids total des rondelles est de 3300 kilogr., de sorte que la pression hydraulique est constamment maintenue à 3300 ; 33=100 kilogr. par centimètre carré ou à 100 atmosphères. On ne saurait croire combien ces sortes d’appareils apportent d’améliorations clans les usines dans lesquelles un grand nombre de presses sont constamment en fonction ; chaque ouvrier pres- seur n’a qu’un robinet à tourner plus ou moins, pour déterminer et modérer à son gré la rapidité de l’opération qu’il dirige. La première idée de ces appareils repose évidemment sur le môme principe que le réservoir, à eau comprimée, des grues 714 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Armstrong, et des appareils analogues qui fonctionnent dans les principaux docks de l’Angleterre; mais pour introduire cette donnée dans la pratique courante des ateliers, pour atteindre à des pressions le plus souvent supérieures à 100 atmosphères, il a fallu modifier toutes les formes les compensateurs de M. Falguière d’abord, ceux de M. Lecointe ensuite, perfectionnés comme ils le sont, dans la disposition générale des organes , sont destinés à devenir d’une application de plus en plus générale. Nous avons demandé à M. Lecointe de nous construire sur ce principe un compensateur à poids variable, destiné ii nos expériences d’écrasement sur les matériaux de constructions. La disposition la plus nouvelle de l'appareil de M. Lecointe consiste daus l’ensemble des organes nécessaires pour faire cesser et. reprendre le jeu des pompes alimentaires, toutes les fois qu’il est nécessaire. Ces pompes sont au nombre de deux et la cessation du fonctionnement de chacune d’elles est déterminée par l’a- baissement du poids P', fig. 10, relié au poids P de la ligure précédente. Ce poids P' s’abaisse dans la position indiquée parle dessin, toutes les fois que le piston du compensateur est arrivé au haut de sa course. Le poids P' agit alors par l’intermédiaire du levier l, mobile autour du centre o, sur la bielle m, à l’extrémité de laquelle se trouve articulé un autre levier dont l’extrémité opposée à la bielle agit sur la queue de la soupape d’aspiration pour la relever. Lorsque les choses sont arrivées dans cette position, la soupape cesse d’agir et ne peut plus reprendre son jeu que quand le levier V a repris une position horizontale. Une tige verticale] v sert d’intermédiaire entre le levier l' et la soupape S qui est en ce moment soulevée sur son siège. Lorsque les leviers l et l' se sont ainsi inclinés MACHINES A ÉLEVER L’EAU. 7Ui pour produire le débrayage de la soupape, sous l’action du poids P', l’extrémité l du levier l est venue se loger dans une encoche correspondante pratiquée sur le côté, d’une équerre rqt, mobile autour du point q, et qui tend à se maintenir dans cette position sous l’action d’un contre-poids u de sa branche horizontale, jusqu’à ce que celle-ci repose sur un buttoir fixe x, attaché au bàt-i de la pompe. Tant que le taquet ou l’encoche r se maintiendra dans cette position, elle retiendra la soupape d au-dessus de son siège, en sorte que la reprise de la pompe ne pourra avoir lieu que quand on agira surl’équerre, pour soulever sa branche horizontale q t. C’est ce qui arrive chaque fois que le piston C arrive près de l’extrémité supérieure de sa course. Le prolongement y de la goupille d’articulation avec la bielle rencontre alors la branche q t, et dégage, eh le soulevant, le taquet. C’est seulement à ce moment que le poids P' peut se relever et dégager la soupape; il résulte de cet arrangement que la soupape ne retombe jamais sur son siège qu’au moment où s’achève la course descendante du piston, et que l’aspiration ne peut avoir lieu qu’au moment où ce piston commence sa course ascendante, c’est-à-dire au moment où il n’a pas encore acquis une vitesse qui - puisse donner lieu à des coups de bélier. Nous considérons cette impossibilité de la reprise de la pompe, en toute autre position des organes, comme une amélioration très-importante ; elle est parfaitement assurée au moyen des dispositions que nous avons décrites. On remarquera d’ailleurs que l’action de la broche y ayant lieu à chaque coup de piston, la pompe reprendra toujours, au commencement de la course qui suivra l’abaissement du poids P, c’est-à-dire aussitôt que le compensateur ne sera pas entièrement plein. On voit, par ces indications, comment les détails se perfectionnent dans les machines les plus employées ; chacun de ces perfectionnements se traduit par de nouvelles facilités dans le travail et par la diminution du prix de revient des produits. CLASSE 17. INSTRUMENTS ET APPAREILS DE MÉDECINE ET DE CHIRURGIE, Pau le I' ü. TRÉLAT. 2. Appareils orthopédiques, contentifs, etc. — Les appareils orthopédiques sont des machines généralement complexes, ayant pour but, à l’aide de pressions ou de tractions soutenues, de maintenir ou de ramener les parties déviées vers leur situation naturelle. La diversité des mouvements à obtenir et la difficulté de presser longtemps les parties molles sans les blesser sont ici les deux obstacles à vaincre. D’immenses progrès ont été faits dans cette voie depuis le commencement du siècle, et chaque jour en voit éclore de nouveaux ; les uns consistant en une modification de détail, les autres dérivant d’une idée plus générale et partant plus féconde. Nous aurons à indiquer plus bas un progrès de cette nature. MM. Lebellegnic et Grandcollot de Paris, M. Leiter de Vienne ont perfectionné à différents égards les appareils à pied bot. M. Lebelleguic substitué les mouvements parallèles ou par glissement aux mouvements par rotation autour d’un axe, et, bien que cette formule ne doive pas passer à l’état de principe, on ne saurait nier que dans bon nombre de cas elle ne donne de très- bons résultats. Rien ne serait plus aisé que d’employer, dans un même appareil, ici le glissement, là la rotation ; c’est une ressource nouvelle à ajouter et non à substituer aux autres. M. Grandcollot a poursuivi une autre idée. Il a cherché une combinaison simple qui permît, à la volonté du chirurgien, le INSTRUMENTS ET APPAREILS. 717 mouvement libre dans deux directions opposées ou seulement dans une seule. Il y arrive de la façon que voici son articulation se compose de deux courbes, l’une circulaire dans toute son étendue, l’autre circulaire en partie et non circulaire dans le reste de son étendue. Quand la tangence est établie selon les deux fractions de cercle, le mouvement est libre dans les deux sens, mais dès que, par un très-léger déplacement de la pièce qui porte la courbe variée, le point de tangence a été porté en dehors d’une ligne qui unirait les centres des courbes, le mouvement, facile dans un sens, est absolument arrêté dans l’autre comme par l’action d’un frein. Cette disposition, croyons-nous, avait été déjà utilisée dans la construction des machines, mais on n’y avait nullement songé pour les appareils orthopédiques, où elle demandait d’ailleurs à être modiliéepour devenir facilement applicable. Jusqu’ici on se servait de roues dentées commandées par un pignon à pas de vis ou par un encliquetage empêchant le recul; il est évident que l’articulation de M. Grandcollot est plus simple, tout aussi solide et peut être variée dans son action avec la plus rapide facilité. Cette articulation peut être appliquée à des appareils très-divers de contention ou de redressement. La grande majorité des appareils orthopédiques agit en .poussant, eu pressant dans un sens contraire à celui de la déformation. Il n’est pas douteux que dans certains cas ce mode d'action soit utile et suffisant, mais il en est d’autres plus particulièrement caractérisés par des déformations où la paralysie de quelques muscles joue le principal rôle. C’est ce qui explique comment une gymnastique appropriée ou les contractions provoquées artificiellement par l’électricité peuvent parfois rendre un grand service. Mais, en présence d’une paralysie réelle, ces moyens sont inefficaces. Depuis longtemps on avait songé à suppléer aux muscles paralysés par des ressorts ou des cordons élastiques, mais les difficultés d’exécution de semblables appareils avaient entravé, dès leur début, presque toutes les tentatives. On n’obtenait en général que des tractions ou trop faibles ou trop énergiques, cl ayant le défaut grave de ne donner qu’une sorte de résultante des mouvements si complexes qui se produisent à l’état normal. Eclairé par ses importantes recherches sur l’action physiolo- 718 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. gique des muscles, M. le docteur Duchenne de Boulogne a repris cette étude des appareils orthopédiques à forces constantes, et les résultats auxquels il est arrivé constituent un de ces progrès importants que nous signalions aux premières lignes de ce chapitre. M. Duchenne a reconnu que, pour maintenir une situation naturelle ou provoquer des mouvements naturels dans les petites articulations de la main ou du pied, il était indispensable de donner aux moteurs artificiels la direction, les points d’attache des muscles et des tendons. C’était là une idée bien simple, et cependant personne n’en avait suffisamment compris l’importance, et personne ne l’avait mise en pratique. On comprendra, sans qu’il soit besoin d’entrer ici dans de plus amples détails, combien les appareils conçus d’après ces principes peuvent et doivent être variés. Ici point de panacée, rien de formulé d’avance, seulement un moyen général dont l’efficacité dépend du tact du chirurgien et de l’habileté du fabricant. Signalons ici une série de petits appareils très-ingénieux, quoiqu’en général très-simples, et destinés à pallier une disposition morbide assez fréquente. Certaines personnes ne peuvent conserver une attitude ou répéter un mouvement sans éprouver une douleur fixe, une crampe qui s’oppose absolument à la continuation de l’acte. Cette crampe atteint surtout les doigts, la main, l’avant-bras, et, chose remarquable, elle cesse aussitôt que la situation des organes est modifiée. Cette singulière et gênante affection est connue sous le nom de crampe des écrivains, parce que c’est l’écriture qui la provoque le plus souvent, mais non toujours. 11 suffit donc, pour y porter remède, de faire que le patient puisse toujours éviter la position spéciale qui engendre la douleur. Pour atteindre ce but, on a construit des porte- plumes, des porte-pinceaux offrant les formes les plus variées, souvent les plus bizares, mais contraignant les doigts ou la main à prendre une attitude exempte de souffrance. Ces appareils sont dus surtout à MM. Velpeau, Cazenave de Bordeaux, Duchenne de Boulogne ; ils figuraient dans les expositions de MM. Char- rière et Mathieu, qui leur ont fait subir diverses modifications. Nous avons examiné avec grand intérêt des appareils servant à la contention des membres à la suite de traumatismes graves 719 INSTRUMENTS ET APPAREILS. produits par la main du chirurgien ou par une cause accidentelle. Les chirurgiens d’Angleterre et d’Allemagne opèrent assez fréquemment la résection de la hanche et du genou. Ces opérations importantes, difficilement acceptées par la chirurgie française, laissent le membre flottant et sans aucun maintien ; or, comme la guérison ne peut s’effectuer sans un temps considérable, il faut de toute nécessité disposer un appareil qui, tout en permettant des mouvements au malade, conserve l’immobilité du membre. La réalisation de cette double donnée n’est ni faefle, ni simple ; on n’y est arrivé jusqu’ici qu’à l’aide de machines compliquées et coûteuses. Ce sont des chariots où le membre blessé repose couvert de son pansement et bien fixé, chariots suspendus à des galets roulant avec facilité sur des rails ; de sorte que les mouvements généraux du corps entraînent ensemble le membre malade et son appareil contentif. En conséquence, aucun déplacement nuisible ne peut se produire. M. Mathews de Londres, et M. Leiter de Vienne ont exposé de ces chariots à résection dont le plus connu est le Salter’s siuinc/ berceau de Salter. Ils peuvent être employés non-seulement après ces opérations, mais dans toute circonstance où une plaie grave nécessite une immobilité prolongée. Si nous sommes bien renseigné, c’est un appareil de ce genre que le docteur Partridge a appliqué à Garibaldi, et cette disposition a été approuvée par tous les chirurgiens qui ont visité l’illustre blessé. Malheureusement, ainsi que nous le disions, l'élévation du prix et la nécessité de modifier le chariot à peu près dans chaque cas particulier apportent de sérieux obstacles à l’extension de ce précieux moyen de pansement. D’autres objets peu coûteux, et d’un usage très-commun, ont attiré notre attention dans les vitrines des exposants anglais et dans nos visites aux hôpitaux de Londres; nous voulons parler des attelles ou éclisses si utiles dans le pansement des fractures. Est-ce routine ou besoin de simplicité, nous employons à peu près exclusivement en France des attelles droites, plates, ou parfois courbées suivant leurs bords; aussi, pour adapter ces lames rigides aux contours sinueux des membres, sommes-nous obligés d’user de remplissages, de coussins volumineux, et encore ne parvenons-nous pas toujours à bien remplir toutes les indications. Nous avons vu à Londres des attelles pour les frac- 720 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. tures du membre inférieur qui nous paraissent bien supérieures aux nôtres; elles sont courbes suivant la largeur, percées d’un large trou au niveau des malléoles et munies d’un prolongement angulaire qui embrasse les parties latérales du pied. Une autre disposition permet, chose bien utile, d’appliquer autour d’un membre un appareil contentif solide en laissant à découvert un point plus ou moins étendu qui réclame des pansements fréquemment renouvelés. Ce résultat est obtenu au moyen de Y attelle interrompue, deux attelles reliées l’une à l’autre, suivant leur longueur, par deux barrettes de fer en forme de n renversé dont les deux extrémités sont rivées sur le bois; on voit de suite comment cet assemblage rigide laisse passer entre les deux tiges de métal les mains du chirurgien et les pièces du pansement. Il n’y a pas ici un grand effort d’invention, mais il convient de rappeler que, dans la pratique chirurgicale, l’instrument le plus ingénieux ne comporte pas nécessairement un progrès ou un avantage proportionnel, et réciproquement. Une table à opérations exposée sous le nom de M. Whibley est employée dans plusieurs hôpitaux de Londres. Cette table étroite, légère, facile à transporter et fonctionnant dans toutes ses parties à l’aide de moyens simples et solides, est bien préférable au meuble lourd qui existe dans nos hôpitaux de Paris ; elle permet au chirurgien d’être plus près du malade, de soutenir isolément un seul de ses membres congénères ou tous les deux ensemble; enfin, grand avantage, reposant sur quatre pieds, elle ne peut jamais basculer et est aisément placée dans tel point convenable de l'amphithéâtre. Or, ce point est sujet à varier suivant la quantité, la nature de la lumière, l’incidence des rayons du soleil, etc. Du reste, quoique ce ne soit pas ici le lieu d’aborder en détail un pareil sujet, il nous a semblé que, sous tous les rapports, les amphithéâtres à opérations des hôpitaux de Londres étaient infiniment mieux installés que les nôtres. Ce soin général se retrouve jusque dans le transport des opérés, dont nous voulons dire un mot. Chez nous, l’opération et le pansement terminés, le malade est soulevé à bras par un ou deux infirmiers qui le placent sur un brancard et le transportent jusque dans la salle, près de son lit. Là il est de nouveau enlevé du brancard de la même manière et déposé dans son lit. Si bien exécutée qu’on la sup- 721 INSTRUMENTS ET APPAREILS. pose, cette double manœuvre est, dans bien des cas, longue et pénible, à ce point que, pour certaines opérations, les chirurgiens préfèrent pratiquer dans la salle, au milieu des autres malades, ce qui est mauvais, pour éviter le mode de transport que nous avons indiqué. La majeure partie de ces mouvements est évitée par le procédé anglais. Au moment de commencer l’opération, on étend sur la table une pièce de forte toile d’égale dimension, munie d’une large coulisse suivant chaque bord longitudinal ; par-dessus on dispose un tissu imperméable. Le malade est couché sur la table ainsi préparée et l’opération s’achève. Aussitôt deux infirmiers glissent dans les coulisses deux longs bâtons maintenus écartés à l’aide de barres de fer convenablement placées; ce brancard improvisé soulève et emporte le malade sans lui imprimer aucun mouvement inutile ; on le dépose sur son lit, les bâtons et les barres de fer sont élevés et le transport est effectué. Au bout d’une ou de plusieurs heures, quand les premiers moments de trouble sont passés, on retire la toile, qui pourrait devenir gênante. On comprendra que ce mode d’agir permet, si c’est nécessaire, le double transport de l’opéré, de son lit à l’amphithéâtre et de l’amphithéâtre â son lit sans plus de difficulté que nous venons de le dire. On alléguera peut-être que ces manœuvres sont compliquées, qu’elles doivent être répétées deux ou quatre fois pour chaque malade. Nous affirmons que tout cela se fait très-aisément, très-vite, et que les opérés échappent ainsi â tous les mouvements intempestifs qu’ils ont à subir lorsqu’on agit comme nous l’avons indiqué pour nos hôpitaux. g 3. Appareils prothétiques. — D’immenses progrès ont été faits dans cette branche depuis le commencement du siècle ; quelques-uns datent même de ces dernières années. Nous y insiste- ions plus particulièrement. La prothèse ne vise pas toujours au même but; tantôt, sans souci de la forme, elle poursuit la restitution d’une fonction, tantôt elle cherche, par une imitation savante, â simuler un organe absent; parfois, enfin, touchant alors à la perfection, elle cache sous une apparence naturelle un artifice qui remplace et la forme et la fonction perdues. Tout cela est soumis â l’habileté, au génie de 1 artiste, et avant tout â l’indication. 722 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Quand l’œil est perdu, il ne peut être question que d’une seule chose, simuler son existence ; mais cette chose, grâce à l’admirable exécution des coques artificielles d’émail, rend d’inestimables services. C’est un fait aujourd’hui reconnu qu’un œil de verre simule la nature au point de tromper les personnes les plus attentives. A cette perfection des apparences, les habiles artistes qui s’occupent de cette fabrication ont ajouté d’autres progrès bien importants. Grèce â l’épaisseur variable qu’ils peuvent donner aux coques, grâce aux encochures de leurs bords disposées pour chaque cas particulier, il n’existe pour ainsi dire plus de moignon oculaire qui se refuse à l’application d’un œil artificiel. Nous devons citer avec éloge ici les fabricants français, MM. Desjardins, Coulomb sonneau, père et fils. Nous passons, sans nous y arrêter, sur la prothèse dentaire. Quelque remarquables que soient les résultats obtenus, ils sont aujourd’hui trop bien connus pour que nous en parlions; mais il n’en est pas de même des restaurations plus considérables dues à un dentiste américain, aujourd’hui fixé à Paris. M. Préterre a construit des pièces artificielles destinées â remplacer des mâchoires entières, à combler d’horribles délabrements résultant de plaies d’armes à feu ou d’opérations chirurgicales. Ces pièces faites pour des malades des hôpitaux civils ou militaires de Paris, sous les yeux de chirurgiens éminents, permettent la mastication et la parole à de malheureux blessés qui, sans elles, ne pourraient accomplir aucune de ces deux fonctions si nécessaires. Après la découverte de la staphyloraphie réunion du voile du palais, on avait renoncé â la prothèse; on cherchait à remédier au vice de conformation par les procédés de la chirurgie. En 1845, M. Stearns, médecin américain, fit voir aux chirurgiens de Paris un appareil fait par lui et pour lui et qui fonctionnait parfaitement. Par malheur, M. Stearns quitta la France sans laisser copier son appareil. Pendant dix ans il ne fut plus question de prothèse pour les divisions du voile palatin. Aujourd’hui, M. Préterre peut montrer plusieurs inlirmes qui mangent, parlent, vivent avec des appareils remarquables faits par lui. Les succès de la prothèse sont tels, que plusieurs chirurgiensn’hésitent pas à y avoir recours plutôt que de pratiquer même des opérations INSTRUMENTS ET APPAREILS. m inoffensives. Cette dernière opinion prévaudra-t—elle ? 11 est permis d’en douter, surtout en face des remarquables succès opératoires obtenus dans ces derniers temps par quelques chirurgiens. Quoi qu’il en soit, cette rivalité entre la chirurgie proprement dite et la prothèse ne peut que donner les meilleurs résultats pour la cure d’une infirmité d’autant plus triste, que respectant toutes les grandes fonctions, elle gêne profondément les continuels rapports qui s’établissent par la parole 1 . Les membres artificiels ont été améliorés de ditférentes façons, et nous devons citer les noms de MM. Bigg et Gray, en Angleterre, de MM. Charrière, Mathieu, comte de Beaufort, en France. Il nous est impossible d’entrer dans le détail de ces améliorations qui nécessiteraient des descriptions étendues, nous devons nous borner ii en indiquer la nature. MM. Charrière et Mathieu ont perfectionné les mouvements des bras artificiels en employant le système de traction imaginé, en 1844, par M. Van Petersen. Mais s’il est juste de rendre à ce dernier auteur ce qui lui appartient réellement, il faut reconnaître que M. Mathieu est le seul qui soit parvenu à satisfaire complètement un amputé bien connu du monde artistique. De son côté, M. le comte de Beaufort, avec l’aide d’un habile orthopédiste de Paris, a pu montrer aux sociétés savantes une main artificielle d’un nouveau modèle, et ce qu’il nomme /iras artificiel utile ou automoteur. Le mérite de cet appareil, qui a été très-favorablement apprécié par le conseil de santé des armées, consiste en ceci, qu’il entre en jeu, pour ainsi dire, A l’insu de celui qui le porte ; si l’épaule se jette en avant, l’avant- bras artificiel s’étend, et réciproquement. C’est en étudiant avec attention comment les mouvements du bras et de l’avant-bras s associent dans l’état normal, que M. de Beaufort est arrivé à ce résultat de synergie artificielle. Ce n’est, du reste, pas la première fois que l’étude de la physiologie ou de l’anatomie nor- 1. Lés individus atteints le division congénitale du voilo du palais ou de la voûle palatine ne peuvent absolument pas produire certains sons ; les autres sont courus et nazouné». £ V sommCj j a paro t 6 efll pR „ près inintelligible, à moins d’une habitude spéciale, il est facile de comprendre que cet état constitue une inlirmilé réelle. 724 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. males donne de bonnes inspirations aux inventeurs d’appareils prothétiques. M. Duchenne de Boulogne n’est parvenu ù agir utilement contre les paralysies musculaires du bras et de la jambe qu’en simulant avec des ressorts la direction et les insertions des muscles. Un des plus remarquables perfectionnements apportés à la construction des jambes artificielles, la position excentrique en arrière de l’articulation des attelles jambière>et fémorale ce qui permet à la fois et la mobilité du genou et sa solide régidité dès que le membre est dans l’extension, n’est qu’une imitation rigoureuse de ce qui existe dans la nature; ce perfectionnement remonte à une vingtaine d’années. Ce qu’il y a de plus important à signaler pour ces derniers temps, c’est l’adaptation d’une sorte de pied en bois de frêne que M. de Beau- fort fait au pilon commun et la tendance de plus en plus marquée des chirurgiens et des fabricants à donner pour point d'appui à leurs appareils non la tubérosité sciatique mais la cuisse, comme le fait M. Palmer, de New-York, ou la cuisse et la partie supérieure de la jambe, ainsi que cela existe dans le modèle de M. Mathieu. 4. Appareils physiques d’usage médical. Quoique nous n’ayons à exposer ici qu’un petit nombre de sujets, leur importance est si grande que nous avons cru devoir leur consacrer un paragraphe spécial. De ces appareils, les uns sont particulièrement utiles à l’étude des sciences médicales qui ne forment qu’une branche des sciences naturelles; le microscope est de ce nombre. Les progrès que cet instrument a fait faire à l’anatomie, à la physiologie, à la pathologie sont immenses. On ne saurait dire dans quelles proportions se sont accrues les connaissances humaines, grâce au télescope qui nous fait voir l’infiniment loin, et au microscope qui nous montre l’infmiment petit. Aussi peut-on prévoir des découvertes scientifiques nouvelles chaque fois que ces puissants moyens d’investigation sont améliorés. Ce qui nous a le plus frappé à cette Exposition, ce sont les microscopes binoculaires. Nous en avons vu chez plusieurs fabricants anglais et chez l’un d’eux, dont malheureusement nous ne pouvons retrouver le nom, nous avons pu observer différents objets donnant cette sensation de relief qu’on n’obtient que par la vision avec les deux INSTUUMIiNTS ET APPAIUÎILS. 72ë yeux. Nous n’avons pas à indiquer ici les différents procédés par lesquels ce résultat peut être obtenu et la théorie assez délicate de ces dispositions nouvelles; c’est là un point d’optique pure qui n’appartient pas à cet article. Il nous suffit de signaler le perfectionnement qui ne peut manquer de rendre d’importants services à tous les micrograplies. Depuis qu’on connaît mieux, et cette connaissance est absolument contemporaine, les conditions de la vision binoculaire, On a cherché à la rendre possible pour le plus grand nombre des instruments d’observation. C’est cette pensée qui a dirigé M. Gi- raud-Teulon, savant physicien en même temps que physiologiste habile, dans la construction de son ophthalmoscope binoculaire que l’on pouvait voir dans la vitrine de M. Nacliet. Nous n’avons pas besoin de faire ici l’éloge de cet exposant, dont les excellents microscopes, qui sont entre les mains de presque tous les anatomistes français, ont acquis une réputation incontestée. Notre expérience personnelle ne nous permet pas de dire si l’instrument de M. Giraud-Teulon remplacera tous ceux qui ont été imaginés depuis l’admirable découverte d’IIelmhotz éclairage et observation du fond de l’œil ; nous pensons cependant qu’il constitue une innovation remarquable et que dès qu’on aura vaincu quelques légères difficultés d’application, il pourra faciliter et rendre plus complet l’examen delà surface rétinienne. Eu effet, d’une part, la vision binoculaire donne cette sensation de relief dont nous parlions à propos du microscope, d’autre part, la grande difficulté de l’ophtlialmoscopie consistant en ce que l’observateur doit voir une image réelle ou aérienne située entre son propre œil et l’œil observé, cette image est plus facilement trouvée par les deux yeux que par un seul, qui n’a pas la sensation des distances. A côté de l’ophthalmoscope nous devons parler du laryngoscope. Les deux promoteurs ou vulgarisateurs de cet instrument, M- Czermack, de Pesth, et M. Türck, de Vienne, ont exposé leurs appareils. La première idée de la laryngoscopie appartient à histon et à Manuel Garcia. Ce dernier, étudiait sur lui-même, à 1 aide d’un miroir introduit dans l’arrière-gorge, le travail du larynx dans la production des sons musicaux. Pendant plusieurs années ces faits restèrent stériles; presque en même temps, M. Türck et M. Czermack publièrent des observations remarqua- EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. 72IÎ blés et montrèrent à un nombre considérable de médecins et de physiologistes le larynx, les cordes vocales et les anneaux de la trachée. Aujourd’hui, quatre ans seulement après ces premiers travaux, le laryngoscope est adopté et employé par tous les médecins. Les choses utiles font vite leur chemin, et nous croyons fermement que, dans ce siècle, lorsqu’une idée scientifique rencontre des résistances tenaces, c’est qu’elle est nuisible ou pour le moins stérile. Tl n’en a pas été ainsi pour l’ophthalmoscope ni pour le laryngoscope; ces admirables moyens d’investigation qui font pénétrer le regard de l’observateur dans les ténèbres de nos organes étaient à peine connus, qu’aussitôt ils étaient appliqués et perfectionnés ' avec un succès que l’avenir augmentera encore. Signalons en passant un ingénieux appareil du professeur Iluete, l’ophthalmotrope. De bien remarquables découvertes ont été faites dans ces dernières années sur la physiologie de l’œil. Le mécanisme de l'accommodation aux diverses distances, les troubles de cette importante fonction, tout cela a provoqué des recherches et des études de toute nature sur la vision. Les muscles moteurs du globe oculaire n’y ont pas échappé; l’instrument du professeur Ruete est destiné à démontrer d’une manière rigoureuse les mouvements de ces muscles, leur étendue, la part que chacun d’eux prend aux déplacements de l’axe optique. Le mérite de cet appareil consiste surtout dans l’exactitude des connaissances physiologiques qu’il doit vulgariser. Le sphygmographe du docteur Marey doit attirer toute notre attention; c’est un appareil très-portatif, destiné à écrire les formes du pouls. Outre ses variations de fréquence, bien étudiées par tous les médecins, le pouls présente des variétés de forme qui avaient reçu des anciens médecins une foule de noms dont le moindre inconvénient était de ne donner qu’une idée très-vague de sensations fugaces et par cela même mal représentées par le langage. Aussi tous ces mots étaient tombés dans l’oubli et une longue expérience pouvait seule développer un tact assez fin pour sentir des changements réels mais presque imperceptibles. 1. Ces perfectionnements dus fi MM. Czormack, Turck, en Allemagne, Moura- liourouillon en France, sont surtout relatifs au mode d’éclairage et à l’emploi des réflecteurs; ce ne sont que des variétés d’une méthode unique. 727 INSTRUMENTS ET APPAREILS. Les recherches physiologiques, faites sur l’appareil circulatoire à l’aide de manomètres et d’hémomètres, devaient conduire les savants à trouver des procédés qui leur permissent de mieux apprécier, en les amplifiant, les formes du pouls et même d'en conserver le tracé. Vierordt, le premier, construisit un sphygmo- graphe à levier qui donnait le tracé du pouls. Mais le levier de cet appareil était chargé d’un poids destiné à presser sur l’artère et équilibré par un contre-poids; il oscillait comme le fléau d’une balance chargée, c’est-à-dire lentement, de telle sorte que l’ascension et la descente étaient égales. Ce sphygmographe ne donnait donc que l’intensité de la pulsation et non sa forme ; il fallait obtenir ce dernier et si important résultat. M. Marey l’a atteint au bout de longues et ingénieuses recherches. Son appareil, construit par Bréguet, se compose d’un cadre métallique qu’on fixe aisément sur l’avant-bras au moyen d’un lacet courant d’un cùté^ l’autre, d’un ressort oblique dont on peut graduer la pression, terminé par une plaque d’ivoire qui appuie sur l’artère, d’un levier long et très-léger qui, fixé par une de ses extrémités au cadre, est soulevé près de cette extrémité par le ressort; son bras le plus long traduit la pulsation en l’amplifiant et l’écrit sur une bande de papier mise en mouvement par un mécanisme d’horlogerie très-peu volumineux qui fait par. tie intégrante de l’appareil. Il est facile de comprendre qu’avec une semblable disposition, le levier indicateur se meut eu toute liberté, sans avoir à vaincre aucune de ces résistances compensatrices que nous avons signalées dans l’appareil Vierordt; aussi le sphymographe de M. Marey donne-t-il des tracés variés en rapport avec les changements qu’éprouve la circulation artérielle à l’état normal et à l’état pathologique. En un mot, il indique les formes du pouls. Ces lormes sont si constantes et si absolument liées aux causes qui les produisent que l’on peut, sans hésiter, remonter de la forme pulsatile à la cause physiologique ou pathologique. Un pareil instrument ne pouvait manquer de fournir des données nouvelles; des points de physiologie importants et obscurs, des incertitudes de diagnostic ont été tranchés par lui et l’ingénieuse ardeur de notre cordrère nous autorise à penser qu’il est encore loin du terme de ses heureuses recherches. Le jury de Londres lui a décerné une médaille, la Faculté de médecine de Paris un prix, ï'>* IMPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. et nous croyons savoir que l’Institut de France lui prépare une haute récompense. Nous ne voulons pas omettre de signaler en terminant les admirables aquarelles de M. Lakerbauër qui consacre un réel talent à la reproduction si difficile des pièces pathologiques ; les curieuses photographies de M. Duchenne de Boulogne, extraites de son remarquable travail sur la physiologie des muscles de la face; enfin les belles préparations microscopiques de M. Ilyrtl, de Vienne, et de MM. Bourgogne père et fils, de Paris. g 5. Conclusion. Arrivé au terme de cette étude, qu’il nous soit permis de résumer notre impression sur la dix-septième classe de l’Exposition de 1862. Le grand progrès d’aujourd’hui, c’est la dispersion, l’universalisation du progrès. La construction des instruments et appareils de chirurgie ne saurait être l’apanage .d’un pays, d’une ville ; la production des matières premières et leur bas prix jouent ici un rôle secondaire; ce qui importe, c’est une chirurgie active, s’exerçant sur un grand théâtre et soufflant de continuelles inspirations aux mains habiles des ouvriers. Or, ces conditions existent, plus ou moins accusées, dans presque toutes les grandes villes d’Europe; aussi pouvait-on voir à l’Exposition des produits de Berlin, de Vienne, de Stockolm, de Copenhague, de Rotterdam, de Lisbonne, de Bologne et même de la lointaine Russie. En 1851, la France avait une éclatante supériorité; cette supériorité s’affirmait en 1855 par l’extrême rareté des exposants étrangers, elle s’affirme en 1862 par leur nombre. Nos fabricants se sont créé des imitateurs, des émules. Leurs modèles, leurs formes, le travail de leurs instruments ont été copiés ou imités, et c’est par cela qu’on trouve, à n’en pas douter, la raison des progrès remarquables accomplis en première ligne par les couteliers anglais, ensuite par ceux des autres pays. Ce rôle initiateur de notre industrie prouve que si elle n’est plus sans rivale elle marche toujours au premier rang dans sa sphère. Paris. — Imprimerie BOURDIEU el O, rue Mazaïuie, SU CLASSE 7. MACHINES A TRAVAILLER LES MÉTAUX ET LES BOIS. I\ah M. TRESCA. L’Exposition universelle de 1862 était surtout remarquable par le grand nombre des machines-outils qui avaient été placées, les unes à cbté des autres, dans la grande annexe du palais de Ken- sington. Jamais les mille systèmes de machines à travailler le bois et le fer n’avaient offert une aussi grande variété, ni une aussi grande perfection. L’emploi des grandes machines-outils a été, pour l’Angleterre, la cause prédominante de sa supériorité dans la construction des machines, et si certains constructeurs français sont parvenus au même degré de perfection, il faut bien le reconnaître cependant, l’Exposition qui vient de finir a démontré qu’ils 11e savent généralement pas se servir des machines-outils aussi bien que dans les ateliers anglais, et que ces machines elles-mêmes ne sont pas arrivéeschez nousàuneaussi grande sûreté dans le travail qu’elles exécutent, ni à une aussi grande perfection dans leur agence- ment général. Sans doute nous avons, en France,'des machines-outils fort bien exécutées; beaucoup d’entre elles sont même la copie de machines anglaises plus anciennes, et l’on sait qu’à partir de \ 820 ce sont presque toujours les types anglais qui ont servi de thème à la plupart des améliorations de détail qui ont été introduites par nos constructeurs les plus habiles, dans cette partie importante des appü ca n ons mécaniques. G est de cette époque aussi que date le développement de nos 730 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. ateliers de construction mécanique; outillés d’abord avec les machines de Fox et de Sharp et Robert, ils se sont formé bientôt un matériel spécial et tout français; mais pendant que MM. Pihet, Calla, Cavé, Hallette, De Coster, Ducommun, s’inspiraient, dans leurs nouvelles constructions, de ces premières machines-outils venues de l’étranger, MM. Whitworth, Fairbairn, Sharp et Stewart travaillaient, de leur côté, à perfectionner leurs propres types ; et à notre avis, quant à la construction spéciale des machines-outils, la distance est encore bien grande entre les nôtres et celles de nos voisins. Ce genre de machines était d’ailleurs représenté en très-petit nombre dans notre Exposition française l’esprit d’invention s’y faisait remarquer cependant, autant et plus peut-être que dans les travées anglaises; mais le nombre, mais la puissance, mais la spécialisation faisaient défaut, et il nous a semblé que, pour s’être mis à l’œuvre beaucoup plus tard, certains constructeurs allemands, prenant leurs modèles sur des machines anglaises plus récentes, avaient approché du but beaucoup plus que les nôtres. Avant de passer en revue les machines-outils les plus remarquables, il nous parait nécessaire d’indiquer ce qui nous paraît constituer, d’une manière générale, la supériorité que nous attribuons aux produits anglais car elle tient tout autant à une physionomie d’ensemble qu’ù quelques dilférenees dans l’exécution et dans la disposition des organes. Il ne faut pas s’étonner d’ailleurs de la diversité des opinions qui ont été émises sur le sujet important qui nous occupe. Suivant le temps que chaque observateur a pu consacrer à l’examen des machines-outils, il a dû rapporter de ses visites à l'Exposition une impression toute différente. A premièravue, il était impossible de n’être point frappé de ce vaste ensemble qui rapprochait, à quelques pas les uns des autres, ces puissants engins qui n’avaient pas encore, été réunis en aussi grand nombre, même dans les plus vastes chantiers. Ce même nombre de machines, ce même nombre de constructeurs, tous habiles, ne pouvait se rencontrer que dans un pays où l’activité industrielle a pris l’importance qui est un des traits les plus caractéristiques de la puissance anglaise. Si, revenu de ce premier éblouissement, l'observateur s’est attaché à reconnaître la nature des machines-outils qui liguraient 731 MACHINES-OUTILS. il l’Exposition, il n’y a trouvé que des tours, des machines A raboter, des machines à percer, des marteaux-pilons, de grandes dimensions pour la plupart, mais n’offrant, ni par leur objet, ni par leur mode de fonctionnement, de différences bien apparentes avec nos machines similaires; de là cette opinion que les machines-outils, qui font la fortune des ateliers anglais, seraient semblables aux nôtres. Ce sont en effet, comme celles-ci, des tours, des machines à raboter, puisqu’elles sont destinées à façonner les pièces brutes, suivant les formes variées qu’exigent les besoins divers des arts mécaniques; mais, quand on y regarde de plus près, on ne tarde pas à apercevoir, malgré les similitudes des noms, des différences d’autant plus importantes qu’elles se traduisent presque toujours par une plus grande sûreté ou par une plus grande rapidité dans l’exécution, en môme temps que par une répartition mieux entendue du métal, dans le but d’assurer à chacune des pièces la résistance la plus convenable ; on tient aussi à ce que l’ouvrier préposé au travail ait, pour ainsi dire sous sa main, tous les moyens de faire varier, quand il en est besoin, le jeu des organes et les différents mouvements qu’ils doivent effectuer. Les constructeurs anglais, moins capricieux et en même temps moins inventifs que les nôtres , sont en général peu disposés à s’éloigner d’un type, quand ilsl’ont une fois adopté; mais, par cela même qu’ils le répandent à un grand nombre d’exemplaires, qu’ils s’enquièrent des avantages et des défauts signalés dansles diverses applications qui eu sont laites, ils le modifient pour ainsi dire pièce à pièce, donnant delà force à telle partie qui n’a pas résisté, aux. dépens de telle autre qui a peut-être des dimensions exagérées; cette étudo non interrompue conduit à rapprocher les uns des autres certains organes, à grouper, sur un même point, tous ceu * j ui doivent être mis en jeu par la main de l’ouvrier, à distribuer l’action mécanique à toutes les opérations qui peuvent se faire d’ une maijière automatique, et, sur tous ces points de détail, à améliorer toujours, sans rien abandonner de ce qui déjà a été rendu meilleur. Ce mode de procéder, qui exige sans doute plus de temps et pl us d e persévérance, trouve ses principaux avantages dans sa lenteur même, et il se traduit, en définitive, chez les constructeurs les plus en renom, en robustes automates, solide- 73 ? EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. ment constitués dans toutes leurs parties, et exécutant, sans hésitation et sans retard, dans la mesure de leurs forces et de leurs dimensions, tous les travaux en vue desquels ils ont été con struits. Après cet aperçu général, voici d’ailleurs l’indication des principales tendances auxquelles la pratique journalière paraît avoir conduit, en Angleterre, la plupart des constructeurs de machines-outils. Toutes les machines-outils sont lourdes et massives; leur bâti est en général composé d’une seule pièce de fonte creuse, d’une exécution difficile parfois, mais sur laquelle tous les organes viennent se grouper, chacun à sa place, occupant dès lors par rapport aux autres une position parfaitement définie, à partir de laquelle ils fonctionnent avec la plus grande sûreté. Ce caractère spécial des outils anglais s’est produit, ainsi que nous venons de le dire, par des modifications successives, et l’emploi des bâtis creux en fonte, tels que M. Whitworth les a, le premier, construits, a été entre toutes la plus importante. La stabilité d’une machine-outil n’est jamais assez grande si les diverses parties ne sont pas suffisamment solidaires, si elles peuvent même vibrer pendant leur action, le travail sera défectueux, et l’on dit alors que l’outil broute. Si au contraire la construction est bien assise et suffisamment compacte, non-seulement le travail sera plus uniforme et plus précis, mais encore on pourra faire mordre d’avantage les outils et enlever, d’un seul coup, des épaisseurs de matière pour lesquelles, avec des machines moins bien organisées, plusieurs passes ne suffiraient pas. Le grand mérite des machines-outils construites en Angleterre c’est qu’elles sont robustes, et nos constructeurs ne sauraient mieux faire que de tendre vers le même but, au lieu de chercher à allégir le poids mort des bâtis. U ne faudrait pas croire que ces lourds appareils, si bien appropriés aux gros travaux, manquent en aucune façon de délicatesse pour les opérations du plus grand fini, et cette observation nous conduit à signaler encore, à nos fabricants, une pratique qui mériterait d’être mise à l’étude dans leurs ateliers. En Angleterre, quand on a décroûté une pièce, et qu’elle est amenée sur la machine, à la forme géométrique qu’on veut lui donner, on ne la livre pas à des ajusteurs, pour enlever, à la lime, les sillons MACHINES-OUTILS. 733 de l’outil et la polir. Nous avons vu, dans les ateliers si bien dirigés par M. Penn, que ce travail de finissage s’effectuait lui- même sur la machine, au moyen de passes spéciales, enlevant fort peu de métal, et, dans quelques circonstances, n’ayant absolument pour objet que de brunir la surface; le travail tout entier était ainsi effectué sans que la pièce fût dérangée de sa place; ses formes géométriques n’étaient pas altérées, comme elles le sont habituellement par les dernières opérations faîtes à la main, et la main-d’œuvre dépensée pour ce finissage se trouvait diminuée dans une proportion notable. Cette pratique est très-générale en Angleterre; elle exige qu’une même machine-outil soit plus longtemps employée à l’exécution d'une pièce donnée; l’outillage nécessité par une fabrication de même importance doit être augmenté dans la même proportion que cette durée de l’exécution; le capital il dépenser pour l’installation d’une usine devient ainsi plus considérable; mais, s’il est vrai que l’exécution soit meilleure, et qu'elle exige moins de main d’œuvre, il faut évidemment reconnaître que, dans la plupart des cas, la pratique anglaise est préférable à la nôtre, et que nous ferions bien de l’imiter. En décrivant les machines elles-mêmes nous aurons souvent à faire remarquer que la terminaison des pièces, sur la machine même, est une des grandes préoccupations des principaux constructeurs de machines-outils. Cette préoccupation a grandement contribué à la tendance que l’Exposition a signalée vers la spécialisation, de plus en plus marquée, dans la destination des outils; à côté des machines destinées à exécuter toujours la même nature de travail sur des pièces de formes et de destinations différentes, nous avons aujourd’hui des appareils qui servent exclusivement au travail d’une pièce, de forme et de dimensions presque déterminées les tours à tourner les roues de wagons sont un exemple déjà ancien de cette spécialisation des machines, et l’Exposition de Londres nous montrait, pour la première fois, des tours pour façonner les tiges de tampons, des machines à mortaiser pour laboter spécialement les arbres coudés des locomotives, des machines à percer disposées tout exprès pour le travail de leurs longerons, une machine à raboter pour faire les dos cylindriques des clavettes, etc. Toutes les fois qu'une même pièce doit 734 EXPOSITION UNIVERSELLE 1E LONDRES. être exécutée à un très-grand nombre d’exemplaires, on ne recule point devant la dépense d’une machine appropriée, qui empruntera, aux machines-outils ordinaires, les organes particuliers et le mode de travail nécessaires pour l’exécution de chacune des parties de cette pièce. Une circonstance particulière, qu’il importe de signaler à l’attention de nos constructeurs, a puissamment contribué à faire naître ces machines spéciales en Angleterre chaque fabricant a ses modèles, qu'il ne modifie point au gré de l’acheteur celui-ci n'a donc qu’un choix à faire, et non pas, comme chez nous, des conditions particulières à imposer; et, le type se reproduisant toujours le même, jusqu’à ce qu’il se présente une occasion de l’améliorer, on n’a point à redouter de faire une dépense, dont on sera bientôt remboursé par l'économie réalisée dans une fabrication courante de la machine, disposée en vue de cette fabrication. En France les habitudes sont tout autres, et il y sera difficile, pendant longtemps encore, d’échapper aux exigences des acheteurs et des ingénieurs qui dirigent les exploitations. Afin de réduire, autant que possible, le rôle de l’ouvrier, dans la partie matérielle de l’exécution, les machines anglaises sont, plus encore que les nôtres, dotées de transmissions automatiques, pour tous les déplacements de l’outil ou de la pièce à travailler; la marche rétrograde se détermine en général par le déplacement du même cliquet chargé de produire le même mouvement en avant; à la fin de chaque passe, l’outil s’avance de lui- même, sous l’action générale de la poulie motrice ; en un mot, la machine se suffit à elle-même dans toutes ses manœuvres, aussitôt que cette poulie tourne, et l’ouvrier n’a plus qu’à dégager ou à engager les encliquetages, pour arrêter ou modifier à son gré le fonctionnement de chacun des organes. Cet agencement si complet, qui continue ses fonctions avec une exactitude chronométrique, à moins que le conducteur n’en ordonne autrement, cette obéissance précise à chaque signal, qu’il suffit de manifester, par le moindre eflort, sur quelque levier ou quelqu’autre pièce bien apparente, et bien placée sous la main, n’ont pas seulement pour objet de faciliter le travail et la surveillance de l’ouvrier; s’il doit moins faire par lui-même, il surveille mieux, et les choses en sont arrivées à ce point qu’il peut même, dans un grand MACHINES-OUTILS. 73n nombre de cas, surveiller à la fois l’exécution de deux pièces ou de deux parties d’une même pièce, sur la même machine. S’il s’agit du rabotage d’une bielle, le même banc portera deux limeuses indépendantes, façonnant simultanément ses deux têtes; deux forets pourront de même préparer, aux deux extrémités, les logements des clavettes; et, dans d’autres cas, on exécutera, à chacune des extrémités de la même machine, un boulon ou un écrou séparé. Cette double surveillance, imposée au même conducteur, est ainsi l’un des caractères les plus communs dans les machines qui travaillaient à l’Exposition ; elle constitue, par elle-même, une amélioration importante, et quand on ne peut en obtenir le bénéfice, soit parce que les pièces sont trop grandes, soit parce que la surveillance du travail doit être incessante, on place encore plusieurs outils les uns à cêté des autres de manière à effectuer à la lois plusieurs passes parallèles, et à arriver ainsi à une exécution plus rapide, avec une moindre dépense de main- d’œuvre. La stabilité des machines, la complète exécution des pièces, sans démontage, la spécialisation des outils à l’exécution de celles qui se font à un grand nombre d’exemplaires, la généralisation des mouvements automatiques poussée jusqu’à l’extrême, l’emploi simultané de plusieurs outils, tels sont les caractères les plus généraux des progrès récemment accomplis dans la construction des machines-outils. S’il nous était donné d’entrer dans quelques détails sur l’histoire des perfectionnements successifs d’une même machine-outil, nous verrions que, depuis le mémorable rapport de M. le général Poncelet, c’est-à-dire depuis la première Exposition universelle de 18iil, chacun des appareils que l’on comprend dans cette dénomination générale de machines-outils s’est modifié suivant 1 ou l’autre de ces caractères; en nous bornant, dans cet ar- hcle, examiner, en eux-mêmes, les différents genres de machines exposés à Londres, 1’ année dernière, nous aurons à consta- 1 aussi d autres améliorations de détail ; mais elles ne sauraient, comme les précédentes, être caractérisées dans leur ensemble par des tendances aussi nettement définies et d’un intérêt aussi general. 736 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. I. TOURS. De toutes les machines-outils, le tour est la plus ancienne, et c’est aussi la plus remarquable car elle permet d’exécuter, avec une extrême précision, toutes les surfaces de révolution, particulièrement les surfaces cylindriques, sur lesquelles elle donne aussi le moyen de tracer des hélices et de creuser profondément des rainures, de même forme et de différents profils, qui laissent en saillie les filets d’une vis. Il suffit, pour exécuter ce travail, de déplacer l’outil devant le cylindre, de manière qu’il avance, à chaque tour, d’une distance égale au pas de cette vis. Au moyen d’engrenages intermédiaires, convenablement disposés, on sait, depuis longtemps, faire varier cette distance entre des limites très-différentes. C’est ainsi que les tours à charioter sont transformés en tours à fileter; mais nous n’avons à signaler aucune particularité nouvelle dans les dispositions destinées à ce travail, si ce n’est que, comme nous l’avons déjà dit, les bancs sont généralement d’une seule pièce, en fonte creuse, et que les chariots qui glissent sur ces bancs ont un plus grand empâtement, et présentent ainsi, dans leur fonctionnement, une stabilité plus grande. Les modèles de M. Whitworth et Cie se sont à peine modifiés depuis l’Exposition de 1851 ; mais l’emploi simultané de deux outils opposés est généralement adopté pour toutes les pièces longues; on évite ainsi la flexion de ces pièces, et rien ne s’oppose à ce que l’on donne à chaque passe une plus grande profondeur. On adopte aussi la disposition que l’on désigne depuis quelque temps sous le nom de tour à banc rompu une lourde plaque de fondation, dressée et percée de mortaises sur toute sa surface, supporte un banc mobile, qui peut s’éloigner de la poupée du tour, de manière à laisser, au-dessous de celle-ci, une fosse plus ou moins large, pour les pièces qui doivent être tournées sur plateau; la transmission qui détermine le déplacement du support à chariot, passe dans l’intérieur de la plaque de fondation , et l’outil se transporte automatiquement, soit parallèlement à l’axe, pour charioter, soit dans une direction perpendicu- culaire, pour planer. Quant à l’ouverture et à la fermeture de la fosse, elle s’effectue en faisant glisser le banc tout entier sur la 737 MACHINES-OUTILS.' plaque de fondation, au moyen d’une manivelle et d’un arbre lileté auquel on donne une longueur convenable. Dans le tour à fileter de William Muir, on remarque deux petites crémaillères qui font partie du chariot, et qui, placées de chaque côté de l’embrayage, sont destinées à faire baisser le support de la longue vis, à l’instant où la partie inférieure de l’écrou doit passer, et à le ramener ensuite, dans sa première position, après le passage de cet écrou. Dans le tour de Maclea et March, on remarque une disposition nouvelle pour le serrage delà contre-pointe on a pratiqué, dans le tube dans lequel cet organe est logé, une mortaise d’une largeur d’un centimètre et de vingt centimètres de longueur environ; cette mortaise est remplie de plomb , et l’on place, vers le milieu, un boulon destiné à resserrer les deux lèvres; le serrage se fait ainsi d’une manière parfaitement concentrique, sans aucun risque de déplacement de la contre-pointe. M. Ducom- mun avait déjà employé une disposition analogue. MM. Smith IJeacock et Tannett ont employé deux outils, niais dans des conditions tout à fait différentes de celles de M. Whit- worth; ils ont placé, sur un même banc, un double attirail de poupées, et ils peuvent ainsi travailler deux pièces à la fois; ces pièces, ce sont des tiges de tampons de choc, et le cheminement du chariot étant guidé par une rainure, chacun des outils avance ou recule de manière à exécuter automatiquement, sur le tour, le prolil même de la rainure qui sert de guide. Une disposition analogue pourrait, dans un grand nombre de cas, être appliquée avec avantage, pour le travail des pièces qui sont d’un emploi fréquent. M. Hartmann, de Chemnitz, avait disposé un tour spécial pour couper les tubes de locomotives et pour les repousser ou les rétreindre à leur extrémité, de manière à faciliter l’assemblage des deux parties à souder ensemble, pour les faire servir, à nouveau, dans les chaudières tubulaires. Cette petite machine était fort ingénieusement disposée et deviendra certainement l’un des outils Jes plus indispensables dans les ateliers de réparation. Ce sont encore MM. Smith Jieacock et Tannett qui avaient construit cette grande machine à rayer les canons, qui doit, à tous égards, être considérée comme un modèle à suivre ; la rayure se fait, d’une manière entièrement automatique, par la combinaison 738 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. d’un mouvement de rotation et d’un mouvement de translation, celui-ci variant à volonté par rapport à l'autre, en inclinant plus ou moins, sur l’axe de la pièce, le bras sur lequel le mouvement rectiligne est réalisé; l’outil n’avance dès lors que suivant la projection de ce mouvement, et cette projection varie, suivant l’angle indiqué sur une division que porte la machine. M. Anderson , qui l’a étudiée dans toutes ses parties , avait exposé la coupe d’un canon, dans lequel il avait exécuté des rainures extrêmement variées, et d’un précision irréprochable. il. MACHINES A ALÉSER. L’alésage est une opération qu’on effectue, suivant les circonstances, sur des machines à axe vertical ou à axe horizontal; ces dernières ont prévalu parce que cette disposition permet facilement de donner une grande stabilité aux pièces en travail. On se sert souvent, pour cet objet, de tours spéciaux , et nous ne voyons que deux de ces machines à signaler parmi celles de l’Exposition. L’üne d’elles, sortant, des ateliers de MM. Crawhall et Campbell, était disposée pour aléser plusieurs cylindres horizontaux, suivant des axes exactement parallèles. M. le baron Séguier, dans son rapport officiel, a fait remarquer avec raison que ce parallélisme n’était peut-être pas assuré avec une précision suffisante; et, si le résultat n’est pas obtenu d’une manière absolue, il est évident que la machine n’a aucune raison d’être. Cependant l’idée subsiste, et il n’est pas impossible de la réaliser sous plus d’une forme satisfaisante. Le constructeur allemand que nous avons déjà cité, nous a montré une petite machine pour aléser, sans le déplacer, un cylindre de locomotive, qui aurait pris un peu de jeu par l’usé. L’outil est un burin de machine à raboter, à fer taillé en forme de gouge, dans des conditions telles qu’il peut agir sous différents angles ; l’appareil est fixé par des boulons au cylindre rmême, et l’outil tourne autour de ce cylindre; une disposition analogue peut être appliquée au dressage des glaces de tiroirs, et des outils-machines de ce genre pourraient certainement trouver de très-nombreuses applications pour la réparation de diverses MACHINES-OUTILS. TSD parties d’un matériel, en dehors de 1 atelier de construction. C’est là une indication qui peut taire naître toute une classe de machines nouvelles, disposées pour la réparation seulement. III. MACHINES A PEHCEII. Tous les constructeurs avaient présenté quelques machines de ce genre, les unes remarquables par leurs dimensions ou par les moyens employés pour leur donner une volée variable, les autres comme spécimens de difficultés vaincues dans le moulage de bâtis creux, d’une exécution remarquable, ou parce qu’elles apportaient de notables perfectionnements dans la mise en place des grosses pièces. Nous décrirons d’abord quelques-unes de ces machines en détail. Machine radiale , de FaMmirn et Cie, de Leeds. Cette machine est surtout remarquable par la disposition du tablier à rainures, qui se compose de deux faces À et 15, bien rectangulaires entre elles, et disposées de manière que, suivant la forme des pièces, leur mise en place se fait avec la même facilité, sur la face horizontale ou sur la face verticale de ce tablier. La poulie motrice est cachée derrière la face verticale, de manière à ne jamais gêner la manœuvre; la transmission a lieu au moyen de deux poulies étagées et d’une double paire d’engrenages, de manière à accélérer convenablement la vitesse de l’arbre vertical, caché dans l’intérieur de la colonne, et qui, par son pignon supérieur, commande à la fois le mouvement de rotation de l’outil et son mouvement de descente; le premier de ces eflets s obtient directement au moyen de deux autres engrenages coniques, dont l’un est solidaire avec un arbre horizontal intermediaire, l’autre avec le porte-outil. Ce dernier pignon sert aussi à déterminer l’avance de l'outil de la manière suivante un troisième pignon conique, symétrique par rapport au premier, fait tourner un petit arbre horizontal et, avec lui, une poulie à étages, lixée a son extrémité; cette poulie correspond à une poulie inverse, placée sur un arbre parallèle, au bas du chariot C; cet arbre agit, parvis sans lin, sur un pignon horizontal, taisant mou- 740 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. voir, à l’extrémité supérieure de son arbre vertical, un autre pignon commandant une roue centrale, qui forme écrou, et qui agit sur la tige filetée du porte-outil. Fig. i. gSis maii 1*31 mmiHÏ aiic •Tifjcu, Lorsque le chariot qui porte l’outil se déplace dans ses glissières, l’arbre horizontal, qui est au sommet de la colonne, glisse également dans ses portées; mais, le pignon qui lui donne le mouvement restant en place, la transmission du mouvement continue à s’opérer de la même façon. Quant au déplacement autour de la colonne, il s’effectue facilement à la main, le premier pignon de l’arbre horizontal tournant MACIUNKS-OUTILS. 741 alors autour du premier pignon d’angle, sans cesser de rester en prise avec lui. Cette macliine simple a O 111 ,10 de course de fer et 0 m ,90 de flèche; elle convient parfaitement pour percer jusqu au diamètre de 0 m ,04D. Machin? à percer radiale, automatique, et à table reposant sur le sol, de Itulse, de Manchester. La partie fixe de cette machine se compose d’une grande table à rainures A, reposant directement sur le sol, et munie, à l’une de ses extrémités, d’un socle cylindrique sur lequel est fixée une colonne It, qu'on peut considérer comme faisant partie de la même pièce, et qui sert de support à toutes les parties mobiles de l’appareil. Les rainures de la table peuvent servir directement à la mise en place des grosses pièces ; et, dans le cas où l’on aurait à travailler sur des pièces plus petites, on y boulonnerait une sorte de billot cylindrique a, dont le plateau supérieur est disposé, soit avec des rainures, soit avec des mortaises, pour le passage des boulons d’assemblage. La colonne verticale porte l'arbre moteur et les glissières sur lesquelles doit venir s’assembler le châssis mobile C, qui porte le banc radial D, avec le foret et tous les organes nécessaires à son fonctionnement. Dans la position qui est représentée par la figure 2, l’effort moteur est transmis â la poulie motrice, et, par l’intermédiaire du pignon conique calé sur le même axe, il entraîne l’arbre vertical au sommet duquel unenouvelle paire d’engrenages coniques sert à faire tourner, sur lui-même, le petit arbre horizontal, qui porte en son milieu un pignon engrenant avec la roue droite, figurée sur le dessin, et dont l’arbre porte à son autre extrémité une nouvelle roue d’angle; c’est cette dernière roue qui engrène avec celle du porte-outil, et qui imprime à celui-ci son mouvement de rotation. Quant au mouvement de descente automatique de cet outil, il est également dérivé du dernier arbre horizontal, au moyen de la poulie à étages qui se voit à côté de la roue droite; le mouvement de rotation est transmis, par courroie, à la poulie inverse qui est au-dessous, et au pignon droit qui est solidaire avec elle; ce pignon engrène avec un pignon parallèle 742 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. dont l’arbre horizontal fait fontionner, par vis sans fin, le petit pignon horizontal qui se voit de l’autre coté de la ligure et dont l’arbre vertical est également muni d’une vis, à sa partie supérieure; enfin c’est cette vis qui est chargée d’entraîner le petit arbre horizontal qui agit, au moyen d’un pignon placé en son milieu, sur la crémaillère de la tige du porte-outil. Si ce mouvement de descente devait s’opérer à la main, on supprimerait la courroie et on agirait après débrayage au moyen de la manivelle qui est solidaire avec le dernier arbre vertical. f 11 Jffi SS' iMWLL» P "i liilutiüüli! ttPP - ."A 1 jp-p *îi5ï£ rir. î. Cette combinaison n’offre rien de particulier, mais il faut que les mêmes fonctions puissent être remplies par tous les organes qui la constituent, quelle que soit la position de l’outil par rapport au bâti de la machine. 743 MACHINES-OUTILS. Le transport longitudinal du chariot du porte-outil s’effectue au moyen de la vis horizontale, qui règne d’un bout à l’autre du banc radial D; le chariot tout entier se déplace parallèlement à lui-même, en entraînant avec lui tous les organes de transmission, y compris le pignon droit qui glisse sur une rainure de l'arbre horizontal supérieur. Le mouvement autour du premier arbre vertical, parallèle à l’axe de la colonne, s’effectue directement à la main; et toute la partie mobile de l’appareil est fixée dans la position convenable, au moyen de deux vis de pression, dont les têtes sont apparentes en ce sur le dessin. Quant au soulèvement tout entier du banc, il s’opère également d’une manière simple. Un petit volant â manette b agit, par vis sans fin, sur un arbre horizontal, dont la roue dentée se voit à la gauche du dessin; à l’autre extrémité du même arbre est un pignon, agissant sur la crémaillère qui fait partie du châssis mobile C; dans ce mouvement, le deuxième pignon conique glisse sur l’arbre vertical d’articulation, et ne cesse pas de rester en prise avec le pignon qui le commande; on pourra donc monter et baisser ce chariot, faire tourner le châssis horizontal, tout autour de la machine, enfin éloigner ou rapprocher l’outil, de toute la longueur du chariot horizontal, sans pour cela qu’aucun des organes de transmission cesse de fonctionner. Cette condition a exigé l’emploi d’un plus grand nombre d’engrenages intermédiaires; mais le résultat est aussi complet que possible, et la machine constitue un outil puissant, très-solide, et d’une très-bonne application à un grand nombre de travaux. Machine à percer, deShanks. •Plusieurs applications des engrenages à coin avaient été faites à l’Exposition ; mais la seule qui nous ait paru vraiment bonne, eu ra ison de la petitesse des efforts à transmettre, est celle de M- Shanks, dans sa nouvelle machine à percer, à plusieurs forets; cette machine est représentée tig. 3; le mouvement est transmis par la poulie placée au bas de l’appareil, â un arbre â peu près vertical qui est renfermé dans la colonne extérieure, et la poulie à rainures A, qui surmonte cet arbre, est toujours un peu inclinée du côté du plateau li, représenté à la droite du dessin. La jante 744 IMPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. de cette poulie est garnie de rainures qui correspondent aux saillies ménagées entre les rainures semblables, pratiquées dans un certain nombre de petits pignons aao, distribués à égale distance, au pourtour de la machine, et portant chacun un foret; les saillies, offrant une épaisseur qui va régulièrement en augmentant; de la ^circonférence au centre, constituent de véritables TpWf ïïsr$*ï » .M l'ifc'. 3. coins qui, lorsqu’on les presse par les rainures du plateau central, déterminent une suffisante adhérence entre la poulie et le pignon correspondant, pour que le premier de ces organes en- MACHIN l'S-OUTlLS. traîne la rotation de l’autre, avec une vitesse angulaire d’autant plus grande que le diamètre du pignon est moindre. M. Shanks a profité de cette propriété pour faire mouvoir ses forets avec des vitesses différentes, en montant, sur leur axe, des couronnes de diamètres variés, et appropriés à la vitesse qu’il convient de donner à chacun d’eux, eu égard à la dimension du trou qu’il doit percer. ha tête de cet appareil, qui porte quatre forets, est mobile sur la colonne principale, et l’on peut à volonté mettre l’un ou l’autre de ces forets en prise avec la roue centrale, en l’amenant au- dessus du plateau latéral B. O11 voit sous la poulie une sorte de clef C, qui sert à fixer exactement, au moyen d’un verrou et d’une entaille, la tête de l’appareil dans la position convenable. La pièce à forer étant assujettie sur le plateau B, il suffira de soulever celui-ci, au moyen de l’écrou à poignées qui est au- dessous de lui, pour que le foret pénètre dans la pièce et fasse rapidement son office. Placée à l’écart, dans un atelier, cette machine serait d’une utilité très-grande pour effectuer rapidement le percement des petites pièces, suivant l’un ou l’autre des diamètres des différents outils installés. Peut-être la forme générale de la machine est-elle un peu recherchée et de mauvais goût, mais elle n’en constitue pas moins une application nouvelle, d’une réelle et sérieuse utilité. Machines à percer les longerons des locomotives, par M. Smith Beacock et Tannett. Nous avons déjà cité cette machine comme un des exemples les plus remarquables de l’emploi de certains outils spéciaux dans une fabrication déterminée. Imaginez un banc immense, sur lequel reposent les pièces à percer, assujetties pac les moyens ordinaires. Trois chariots mobiles, assez semaines aux ponts des machines à raboter, peuvent, au moyen une même transmission, se déplacer dans le sens longitudinal, et, dans chacun d’eux, un porte-foret peut se déplacer transversalement, de manière à s’approcher, autant qu’on le veut, de l’un des bords du plateau qui forme le banc ; ces déplacements sont déterminés par des vis; la rotation des outils est, en chaque position, assurée par des pignons d’angles, les uns fixes, les Bl. 48 7ii EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. autres mobiles eux-mêmes sur les arbres avec lesquels ils tournent. Cette simple description suffit pour faire comprendre le principe sur lequel repose cette machine, et pour démontrer qu’elle doit agir avec une précision exceptionnelle. Reste savoir si elle n’immobilise pas, eu égard à ses grandes dimensions, un capital d’une importance exagérée par rapport aux services qu’elle peut rendre. Nous aurions pu multiplier les descriptions de toutes ces machines; nous aurions trouvé, dans chacune d’elles, quelque particularité à signaler, mais il nous suffira de dire d’une manière générale que l’exécution est partout excellente, que l’emploi d’ajustements coniques assure , dans presque toutes , une fixité parfaitement satisfaisante dans la position des axes, et que quelques-unes d’entre elles peuvent servir pour des tonds d’un diamètre de six à sept centimètres. La plupart des constructeurs donnent maintenant du 1er il l'outil, au moyen d’une crémaillère ; le foret s’engage moins avec ce mode de transmission, et l'on parvient plus facilement à le dégager à la main, en cas de soufflure. Depuis quelque temps, M. houille, mécanicien à Paris, construit une machine à percer, à banc rainée sur toutes ses faces, et à table rapportée. Elle est disposée de manière à pouvoir percer sous toute inclinaison, fût ce même de bas en haut; cette machine peut rendre des services dans certains cas spéciaux. IV. MACHINES A MORTAISER, A OUTILS ROTATIFS. En ce qui concerne le travail des métaux, aucun lait nouveau n’est plus important que l’emploi des outils rotatifs pour creuser des rainures, des mortaises, ou, en ternies plus généraux, pour creuser une pièce de métal suivant un profil parfaitement déterminé. Les mortaises confectionnées de cette façon sont si bien exécutées, que la morsure de l’outil s’aperçoit à peine sur les parois travaillées, et que les fonds sont aussi Lien dressés que par l’action d’une excellente machine à raboter. Ces machiuesi’ioulils rotatifs agissent eu général sur une pièce solidement fixée sur un tablier mobile, et l’outil se déplace 747 M \’ longitudinalement, en même temps qu’il tourne sur lui-même, à la manière des outils à percer. Les dimensions de chaque mortaise se trouvent ainsi déterminées en largeur parle diamètre de l’outil, en longueur par là course variable qu’on lui donne, et en profondeur par l’abaissement plus ou moins considérable qu’il reçoit automatiquement de la poulie-motrice cet abaissement se produit chaque fois qu’une passe entière a été faite, et il est réglé suivant la nature du métal sur lequel on opère. L’outil rotatif doit être spécialement décrit. 11 est ordinairement formé par l'affûtage d’une tige cylindrique en acier, sur laquelle on produit deux méplats opposés, comprenant entre, eux une épaisseur de métal qui va légèrement en diminuant vers l’extrémité. Si l’on se représente une section perpendiculaire à l’axe de la tige, cette section sera une sorte de rectangle curviligne dont tes deux côtés parallèles seront des lignes droites, reliées à leurs deux extrémités par des arcs de cercle, lin pressant cette section sur une plaque de métal, elle ne pourrait l’entamer, avec quelque profondeur, par ses angles, qui sont obtus tous les quatre; mais si l’on recoupe la lige suivant un profil demi-cylindrique, à génératrices horizontales, et inclinées d’un certain angle par rapport aux côtés rectilignes dont il vient d’être question, on voit que le plan de la section quadrangulaire aura pu disparaître tout entier, à l’exception de deux petits triangles, formés chacun par l’un des côtés curvilignes de la face primitive, par une partie seulement de l’un des côtés rectilignes, et par l’une des génératrices inférieures de l’évidement demi- cylindrique. Les quatre extrémités de ces deux génératrices étant inclinées par rapport aux facettes primitives, le berceau demi-cylindrique reposera sur le plan, par deux dents aigues qui pourront mordre, avec une grande énergie, la surface à travailler, sur toute la longueur des génératrices horizontales, surtout si la pression est grande, et si l’on a pris soin d'affûter, un peu en biseau, les deux triangles conservés à la face primitive. Les outils a i lls i ii S 0S é s coupent avec une très-grande précision, et leur affûtage, qui ne présente aucune ditliculté, leur permet toujours de conserver le même diamètre extérieur, qui est celui de la mortaise à exécuter. Pour 1 exécution des rainures et des mortaises de grandes lar- 748 KXPOSITION UNIVKKSKLLK lK geurs, M. Sharp et Stewart ont profité de ce que les outils ne doivent pas couper par leur centre, pour remplacer celui que nous venons de décrire, par un simple manchon cylindrique en acier, dans toute la longueur duquel ils introduisent, avec une légère inclinaison, deux burins, dont ils fixent la position avec des vis, et qui ne dépassent la face inférieure du manchon que de quelques millimètres. Ces burins peuvent être facilement enlevés toutes les fois qu’il est utile de les affûter, et cette forme d’outils nous paraît devoir remplacer toutes les autres, lorsque les diamètres sont assez grands pour pouvoir l’employer.' Dans d’autres circonstances, on se sert simplement d’une broche en acier, taillée en forme de fraise sur son pourtour. Pour que le fond de la pièce soit raboté avec une grande précision, il faut, autant que possible, que le déplacement longitudinal de l’outil se produise d’un mouvement uniforme, et les différents constructeurs ont, chacun de son côté, cherché une solution û ce problème difficile; la transmission par bielle et manivelle donne lieu à des déplacements trop irréguliers, et l’on n’est arrivé à une solution convenable qu’au moyen d’engrenages ovales. Pour diminuer la période de ralentissement vers les points morts, on comprend en effet qu’il suffirait de rendre plus grande la vitesse de la manivelle, ce que l’on peut facilement réaliser en fixant le bouton de cette manivelle sur un plateau elliptique, dont la denture serait commandée par un autre plateau semblable. Si le plus grand rayon de l’ellipse motrice correspond au plus petit rayon de l’ellipse conduite, le mouvement de rotation sera, à ce moment, accéléré, et si le bouton de manivelle est placé sur ce dernier rayon, l’influence finale des points morts se fera beaucoup moins sentir. Pour arriver à ce résultat, MM. Slianks et C i0 emploient deux roues elliptiques, égales et disposées de telle façon qu’en tournant respectivement autour de leurs centres, leurs dents ne cessent pas d’être en prise, la somme des deux rayons vecteurs qui viennent se placer simultanément dans la ligne des centres restant exactement constante. MM. Sharp Stewart et C ,e arrivent au même résultat en employant, comme pignon moteur, une roue circulaire excentrée, dont le développement total est la moitié de celui de la roue elliptique qu’il conduit. Le bouton de manivelle est alors placé MACÜlNliS-OUTILS. 74 !» sur le petit axe de l’ellipse, et la distance des deux centres de rotation est mesurée par la somme des longueurs de ce petit axe et du plus grand rayon vecteur du cercle excentré. L’introduction, dans les machines, de ces roues dentées elliptiques ou excentrées, dans le but de rendre le mouvement d’une tête de bielle plus uniforme, est un fait assez saillant pour qu’il nous ait paru nécessaire de reproduire, à une échelle sullisante, les épures de ces transmissions. Les figures 1,2 et 3 de la planche la se rapportent à la disposition de M. Shanks ; les figures 4, a et 6, à celle de MM. Sharp Stewart et O. A, lig. I et 2, est une roue à vis sans in, qui reçoit, d’une manière continue, son mouvement de rotation de la machine; sur l’axe a de cette roue, et au-dessus d’elle, se trouve calée la roue elliptique 15, que nous avons désignée sous le nom de roue motrice; cette roue, dont les deux diamètres principaux ont pour longueur, 0 OT ,270 et 0 m , 189, est dentée sur tout son pourtour, et elle engrène avec une deuxième roue elliptique C, de mêmes dimensions; la distance entre ces deux centres b etc est égale à la somme 0 m ,2245 des deux demi-axes. Cette seconde roue C, est fondue, d’une seule pièce, avec le plateau-manivelle D, d'un diamètre de 0 m ,482 ; le boulon de manivelle d peut se déplacer dans la coulisse e, de manière à s’écarter du centre jusqu’à la distance maximum de 0 m ,20, et le rayon du cercle qu’il décrit peut être réduit, suivant la course que l’on veut obtenir, de ectte distance maximum à 0. La bielle F, d’une longueur totale de l ,n ,32, transmet le mouvement de translation au porte-outil. Pour représenter par un tracé graphique les circonstances de cette transmission de mouvement, nous avons reproduit, dans la hgure 3, les ellipses sur lesquelles les dentures ont été tracées. Pans la première position, l’ellipse motrice agit, par son plus giand diamètre, sur l’extrémité du plus petit diamètre de l’ellipse conduite, et le bouton de manivelle se trouve sur ce diamètre en d„, point auquel correspond le point /j de l’autre extrémité de la bielle. Lorsque les deux ellipses se déplacent, le point de contact a toujours lieu sur la ligne des centres, et le point d„ occupe successivement les positions 1 , 2. 3. . . 12, auxquelles correspondent les mêmes numéros pour l’autre extrémité de la bielle en f. EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. 700 Le déplacement angulaire du bouton d de la manivelle, et le déplacement en ligne droite de l’articulation f de la bielle, étant ainsi déterminés, on a pu construire sur la ligne prise pour axe des abscisses, la courbe dont les ordonnées augmentent de quantités égales pour dos déplacements angulaires égaux. Cette courbe MN affecte, d’une manière générale, la même forme que celle de la transmission par manivelle; mais, pour la comparer plus utilement à cette dernière, on l’a également tracée sur le dessin, en supposant que la course totale fût la même, dans les deux cas, pour chaque tour de l’arbre moteur. On voit ainsi que cette nouvelle courbe PQ est beaucoup plus renflée que la première, et que, pour celle-ci, la vitesse, après être arrivée beaucoup plus rapidement à son maximum, le conserve presque exactement jusqu’il la fin de la période. La courbe MN ne différant sensiblement d'une ligne droite qu’en ses extrémités, on est en droit d’en conclure que c’est seulement vers les points morts que le. mouvement est notablement retardé, et qu’ainsi la nouvelle disposition réalise, d’une manière beaucoup plus approchée, les conditions d’un mouvement de transport uniforme. Les mêmes lettres représentent respectivement les organes correspondants dans la transmission employée par MM. Sharp Stewart et O. A, fig, 4 et !>, est toujours la roue motrice à vis sans fin; B le pignon circulaire excentré, dont le diamètre est de 0 m ,168, et qui tourne autour de l’axe b, excentré de 0,023; ce pignon est denté sur tout son pourtour, et il conduit, par sa denture, la roue elliptique G, dont les axes ont pour longueur 0,378 et 0,280; elle tourne autour de son centre c, et la distance bc = 0,250 mesure exactement la somme du petit rayon vecteur du cercle et du demi-grand axe de l’ellipse. Le bouton de manivelle rfpeut se déplacer dans la coulisse e, de manière à s’écarter du centre depuis 0 jusqu’à la distance maximum de 0,180, suivant la course que l’on veut donner à l’outil. La machine étant beaucoup plus réduite que la précédente, dans ses dimensions longitudinales, MM. Sharp Stewart et C ic n’ont donné à la bielle qu’une longueur de 0,70, et cette différence se remarque à première vue lorsqu’on compare la figure 6 à la figure 3. C’est afin de ramener la transmission dans l’axe de la machine, encore plus que pour diminuer la vitesse du plateau circulaire, que M. Sharp Stewart et C ic ont été conduits à employer les roues MACHINRS-OUTILS. 7;H intermédiaires A’ et IV, dont les analogues n’existent pas dans le système h; M. Slianks et C' 0 . Lanouvelle courbe MN, fig. G, Iracée avec ces éléments, ressemble beaucoup à la précédente, bien qu'elle ne soit pas tout à l'ait aussi régulière; les temps morts sont plus marqués, et les renflements que l’on remarque en M et en N indiquent, en ces points, une petite augmentation dans la vitesse de transport de l’outil. Cette cause d’infériorité, dans la nouvelle transmission, tient un peu, sans doute, au raccourcissement de la bielle, mais il convient de faire observer que cette combinaison d’organes présente d’ailleurs, par rapport à la première, deux avantages importants un seul des deux pignons est elliptique, et le nombre des tours du plateau-manivelle qui porte l’engrenage elliptique n’est pie la moitié de celui du pignon circulaire. Dans la machine de Slianks, le nombre débours du plateau varie de \ â 6 pour 1,000 tours de l’outil; dans la machine de Sharp Stewart, les chiffres correspondants varient de 0,80 3 seulement. Après avoir ainsi décrit les organes qui déterminent le mouvement de transport de l’outil, nous pouvons facilement faire comprendre, dans son ensemble, le jeu des deux machines. Celle de Slianks, la première qui ait été employée en France, porte deux outils horizontaux placés sur une même ligue; la pièce â mortaiser se place dans l’axe de la machine, au moyen d’une pointe et d’une lunette à mâchoires concentriques; le support à chariot qui porte les deux outils est amené en face d’elle, de manière que le travail se commence au point convenable; au début, l’écartement des deux burins se règle à la main, au moyen d’une vis â deux pas contraires; les porte-outils reçoivent leurs mouvements de rotation à la manière ordinaire, et le support tout entier se transporte â l'aide de la transmission que nous avons indiquée; â la fin de chaque course un buttoir détermine l’avancement des deux fers, de la quantité convenable, et ils marchent ainsi, a l’encontre l’un de l’autre, jusqu’à ce que la cloison qui les séparé n’ait plus que l’épaisseur d’une fraction de millimètre. M- Shanks trouve, dans cette combinaison de deux outils, l’a- 'antage de ne leur faire faire à chacun qu’un chemin égal à la demié-paisseur delà pièce en travail, ce qui lui permet de donner ses outils moins de longueur, au grand profit de la régularité EXPOSITION UNIVERSELLE UK LONDRES. 7 »'* des surfaces exécutées; mais, après avoir dégagé la pièce, il faut rompre, au burin et à la lime, la petite cloison de métal, qui sépare encore les deux mortaises, et c’est là un inconvénient que ne présentent pas les machines à un seul outil. Il est vraiment curieux de voir comment les deux cavités, ainsi formées, se correspondent; les faces sont mathématiquement dans le prolongement l’une de l’autre, et le travail est en définitive excellent. On peut reprocher à la machine de Shanks sa grande longueur; les engrenages elliptiques et tous les organes qui sont relatifs au mouvement de transport de l’outil sont rejetés au dehors du bâti principal de la machine, et la grande longueur de la bielle est loin d’être une cause de stabilité. La machine de Sharp Stewart et C ic est au contraire très- eondensée; la transmission est placée tout à côté de la table; la bielle est courte, et l’ensemble de la construction possède bien le cachet de solidité des bonnes machines anglaises. Cette machine est représentée par la figure i ci-jointe. La pièce est fixée, à la manière ordinaire, sur un tablier horizontal, semblable à celui des étaux limeurs, et l’outil est disposé verticalement comme celui des machines à percer. Le fer se donne automatiquement, au moyen d’un cliquet, à la fin de chaque course, mais le desserrage d’un petit manchon conique permet aussi de le manœuvrer très-facilement à la main. La poulie étagée principale détermine, par la rotation de son arbre et l’intermédiaire de deux paires de roues d’angles, le mouvement de rotation de l’outil autour de son axe, mais son mouvement de transport, qui doit être relativement très-ralenti, ne s’obtient pas aussi facilement. A l’autre extrémité de ce premier arbre, on voit une poulie étagée, de moindre dimension, transmettre son mouvement à un arbre parallèle, placé dans le bas de la machine; cet arbre est fileté dans une partie de sa longueur, de manière à faire mouvoir le pignon horizontal que l’on aperçoit sous le banc, et, par l’intermédiaire de l’arbre de celui-ci, un autre arbre vertical, qui est placé au milieu du bâti, et sur lequel est calé le pignon horizontal excentré que nous avons désigné, dans le tracé de l’épure, sous le nom de roue motrice. On voit en Cia roue elliptique que ce premier pignon commande, et l’on se rend ainsi parfaitement compte de la disposition générale des organes. Quant à MACHINES-OUTILS. 7 lia l'avancement de l’outil, il se produit, à chaque fin de course, au moyen d’un renflement que porte la face inférieure de la roue elliptique; ce renflement abaisse le levier L et relève l’autre jww/ï/Sr jpzehAo • / '*-' ,'HKiiiïnil >uiii 1 i- . I •îiîf mm branche K, armée d’un cliquet, qui vient agir sur la roue à rochet correspondante; cette action intermittente est transmise a l’arbre horizontal qui donne le fer par deux petits arbres intermédiaires et leurs pignons dentés. Quant au règlement de la course, il se fait avec une manette, en agissant sur 1 arbre fileté R qui n’a d’autre mission que de permettre le déplacement du bouton de manivelle dans sa coulisse; le chariot porte-outil peut obéir d’ailleurs au déplacement de la tête de bielle, en quelque position qu’il soit amené par rapport à elle. Cette nouvelle machine est déjà d’un grand usage dans les ateliers anglais, mais elle acquiert encore bien plus d importance lorsqu’elle est à double table et à double poupée, de manière à EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. 7!H façonner à la fois les deux extrémités d’une même bielle, ou, dans certaines circonstances, de les former l’une après l’autre sans avoir il démonter les pièces en travail. MM. Sharp Stewart et C ie -, et M. Whitwortli exposaient ces machines plus complètes. Voici la description qu’en donne ce dernier constructeur dans sa notice. Le banc à coulisse est rainé dans toute sa face antérieure, de manière à recevoir les deux plateaux, qui peuvent se déplacer, soit dans le sens vertical, soit dans le sens longitudinal. La tige de l’outil rotatif tourne avec ses ajustements coniques, en acier trempé, dans un tube de section octogonale qui se place comme le porte-foret d’une machine à percer; tous les organes de transmission, nécessaires pour donner le mouvement de rotation, et l’avancement du fer, fonctionnent automatiquement à l’intérieur de chacune des poupées, qui se déplacent à volonté tout le long de la glissière de la face supérieure du banc. Ces machines sont construites avec une ou plusieurs tables et de dimensions variées suivant les pièces en travail. Le mode de construction de l’outil est spécialement étudié pour éviter tout jeu latéral, et par conséquent pour produire un excellent travail ; des dispositions particulières sont prises pour ajuster l’outil pendant son action, soit dans le sens longitudinal, soit dans le sens transversal, et pour régulariser la direction de la rainure. Il est nécessaire de faire remarquer que M. Whitworth échappe à l’emploi des roues elliptiques, en déterminant l’avance du fer d’une manière continue et non pas seulement à l’extrémité de chaque course il est difficile de croire que cette combinaison, beaucoup plus simple, satisfasse complètement aux conditions d’un aussi bon travail. On construit encore ces machines sous une autre forme pour le cas où les mortaises ne doivent pas être dirigées suivant la longueur de la pièce, comme, par exemple, pour les T des machines à vapeur. Le bâti qui porte la fraise est fixe, et la manivelle qui détermine le glissement agit alors sur la table qui porte la pièce. Toutes dispositions sont prises pour que ce déplacement ait lieu dans une direction quelconque. Nous nous sommes longtemps arrêté sur ces machines morlaiser, à outils tournants, mais l’importance de la question exigeait ces détails, et nous 11e saurions trop insister pour que MACHINES-OUTILS. 7b!i ces machines soient promptement adoptées par nos ateliers de construction ils y trouveraient, sans aucun doute, l’avantage d’une plus prompte et d’une meilleure exécution, dans un très- grand nombre de circonstances. Nous avons, en notre possession, une grande filière de M. Whitworth, dans laquelle tous les encastrements et toutes les rainures ont été laits avec des machines du genre de celles dont nous venons de nous occuper; la trace de l’outil se trouve sur toutes les surfaces, mais si peu apparente qu’il ne peut être nécessaire de retoucher, ni à la lime, ni au burin, aucune-des parties dans lesquelles doivent se mouvoir les clavettes de serrage et les peignes, qui forment les coussinets de cet outil d’une extrême précision. V. MACHINES A KAUOTEIt. Trois grandes machines à raboter figuraient à l’Exposition, et il serait dificile de choisir entre elles. Celle de M Whitworth et C ie , qui avait 6 m ,70 de long sur 1 m ,68 de large, se distingue cependant des autres par le fini de l’exécution ; mais ces constructeurs sont à peu près les seuls qui aient conservé les outils à retournement, fonctionnant dans les deux sens ; on n’arrivera jamais, par ce système, à une aussi grande régularité dans les passes qu’avec les outils fixes, qui ont l’inconvénient de ne travailler que dans un seul sens. MM. Whitworth et O reviennent à celte disposition pour les machines de moindre dimension, mais le mouvement de retour est alors accéléré dans le rapport de 3 à 1 ; pour rattraper le temps perdu, les deux autres constructeurs emploient chacun trois outils fonctionnant dans le même sens ; deux d’entre eux dressent la partie horizontale de la pièce, pendant que le troisième est chargé de raboter les rives; ce troisième outil, qui est aussi à mouvement automatique, est supporté par un chariot vertical, glissant sur l’un des montants verticaux qui portent le pont. M. Whitworth a conservé l’emploi de la vis pour déterminer lu déplacement de la pièce à travailler; et lorsqu’il se sert de deux vis bien parallèles, on peut être assuré que le travail sera excellent, si les montants sont reliés au banc avec la rigidité EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. 7HD convenable; MM. Fairbairn et C ic déterminent ce déplacement par l’intermédiaire d’une crémaillère simple et de roues d'ângle; M. Zimmermann par une crémaillère à plusieurs dentures juxtaposées, qui apportent plus de régularité dans le mouvement de transport. M. Zimmermann a d’ailleurs remplacé tous les pignons d’angle par des* pignons droits, et, comme M. Fairbairn, il donne au mouvement de retour une vitesse triple de celle qui correspond à la période de travail. Les machines plus petites étaient en très-grand nombre, et l’on ne pourrait cependant en citer une seule dont le bâti ne soit pas d'une grande masse, avec des montants creux en fonte, et résistant, par la forme la mieux appropriée, aux efforts exercés pendant le travail. Inutile d’ajouter que tous les mouvements étaient automatiques, soit pour le déplacement de la pièce, soit pour le déplacement et l’avancement de l’outil. La petite machine â raboter, fonctionnant à la main par l’intermédiaire d’un levier, continue â être employée, en Angleterre, pour l’exécution d’un grand nombre de petites pièces. VI. .MACHINES A IIAH0TEK Puisque la plupart îles mortaises sont faites aujourd’hui par des machines à fraises, il est impossible de conserver aux machines que l’on désignait sous le nom de machines à inortaiser leur ancienne dénomination ; c’est pourquoi nous les désignons sous celui de machines à raboter verticalement, leur caractère spécial consistant en ce que le chariot porte-outil se meut dans un plan vertical déterminé par des coulisseaux venus de tonte avec le bâti. A cela près, les machines à raboter verticalement ressemblent beaucoup, dans leur forme générale, aux machines à percer. Le mouvement de va-et-vient du chariot est déterminé le plus ordinairement par bielle et manivelle, quelquefois par un simple excentrique; mais, dans la plupart des grandes machines, on a maintenant adopté la disposition au moyen de laquelle M. Whitworth est parvenu à ramener l’outil avec rapidité, après chacun des sillons qu’il a tracés. On sait que M. Whitworth a réalisé, d’une manière fort ingénieuse, ce problème, en plaçant l’axe de la poulie motrice un peu plus bas que celui du plateau-manivelle, et en engageant un goujon, .M A ; H IN ES- 0 DTI LS. TM appartenant à ce plateau, dans une coulisse radiale, tournant avec la poulie; on arrive de celte façon à réduire le temps perdu au tiers de la durée totale d'un tour du plateau. Plusieurs autres solutions ont été données du même problème, et en particulier celle qui a été réalisée par MM. Ducom- mun et Dnbied, dans leur machine à mortaiser de l’Exposition de 1853 l’arbre-moteur et l’arbre-conduit étaient, comme dans la solution précédente, excentrés l’un par rapport à l’autre, et les bras dont ils étaient respectivement armés étaient reliés entre eux par une petite bielle intermédiaire, de longueur constante; il est facile de voir, par un tracé géométrique des plus simples, que le rapport des vitesses, dans la période ascendante et dans la période descendante, peut être augmente dans la même proportion qu’au moyen de la combinaison de MM. Whit- wortli et C ie . La variation de la longueur de la course s’obtient en rapprochant plus ou moins, du centre du plateau, le bouton d’articulation de la bielle ; lorsque cette course a été réglée , on peut encore relever l’outil dans son chariot, de manière que cette course s’accomplisse entre les points extrêmes de la pièce à raboter. Comme machines nouvelles présentant quelque caractère de nouveauté, nous citerons celle de Fairbairn et la grande machine de Smith Bcacock et C' c . Dans la machine de Fairbairn, le déplacement de l’outil est déterminé par un simple bouton excentré, glissant dans une coulisse horizontale du chariot; on peut, comme à l’ordinaire , changer la course, en rapprochant ou en éloignant le bouton du centre; mais la bielle est entièrement supprimée, ce qui permet de réduire notablement les dimensions de la machine en hauteur. Quoique fort simple, la transmission qui vient d’être indiquée serait absolument mauvaise si toutes les pièces qui la composent n étaient pas cémentées et trempées ; cela constitue, pour quelques-unes d’entre elles, de grandes difficultés d’exécution, mais quand on a remédié, à la meule, aux gauchissements qui peuvent s être produits pendant l’opération de la trempe, la durée de ces organes est convenablement assurée. Ce qui surtout donne un caractère particulier A celte machine, c est que les coulisseaux, entre lesquels les mouvements du cha- EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. 7o8 riot doivent s’ell'ectuer, sont solidaires avec un plateau rapporté, au moyen de boulons et d’écrous, sur une bride d’attente verticale, faisant partie du bâti lui-même. Cette bride ainsi que le plateau sont divisés de manière que l’on puisse toujours donner à celui-ci une inclinaison déterminée par rapport à l’autre; les coulisseaux sont alors inclinés par rapport à la verticale, et l’outil, tout en continuant à rester dans le même plan, peut, en suivant cette inclinaison nouvelle, raboter des surfaces faisant un angle donné avec la verticale. Dans cet appareil, comme dans tous les autres du même genre, le plateau sur lequel se fixe la pièce à travailler peut recevoir automatiquement deux mouvements horizontaux, perpendiculaires l’un à l’autre, ou même un mouvement circulaire continu ; dans ce dernier cas la pièce serait façonnée suivant la forme d’un cône de révolution, ù axe vertical, dont toutes les génératrices seraient inclinées, comme l’outil lui-même, dans les divers sillons qu’il produit à la surface du métal. Si l’on se sert, dans les mêmes conditions, des mouvements rectilignes, on obtiendra des biseaux plus ou moins inclinés, qu’il serait souvent difficile d’exécuter aussi bien avec l’étau limeur dont nous parlerons bientôt. MM. Whitworth et C ie n’ont pas adopté cette disposition, mais ils construisent de petites poupées comportant toutes les transmissions d’une petite machine ù mortaiser, et ils placent plusieurs de ces poupées sur un même banc, de manière ù mortaiser différentes pièces à la fois, sous la surveillance d’un même ouvrier. Dans la grande machine dont il nous reste à parler, les constructeurs ont eu pour objet de disposer spécialement une machine à mortaiser pour faire verticalement le rabotage des essieux coudés des locomotives. La pièce est maintenue debout, sur un plateau de grande dimension, dont tous les mouvements sont commandés par doubles vis parallèles; â la partie supérieure l’essieu est maintenu par une contre-pointe, aussi verticale, et l’outil abat facilement toute la matière qui excède le rayon extrême que 1 on veut laisser à chacun des coudes. Pour dégager ensuite les évidements qui doivent former les coudes, on munit la machine â mortaiser de deux outils écartés de la distance convenable ; en faisant marcher le plateau dans une direction recti- MACHINES-OUTILS. 73» ligue, on tonne peu à peu les deux rainures parallèles, comprenant entre elles le métal, qu'une troisième tranchée transversale séparera tout à fait. Nous rencontrerons encore l’emploi simultané de plusieurs outils lorsque nous traiterons des petites mortaiseuses qui servent ii tailler les faces des écrous et des têtes de boulons. Vil. ÉTAUX LIMEURS UNIVERSELS. On désigne, sous le nom d’étaux limeurs, de petites machines à raboter transversalement, dans lesquelles l’outil se déplace horizontalement et enlève des copeaux parallèles sur une pièce maintenue fixe sur un plateau; le chariot qui porte l’outil se meut automatiquement, au moyen d’un arbre fileté, et le mandrin qui porte l’outil peut lui-même tourner autour d’un axe horizontal, de manière à déterminer sur la pièce, une forme cylindrique, concave ou convexe; enfin, et c’est pour cela que M. Whitworth donne aux outils de ce genre, qui sortent de ses ateliers, le nom de limeuses universelles, le mandrin qui porte l’outil peut prendre diverses inclinaisons, par rapport au plateau divisé sur lequel il est assemblé par des boulons; quand cette inclinaison est réglée, si l’on se borne à donner automatiquement du fer, sans déplacer la poupée, on peut former des biseaux de toute inclinaison, de la même manière qu’un plan vertical; tous ces mouvements sont automatiques par l’emploi, comme intermédiaire, d’une manivelle à cliquet, qui se place sur celui des arbres de transmission que l’on veut faire fonctionner. L’amplitude de mouvement de va-et-vient de l’outil est rendue variable par le déplacement du de manivelle, sur lequel est articulée l’une des extrémités de la bielle qui fait glisser le chariot dans ses coulisses. M. Whitworth et plusieurs autres constructeurs adoptent, pour cette transmission, une disposition de retour rapide, analogue à celle de la machine à mortaiser; les constructions allemandes ne ddfèrent de la disposition précédente qu’en ce qu’on se sert, pour le maintien des pièces, de petits étaux à mâchoires parallèles, tout à fait analogues à ceux qui ont été, tout d’abord, employés par M. de Gosier. H y a donc, dans la construction générale de ces machines, peu de différences dans les organes; mais il n’eu est pas de même quant 760 KXI’OSITION UNIVlîKSIiLLIÎ 115 L0ND1U5S. aux dimensions. M. Whitvvorth, entre autres, donne à ses outils une course qui va dans les plus grands modèles jusqu’à 0 m ,90; les transmissions sont mieux groupées et moins éloignées du banc; le chariot, avec tous ses organes, est plus ramassé et mieux assis, sur la tabletterabotée qui règne dans toute la longueur. Les détails diffèrent peu d’un constructeur à l’autre, et alors que les machines les plus complètes, en 1831, ne portaient qu’un seul chariot pour desservir deux plateaux, et un mandrin spécialement destiné aux pièces cylindriques, elles ont aujourd’hui, presque toutes, deux chariots distincts et entièrement indépendants, à l’aide desquels on peut travailler à la fois plusieurs pièces ou les diverses parties d’une même pièce. La machine de est encore plus ramassée; son banc est plus solide, et elle diffère de celle des autres constructeurs en ce que le mandrin destiné aux pièces rondes peut se placer à deux hauteurs différentes, c’est-à-dire au-dessus et au-dessous de l’arbre à vis tangente qui détermine sa rotation. On peut même placer trois chariots sur cette machine; le même constructeur établit aussi des machines plus petites qu’il suffît de placer sur un banc approprié, pour pouvoir les appliquer au travail d’un grand nombre de petites pièces. Ou voit donc que, pour ce genre de machines comme pour les autres, le caractère le plus saillant des dernières améliorations est celui qui consiste dans un groupement plus robuste des organes et dans la multiplicité des outils dont un seul ouvrier surveille le fonctionnement. VIH. MACHINE A FAIRE LES ÉCROUS ET LES TÈTES DF, BOULONS. Nous rangerons les machines à faire les écrous à la suite des précédentes, parce que, sous leur forme la plus appréciée aujourd’hui, elles constituent de véritables machines à raboter verticalement. M. Whitworth se sert toujours, pour dresser à la fois quatre faces appartenant à deux écrous différents, de deux fraises planes, tournant sur deux axes qui sont dans le prolongement l’un de l'autre; les fraises peuvent s’approcher à la mesure de l’épaisseur à conserver entre les faces, et les écrous se montent horizontale- MACHINES-OUTILS. 761 ment sur des broches qui sont facilement mises en prise au moyen d’un mandrin universel à trois coussinets, analogue à celui que l’on emploie pour certaines filières; lorsqu’une face est faite, on tourne l’écrou de 120° et l’on exécute simultanément les deux faces nouvelles, qui se présentent, dans la position convenable, devaut les fraises. Sans doute M. Whitworth a reconnu que ces fraises de grandes dimensions étaient d’une exécution difficile, car il remplace aujourd’hui leur denture par des lames d’acier rapportées; mais il n’obtient ainsi ni la netteté dans le travail, ni l’économie résultant de l’action du burin, la seule qui convienne d’ailleurs pour les métaux mous comme le bronze et le fer. M. Ducommun, de Mulhouse, avait cherché à obvier à cet inconvénient en agissant avec des burins rotatifs, pour lesquels il avait imaginé un mode d'affûtage fort ingénieux; mais l’Exposition de-1862 nous a fait voir qu’en revenant, avec quelques modifications, à la première disposition de Mariotte les constructeurs allemands ont beaucoup amélioré le travail de ces machines. Dans le modèle exposé par M. Zimmermann, le banc est surélevé, en son milieu, par une poupée fixe, au milieu de laquelle se trouvent les poulies de commande, faisant fonctionner, au-dessus de chaque extrémité du banc, une petite machine à mortaiser à deux outils; ces deux machines sont entièrement indépendantes; les outils d’une même poupée peuvent se rapprocher suivant la dimension de l’écrou à faire; l’amplitude du mouvement peut être modifiée par le déplacement du bouton excentré qui fait fonctionner la bielle; les boulons ou les broches sur lesquels les écrous sont fixés sont maintenus verticalement, au centre d’un plateau à serrage conique, qui assure un bon centrage et qui opère avec rapidité, ce qui est indispensable, surtout pour des opérations qui se répètent à petits intervalles; enfin la rotation de la pièce s’opère à la main, suivant la division fort exacte des trous disposés sur le collet qui sert d’axe au plateau. La machine que nous venons de décrire équivaut, on le voit, à deux petites mortaiseuses installées Sur un môme banc et fonctionnant sous la surveillance d’un môme ouvrier. Cette fois encore nous retrouvons cette môme tendance que nous avons déjà rencontrée si souvent. III. 4 a 762 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES- Nous nous rappelons que M. Reisz, de Mulhouse, avait présenté, à l’Exposition de Metz, des machines analogues, et il en est de même à l'égard d’une disposition de M. Hartmann, appropriée au dressage, non des pans, mais delà face principale des écrous, et au tournage du chanfrein qui, dans les écrous bien faits, raccorde cette face à celles qui forment les pans. L’écrou est, à l’ordinaire, fixé sur une broche à tête que l’on serre solidement dans un mandrin à einboitage conique, et la pièce tourne alors avec ce mandrin comme si elle était montée sur un tour. Un double porte-outil est mis en mouvement par un levier horizontal, tournant autour d’un axe vertical; les deux outils dont il est armé attaquent peu à peu le sommet et les bords de l'écrou, de telle façon que quand la face plane est dressée, le chanfrein est entièrement terminé; le seul désavantage de cette machine consiste en ce que, pour faire mordre à la fois les deux burins, il faut que l’un attaque la droite de l’écrou par son tranchant, pendant que l’autre travaille à gauche, et que le tranchant de celu i-ci soit, pour cette raison, formé par une des arêtes inférieures du burin. M. Zimmermann avait aussi une machine spéciale pour couper et pour percer des écrous dans une barre de fer de section hexagonale. La barre étant montée, en lunette, sur un banc, et traversant la poupée creuse d’un petit tour, est mise en prise avec deux outils, supportés à l’autre extrémité de ce banc par deux chariots distincts ; l’un d’eux porte le foret destiné à percer la barz-e jusqu’à une profondeur égale à l’épaisseur de l’écrou; l’autre est armé d’un burin transversal qui détache, à chaque fois, un éczmu en donnant aux deux surfaces séparées le profil approprié à leur destination. Des procédés analogues ont été employés en France, mais nous n’avions encore vu aucune machine qui fût aussi bien disposée pour cette double opération. IX. MACHINES A TAIUUDlin. La filière à laquelle M. Whitworth a donné son nom a complètement transformé, depuis longtemps, le fonctionnement des machines à tarauder. On sait que cette filière, dont les organes ont i-eçu, de temps en temps, quelques modifications de détail, agit au moyen de trois peignes qui sont taillés avec un taraud et qui MACHINES-OUTILS. 763 affûtés au besoin sur la meule, découpent les filets dans le métal qui constitue les boulons, sans le refouler. Les filières Wbitworth et même la série des pas établie par ce constructeur sont, en Angleterre, d’un usage absolument général, et la même tendance se manifeste chez nous, depuis un certain nombre d’années, quant au mode de construction des filières. La filière Whitvvorth, telle qu’on l’exécuteaujourd’hui, se compose d’un tourne-à-gauche s’élargissant au milieu de sa longueur en forme de plateau circulaire. Dans ce plateau on perce, de part en part une lunette dans laquelle les peignes pourront fonctionner; trois rainures sont pratiquées, à la machine, suivant rayons également inclinés les uns par rapport aux autres; c'est dans ces rainures que l’on place les peignes; deux d’entre eux, plus étroits que le troisième, sont exactement ajustés pour se loger dans les cavités correspondantes et ils peuvent y glisser de manière à se rapprocher du centre de la lunette, lorsqu’on repousse leurs talons, par les bords inclinés d’une même clavette mobile dans l’épaisseur du plateau, par l’action qu’exerce un écrou sur la tige filetée par laquelle celle-ci se termine. Le troisième peigne est plus large que les autres et il est coupé suivant une génératrice pour déterminer, dans cette partie, une troisième arête tranchante. Cet ensemble des trois peignes ou coussinets est recouvert par une simple plaque, retenue par des boutons à mentonnets; cet assemblage sullit pour maintenir les coussinets en place, et le changement de coussinets peut s’effectuer plus rapidement que par tout autre moyen. On sait d’ailleurs que ces coussinets sont taillés par des tarauds- mères, d’un diamètre extérieur plus grand de deux fois la profondeur du filet que celui des boulons à fileter. M. Wbitworth a été conduit à adopter celte disposition pour que, dès le commencement de l’opération du taraudage, la filière soit, par toutes les arêtes des filets, en contact avec la paroi du cylindre à fileter. En France on prenait généralement pour diamètre de la mère des coussinets le diamètre même des boulons à fileter; mais dans ces derniers temps la plupart des constructeurs prennent, pour le diamètre de la mère, celui du boulon, augmenté seulement d une seule profondeur du pas. Quelle que soit la règle à cet égard, le principal mérite de ces filières est de faire les boulons en une seule passe. Quant aux 764 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. écrous, on opère sur eux au moyen de tarauds coniques, filetés dans de bonnes filières et rendus coupants par des rainures profondes, pratiquées, par une machine spéciale, parallèlement à l’axe du taraud. La machine à tarauder, exposée par M. Whit- worth, se composait simplement d’une poupée avec mandrin à mâchoires destinées à prendre rapidement les faces du boulon, de manière à présenter celui-ci par la pointe, devant la filière, et d’un support fixe pour la filière elle-même. Cette machine fonctionne parfaitement; mais il faut, pour retirer le boulon, faire tourner en sens contraire, et nous allons voir que la disposition de MM. Sharp Stewart et C ie évite, de la manière la plus inattendue, cette manœuvre. Machine à tarauder de MM. Sharp Stewart et C u . Le nom de MM. Sharp frères est intimement lié aux premières machines-outils qui nous ont été fournies par l’Angleterre, au moment de la transformation de nos ateliers; et leurs successeurs actuels, MM. Sharp Stewart et C 1 ”, continuent à occuper un des premiers rangs parmi les constructeurs qui s’occupent de la fabrication des machines-outils. La machine à tarauder qu’ils construisent, et dont l’invention est due à M. Sellers, de Philadelphie, commence à se répandre en France elle est, dans notre opinion, destinée à un grand succès. La figure S la représente au moment où elle serait employée à fileter des coussinets; mais son emploi principal consiste à tarauder les boulons; la filière se compose d’un jeu de trois peignes qui se rapprochent et s’éloignent du centre à la volonté de l’ouvrier; les peignes ressemblent de tous points â ceux employés pour fileter sur le tour; ils n’agissent absolument que par enlèvement de matière et non par compression; c’est pour cette raison que les tiges des boulons doivent être exactement tournées au diamètre que l’on veut conserver ù l’arête extérieure du filet. Lorsque cette préparation est faite, la tête du boulon est placée dans l’étau à mâchoires mobiles A, que l’on voit au-dessus de la machine; les deux mâchoires se déplacent parallèlement, de quantités égales, sous l’action du volant supérieur, et une main à béquille R sert à mettre le boulon en prise avec la filière, au MACHINES-OUTILS. 765 moyen d’un cliquet qui s’appuie sur l’une ou l’autre des dents qui forment une véritable crémaillère sur le bord du banc. '.VAA/VÙ Fig. s. Les trois peignes de la filière sont guidés dans leur boîte, chacun en deux points près du centre ils glissent dans un guide fixe; à leur autre extrémité ils portent un prisonnier, engagé dans une rainure courbe, qui, quand elle se déplace, force la partie affûtée des peignes correspondants à se rapprocher du centre; c’est ce qui détermine le serrage des filières, et ce serrage s effectue d’une manière entièrement automatique, ainsi qu’il suit. La boîte tout entière, qui constitue la filière, participe au mouvement qui est communiqué à la grande roue M par le pignon correspondant, quiestsolidaire avec l’arbre des poulies; l’autre pignon, qui engrène avec la roue N, est ordinairement F ou sur ce même arbre; de telle sorte qu’aussitôt la mise en marche, il y a mouvement relatif de la roue M par rapport il la roue N ; l’une d’elles conduit la boîte qui forme la filière, l’autre n’agit 766 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. que sur les coulisses circulaires des peignes ; et par suite de ce mouvement relatif il y a serrage dans la boîte, jusqu’à une limite déterminée par la mise en contact de deux cames ou arrêts, respectivement disposés sur les moyeux des deux roues. La filière est immédiatement prête à fonctionner, et aussitôt que le boulon est terminé, il faut opérer le desserrage des filières-. A cet effet, l’ouvrier, en agissant sur le levier L, force les deux pignons à marcher ensemble, en les reliant par l’intermédiaire d’un embrayage à cône de friction; les deux pignons étant alors solidaires, agissent, suivant le nombre de leurs dents sur les deux roues correspondantes M et N ; il y a avance de celle-ci par rapport à celle-là; les filets se dégagent, et il suffit de tirer, à la main, sur la poignée de l’étau, pour ramener celui-ci en arrière et y placer un nouveau boulon ; dans ce mouvement de retour le cliquet est sans action, mais il reprend sa place de lui-même au moyen d’un contre-poids qui le force à mordre à nouveau dans la denture de la crémaillère. On voit donc qu’avec cette machine les boulons sont terminés en une seule passe et sans retour sur eux-mêmes; la machine, marchant constamment dans le même sens, est toujours prête à fileter, et l’on estime que le temps gagné, sur chaque opération, se traduit par une différence de trente pour cent environ sur la durée totale du travail. Le taraudage des écrous peut aussi se faire en une seule passe; et, lorsqu’elle est terminée,il suffit de retirer les mâchoires en arrière, de manière qu’elles emportent avec elles le boulon et le taraud; celui-ci est terminé par une portion cylindrique autour de laquelle l’écrou est venu se placer par l’action de la machine, et dont le diamètre est assez faible pour que cet écrou puisse légèrement glisser sur toute la longueur. MM. Varrall Elwell et Poulot sont, à Paris, les concessionnaires du brevet Sellers, qui a été délivré sous la date du 27 mai 1859. On comprend d’ailleurs qu’en limitant, au moyen de prisonniers engagés dans une rainure, l’écartement maximum de l’une des grandes roues par rapport à l’autre, on puisse restreindre autant qu’on le voudra la course des peignes, et ainsi fileter, avec un même pas et une même filière, des boulons de diamètres notablement difi'érents; la rainure circulaire, que l’on emploie pour cet objet, est munie d’une aiguille, et d’une division qui permet, MACHINES-OUTILS. 7 comme principe, de celles employées pour l’affûtage des lames des tondeuses, dans la fabrication du drap. L’effet à produire est en effet le même, à cela près, que M. Maréchal enlève, sur toute la surface, un copeau régulier et continu. Machine à raboter sur les quatre faces, de MM. Samuel Worssam et C'°. Les machines à raboter sur les quatre faces étaient très-nombreuses à l’Exposition; mais, entre toutes, celle de MM. Samuel Worssam et C i0 , se faisait remarquer par la solidité de tous ses organes et par la stabilité de son bûti ; c’est pour des machines de cette sorte que l’on peut dire, en toute sûreté, qu’elles ne sont jamais trop lourdes. La figure sur bois que nous donnons de cette machine remarquable ne peut être bien comprise qu’à la condition de distinguer, tout d’abord, la position occupée par les différents rabots. La planche sur laquelle on opère est représentée en A B; elle entre par la gauche de la figure et sort à droite. Dans son mouvement, elle est successivement soumise à l’action des rabots M, N, P, 0; le rabot M agit sur la surface de dessus; les deux rabots N, qui se projettent l’un sur l’autre dans le dessin, agissent sur les faces latérales; le rabot rotatif P exécute un premier travail sur la face inférieure; enfin la varlope plane Q, qui est entièrement fixe, termine le dressage de cette face, en enlevant un dernier copeau continu, que l’on dégage par des regards, toutes les fois qu’il en est besoin. La pièce de bois est maintenue et entraînée par quatre rouleaux de grand diamètre, 1 E F G; les deux rouleaux inférieurs F et G sont disposés dé manière que leur génératrice supérieure soit toujours dans le même plan que la surface, très-bien dressée, du banc de la machine; les axes des rouleaux supérieurs sont au contraire mobiles. On règle, pour chaque série d’opérations, la hauteur de ces axes au moyen de petites manivelles d et e, qui, par l’intermédiaire d’une vis sans fin et d’un pignon central formant écrou, font monter ou descendre les vis qui supportent les axes, dans l’intérieur des grandes bornes en fonte, qui existent sur les deux côtés du banc de la machine, et qui sont reliées, deux à deux, par les arcades C. Ainsi soulevés à 776 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. une hauteur suffisante, ces rouleaux pressent constamment con- — - 'Üf J 7 - 7TVI mm\ 13 wüsSSi tre la pitce en travail, au moyen des contre-poids H et K, qui MACHINES-OUTILS. 777 agissent en dessous, par l’intermédiaire d’étriers, de leviers et de crochets. Le mouvement de rotation des quatre rouleaux est d’ailleurs déterminé au moyen de la courroie 1, par l’intermédiaire de la poulie 2 et des roues dentées 3, 4, 5 et 6 ; c’est cette dernière roue 6 qui est aussi chargée de faire mouvoir le pignon 7 du quatrième rabot rotatif P. La machine étant ainsi comprise, dans son ensemble, nous pouvons maintenant entrer dans quelques détails sur le fonctionnement de chacun des organes principaux qui doivent agir sur les faces du bois. On voit, au-dessous du rabot M, un volant qui sert à régler la course de cet organe, eu égard aux dimensions de la pièce en travail; mais cette course n’est limitée qu’en dessous, le rabot tout entier pouvant se relever, s’il est necessaire, mais sans cesser d’être soumis ù l’action du contre-poids m, qui tend toujours, à le faire redescendre. Les rabots N des faces latérales reçoivent directement leur mouvement, par deux courroies obliques, agissant sur la poulie verticale de chacun des axes de ces rabots. Quant à la dimension transversale de la pièce, elle est déterminée en réglant la distance des rabots par le volant », dont le pignon entraîne, en sens contraires, les deux roues correspondantes, et, avec elles, les arbres fdetés sur lesquels elles sont calées. Un écran vertical en tôle est placé derrière les rabots N, pour retenir les copeaux qu’ils dégagent, ainsi que ceux du premier rabot M. La face dont le dressage doit être le plus parfait est celle qui repose sur la table de la machine; elle est dégrossie par un premier rabot rotatif, qui, mis en mouvement par l’arbre de la roue dentée 7, vient agir sur la face du bois, au-dessous de deux galets destinés à la maintenir, entre les points d’appui desgrands rouleaux, en parfait contact avec la table, malgré l’action incessante du rabot rotatif; à cet effet, les deux galets dont nous venons de parler supportent la charge d’un plateau mobile représenté dans le dessin, et cette charge peut être variée à volonté; ce plateau est d’ailleurs maintenu entre deux guides qui l'empêchent de se déverser. La varlope fixe Q, qui termine le travail, est également aidée, III. KO 778 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. dans son action par un galet presseur, et la charge variable de celui-ci est déterminée par un levier à poids curseur, que l’on ne pourrait voir que sur l’autre face de la machine. Ce puissant appareil fonctionne avec une vitesse de 1350 tours par minute, pour chacun des outils rotatifs, qui, dans certaines circonstances, pourraient être remplacés par des outils à moulures. Il pèse environ 6 tonnes, et exige au moins le travail de i chevaux-vapeur. Les dimensions sont telles qu’il peut opérer sur des pièces ayant jusqu’à 0 m ,35 de large et 0 m ,16 d’épaisseur. Les rouleaux compresseurs n’ont pas moins de 0 m ,60 de diamètre, et le mouvement de transport de la pièce peut atteindre facilement 0 m ,20 par seconde. On se fait difficilement une idée du produit considérable d’une telle machine. La particularité la plus nouvelle consiste dans l’emploi delà varlope fixe, qui est d’ailleurs employée, dans les mêmes conditions, par un grand nombre de constructeurs anglais; la monture est en fonte, et l’outil tout entier se retire comme le tiroir d’un meuble, pour être aussitôt remplacé par un rabot semblable et fraîchement affûté; avec cette modification, la face principale est absolument droite et tout aussi bien parée qu’à la main. Machine à faire les tenons, de Poivis James. Lorsqu’il faut faire des tenons sur des pièces de grandes dimensions, qui ne se placeraient pas facilement dans les machines ordinaires, MM. Powis James et C“ se servent d’un support indépendant, sorte de table parfaitement rigide, munie d’un chariot et d’un valet. La machine est alors réduite dans le nombre de ses organes, et l’on peut voir sur la ligure 7 les différentes parties qui la composent. Les deux rabots rotatifs R et S sont montés, à la manière ordinaire, sur deux arbres horizontaux parallèles; leur écartement est réglé, pour chaque cas particulier, par les deux écrous à manettes r et s, qui sont assez commodément placés sous la main de l’ouvrier; ils se composent chacun de quatre fers de rabot, montés à rainure sur un tourteau de fonte, et l’on voit à l’extérieur une lame supplémentaire, sorte de bec-d'âne, destinée à affranchir le bord de la joue enlevée. MACllINES-OUTILS. 770 __Quant à la transmission du mouvement, elle s’opère, avec une courroie unique, de la manière suivante cette courroie embrasse, derrière la machine, la demi-circonférence de la poulie motrice, lîwil üü vaârsr et elle passe successivement sur la poulie R' du rabot R, sur une poulie de renvoi T, placée sur un arbre spécial, à l’arrière du bâti de la machine, et enfin sur la poulie S' du rabot S. La poulie motrice ayant pour diamètre l’écartement moyen des deux poulies R et S, on peut concevoir qu’au moyen du déplacement de la poulieS, la longueur de cette courroie reste constante pour diverses épaisseurs de tenons; chacune des poulies est embrassée, dans toutes ses fonctions, sur la moitié de la circonférence, et les glissements sont peu à craindre. Cette machine est surtout utile en ce que, sous un faible 780 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. volume, elle permet d’opérer sur des pièces de gros échantillon, en laissant, entre les faces dressées, une épaisseur de tenon considérable; elle est très-propre au travail de certaines pièces de charpente, et quant à l’avancement du chariot, il se fait entièrement à la main. Nous croyons que ces machines à banc indépendant sont appelées à élargir le domaine des rabots à lames rotatives. Etabli mécanique de M. Worssam. Pour tous les ateliers où l’on a la libre disposition d’un arbre de couche, l’établi mécanique que MM. Worssam et O; appellent le menuisier universel [general joiner , peut faciliter de beaucoup l’exécution de la plupart des pièces de menuiserie. _ju i 1 u laiLiiiuuj iTidijÎÎmÎwiji iu iiuq ri i i r f i i r m un i rifïupi iüi rq i irpjtif ijuSurüTl .. 'Av- 'é&W-z/-. - hwm MF K !lll ; kij.!Hirii,mt [IL^ÉÉ rig. 8. Il se compose [fig. 8 et 9 d’une table solide A en fonte, avec un arbre longitudinal B, muni de deux poulies, et pouvant recevoir, à son extrémité, divers modèles de scies circulaires C. Derrière cette scie se trouve une planchette verticale D, qui peut s’élever ou s’abaisser à volonté, et qui est complétée par un tablier E, qui forme avec elle diilèrents angles, suivant le travail que l’on veut effectuer. C’est dans l’intervalle compris entre ces deux plans mobiles que les pièces à travailler sont le plus ordinaire- 781 MACHINES-OUTILS. ment placées; on les fait glisser dans des rainures, pendant que l’on fait tourner, soit la scie, soit des outils rotatifs de divers profils. Cette machine est combinée tout à la fois pour scier, faire les rainures et les languettes, pour raboter, pour faire les tenons et les moulures, pour percer, araser et dresser les extrémités et les faces des tiroirs, planchettes, boites, etc. Elle peut être employée îl une multitude de travaux, dans les ateliers des menuisiers, des charpentiers et des ébénistes. La table est disposée pour recevoir des scies de 0 m ,40 de diamètre et au-dessous; elle peut s’élever et s’abaisser pour faire les rainures et les languettes, et pour raboter. Une glissière en fonte, adaptée à la table et pouvant se mouvoir dans une rainure, sert à araser ou enlever les joues des tenons, etc. La pièce sur laquelle on veut confectionner un tenon est placée dans une sorte d’étau, qui glisse sur le bord de la planchette D; l’étau est assez grand pour recevoir des pièces de O™,^ d’équarissage, et la pression étant déterminée par l’action de deux plans inclinés, le serrage et le desserrage de la pièce s’effectuent avec une grande promptitude. Fig. 9. MIIHUBtlMMill' I' B-ai PL SAKD biwiwiwiiiji ''''ïyj. La tablette E peut prendre, au moyen d’une manivelle montée sur un arbre à vis sans fin, toutes les inclinaisons possibles jus- 782 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES- qu’à 45°, pour l’ajustement sous différents angles et la coupe des onglets. Lorsqu’on veut faire des rainures, on remplace la scie ordinaire par une scie de l’épaisseur même de la rainure ; la table est alors élevée jusqu’à ce que la scie ne dépasse son plan que de la profondeur qu’on veut obtenir, et il suffit de faire glisser la pièce, à la manière ordinaire, pendant que la scie tourne. A la place d’une scie épaisse, on peut aussi se servir, pour obtenir le même résultat, d’une lame mince de scie ordinaire, montée obliquement à l’axe, en la maintenant entre deux rondelles à faces inclinées; les Anglais appellent cette lame circulaire une scie en ribotte drunken satv, et cette expression fait bien comprendre les allures de chacun des points de la circonférence qui passent de droite à gauche, en enlevant la partie de bois nécessaire pour produire une rainure de la largeur voulue. Parmi les accessoires de cette machine se trouve un mandrin disposé pour recevoir des lames de différents profils, parfaitement appropriées pour les petits bois de fenêtres ou autres. L’arbre sur lequel se monte la scie est percé à son autre extrémité; il peut recevoir des forets de 0 m ,02o de diamètre; le bois à percer est alors placé sur un chariot spécial G, porté sur une table que l’on abaisse ou que l’on élève à volonté au moyen du petit volant qui se voit à l’autre extrémité de la figure. Les mèches que M. Worssam livre avec sa machine ne peuvent que percer, mais nous avons maintenant en France des mèches qui coupent latéralement et qui permettraient le déplacement latéral de la pièce, après leur introduction, de manière à obtenir, d’un seul coup, l’exécution de véritables mortaises à bouts arrondis. M. Thomson arrive au même résultat en employant des outils analogues à ceux des machines à rainures, à outils rotatifs. Cet arbre peut être aussi garni d’une série de petites scies, également espacées sur toute la longueur, de manière à pouvoir servir à la préparation des assemblages à queue d’hironde sur le bord d’une planche. On voit ces petites scies en II, sur la fig. 9. Cette disposition est, à elle seule, suffisante pour amener, dans la confection de certains objets de menuiserie, une diminution notable de prix. Quant à la scie de M. Périn, elle a toujours le privilège d’inté- 783 MACHINES-OUTILS. resser tous les visiteurs, par la précision avec laquelle elle découpe le bois, suivant les tracés les plus délicats. Au point de vue industriel, elle continue à rendre d’immenses services, et nous avons surtout remarqué deux tuyaux de 80 cent, de longueur, qui, débités l’un dans l’autre, sont bien faits pour démontrer tout le parti que l’on peut attendre de la scie continue. Une petite machine à tourner les formes de souliers était particulièrement remarquable, en ce qu’elle permettait de modifier, dans une certaine mesure, les dimensions du modèle, et en ce qu’elle travaillait avec une très-grande précision. Enfin, nous indiquerons encore une grande machine de MM. Cox et O, qui, bien que très-mal construite, produisait de très-bons résultats; les outils étaient de petits rabots rotatifs, tournant avec rapidité, à l’extrémité de longues tiges verticales, se déplaçant en hauteur, en largeur et en profondeur, suivant les contours du modèle en relief que l’on se propose de réproduire les mouvements étaient tellement combinés, que l’ensemble de l’appareil constituait une sorte de pantographe mécanique, dégrossissant, avec une certaine perfection, les parties principales et jusqu’à quelques détails de la reproduction. En ce moment, où les meubles sculptés sont en si grande vogue, il n’est pas douteux que cette machine doive rendre de véritables services. En approchant des limites qui nous étaient imposées dans l’étendue que nous pouvions donner à cette note, nous éprouvons le besoin de dire combien, en la relisant, elle nous semble incomplète; il est presque impossible de faire comprendre certains détails de machines sans une description minutieuse de toutes leurs parties. Mais les matériaux que nous avons rapportés de l'Exposition résoudront, bien mieux que nous ne pourrions le faire, la diiliculté. Le Conservatoire impérial des Arts et Métiers a consacré une partie des fonds qui avaient été mis à sa disposition, à l’exécution de cinq cents feuilles de dessins représentant, dans tous leurs détails, les machines-outils les plus remarquables. Ces dessins sont dès aujourd’hui à la disposition du public, qui peut gratuitement en prendre des calques. Nous ne craignons pas d’affirmer que cette collection, si elle est consultée 784 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. avec quelque empressement par nos constructeurs, peut exercer une influence très-importante sur les progrès de la construction dans notre pays. LISTE DES MACHINES-OUTILS EXPOSÉES A LONDRES EN 1862 Et dont les dessins sont mis à la disposition du public, au portefeuille industriel du Conservatoire impérial des Arts et Métiers 1 . feuilles 1. Tour parallèle, par Hartmann. 3 2. Tour à charioter et planer, par Zimmermann. 4 3. Tour double à roues de locomotives, par Beyer et Peacock 5 4. Tour double à roues de locomotives, par Hartmann. 6 5. Machine à couper et tourner les écrous, modèle par Hartmann. 0 6. Machine à rayer les canons de l’arsenal de Woolwich_ 7 7. Machine horizontale à aléser, par Hartmann. 3 8. Machine à couper les tubes, par Kendall et Gent. 2 0. Machine à percer à la main, par Smith et Coventry. 2 10. Machine à percer, s’appliquant sur colonne, par Hartmann 3 H. Machine à percer, à 4 outils, à vitesses différentes, par Shanks et C ie . 1 12. Machine à percer, à patin rainé, par Eastbrook et Alcard. 3 13. Machine à percer, à plateau mobile, de Eastbrook et Alcard. 4 14. Machine Apercer, à patin rainé et à plateau mobile, à vitesses etavancements variables, par Eastbrock et Alcard 3 15. Machine à percer avec tableà chariot, par Smith et Coventry 4 16. Machine à percer, avec table tournante et A chariot, par Whitworlh. 4 17. Machine A percer, avec table A double mouvement de cha- X’iot, par Zimmermann. 4 18. Machine A percer les plaques de foyer, par Shanks et C“. 3 I. La galerie du porlel'euille est ouverte tous les jours, excepté le lundi, de dix heures à trois heures. MACHINES-OUTILS. 78.’ feuilles 1 !. Machine triple à percer les longerons, par Heyer et Peacock 3 20. Machine radiale à percer, à patin rainé, par Smith et Covenlry. 3 21. Machine radiale à percer, avec plateau à chariot, par Zimmermann. 4 22. Machine radiale à percer, avec patin rainé formant socle et support additionne], par Hulse. 3 23. Machine radiale à percer, avec banc rainé sur trois faces rectangulaires, par Fairbairn. 4 24. Machine radiale à percer, avec patin et banc rainé sur trois faces rectangulaires, par Hartmann. 3 23. Machine simple à faire les mortaises et cannelures, à outil tournant vertical, par Whitworth. 6 26. Machine double à faire les mortaises et cannelures, à outil tournant vertical, par Whitworth. 3 27. Machine à faire les mortaises, à outil tournant horizontal, par Zimmermann. -4 28. Machine à faire les mortaises, à deux outils tournants horizontaux, par Slianks et C i0 . 4 29. Machine à raboter horizontalement, à trois outils, par Fairbairn. 3 30. Petit étau limeur, par W. Muir. 4 31. Étau limeur avec un mouvement accéléré de l’outil, par Zimmermann. 4 32. Grand étau limeur à deux tables, par Hartmann. 3 33. Étau limeur universel, avec deux tables et mandrin tournant, par Whitworth. 6 34. Machine à raboter verticalement, à deux mouvements automatiques par Maclea et March. 4 33. Petite machine à raboter verticalement, entièrement automatique, par Hartmann. 3 36. Petite machine à raboter verticalement, modèle par Fairbairn. O 3”. Machine à. raboter verticalement, avec retour accéléré de l’outil, par Whitworth. 4 38. Grande machine à raboter verticalement, avec retour accéléré de l’outil, par Hartmann. 3 39. Machine à tailler les écrous, à deux burins, par Zimmermann. 4 40. Machine double à tailler les écrous, par Zimmermann... 4 41. Machine à tailler les engrenages de toutes sortes, par Whitworth. r * 786 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. feuilles. 42. Machine à tailler les molettes, par Whitworth. 4 43. Machine à tailler les molettes, modèle par Fairbairn. 0 44. Machine à tarauder, par Kershaw. t 43. Machine à tarauder, à serrage fixe ou variable, parGlasgow 3 46. Machine à tarauder, à serrage fixe ou variable et sans mouvement de retour, par Sharp Stewart et O. 4 47. Machine double à tarauder simultanément les boulons et les écrous par Crawhall. 3 48. Petites machines à cisailler et poinçonner, fonctionnant à la main ou par courroie, par Eastbrook et Alcard. 4 49. Machine fl cisailler et poinçonner, fonctionnant par courroie, par Eastbrook et Alcard. 2 30. Machine à cisailler et poinçonner, avec coins de serrage. pour les coussinets, par Hartmann. 4 31. Machine à cisailler et poinçonner, avec hauteur variable de poinçon, par Whitworth. 3 32. Grande machine à cisailler et poinçonner, fonctionnant par courroie, par Hartmann. 3 53. Machine à poinçonner et cisailler, fonctionnant au moyen de leviers, par Rhodes.,. 5 54. Cisaille circulaire, disposée pour couper des tôles de grandes largeurs, par M. Tussau d. 2 55. Machine à river, fonctionnant par courroie, par de Ilergue 4 56. Machine à river, à vapeur, de Cook. 3 57. Machine à cisailler, poinçonner et river, de Cook. S 58. Machine à faire les rivets, à action continue, par de Bergue 5 59. Machine à forger à quatre mâchoires, par Shanks. 3 60. Machine à forger ft quatre paires d’étampes, par Ryder.. 4 61. Machine à forger, par Whitworth. 5 62. Marteau-pilon fonctionnant par transmission, par Bunnett 4 63. Marteau-pilon à air comprimé par Cowan. 3 64. Marteau-pilon à air comprimé, par Cotton. 5 65. Marteau-pilon à vapeur, à simple effet, par Eastbrook et Alcard. . 3 66. Marteau-pilon à vapeur, à simple effet et à tiroir équilibré, par Napier et fils. 3 67. Marteau-pilon à vapeur, à simple effet et à tiroir équilibré, par Marcellis. 4 68. Marteau-pilon à vapeur, à simple effet et à action automatique, par Twaites et Carbutt. 3 69. Marteau-pilon à vapeur, à simple effet et à action complètement aulomatique, par Nasniyth. 5 MACHINES-OUTILS. 787 feuilles. 70. Marteau-pilon à vapeur, à double effet, par Carrett, Marshall et O». 3 7t. Marteau-pilon à vapeur, à double effet et à détente, par Righby. 3 72. Marteau-pilon à vapeur, à double effet et à action automatique , par Morrison. 3 73. Marteau-pilon à vapeur, à double effet et à action automatique, par la compagnie des forges de Kirkstall. 3 74. Marteau-pilon à vapeur, à double effet et ù. action automatique, par MM. Varral, Elwell et Poulot système Naylor 5 7E>. Marteau-pilon à vapeur, à double effet et à course constante, avec enclume hydraulique, par Schwartzkopff. 4 76. Marteau-pilon à vapeur, à action variable et à enclume hydraulique, par Imray. 4 L’étude de ces dessins fera ressortir, bien mieux encore .que nos indications, les caractères de supériorité que nous avons cherché à faire saisir, au commencement de cet article, par quelques considérations générales. CLASSE 25 . MATIÈRES TINCTORIALES, TEINTURE ET IMPRESSION. PAU M. SALVETAT. 11 ne me sera pas possible, dans le court espace dont je puis disposer, de parler de toutes les matières exposées à Londres, et qui se rattachent au titre de ce chapitre. On comprend, en effet, que l’industrie de la teinture se lie trop intimement aux sciences chimiques et physiques, et qu’elle emprunte trop d’éléments de succès aux arts mécaniques, pour être traitée convenablement dans quelques pages seulement. Une revue complète des différentes matières colorantes que la nature met entre les mains du teinturier, présenterait certainement son intérêt, et il serait instructif de comparer entre elles les différentes sources auxquelles l’industriel puise les diverses matières colorantes qu’il emploie; les plantes tinctoriales, l’indigo, la garance, le pastel, le sumac, le safran, le cartliame, les insectes utiles, comme la cochenille, le kermès, etc., ont toujours une importance que personne ne conteste; mais nous devons avouer que cette année la question se présente sous un jour toutnouveau, et que l’attention publique se porte avec raison plus particulièrement sur cette nouvelle mine, encore vierge en quelque sorte, bien qu’elle ait joué déjà dans les ateliers un rôle des plus importants ; je veux parler des matières tinctoriales que l’homme sait préparer aujourd’hui dans son laboratoire, en transformant, modifiant, accouplant des substances incolores, capables de produire, dans des conditions convenablement choisies, les matières tinctoriales les plus variées, matières ne le cédant en rien en éclat et en valeur aux principes les plus riches que la nature met à notre service. 789 MATIÈRES TINCTORIALES. Il y aurait avantage à grouper encore les améliorations introduites depuis peu dans l’art de préparer les extraits propres à la teinture, les outils qui servent à débiter les bois, à broyer les poudres, les appareils employés dans l’impression des tissus; les machines en usage dans le blanchiment, les apprêts, le mesurage et le pliage des étoffes. Mais cette étude nous conduirait trop loin, et je suis forcé de choisir dans les faits les plus saillants tout en regrettant de ne pouvoir relater toutes les inventions utiles qui sont appelées à faire époque dans l’intervalle de six ans qui nous sépare de l’Exposition universelle de 1855. Ainsi que je le disais tout à l’heure, la découverte la plus importante que je doive citer en première ligne, celle qui a le plus frappé l’imagination, celle qui semble la plus capable d’étendre les limites du champ déjà si vaste que l’homme peut exploiter, c’est la transformation de certains agents incolores sous certaines influences en véritables matières tinctoriales. La découverte de la propriété que possède l’acide picrique de teindre en jaune vif les fibres animales avec lesquelles on le met en contact, semble devoir être pris comme le premier point de départ d’une série de recherches qui font le plus d’honneur aux chimistes de notre époque. Ce fut en 1847 que M. Guinon, habile teinturier de Lyon, fît connaître l’emploi de cet acide pour teindre la soie en un jaune vif et brillant; on en consomme aujourd’hui de grandes quantités pour la teinture de la laine; on s’en sert pour obtenir des teintes vertes de la plus grande variété et de la plus grande richesse. § 1 er . — ACIDE l'ICRlQUE. L’acide azotique donne naissance, on le sait, par son contact avec les matières organiques, à des composés stables entre lesquels on distingue l’acide picrique, qui, découvert en 1788, par Ilausmann, et retrouvé plus tard parmi les produits de l’oxydation de l’indigo, de la salicine, de l’aloës, des huiles de houille, était resté sans application industrielle. Nous n’avons pas à répéter ici la description de la méthode à laquelle Laurent avait recours pour préparer l’acide picrique; on la trouvera dans tous les Traités de chimie; elle est peu pratique, surtout si l’on veut faire journellement de grandes masses 700 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. d’acide elle est d’ailleurs dangereuse à cause de la violence de l’attaque, quand on agit sur des masses quelque peu considérables. mm M. Guinon jeune, de Lyon, a disposé son appareil d’une manière très-intelligente ; elle peut servir de modèle dans beaucoup de cas analogues c’est pour cette raison que j’ai cru devoir en 791 MATIÈRES TINCTORIALES. donner ici la description détaillée; l’opération est régulière, tranquille; elle conduit à des produits remarquables. Sur un fourneau A on a réservé huit bains de sable B formés par une cuvette métallique qu’on peut chauffer à volonté par un foyer commun. Chaque bain de sable reçoit un ballon de verre C dans lequel, au moyen d’un large tube I, on fait affluer sur l’acide nitrique, l’huile de houille ou l’acide phénique qui s’écoule par un entonnoir E, d’un récipient en bois F contenant la quantité nécessaire pour une opération ; l’instillation se fait goutte à goutte. Les produits de la réaction, qui se fait à froid, s’échappent et se condensent dans un réservoir en grès O maintenu par un support en métal II. Quand la réaction sc trouve terminée, on chauffe pour transformer la résine ; le résidu de l’opération est transvidé dans des cruches K qui servent de cristal— lisoirs le collet L des mêmes tourilles sert d’entonnoir ; pour égoutter les cristaux, on met au fond du collet renversé quelques fragments de tuiles en terre très-cuite qui font l’office d’amiâhte, et retiennent les cristaux en séparant une liqueur très-acide qu’on fait rentrer dans les opérations subséquentes. On comprend qu’on peut avoir autant de fourneaux qu’on le désire; on réunit dans une cheminée commune tous les tubes de dégagement qui s’échappent des condenseurs G. Il n’est pas nécessaire pour les besoins de la teinture de purifier complètement l’acide picrique ; on se borne à laver à l’eau froide la niasse pâteuse pour enlever l’acide azotique en excès, puis on redissout dans l’eau bouillante à laquelle on ajoute 1 00 gr. d’acide sulfurique par 100 litres d’eau pour séparer la matière résineuse qui reste avec l’acide picrique. La présence de cette matière donnerait à la soie une odeur désagréable et ternirait la couleur en lui laissant une nuance rougeâtre. On obtient de la sorte une liqueur suffisamment pure qui, étendue d’une quantité d'eau en rapport avec la nuance qu’on veut produire, peut être immédiatement employée comme bain de teinture. L’acide picrique résulte de l’action del’acide azotique sur beaucoup d’autres substances ; l’indigo bleu, la laine, la soie, la couina- rine en fournissent. Mais jusqu'à ce jour ce sont les produits delà distillation de la bouille qui le donnent au meilleur marché. Il y a même avantage à prendre non plus les huiles de Laurent bouil- 702 EXPOSITION UNIVERSELLE LE LONDRES. lant entre 160 et 190°, mais les huiles lourdes, qui, d’après M. Bobœuf, contiennent beaucoup d’acide capable de se transformer en acide picrique. On agite ces huiles lourdes avec de la soude qui saponifie tout ce qui est attaquable. Les liquides aqueux sont ensuite traités par l’acide chlorhydrique, qui met les huiles en liberté. Ces dernières sont traitées comme nous l’avons dit plus haut. i 2. — COULEURS DÉRIVÉES DE L’ANILINE. Rouge d’aniline. — Nous avons déjà dit dans ce même recueil l , avec des détails techniques suffisants, ce qu’étaient les couleurs dérivées de l’aniline. Il me paraît inutile d’y revenir ici, et je me borne à dire que M. Francisque Renard a reçu des mains de S. M. l’Empereur, le 25janvier dernier, la décoration de la Légion d’honneur. Cette haute distinction est la juste récompense de la part qui revient à la maison Renard frères et Franc, de Lyon, dans la découverte si controversée de la matière tinctoriale rouge dérivée de l’aniline. Depuis la publication du travail que j’ai cité plus haut, de nombreuses recherches ont été publiées sur le rouge d’aniline, écrites les unes au point de vue historique, les autres au point de vue spéculatif. Parmi ces dernières, je citerai celles de M. Hoffmann, dont je transcrirai ici les conclusions sur la nature chimique de la fuchsine et sur la genèse de cette intéressante matière. D’après M. Hoffmann, les opinions divergentes qui se sont produites tour à tour sur l’origine de la fuchsine résulteraient de la difficulté qu’on éprouve à purifier complètement la matière colorante. Ce serait M. Chamber Nicholson, de la maison Simpson, Maule et Nicholson qui l’aurait isolée pour la première fois à l’état de pureté complète. Je ne répéterai pas ici les caractères que M. Hoffmann assigne à la rosaniline ; ils ont été reproduits déjà dans plusieurs ouvrages. La nature de cette matière serait parfaitement définie dans le travail de l’illustre chimiste il la représente par la formule C 40 H 19 Ak 8 . A l’état d’hydrate elle fixe un équivalent d’eau ; elle n’est pas . T. II, paire S80, Perse*, PeLtiynes fil Snlveiat, MATIÈRES TINCTORIALES. 79! oxygénée, comme nous l’avions déjà démontré; elle forme des sels colorés, alors qu’elle se présente à l’état de liberté sous forme de cristaux incolores. M. Nicliolson la retire de l’a— cetate. 11 me semble bien regrettable que M. Nicliolson n’ait pas fait connaître les procédés au moyen desquels il produit son acétate. Ces procédés seraient un élément très-important pour l’étude qui nous occupe ; ils permettraient sans doute d’expliquer les faits déjà publiés dans ce recueil, et qui sont en désaccord avec les résultats signalés par M. Hoffman. En voici quelques-uns La fuchsine est très-soluble dans l'ammoniaque, et nous avons obtenu cette matière tinctoriale à l’état de poudre vérte miroitante, c’est-à-dire colorée sans qu’elle fût à l’état de chlorure, quoique préparée par le bichlorure d’étain. Je n’hésite pas à penser qu’on trouvera quelque jour la raison de ces divergences en étudiant de plus près les procédés de préparation ; les caractères assignés à la rosaniline pourraient être ceux de la matière rouge cramoisie, observée pour la première fois par M. Hoffman', sans appartenir complètement à la fuchsine. Quoi qu’il en soit, la rosaniline donne des produits intéressants quand on la soumet à l’action des corps réducteurs. Une solution de la hase dans de l’acide chlorhydrique mise en contact avec du zinc est bientôt décolorée Le liquide contient, outre du chlorure de zinc, le chlorure d’une nouvelle hase qui est parfaitement blanche en état de liberté, comme à l’état de combinaison saline. M. Hoffman lui a donné le nom de leucanilinc pour rappeler cette propriété. Le leucanilinc a pour formule C 40 11 ! 1 A z 3 . Elle ne diffère ainsi de la rosaniline que par deux équivalents d’hydrogène en plus. On observe donc entre ces deux hases les mêmes relations que celles qui existent entre l’indigo bleu et l’indigo blanc. Jaune d'aniline. — Les chimistes qui ont étudié l’Exposition de Londres ont été frappés de la richesse des couleurs tirées 1. Annales du Conservatoire, t. II, p. 880. III. St ï 794 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES- de l’aniline ; ils l’ont été tout autant encore de la variété des nuances qu’on en obtient. On remarquait, à côté des rouges et des violets, un magnifique jaune d’or qui se présente comme produit secondaire dans la fabrication delà rosaniline. On sait que dans les opérations les mieux réussies et quel que soit le procédé de préparation, la rosaniline qu'on obtient ne représente qu’une fraction minime de l’aniline employée. Avec la matière utile se forme une grande quantité d’une substance résineuse, d’un pouvoir basique assez faible, dont les propriétés en général mal définies ont jusqu’ici déjoué toute tentative d’examen détaillé. Ce mélange contient cependant quelques composés bien définis qu’on peut séparer au moyen de traitements compliqués par une succession de dissolvants. C’est encore à M. Nicholson qu’on doit la découverte d’une couleur jaune tinctoriale dans ces résidus sans valeur. M. Hoffman propose de la nommer chrysaniline pour rappeler sa couleur et son origine; elle se représente par C 40 II 17 Az 3 . Cette composition la rapproche de la rosaniline et de la leu- caniline, elles ne diffèrent donc que par la quantité d’Iiydrogène qu’elles renferment, relations intéressantes quifont ressortir la possibilité de les transformer l’une dans l’autre. La formule de la chrysaniline fait présumer sa métamorphose en rosaniline et en leucaniline ; mais jusqu’à présent cette réaction n'a pas été réalisée. Ces bases renferment trois équivalents d’azote. Elles résultent au moins de la condensation de trois molécules d’aniline C ,2 II 7 Az. Mais l’excès de carbone qu’elles renferment prouve qu’une quatrième molécule d’aniline doit intervenir dans la réaction et céder une portion de son carbone aux groupes composés qui forment ces substances. Cette réaction est donc encore obscure; il reste en conséquence à découvrir le vrai mode de dérivation de ces matières tinctoriales. Bleu d’aniline. — Lorsqu’on introduit dans une cornue en fonte 2 kilog. de chlorhydrate de rosaniline sec avec 2 kilog. d’aniline et qu’on chauffe à 180°, on retire au bout de quatre heures une masse violette qui est insoluble dans l’acide chlorhy- 795 MATIÈRES TINCTORIALES. drique et le sel marin ; on se sert de ces liquides pour la purifier; on l’emploie en solution alcoolique pour la teinture. En doublant le poids de l’aniline, on obtient un bleu magnifique; MM. Girard et Delaire ont découvert ce produit on le prépare en grand à Lyon, chez MM. Renard frères et Franc. Les huiles de goudron sont destinées à devenir la source de bien d’autres matières tinctoriales. L’acide pliénique, la quinoléine et la naphtaline qu’on y trouvent seront peut-être un jour très-employés. 3. — C0ULEU11S DÉRIVÉES DE L’ACIDE PHÉNIQUE. L’acide phénique sert à la préparation de l’azuline, et diverses tentatives ont prouvé qu’il n’était pas trop hardi de présumer qu’on tirerait parti de la quinoléine et de la napthaline. M. Jules Persoz a le premier observé que l’acide phénique pouvait être converti d'abord en une matière rouge. Cette réaction est devenue le point de départ de la fabrication industrielle de la matière à laquelle MM. Guinon, Marnas et Bonnet de Lyon, ont donné le nom d’azuline. Leurs procédés sont encore secrets. Je ne puis donc que faire connaître quelques caractères de cette nouvelle matière tinctoriale. Elle paraît jouir de propriétés basiques. A l’état de pureté, elle est incolore ou peu colorée, elle est insoluble dans l’eau, inattaquable par les solutions de potasse et de soude à 30°. Elle possède une grande affinité pour les acides avec lesquels elle forme des sels qui, lorsqu’ils sont secs, prennent l’éclat chatoyant métallique des matières tinctoriales. Les solutions de ces sels sont bleues; dans l’industrie, on n’emploie que ces derniers, et surtout le sulfate, qu’on fait dissoudre dans l’alcool ou dans l’esprit de bois. L’affinité de cette nouvelle matière colorante est puissante; l’absorption est complète par les fibres textiles. Dix grammes de matière pure suffisent pour feindre un kilogramme de soie, même en couleur foncée. § 4. — BLEU DE QUINOLÉINE. Mais l’éclat de l’azuline est moindre que celui que fournit la quinoléine dont la propriété tinctoriale fut découverte par M. Greville William. On fait bouillir pendant dix minutes une 1 796 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. partie de quinoléine avec une partie et demie d’iodure d’amyle, et l’on obtient après refroidissement une masse de cristaux qui représentent de l’iodhydrate d’amylquinoléine. La solution aqueuse de ce produit, soumise à l’ébullition avec une solution aqueuse d’ammoniaque qu’on ajoute graduellement, laisse déposer un précipité; c’est une matière colorante violette. Remplace- t-on l’ammoniaque par la potasse caustique, on obtient une matière capable de teindre en bleu. Ces matières tinctoriales paraissent être identiques dans leurs propriétés et leur constitution. M. Greville les obtient sous forme de résines à reflets dorés. M. Ménier, dont on connaît l’habileté, avait exposé sous le nom de cyanine de superbes cristaux rivalisant en éclat avec l’acétate d’aniline de MM. Simpson, Maule et Nicliolson. M. lloffman en a fait une étude approfondie 1 . Ici l’industrie sert les intérêts de la science, et l’habile chimiste auquel la théorie doit de si grands services termine en disant que, sans les magnifiques produits sortis des ateliers de M. Ménier, il n’aurait pas même tenté d’élucider l’histoire de ces substances. La science, quoique fière de guider l’industrie à travers les obstacles qui l’arrêtent, recon- naît toutefois sans rougir qu’il y a des terrains sur lesquels elle ne peut avancer sans accepter l’appui que lui offre sa vigou- reuse compagne. Les travaux communs de ce genre ne peuvent manquer de mettre le sceau à l’alliance entre la science et l’industrie. » Il est regrettable que les couleurs dérivées de la quinoléine n’offrent aucune solidité. Cette circonstance ressort de l’offre faite par la Société de Mulhouse pour la découverte d’un procédé pour rendre solides les bleus de quinoléine. g 5. — MATIÈRES DÉRIVÉES DE LA NAPHTALINE. On a cherché si les dérivés de la naphtaline ne pourraient pas, comme ceux de l’aniline, conduire à des matières tinctoriales. M. de Wildes a produit, en traitant par le nitrate de mercure la naphtylamine, une substance colorante violette. M. Robert Rutnney, de Manchester, avait exposé sous le nom de pourpre de naphtylamine une masse d’un bleu noir. Les ten- I. Comptes rendus de l'Académie des sciences, I. LV, p, 849, n° 24. MATIÈRES TINCTORIALES. 797 tatives faites pour employer cette substance à la teinture sont, jusqu’à ce jour au moins, restées sans résultat; il en est de môme de la nitrosonaphtaline découverte par M. Perkin dans les produits de la réaction du nitrite de potasse sur le chlorhydrate de n aphtyl amine. Une découverte toute récente qui se rattache aux produits dérivés de la napthaline a eu beaucoup de retentissement. On avait cru tout d'abord à la formation de l’alizarine, matière précieuse extraite directement des garances. On s’était trop hâté de conclure. Toujours est-il que M. Houssin a fait réagir sur la binitronaphtaline pure l’acide sulfurique et le zinc, à une température d’environ 200°. L’eau bouillante extrait de la masse qui résulte de cette réaction une matière colorante rouge qui se dépose de la solution aqueuse sous forme d’une gelée rouge. Elle se forme donc dans des conditions identiques à celles dans lesquelles l’érythrobenzine se produit. Laurent avait entrevu beaucoup de ces matières colorantes; il y aurait quelque intérêt à les préparer au point de vue de leur application à l’industrie 1 . Au reste, s’il faut se préoccuper aujourd’hui de l’éclat et de la vivacité des couleurs applicables en teinture, il est bon de ne pas perdre de vue les conditions de résistance et de stabilité qu’on doit en attendre. Il est important qu’on conserve toujours aux couleurs solides leur valeur réelle, et qu’on encourage les tentatives dirigées dans le but de donner à celles qui manquent de solidité ces qualités précieuses. § 6. — ORSE1LLE SOLIDE. POURPRE FRANÇAISE. Si, comme on le dit, la lutte est actuellement ouverte entre les orseilles d’une part et l’indisine ou les bleus d’aniline d’autre Part; entre les rouges d’aniline d’une part et les cochenilles d’autre part, il est urgent que les nopaleries fassent leurs efforts pour se développer en diminuant les prix des cochenilles, en même temps que les chimistes chercheront à rendre les couleurs nouvelles plus fixes et plus stables. On sait avec quelle faveur l’opinion publique avait accueilli la 1. Complément nu Dictionnaire des Arts et Manufactures, par M. Ch. Laboulayo, I. I, P. 5G9. 798 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. découverte deMM. Guinon, Marnas et Bonnet quand ils obtinrent l’orseille comparativement plus solide qu’on ne l’obtenait ordinairement. Les procédés de MM. Guinon, Marnas et Bonnet ont perdu beaucoup de leur importance depuis la découverte des matières colorantes nouvelles sur l’histoire desquelles nous nous sommes arrêtés plus haut. Mais il me semble utile d’en dire ici quelques mots, afin de faire comprendre l’influence que peuvent exercer sur la qualité du produit des circonstances en apparence de peu de valeur. On traite à froid les lichens par une solution ammoniacale ou alcalinisée par le carbonate de soude, de manière à dissoudre les acides colorables qu’ils renferment. Après quelques minutes de contact, on jette le mélange sur une chausse, et on exprime les lichens de manière à enlever le plus complètement possible la liqueur adhérente, puis on précipite par l’acide chlorhydrique; le précipité étant filtré, lavé et égoutté, est redissous dans l’ammoniaque, et on expose il froid la solution au contact de l’air. Au moment où cette liqueur prend la teinte rouge-cerise, on la porte il l’ébullition et on la maintient pendant quelque temps. On l’introduit ensuite par couches de 5 à 6 centimètres de hauteur dans des vases il fond plat de 2 à 3 litres de capacité, qui sont chauffés dans une étuve à 60 ou 70°. L’opération est terminée quand la liqueur a pris une teinte pourpre, et qu’étendue sur du papier blanc elle ne change plus de nuance, même après complète dessiccation. On peut précipiter par l’acide sulfurique ou par l’acide tar- trique la matière colorante ainsi formée, c’est la pourpre française; mais il vaut mieux la précipiter à l’état de laque pour éviter la présence d’un acide rouge qui change la nuance. On se sert alors de chlorure de calcium ou d’alun ou d’un sel de magnésie. I 7. — AL1ZARINE SUBLIMEE. Bien que l’étude des dérivés de la garance ait perdu momentanément de son importance par suite des découvertes que nous venons de citer, nous devons une mention spéciale aux recherches de M. Kopp, qui a doté l’industrie de la garance de deux pro- MATIÈRES TINCTORIALES. 799 cédés très-ingénieux au moyen desquels on peut purifier l’ali- zarine. Il suffit de surchauffer graduellement et avec beaucoup de soin un extrait très-concentré. On savait que la sublimation de l’alizarine ne réussissait bien qu’en agissant sur de petites quantités. On savait, en outre, que l’opération entraînait toujours la perte d’une portion notable de matière. L’altération qui se produit ordinairement dans la sublimation de l’alizarine disparaît lorsque la vapeur dececorps, au moment même de son apparition, se trouve entraînée mécaniquement et soustraite ultérieurement à l’action de la chaleur. On y parvient en sublimant et distillant l’alizarine dans un courant un peu rapide de vapeur d’eau surchauffée. Il est préférable d’opérer directement sur la garancine. On la prépare àla manière ordinaire par ébullition de la garance broyée dans l’acide sulfurique étendu, lavage jusqu’à ce que les liqueurs ne soient plus acides, expression à la presse hydraulique et dessiccation dans une étuve. Il n’est pas indispensable de neutraliser les dernières traces d’acide sulfurique par le carbonate de soude, puisqu’à la température à laquelle se sublime l’alizarine, ces traces d’acide sulfurique réagissent plutôt sur l’acide pectique et le ligneux que sur la matière colorante. Graduer exactement la température de la vapeur d'eau surchauffée et la maintenir constante pendant un temps déterminé, tels sont les deux points essentiels à réaliser. M. Kopp, auquel on doit l’idée de ce perfectionnement, a fait connaître un appareil qui conduit à ces résultats. La vapeur provenant d’un générateur passe dans une série de tuyaux, sorte de jeux d’orgues disposés dans un four à réverbère; la flamme circule autour de ces tuyaux; la vapeur s’échauffe et acquiert une température convenablement élevée. A sa sortie du four, elle se rend dans une petite chambre de fonte où aboutit également un tuyau de vapeur provenant directement du générateur; au moyen de cette disposition, en réglant les quantités de l’une et de l’autre, on peut obtenir une température régulière entre 100 et 150» centigrades. La vapeur à température réglée est conduite, au sortir de Ja chambre de fonte, dans un cylindre de fonte ou de cuivre qui ren- 800 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. ferme, entre deux diaphragmes, la garancine séchée, réduite en fragments de la grosseur d’une noix. Ce cylindre est lui-méme enveloppé d’un autre cylindre concentrique qui reçoit de la vapeur surchauffée dans le but d’éviter la déperdition de chaleur du cylindre enveloppé cette vapeur se perd directement dans l’air. La vapeur passant sur la garancine entraîne l’alizarine et la porte au condenseur. Celui-ci se partage en deux parties l’une conservant une température de 100o reçoitl’alizarine condensée; la deuxième refroidie complètement reçoit de lavapeur liquéfiée. On rassemble sur un fdtre l’alizarine sublimée. Les eaux de condensation sont réunies et destinées à la teinture ou à la confection de la liqueur de garance. Des racines de garance exposées dans cet appareil se recouvrent de cristaux d’alizarine qui semblerait s’y trouver transformée. En Angleterre cette alizarine commerciale a reçu le nom de pinkoffine; elle est pure parce que la température à laquelle elle a été soumise a détruit les matières fauves; on en obtient des violets qui n’ont pas besoin d’être avivés. Si ces premières recherches de M. Kopp sont restées sans application, il n’en est plus de même des procédés entièrement nouveaux qui lui font un titre sérieux auprès des industriels. Ces méthodes qu’on lui doit sont en pleine activité dans la fabrique de MM. Schauffet Lauth à Strasbourg. On sait qu’il existe dans la racine de la garance une substance particulière, incolore, il laquelle on a donné le nom de rubiane et qui peut, par un dédoublement sous l’influence d’une sorte de fermentation, former de l’alizarine et de la purpurine. Cette fermentation se développe au bout de quelques heures par une macération humide en présence des acides ou des bases. Mais l’acide sulfureux jouit dans cette circonstance d’une action spéciale. Il permet d’obtenir un rendement plus considérable et des produits en grande partie beaucoup plus purs. Voici comment il faut opérer On commence par faire macérer la garance conservée comme à l’ordinaire à l’abri de l’humidité dans de l’eau contenant quelques centièmes, 2 à 3, d’acide sulfureux. On décante ce liquide soi MATIÈRES TINCTORIALES. après 10 heures et on presse le résidu. C’est dans ce liquide que se trouve la matière colorable. En effet, si l’on vient à faire addition à la liqueur de 3 pour 100 d'acide sulfurique, et qu’on chauffe à 30 ou 10°, il se dépose d’abondants tlocons d’un rouge orangé qui, séparés et lavés, sont de la purpurine à l'état de pureté. On chauffe à 100° l’eau mère séparée des flocons de purpurine. Il s’établit alors une réaction très-nette accompagnée d’un dégagement d’acide carbonique et d’un dépôt d’alizarine qu’altère bien, il est vrai, certaine matière d’aspect verdâtre, mais qui communique aux tissus mordancés une magnifique couleur rouge en respectant les blancs. On comprend que cette seconde eau mère privée de l’alizarine qu’elle contenait d’abord puisse servir, chargée d’acide sulfurique, à transformer par les moyens ordinaires en garancine la garance que l’eau chargée d’acide sulfureux n’a pas épuisée. Outre ces matières colorantes isolées très-utiles pour la teinture des laines et du coton, le procédé de M. Kopp peut fournir encore d’autres produits utilisables pour l’impression des tissus. Et en effet, le résidu de la garance traitée par l’acide sulfureux contient encore de la rubiane et les produits qui peuvent en dériver. Lavé l’eau bouillante, il peut donc fournir une liqueur qui, mêlée d’un sel d’alumine, donnera une laque rose ou rouge suivant la quantité d’alumine ajoutée. Traitée par un lait de chaux, la même liqueur fournira soit une laque violette formée d’alizarine et de purpurine, décomposable en d’autres nuances avec les composés métalliques, soit un extrait analogue à la colorine, lorsqu’on le décomposera par l’acide chlorhydrique. M. Kopp a donc doté l’industrie décomposés intéressants capables de teindre de trente à quarante fois autant que la garance, et de rendre à l’impression les mêmes services que la garance a rendus à la teinture elle-même. M. Kopp vient d’être décoré. 8. — VF,RT ÉMERAUDE. Dans un autre ordre d’idées, nous citerons ici l’une des découvertes les plus importantes de la chimie minérale. On connaissait 802 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES- un hydrate d’oxyde de chrome, d’un vert magnifique dont les procédés étaient restés secrets ou inédits. Cette matière, d'une résistance complète, d’un éclat parfait, trouvée par M. Panne- tier, était, sous le nom de vert émeraude , vendue dans le prix de 6 francs les 30 grammes aux artistes, qui s’en servaient pour peindre à l’huile. M. Binet, auquel M. Pannetier avait abandonné le bénéfice de cette petite fabrication, en faisait annuellement pour quelques milliers de francs. C’est aujourd’hui par tonnes que la maison Kestner de Thann le livre aux imprimeurs de coton. Une préparation de laboratoire est actuellement une opération d’usine, depuis que M. Guignet a cédé la licence de son brevet à MM. Scheurer et Kestner de Thann, qui ont industrialisé le produit. Les droits de ces derniers ont été respectés, et s’ils ont été plus heureux que d’autres brevetés, c’est que le produit qu’ils livrent au commerce exige pour sa préparation un concours tout particulier de circonstances que jusqu’à présent la réaction du bichromate de potasse sur l’acide borique a seule pu réunir. Rappelons en quelques phrases la préparation de cette matière, que j’indiquais déjà vers 1860 comme devant être très-utile aux imprimeurs d’indiennes. Lorsqu’on calcine à une chaleur d’environ 300» un mélange de huit équivalents d’acide borique cristallisé et un équivalent de bichromate de potasse, il y a dégagement d’eau, d’oxygène et formation d’un borate double de sesquioxyde de chrome et de potasse ; ce borate se détruit au contact de l’eau ; il se forme du borate de potasse, de l’acide borique et de l’hydrate d’oxyde de chrome complètement insoluble. On opère en grand dans un four àreverbère; la calcination du mélange, mis en bouillie épaisse par la quantité d’eau voulue, s’effectue avec un boursouflement sensible, en prenant une teinte foncée d’un très-beau vert d’herbe; on retire la masse avec un ringard, pour la plonger dans l’eau pendant qu’elle est encore rouge, elle s’y désagrégé; on épuise par l’eau bouillante avant de pulvériser dans un appareil à gobilles. Les eaux de lavage sont évaporées et décomposées par l’acide chlorhydrique qui régénère de l’acide borique dont la majeure partie rentre ainsi dans la fabrication, et qui n’agit en quelque sorte que connue agent provocateur de la réaction. On régénère environ 65 pour 100 de l’acide borique employé dans l’opération. 803 MATIÈRES TINCTORIALES. La disette de coton qui pèse si péniblement sur notre industrie a beaucoup diminué cette année la fabrication de cet oxyde; il est vrai qu’on désire en Alsace une nuance plus intense pour des verts plus vifs tout en conservant cette précieuse propriété de rester éclatant à la lumière artificielle. Ce désidératum semble satisfait cependant par un composé dont on doit la découverte à l’Allemagne, et qui semblerait être un composé cyanuré analogue au bleu de Prusse dans lequel l’oxyde de chrome remplacerait l’oxyde de fer. § 9. — OBJETS DIVERS. Nous allons, pour terminer cette Note, passer en revue les principaux produits dont la perfection dénote une grande connaissance dans l’art de teindre et d’imprimer les étolfes. Toutefois nous dirons avec M. Persoz, que l’habileté des fabricants d’extraits, la pureté des produits chimiques, dont on fait usage en fabrique, l’instruction de la plupart des directeurs d’usine, ont fait disparaître bien des difficultés inhérentes à l’art de la teinture et à celui de l’impression. On a pu remarquer les filés rouge-turc de M. Legras et les violets sur coton huilé de M. Henry et fils de Bar-le-Duc. Dans les filés de laine on a vu la gamme chromatique que MM. Kœchlin- Dollfus de Mulhouse avaient exposée, et qui prouve les soins que cette maison apporte dans tout ce qui sort de ses ateliers. Les fils de soie exposés par MM. Renard frères et Franc, Gui- non, Marnas et Bonnet, Grevon, tous de Lyon, ont soutenu dignement l’honneur de la France. La perfection des produits, d’une part, et d’autre part l’invention des nouvelles matières tinctoriales dites fuchsine, pourpre française, azuline, péonine, placent les noms de ces teinturiers il la tête de notre industrie. On a retrouvé parmi les teintures en tissus les cachemires stoft's et lastings de M. Rougères, les mérinos de MM. Boutarel et Chappat de Clichy, les tissus légers de M. Guillaume! de Puteaux, les draps de M. Francillon, les mousselines de MM. Dela- motte et Faille de Reims, les velours de coton teints de M. Pouchelle d’Amiens, les rouges turcs de M. Steiner. Non-seulement l’art de la teinture se trouve rendu des plus simples parles dernières découvertes que nous avons relatées au 804 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. commencement de cet article, mais surtout l’art d’imprimer les tissus en retire d’immenses avantages. En combinant à la fois six et huit rouleaux, on obtient des résultats immenses au point de vue de l’économie et de la perfection du travail ; au moyen des préparations de garance, de cochenille et autres, on prépare avec une très-grande régularité des étoffes perses d’une grande beauté. L’application simultanée des couleurs fixées à l’albumine empruntées au règne minéral outremer, vert de chrome, charbon, etc., et des couleurs dérivées de la houille, ont immensément simplifié l’ancienne fabrication, celle qui avait pour base l’indigo et ses dérivés, la garance et ses modifications, et qui nécessitait des dépenses considérables. Qui ne comprend immédiatement qu’on n’est plus obligé d’imprimer au préalable les mordants pour noir, brun, mge et violet, de les fixer, de les teindre, de les aviver pour dépouiller les blancs et de rentrer ensuite les couleurs d’enluminage lorsque le tissu est déjà fatigué par les dégorgeages et rinçages qui doivent suivre nécessairement chacune des opérations précédentes. MM. Thierry Mieg et Huguenin Collineau se sont placés dans ce genre nouveau à la tète du mouvement. CLASSE 5i- INDUSTRIE DU VERRE, Par M. SALVETAT. VERRE A VITRES. — GLACES. — VERRES A BOUTEILLES. GOBELETERIE. — CRISTAL. — ÉMAUX. — PEINTURE SUR VERRE. PEINTURE VITRIFIABLE. Les observations que nous avons présentées dans ce même volume, p. 483, s’appliquent sans incertitude aussi bien aux produits céramiques qu’aux nombreuses variétés d’objets qu’on peut façonner avec le verre. Et peut-il en être autrement? Non-seulement les terres et les verres peuvent être transformés les unes en les autres, mais encore les procédés généraux au moyen desquels on obtient les premiers se confondent avec ceux que la pratique de tous les temps a consacrés à la fabrication des derniers. Chacun sait que le verre dévitrifié prend l’aspect particulier et caractéristique de la porcelaine, à ce point même qu’à une époque déjà ancienne, Réaumur avait cru reconnaître dans les procédés de dévitrification la voie la plus naturelle pour arriver à la reproduction des porcelaines chinoises. Et, d’autre part, personne n’ignore que telle terre qu’on voudra, soumise à la température convenable, pourra prendre l’aspect vitreux, tantôt transparent et incolore, lorsque les matériaux qui la composent sont exempts de substances colorantes, tantôt opaque et colorée, lorsque les éléments qui la forment sont souillés d’oxyde de fer ou d’autres principes étrangers. Fidèle à l’ordre que nous avons suivi dans l’article déjà cité plus haut, nous aurons à examiner les faits les plus saillants qui 806 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. se sont produits depuis l’Exposition de 1851, en indiquant ici dès à présent que notre tâche est bien simplifiée depuis que M. Pe- ligot a résumé dans ses leçons sur l’art de la verrerie, publiées dans ce Recueil, l’histoire de cette industrie. Toutefois, il ma paru très-utile de revenir avec détails sur les diverses méthodes usitées par les verriers lorsqu’on les considère dans leur ensemble, pour les comparer aux procédés en usage dans la fabrication des produits céramiques. Il m’a paru très-intéressant de faire cette étude instructive au point de vue technologique, et parce qu’elle rattache encore d’une manière plus intime deux industries importantes, toutes deux essentiellement chimiques, et qui toutes deux empruntent aux arts physiques et mécaniques leurs principaux moyens d’action. Dans ces deux fabrications on retrouve encore l’application des beaux- arts, application généralement favorable au développement de nos débouchés. On rencontre les matières vitreuses sous différentes formes; ces formes varient avec les usages auxquels on les destine; à cette forme correspond généralement une composition appropriée, dépendant toujours du prix auquel le produit doit être vendu, et du choix des matières employées à la fabrication. Je ne répéterai ni l’énumération des éléments qui composent les différentes espèces de verre, leur histoire, le rôle qu’ils jouent dans la fabrication, ni l’examen des conditions auxquelles ils doivent satisfaire au point de vue de leur pureté ; mais j’insisterai sur la nécessité de suivre la fabrication pas à pas. Dans la plupart des usines à glaces, maintenant, on imite l’exemple de la manufacture de Sèvres, qui ne fait emploi d’une substance donnée qu’après que l’analyse chimique a prononcé sur sa pureté et sur sa valeur. Les glaces, ainsi qu’on le sait, tirent leur grande valeur de leur nuance. L’emploi presque exclusif de la soude, qui remplace la potasse dont on se servait autrefois, exalte une nuance verte que l’oxyde de fer développe en présence de la chaux. Cette nuance est très-désagréable surtout pour les glaces qui doivent être étamées. H y a donc urgence pour le fabricant à rechercher, à prix égal, les éléments les moins ferrugineux, sables et calcaires. Je sais plus d’une usine qui fait doser le fer avec une très-grande exactitude et une très-grande célérité par les liqueurs titrées. INDUSTRIE DU VERRE. S07 Les fabricants de verre à vitres, dont les produits sont d’autant plus recherchés qu’ils sont moins colorés, n’auraient-ils pas intérêt à suivre la même voie? Le lavage des sables, lorsqu’ils sont trop argileux et trop ferrugineux, conduirait assurément, avec une analyse des calcaires ou des chaux dont on se sert, à de notables améliorations de la fabrication. Les sables purs ne sont pas à la portée de tous les verriers ; mais avec du soin et sans de grandes dépenses d’argent et de temps, on peut sensiblement les améliorer. J’indiquerai encore, indépendamment du lavage des sables, une méthode que j’ai vu pratiquer dans une verrerie de la Meur- the. Le sable est mélangé grossièrement avec du sel marin humide, puis chauffé dans un four ù réverbère. L’oxyde de fer, sous l’influence de l’acide chlorhydrique formé par la vapeur d’eau et du sel marin se transforme en chlorure. Le sodium se combine avec l’oxygène et forme du silicate de soude qui entre dans lacom- position. Le chlorure de fer se volatilise en grande partie, et dans tous les cas il colore les points sur lesquels il se concentre ; on peut l’éliminer par un épluchage soigné. J’ai dit que les méthodes à l’aide desquelles on façonnait les verres étaient, en principe, les mêmes que celles que le potier de terre emploie journellement. Dans les deux cas les méthodes se fondent sur la plasticité de la matière. Dans l’un la plasticité se développe à la température ordinaire, dans l’autre il faut que la substance soit soumise à l’action de la chaleur. Le ramollissement de la pûte par une température suflisamment élevée lui permet de recevoir la forme qu’elle conserve intacte après le refroidissement. On sait que les méthodes employées au façonnage des poteries se rapportent à trois types distincts tournage, moulage et coulage. C’est encore à ces trois types qu’on peut rapporter les procédés de façonnage du verre. Il y a plus, c’est que les méthodes mixtes qui tiennent de deux ou plusieurs méthodes se retrouvent également appliquées dans les deux fabrications. On a recours à ces différents procédés suivant la forme que l’on veut produire. Tournage. Lorsque le verrier fabrique un verre de lampe, il emploie le procédé de tournage comme le potier qui façonne une pièce de révolution au moyen de l’ébauchage sur le tour. S 08 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. En effet, après avoir cueilli la masse dont il a besoin au moyen de la canne, il promène cette masse sur le marbre en donnant à la canne un mouvement de rotation sur elle-même; la masse s’allonge et prend une forme cylindroïdc; elle s’étend lorsqu’on souffle légèrement à l’intérieur. La pression de l’air remplit alors l’office de la main du tourneur potier quand il comprime le ballon entre ses doigts pour diminuer l’épaisseur de la pièce. L’opération est donc la même dans les deux cas; seulement pour le potier le tour est fixe, tandis que pour le verrier le tour est mobile, en raison de la nécessité de réchauffer de temps en temps la masse qui se refroidit continuellement par le travail, en perdant sa mollesse et sa plasticité. Lorsque l’allongement de la masse se fait en balançant dans l’air l’ébauche du cylindre, maintenue par l’extrémité de la canne, la pesanteur agit encore comme une pression qui serait exercée par les doigts. Enfin, quand replaçant la canne horizontalement, le verrier se sert ou de la tenaille ou des pinces de bois pour élargir le diamètre du cylindre, pour faire le bas de la cheminée ou donner à la bouche la forme circulaire, il accomplit le même acte que le potier qui, tantôt avec les doigts ou l’éponge, tantôt avec une estèque, donne à son ébauche la forme convenable. La chaleur que possède la masse de verre est seule cause qu’il ne la touche pas avec les doigts et s’il se sert de cisailles pour enlever par ablation les parties qui sont en trop, c’est parce que l’emploi du fil ou de la lame de couteau dont se sert le potier ne pourrait convenir pour séparer des molécules qui ont entre elles une plus grande adhérence que celle que possèdent les particules de terre plastique. Les outils dont le verrier se sert pour régler la hauteur, la longueur, le diamètre et le profil des pièces sont exactement les mêmes que ceux que le potier de terre a sous la main, compas, équerres, gabaris, etc., en bois ou en métal. Moulage. Toute pâte molle, mise en contact avec un support ou appui convenable, peut prendre la forme de cet appui qui reçoit le nom de moule, lorsqu’on la soumet à la pression convenable pour lui faire épouser l’empreinte. Si l’on verse la matière vitreuse liquide dans l'intérieur du moule, on opère par moulage comme le fait le potier, et si l’on INDUSTRIE DU VERRE. 809 combine à la fois le moulage et le tournage qui reçoit le nom de soufflage dans le cas particulier du travail du verre, on pratique un véritable moulage à la housse, ainsi que le fait le potier de terre. Coulage. Quand le moule affecte la forme d’une table, c’est-à- dire lorsque la matière à fabriquer doit présenter une forme plane, on opère par coulage comme dans la confection des glaces; il y a donc la plus grande analogie, par exemple, entre le coulage d’une glace de verre et la confection d’une plaque de porcelaine ; l’opération générale se confond avec la préparation de ce que le mouleur en terre appelle la croûte. Que le rouleau dont on se sert pour étaler le verre en fusion soit un cylindre guilloché ou gaudronné, ne réalise-t-on pas un véritable gaudronnage ou moletage? On le voit, toutes ces opérations ont dans les deux industries les mêmes principes pour base, et je comprends que l’étude de la verrerie, considérée dans son ensemble au point de vue didactique, puisse revêtir une forme des plus simples et des plus intéressantes. Il me paraît inutile d’insister encore sur ce que les méthodes d’ornementation ont d’analogue, lorsqu’on les applique aux deux sortes de produits. La décoration vitritiable est la même; elle procède par les mômes méthodes ; elle emprunte les mêmes matériaux; elle peut être obtenue dans les deux cas, soit dans la masse, soit sur la surface. Les métaux précieux, l’or, l’argent,.le platine, les couleurs, les émaux peuvent être également employés. On peut les appliquer à la main ou par les méthodes de l’impression mécanique, en surfaces pleines ou en dessins variés à l’infini, en tirant parti, comme dans les différents genres d’impression sur tissus, de réserves mécaniques ou chimiques, ou de rongeants et d’absorbants. Une classification méthodique des différents effets qu’on pourrait produire au moyen de ces méthodes serait sans doute de nature à conduire à quelques résultats nouveaux. APPAREILS DE CUISSON. Il est tout aussi peu possible de se faire une idée des tours de main qu’on a mis en usage pour faire un objet de verrerie, qu’il III. 52 810 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. l’est de comprendre, d’après une pièce de poterie, les procédés dont on s’est servi. C’est en quelque sorte en fabrique, au sein des usines, qu’il faut surprendre les moyens perfectionnés dont l’industrie moderne tire un parti journalier. A cet égard l’Exposition de Londres ne pouvait rien apprendre, et si les plans des fours de MM. Siemens n’avaient pas été exposés, les rapports qu’on pouvait faire sur la verrerie n’avaient à présenter que des considérations économiques ou artistiques. Ces considérations ne nous semblent pas de nature à trouver place ici. Il n’en est pas de môme de la description des fours de MM. Siemens, qui pourra être accueillie avec quelque intérêt. Les fours de MM. Siemens reposent sur ce principe qu’il convient de ne lancer l’air dans la cheminée que lorsqu’on l’a mis en contact avec des matériaux capables d’absorber tout le calorique que les produits de la combustion renferment, et de le restituer en temps opportun aux gaz qui agissent dans l’appareil. Si donc, entre un fourneau ordinaire et la base de la cheminée où les produits de la combustion se dégagent à une température élevée, on dispose un long couloir ou une vaste chambre remplie complètement ou par intervalles de matériaux incombustibles, de briques réfractaires, par exemple, ceux-ci ne tardent pas à s’échauffer; près du four ils possèdent la température la plus haute et sont presque aussi chauds que le four lui-même, tandis qu’à l’autre extrémité se maintient une température beaucoup moins élevée. Supposons maintenant qu’on puisse alimenter le four avec de l’air qui ait traversé cette chambre en suivant un courant inverse de celui que suivaient les produits de la combustion dirigés vers la cheminée, et que, pour ne pas arrêter le tirage du four, on le fasse communiquer'avec la cheminée par un autre carneau ou mieux par une deuxième chambre disposée comme la première, il en résultera que l'air atmosphérique s’avancera graduellement vers les parties du four les plus chaudes, arrivera dans ce four et viendra l’alimenter en lui apportant un gaz dont la température sera presque celle qu’il possède lui-même. Ce premier principe n’est pas le seul dont les inventeurs aient réalisé l'application dans la construction de leurs appareils. Si, au lieu de diriger l’air chaud qui doit opérer la combustion à travers ou sous un combustible solide placé dans un fourneau INDUSTRIE DU VERRE. 8H ou sur une grille, on volatilise, sans les faire brûler, les produits combustibles gazeux et si on les fait circuler dans une chambre réticulée , qu’ils traversent en allant de la partie la plus froide vers la partie la plus chaude, en lin si l’on vient à mélanger ensuite ces produits gazeux avec l’air chaud, alors que, comme celui-ci, ils possèdent une teinpéi'ature presque égale à celle du fourneau, il est évident qu’on obtiendra une ilamme d’une intensité bien plus considérable et que l’on réalisera une économie de combustible bien plus grande que précédemment. MM. Siemens ont su faire pénétrer, avec succès, dans la pratique, ces idées qui 11 e sont pas tout à fait aussi neuves qu’on a pu le penser, comme nous le verrons bientôt. Mais je laisse parler ici les inventeurs eux-mêmes [Patente de 1861. Une particularité essentielle û notre invention, disent-ils, consiste dans la décomposition, au moyen d’un appareil séparé, du combustible, quel qu’il soit, houille, lignite, tourbe, etc., de telle sorte que toute introduction de combustible solide dans le foyer sc trouve supprimée et que le combustible gazeux se trouvant échauft'é avant sa combustion par l’air atmosphérique qui lui-même se trouve très-suréchauiîé, on peut réaliser une grande économie. Cette méthode otfre encore ce grand avantage que le tourne renferme ni cendre ni charbon solide, de sorte qu’on peut exécuter à fourneau libre bien des opérations qui jusqu’ici n’avaient été possibles que dans des pots ou des vases couverts. » Il est fort important, pour un certain nombre d’opérations, d’être absolument maître de la pression des gaz qui pénètrent dans le four, de la rendre quelquefois supérieure à celle de l’atmosphère de manière à éviter la sortie de la Ilamme ou la rentrée de l’air par les ouvreaux, lorsque les ouvriers s’en approchent au moment du travail, comme dans le soufflage du verre. » Dans ce but on dispose sous la sole du four quatre régénérateurs; deux servent ù chauffer isolément le gaz combustible et l’air atmosphérique qui se rendent au foyer; les deux autres sont destinés à absorber la chaleur perdue des produits de la combustion qui les traversent en se rendant à la cheminée; ils fonctionnent alternativement comme magasin de chaleur, tantôt pour la céder, tantôt pour la reprendre. Les courants d’air chaud et de gaz sont maintenus dans le laboratoire du four à des pressions déterminées au moyen d'une valve et du registre placé sur la 812 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. cheminée d’appel. On peut en même temps, sans autre disposition, régler à volonté l’intensité comme les qualités chimiques delà flamme. Afin d’empêcher l’accumulation d’une trop grande quantité de chaleur dans la voûte qui recouvre les régénérateurs, on réserve dans cette voûte des chambres pour la circulation de l’air atmosphérique. MM. Siemens ont adopté pour leurs appareils producteurs de gaz des dispositions particulières que la pratique semble avoir sanctionnées L’appareil doit avoir une action très-régulière; il doit être facile à visiter et à purger des résidus que le combustible solide apporte continuellement. Il est important également que tous les gaz ne soient pas appelés dans le fourneau par le tirage de la cheminée; il y a tout intérêt, au contraire, à ce que la pression de l’atmosphère soit maintenue constamment dans les carneaux qui vont des appareils producteurs au four. On évite ainsi la combustion partielle des gaz combustibles sous l'influence de l’air qui pénétrerait par les fissures des maçonneries. On brûle d’ailleurs les portions de carbone qui pourraient se déposer à l’intérieur des conduits, au moyen de filets d’eau ou de vapeur aqueuse qui se transforme en un mélange combustible d’hydrogène et d’oxyde de carbone. Lorsqu’on peut avoir plusieurs générateurs marchant simultanément, il vaut mieux diriger les produits gazeux qu’ils fournissent dans un tuyau commun qui régularise tout à la fois la qualité comme la quantité des gaz. Pour réaliser toutes ces conditions, MM. Siemens ont installé des fours à verrerie dont nous allons donner une description d’ensemble. La figure 1 représente une coupe transversale faisant comprendre le fourneau, les régénérateurs et les appareils producteurs du gaz. La figure 2 représente une coupe longitudinale de l’appareil producteur du gaz. A est le four sur la banquette duquel sont les pots de verrerie B. C représente les ouvreaux destinés au travail du verre. Sous la banquette sont disposés les quatre régénérateurs D 1 D 2 , D 3 , D 4 . Chacun d’eux est formé d’une chambre construite en briques réfractaires, près de laquelle est une grille E ; sur cette grille sont entassées des briques réfractaires ou toute autre INDUSTRIE DU VERRE. 813 matière incombustible disposée de manière à laisser entre elles de petits interstices. Ces régénérateurs sont fermés à la partie supérieure par une voûte qui supporte la banquette. Cette voûte est percée de petits trous longitudinaux qui communiquent, d’une part, avec un conduit F en relation directe avec l’air atmosphérique, et d’autre part, avec un canal G se rendant aux régénérateurs. Fig. I. n-CARil La communication entre la partie supérieure des quatre régénérateurs et le four A a lieu de la manière suivante D 4 avec la partie antérieure T æ&ssi " min» iii»iw wniiiminimaiiwi w liante HW iMInwrtia wag&3S 8S0 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. jamais le Français le plus original, l’Anglais le plus excentrique ne les auraient inventés. Les Allemands sont décidément des chasseurs infatigables; nous aimons, en France, après ces journées joyeuses et pénibles que nous passons à courir au grand air, à trouver de larges fauteuils moelleux; nos voisins d’outre-Rhin sont plus rigides ils ne se contentent pas de mettre à mort cerfs et chevreuils, ils veulent encore employer leurs bois à construire leur mobilier ; de là des pièces toutes hérissées d’andouillers pointus d’un aspect inquiétant. — Les tables, les chaises, les fauteuils sont en bois de cerf ; de tous côtés se dressent des an- douillers menaçants; on n’est pas rassuré, et, malgré la fatigue, on hésiterait à s’asseoir sur la peau de daim qui couvre les sièges. Plus loin, un autre amateur de chasse a fait construire un lustre pour rappeler ses exploits; sur le large cercle qui doit supporter les lampes sont fixées, à l’extrémité de deux diamètres perpendiculaires entre eux, quatre tètes de chevreuil ; au-dessus se trouvent quatre tètes de lièvre ; enfin, le tout est surmonté par un émouchet qui plane, les ailes déployées. Je ne voudrais pas traiter l’Exposition allemande avec trop de sévérité ; on me pardonnera cependant de rire encore du fameux lit à baldaquin que la ville de Brème a envoyé à Kensington. Tous les voyageurs gardent une juste rancune aux lits allemands, çt puisque, par hasard, nous pouvons leur être un peu désagréable, nous n’y manquerons pas. Ce n’est pas une attaque, ce n’est qu’une revanche. Je n’ai rien à dire du lit lui-même; s’il ressemble à ses confrères, il doit entrer quelques planches dans ses matelas. Ce que j’ai admiré surtout, c’est l’invention ingénieuse employée pour soutenir les rideaux; au chevet et au pied s’élèvent jusqu’à une hauteur convenable, des piles de gros coussins, elles supportent pour couronnement, un mannequin de grandeur naturelle, richement habillé, qui étendu à plat ventre, étend délicatement la main pour relever les rideaux. Il n’est pas douteux qu’on fasse d’autres meubles que ceux-là en Autriche et en Prusse; mais il faut reconnaître que l’Exposition de Londres ne donne aucune idée de cette industrie. En Russie, nous avons pu trouver des objets d’un meilleur style, la marqueterie y est surtout parfaitement traitée; mais si LES INDUSTRIES D’ART. 851 nous revenons en Danemark, nous trouverons encôre un meuble pour le moins singulier. Les peuples du Nord aiment les fleurs ; dans les villes de l’Allemagne septentrionale, on voit presque toujours grelottant derrière les vitres quelques plantes étiolées cherchant en vain un chaud rayon de soleil. C’est un goût charmant et que personne ne partage plus que nous ; mais pousser cette passion jusqu’à prétendre à s’asseoir sur une rose, c’est de l’exagération. Nous avons vu cependant, dans l’Exposition du Danemark, un fauteuil d’un rose vif, dont les saillies simulaient les pétales de la reine des fleurs; les feuilles, avec leurs nervures parfaitement imitées, forment le dossier et les qu’on aura omis les épines. Ce sont là des erreurs fâcheuses que l’Espagne ni l’Italie n’ont commises. Leur ébénisterie, beaucoup mieux traitée, est encore un peu lourde, cependant ; les meubles en laque tout ruisselants de bronzes dorés y abondent. Nous ferons exception, toutefois, pour un joli cabinet en ébène, avec incrustation d’ivoire ; deux figures, l’une du Dante, l’autre du Tasse décorent les panneaux. Le tout est certainement d’un bon sentiment. Grâce aux efforts de quelques fabricants et au grand nombre de sculpteurs habiles que compte l’Italie, on doit bien augurer des progrès qui ont déjà placé en 1862, les meubles de ce pays en avant de ceux de tous les la France et l’Angleterre. Les mosaïques de pierre dure de Florence ont aussi un grand charme ; celles de M. Barbensi ont notamment une véritable valeur. La Turquie n’a guère exposé en ébénisterie que ces tabourets recouverts de nacre disposée en damier qui servent plutôt de tables que de sièges, car les Orientaux préfèrent s’étendre sur ces beaux tapis qu’ils savent si bien nuancer de tons doux, rabattus et harmonieux. L’ébénistcrie française n’a donc jusqu’à présent, cet examen rapide le démontre complètement, pour rivale sérieuse que T ébénisterie anglaise. C’est vers la cour française qu’il faut nous diriger maintenant pour apprécier les œuvres remarquables qu ont été exposés cette année à Kensington. § 3. Meubles français. — L’érudition peut-elle, dans le do- EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. N52 maine des arts, nuire à l’inspiration? On le croirait en étudiant notre architecture actuelle , dans laquelle trop souvent les réminiscences remplacent les idées originales. Nous savons refaire une cathédrale gothique, un palais de la Renaissance, un boudoir Louis XV ; nous avons plus de peine à composer une œuvre ayant un caractère propre. Cette pauvreté d’imagination que montrent nos architectes se retrouve dans l’ébénisterie, et les meilleurs meubles que nous faisons aujourd’hui sont des pastiches de la Renaissance, de Louis XV ou de Louis XVI. Us ditfèrent toutefois assez des originaux, pour qu’il soit possible de les en distinguer. Quand une époque en imite une autre, elle l’interprète plutôt qu’elle ne la copie servilement, mais il faut que quelques années se soient écoulées pour qu’on puisse bien reconnaître en quoi l’imitation diffère de l’original. Les meubles de l’Empire avaient sans doute la prétention d’être une copie de l’antique ; ils en diffèrent cependant assez pour que la confusion soit impossible. Nos imitations de la Renaissance et du Louis XVI ont de même, sans que nous le voyions nettement aujourd’hui, un caractère spécial qui permettra un jour aux connaisseurs de les reconnaître facilement. En général, la composition des meubles exposés à Kensington est plus sage que celle des objets réunis dans le Panorama en 1855. Dans son désir d’utiliser la sculpture sur bois dans laquelle nos ébénistes font chaque jour de nouveaux progrès, on avait, en 1855, dépassé le but ; l’ornementation n’était plus restée à sa place d’accessoire. Elle envahissait de tous côtés, ne laissant plus aux objets leur destination primitive ; c’est alors que nous avons vu notamment quatre figures presque de grandeur naturelle assises sur un buffet de salle à manger, l’obstruant, rendant son abord difficile; c’était là évidemment une exagération de mauvais goût. Nos sculpteurs ne sont pas moins habiles qu’il y a sept ans; mais ils sont moins ambitieux, M. Ribailler a exposé plusieurs figurines demi-nature destinées sans doute à une armoire à fusils ; la chasse, la pêche, sont symbolisées par de jeunes hommes en costume moyen Age, dans une bonne attitude. Ce sont de véritables statues; elles ne rentrent dans l’ébénisterie que par la matière employée. L’armoire en ébène de M. Grolié est beaucoup plus simple ; cette simplicité en fait le charme. Elle est bien conçue, bien des- 8o3 LES INDUSTRIES D'ART. sinée, d’un très-bon style ; c’est un des meubles qui ont réuni, à l’Exposition, le plus de suffrages. — Le petit bulfet en bois de rose, du même ébéniste, est du plus pur style Louis XVI les cuivres qui l’ornent sont du meilleur goût; ces petits meubles de luxe sont infiniment plus jolis que les buffets de laque qui ont été à la mode dans ces dernières années ; ils ont une beauté plus douce, plus pénétrante ; ils n’ont pas cette richesse un peu altière, un peu brutale de leurs rivaux. J’en indiquerai le genre en reproduisant ici une commode de même style, envoyée par le même fabricant à l’Exposition de 1855. rig. 3. r ! wjmnnra .r'.,r t*ÿ.~ àauaaii La bibliothèque de M. Kneicht est fort jolie. La figure de l’étude qui occupe la partie supérieure harmonise bien ses ailes avec les détails de l’entablement; nous lui trouvons, cependant, un grave défaut c’est un meuble dans lequel il est impossible de mettre des livres; l’ornement y prend une place exagérée. M. Chaix a exposé une armoire en ébène de forme ovale. Elle est destinée à renfermer des curiosités, et elle doit se placer au milieu d’une pièce, de façon qu’il soit possible d’admirer, sous 854 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. toutes les faces, les objets d’art qu’elle doit renfermer. Sa couleur sombre, sans aucune dorure extérieure, fera valoir les richesses qu’on y enfermera.— Ce meuble est à deux corps, la partie supérieure seule est vitrée, les panneaux inférieurs sont pleins, quatre figures allégoriques occupent les montants supérieurs, elles symbolisent la poésie, la musique, l’architecture et le dessin. Rien de mieux, mais que vient faire au couronnement Romulus et sa louve ? Je 11 e sache pas que ce héros à moitié fabuleux ait jamais encouragé les arts. Nous étions dans les symboles, pourquoi ne pas continuer et couronner ce joli meuble avec une figure représentant l’art ou l’étude? La grande bibliothèque en ébène de MM. Jeanselme et Gaudin, est une œuvre excellente. La pureté des lignes, l’ornementation obtenue par des champlevés exécutés avec une grande fermeté, produisant des parties rnattes au milieu d’autres polies, est d’un goût parfait. L’exposition de M. Fourdinois, un des ébénistes qui soutiennent le plus haut notre drapeau, est fort importante. Sa cheminée monumentale en marbre vert et en bois a de grandes qualités,* mais elle a un petit voisin qui lui fait tort. Je crois que tout le monde est d'accord pour considérer le cabinet de M. IL Fourdinois fils comme l’un des meilleurs meubles de l’Exposition. Il est en ébène, à deux corps, le bas est d'ordre ionique, les colonnes un peu fluettes comme on les aimait sous la Renaissance, sont cannelées ; entre elles se trouve un panneau finement sculpté représentant l’enlèvement de Proserpine; le corps supérieur est d’ordre corinthien et très-délicatement incrusté de lapls-lazuli et de jaspe sanguin ; sur les panneaux de la porte du milieu sont figurés Diane et Apollon, d’après Jean Goujon ; les panneaux latéraux s’ouvrent pour laisser voir des tiroirs fort joliment incrustés d’ivoire. Tout cela est d’un goût sobre, sévère, d’un sentiment parfait. C’est une imitation faite avec tant de soin, tous les détails sont si parfaitement traités, qu’il est douteux qu’on ait jamais fait mieux. Trois jours après l’ouverture de l’Exposition, ce meuble était vendu à un orfèvre de Londres ; il vaut 30,000 francs. Nous donnons ici le dessin de ce véritable chef-d’œuvre, début d’un jeune homme qui aurait pu aspirer à la grande sculpture, $r>6 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. si la réputation justement acquise par son père dans l’ébénis- trerie d'art ne l’avait retenu sur un théâtre plus modeste où les victoires cependant ne sont pas sans gloire. L’armoire qu’a construite M. Barbedienne pour le vice-roi d’Egypte est dans un tout autre style; elle est d’une excessive richesse, l’ébène employé à sa construction étant presque partout recouvert d’argent, la tinesse des détails ne le cède en rien à la beauté de l’ensemble ; les cariatides qui supportent le corps sont bien modelés, les petites ligurines empruntées â Jean Goujon qui ornent les côtés ont toute l’élégance qui caractérise ce maître, le couronnement est du goût le plus pur. Exposé ailleurs que chez M. Barbedienne, ce beau meuble aurait peut- être été plus admiré. Mais la galerie de ce fabricant est si riche, si remplie d’objets intéressants , qu’ils se nuisent les uns aux autres. Trop de richesse a parfois son inconvénient. Nous avons dit que plusieurs de nos exposants s’étaient efforcés d’imiter les beaux meubles de Boulle. Une de ces imitations les plus heureuses est due à M. Roux. Ses meubles de marqueterie rehaussés de dorure, sont d’un goût parfait; l’un d’entre eux est une des œuvres les plus charmantes de l’Exposition. 4. Tapisseries. Papiers peints. Mosaïques. — Lorsqu’il a été question du traité de commerce avec l’Angleterre, on a cru un instant qu’il allait y avoir en France une véritable invasion de tapis anglais; on le craignait, sans doute, avant de les avoir vus. Les tapis anglais sont bon marché, mais inférieurs en général à ceux fabriqués en France comme objets de luxe. 11 n’y a, en effet, aucune comparaison à établir entre nos beaux tapis et ceux de nos voisins. Non-seulement, ils n’atteindront jamais les Gobelins ou Beauvais, mais ils sont â une distance énorme d’Aubusson et de Neuilly. Les fabricants anglais ne paraissent même pas se soucier dé s’engager dans la voie où nos manufactures rencontrent d’éclatants succès ; ils ne semblent apprécier les tapisseries de nos manufactures impériales qu’au point de vue de la difficulté vaincue. Elles ont un autre mérite, cependant, si l’on veut bien, comme on y tend aujourd’hui, les considérer non comme œuvre d’art proprement dite, mais seulement comme décoration d’un meuble ou d’un panneau. J’accorde qu’il n’y ait pas grand intérêt à reproduire avec de LES INDUSTRIES D'ART. 857 la laine un tableau du Titien ; on fait ainsi un travail très-remarquable sans doute, mais d’un prix excessif et toujours inférieur à l’œuvre primitive, si la tapisserie, toutefois, renonçant lutter avec la peinture, reprend son véritable rôle de tissu destiné à l’ornementation, je ne comprends plus le peu de cas qu’en font nos voisins d’outre mer. Les natures mortes, d’après Desportes ou d’après Mignon, exposées par nos manufactures impériales, la dernière surtout, ne sont-elles pas des chefs-d’œuvre d’ornementation? La peinture n’aura jamais, il faut le reconnaître, cette douceur, ce moelleux d’aspect qu’offre la tapisserie, et, si nous descendons plus bas encore, qui égalera jamais, pour couvrir un fauteuil ou un canapé, ces délicieuses fleurs exposées par Beauvais et par Aubusson ? Quoi de plus gracieux que ces fonds vert clair sur lesquels se détachent des guirlandes de fleurs d’une fraîcheur adorable? Si notre ébénisterie est la première du monde, c’est en partie parce qu’elle peut s’aider des merveilles de nos tapisseries ou de nos soieries de Lyon. Les meubles dorés couverts de tapisseries exposées soit par nos manufactures impériales, soit par Aubusson et Neuilly, sont des merveilles. Jamais le luxe n’a rien inventé de plus riche et en même temps de plus beau. Et si l’on voulait opposer quelques productions à celles que nous louons aujourd’hui, ce serait dans le passé qu’il faudrait remonter; si Beauvais de 1862 peut être vaincu, ce sera sans doute par l’ancien Beauvais, celui du quinzième ou du seizième siècle, qui nous a laissé de ses travaux les magnifiques spécimens qu’on peut voir à l’Hôtel de Cluny. Si belle que soit notre exposition de tapisserie, il faut bien avouer qu’elle ne renfermait aucune œuvre aussi magistrale que l 'Histoire de David et de Bethsabée, exécutée sous le règne de Louis XII, par les manufactures flamandes. 11 ne faut essayer cependant, que ce qu’on peut complètement réussir. Nous avons donc regretté vivement qu’on eût placé sur le transept, à l’entrée de la cour française, plusieurs tapisseries à personnages d’une exécution très-imparfaite. Si les manufactures qui les ont composées, au lieu de vouloir atteindre it la grande tapisserie à personnages et de nous montrer des figures mal dessinées, d’une couleur criarde, se contentaient de reproduire des fleurs, des fruits, des ornements, elles arriveraient certainement à de meilleurs résultats. 55 III. 858 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. Quant aux tapis de pied, ce n’est pas encore en France qu’on réussit le mieux. Ce que nous faisons est cependant supérieur à ce que produisent les Anglais, si nous en jugeons, du moins, par ce que nous avons vu dans les salons de quelques grands seigneurs. Mais la palme appartient encore aux tapis de Perse, et même aux imitations que produisent les villes du Levant, notamment Smyrne. Quelle harmonie dans l’ensemble, quelle grâce et quelle richesse dans les dessins ! Voilà d’admirables modèles à reproduire 1 L’heureuse tendance que nous avons signalée dans l’ébénisterie se reproduit dans les papiers peints. En 1855, l’industrie, toute fière de son habileté, a voulu lutter avec l’art proprement dit; là n’est pas son rôle, cependant. Un papier peint est une décoration, cene doit pas être un tableau. Ainsi, nous avons eu beau voir avec plaisir, dans le Panorama, le tableau de M. Couture qui représente une scène du carnaval, nous n'approuvions pas ce défi donné à la peinture. Cette année, à Kensington, nous n’avons plus d’essais aussi compliqués; nous y avons vu encore, cependant, un paysage très-fin de tons, très-bien modelé, d’un fort joli aspect, peut-être encore plus peinture que décoration; mais les grands sujets à personnages ont disparu. 11 n’est que juste de dire que les Anglais ont fait dans cette industrie des progrès importants ; sans atteindre à aucun essai de production analogue à celle dont nous parlons, ces progrès coïncident avec l’adoption de moyens mécaniques impropres à la création d’œuvres d’un ordre un peu élevé au point de vue de l’art. Une desplus belles ornementations qu’on puisse mettre sur les murs d’une église, sur le pavé d’un monument, c’est la mosaïque, nous avons déjà cité les beaux exemples qu’a montrés l’Italie; la Russie a aussi exposé plusieurs grandes mosaïques dans le genre byzantin, d’un très-bon style. Le Saint Nicolas couvert de ses ornements religieux, destiné à l'église Saint-Isaac, est du plus grand etfet, et constitue une admirable décoration. Ce sont surtout les sujets religieux qu’affectionnent les artistes russes ; les peuples pauvres, courbés sous le joug, sont pieux; ils n’ont d’espérance qu’au ciel. Conclusion. — Nous l’avons dit plus haut, aucune industrie n’exige un concours plus nombreux de matières différentes que INDUSTRIES D’ART. fin! l'ameublement. Or, malgré les efforts tentés par les nations qui ont exposé leur ébénisterie à Kensington, aucune ne peut montrer des produits remarquables dans toutes les branches de travaux dont le concours est nécessaire pour conduire ù bien la fabrication d’un meuble remarquable. Nos sculpteurs sur bois, parmi lesquels on compte de véritables artistes, aidés, conseillés, guidés par nos architectes et nos statuaires, n'ont pas de rivaux à l’étranger, et, quand on veut lutter contre eux, on n’y arrive le plus souvent qu’en les opposant à eux-mômes, et en recrutant dans leurs rangs des artistes qui vont travailler à l’étranger. Avec ce puissant secours, depuis plusieurs années, JIM. Gra- ham et Jackson , qui ont exposé les meilleures œuvres du compartiment anglais, ont pu produire de beaux meubles en bois sculpté; les fabricants anglais rencontrent déjà plus de difficulté pour faire des imitations de Boule, car il faut joindre à l’art de fabriquer la marqueterie!, qu’ils possèdent, celui de fondre et de ciseler de beaux bronzes, qu’ils ont à un moindre degré. S’il fallait, enfin, fabriquer des sièges riches, dignes de lutter avec ceux qu’ont exposés les Gobelins, Beauvais ou Aubusson, ils y échoueraient complètement; car, malgré le remarquable développement de leur fabrication de tissus de tout genre, ils n’ont aucune manufacture capable de produire les admirables tapisseries qui couvrent les sièges exposés dans notre cour française, et malgré les progrès de leurs fabriques de damas de soie de Manchester, ils n’ont rien montré de comparable aux belles soieries qui tapissaient la chambre à coucher de l’Impératrice. Il est possible qu’une nation ou une autre arrive à nous égaler dans un des arts qui touchent à l’ameublement; il est difficile de supposer que, d’ici à longtemps , aucun pays puisse nous surpasser dans l’ensemble, que nous avons porté si loin. Nos tapisseries, notamment, seront pour longtemps inimitables. En comparant seulement nos produits à ceux de nos voisins et même en tenant compte des différences de goût, des deux nations qui ne font pas rechercher également les mêmes formes dans les deux pays, nous avons donc lieu d’être satisfaits. En serait-il de même si rentrés en France nous examinions nos objets d’ameublement sans vouloir établir de comparaison avec ceux que fabriquent les pays voisins, llépondent-ils complé- 860 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. tement à l’idée qu’on peut se faire de meubles parfaits? Évidemment non. Leur principal défaut est de manquer d’originalité nous imitons beaucoup, nous créons peu; tous les meubles remarquables que nous avons cités rappellent les œuvres de la Renaissance, ou celles de Louis XV ou de Louis XVL Il faut bien reconnaître, toutefois, que cette imitation est faite avec beaucoup de goût, et que, si on a choisi des modèles, on les a choisis excellents; aussi, sans nous arrêter à cette critique, nous oserons en formuler une plus sérieuse. Les dessins de nos meubles sont bons, les ornements sont, en général, bien exécutés, mais il n’en est pas toujours ainsi des grandes figures sur bois qui les décorent; il y en a d’excellentes; il y en a de beaucoup plus faibles; des motifs de l’importance delà grande cheminée de M. Fourdinois doivent être traités par de véritables statuaires ; des ouvriers, même très-habiles, n’y sauraient réussir. Si comme nous l’avons remarqué bien souvent dans nos meubles parisiens, ou nous représente des enfants à tête monstrueuse, des figures sans ensemble, dont les membres ne tiennent pas les uns aux autres, s’il y a enfin dans l’exécution des figures des fautes de dessin grossières, le meuble perd toute valeur artistique ; il vaut mille fois mieux restreindre l’ornementation, que de la faire incomplète. Si donc on veut continuer à décorer les meubles de figures en haut relief, si on veut dessiner sur les tapisseries des personnages, il faut avoir recours à de véritables artistes pour les exécuter. En résumé, nous pouvons dire que notre ébénisterie, plus sage que par le passé, se limitant mieux qu’autrefois sur son domaine, a exposé cette année des œuvres en général bien conçues, très- agréables à l’œil ; mais qu’il arrive parfois, cependant, que l’exécution des figures de grande dimension laisse encore à désirer. II. — LES BRONZES D’ART. Les amateurs d’objets d’art, désireux avant tout de voir des œuvres parfaites, peuvent regretter le succès de plus en plus marqué des procédés mécaniques employés pour la réduction des belles statues antiques à de moindres proportions. Sans doute le procédé inventé par Achille Collas et par Sauvage, s’ap- LES INDUSTRIES D'ART. SOI plique bien mieux aux bas-reliefs qu’aux figures en ronde bosse. Tour la réduction de ces dernières, en effet, on est obligé de faire des coupes, et la réunion des morceaux réduits séparément est une première cause d’infidélité. La fonte au sable, deux fois moins chère que la fonte en cire perdue, et qui est seule adoptée par le commerce, présente les mêmes dangers. Au lieu de fondre le modèle d’un seul morceau, on le divise, le travail est ainsi simplifié; mais lorsqu’il s’agit d’ajuster les morceaux fondus, le gauchissement qui a pu se révéler dans l’assemblage des pièces moulées devient plus sensible encore. Pour l’eflacer, ou du moins l’atténuer, le fabricant a recours au ciseleur, et c’est le dernier coup porté à l’exactitude de la reproduction. Tout cela est vrai ; mais si ces procédés sont impuissants à rendre complètement le modèle avec toutes ses finesses, il donne toujours un ensemble, une silhouette qui rappelle de très-près l’objet, qui en reproduit les lignes; et les personnes peu versées dans l’étude des beaux-arts, douées seulement d’un sentiment assez vif de la beauté, peuvent jouir encore de ces œuvres imparfaites, et les préférer avec raison à des originaux mieux exécutés matériellement, mais dans lesquels n’existe plus ce souffle de grandeur qui se révèle dans la plupart des œuvres antiques. Avec la diffusion des connaissances, le goût des grandes œuvres s’est généralisé, et, dans l’impossibilité où se trouve la masse de posséder une œuvre parfaite, elle préfère une représentation même incomplète ù une absence totale. N’avons-nous pas vu ce goût très-prononcé pour les œuvres hors ligne, entraîner un public extrêmement nombreux aux concerts de musique classique qui ont lieu l’hiver au Cirque Napoléon? Sans doute l’exécution n’approche pas de cette perfection qui caractérise la Société des concerts qui tient ses séances à la salle du Conservatoire de musique; mais à travers cette exécution imparfaite on retrouvait la grande pensée de maître, comme au travers des réductions Collas on sent encore le style, la majesté des œuvres de Phidias, deLysippe, de Polyclète, comme travers les photographies on retrouve la puissance lumineuse des eaux-fortes de Rembrandt, lamajesté sévère de Marc-Antoine, la folle imagination d’Albert Durer. Cette vulgarisation des œuvres hors ligne a eu certainement une influence très-heureuse sur le goût du public, et depuis 802 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES, quelque temps les modèles de nos bronzes dorés eux-mèmes sont beaucoup mieux choisis qu’ils ne l’étaient il y a une vingtaine d’années. Une faute que commettent cependant nos fabricants d’objets d’art, c’est d’employer trop exclusivemnt le bronze, et de confier à cet alliage la reproduction des œuvres exécutées en marbre. Cette faute est particulièrement sensible pour la Vénvs de Milo, qui est cependant une des meilleures réductions faites par le procédé Collas. En plâtre elle conserve encore la meilleure partie de son charme et de sa puissance; fondue en bronze, elle change d’accent, elle n’a plus la grâce du modèle que nous admirons au Musée du Louvre. § I er . Bronzes. — Aucun pays n’a dans cette industrie une importance égale à la France, qui a accumulé ses produits peut- être avec une abondance exagérée. Nous serions étonnés que la demande des bronzes pût expliquer le nombre considérable de nos fabricants, et il nous paraît assez probable que celui-ci se réduira dans quelques années. M. barbedienne se place toujours en première ligne, non- seulement par les œuvres anonymes qu’il expose, mais surtout par le dépôt des œuvres de M. llarye, que chacun apprécie de plus en plus à mesure qu’il les étudie mieux. Personne jusqu’à présent n’avait compris comme cet artiste la sauvage beauté, l’élégance des animaux. Quelques-uns de ses combats sont terribles; le lion qui déchire un crocodile est admirable c’est le calme de la force impassible devant les tortures du vaincu; personne n’a su comme lui aplatir le crâne d’un tigre, allonger son torse maigre, pendant qu’il se glisse, les membres rassemblés et prêt à bondir. M. llarye n’est pas seulement un sculpteur d’animaux, il est digne à tous égards de traiter des sujets antiques quelle puissance dans le combat du Centaure et du Lapithe; celui-ci serre de ses jambes nerveuses la croupe de son adversaire; sa main, crispée sur l’épaule du Centaure, amène la tête effarée sous sa massue brandie, prête à frapper. Si audacieux que soit le mouvement, il n’en reste pas moins un modèle de style. Malgré le parfum antique qu’exhale le Thésée terrassant le Mi- notaure, on y sent une idée morale ; la sérénité, le calme, la cer- LUS INDUSTRIES D’ART. 813 titude du héros triomphant victorieusement des contorsions du monstre à tête de taureau, n’est-ce pas la victoire tranquille de la raison sur la force brutale? Chez M. Barhedienne se trouve encore une foule d’objets gracieux destinés à des garnitures de cheminées, des vases moulés sur l’antique, de belles coupes surbaissées aux anses doucement arrondies, enfin cet ensemble si désirable qui s’étale, au grand plaisir des curieux, sur le boulevard Montmartre. M. Graux-Marly a exposé les deux beaux esclaves égyptiens porte-flambeaux du regretté Toussaint. Tout le monde a été frappé, à l’un de nos derniers Salons, de ces figures demi-nues, dont les yeux baissés, expriment la résignation d’une race vaincue, courbée à un eobéissance servile; comme sa compagne, le fellah soutient de son bras étendu le flambeau qui éclaire le chemin du maître. Ce sont là deux excellents modèles de candélabre, qui ont été réduits à des dimensions très-variées; au bas d’un escalier monumental ils seront parfaitement placés. M. Mène marche sur les traces de M. Barye, depuis plusieurs années déjà; il cisèle avec talent de charmants groupes d’animaux. Une de ses pièces, représentant des chasseurs et des chiens, est encore assez agréable, malgré la grande difficulté de composition que présentait le sujet. M. Delafontaine, M. Susse, ont d’excellents modèles de statuettes ou de bronzes d'appartement. Nous avons remarqué surtout chez ce dernier un très-bon trépied destiné à contenir une lampe. Une bonne reproduction des trois Grâces, de Germain Pilon, a été exposée par M. Lemaire. Combien de fois ce beau motif a-t-il été interprété par la statuaire, par la peinture ! Le groupe de Germain Pilon n’a pas la puissance des femmes de Raphaël, fortes, robustes, si chastes malgré leur nudité; les trois grandes filles du sculpteur français sont plus élégantes, plus grandes dames; elles n’ont plus la sévérité de Raphaël, elles ont un charme plus vivant ce ne sont plus des divinités, mais d’admirables créatures tout empreintes de grâce. Nous l’avons dit, dans l’industrie des bronzes la France se place si nettement au premier rang, que c’est à peine si les autres nations ont exposé quelques objets. Concentrée dans le quartier du Marais à Paris, divisée en une foule de grands et petits ateliers 864 EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. dans lesquels l’intelligente activité, le goût, de l’ouvrier fabricant est la condition essentielle du succès , cette industrie ne saurait être entamée par la puissance des grands ateliers anglais. Cette industrie parisienne n’a pas encore de rivaux sérieux. Nous devons toutefois faire mention d’une jolie collection de bronzes russes, représentant divers épisodes de chasse. Tous les détails sont traités avec soin, les chasseurs, les chiens eL le gibier qu’ils ont su atteindre, tout est ciselé avec beaucoup de finesse. -U.* y* WM, r 3 sÏMfY. l'ig. S. II. Bronzes dorés, émaillés .— Ce n’est plus ici la France qui domine, mais bien l’extrême Orient, la Chine et le Japon. Quelques membres de l’aristocratie anglaise, quelques négociants, avaient exposé les vases pris au palais d’été du chef du Céleste Empire, et il faut bien reconnaître que rien n'est plus parfait comme ornementation que ces beaux vases émaillés qui étaient réunis dans un petit compartiment de l’Exposition anglaise, fort dédaigné du public cependant. Il semble qu’il n’est pas nécessaire qu’un ornement ait une LES INDUSTRIES D’ART. 8Gb signification précise; on place un vase sur une table, sur une cheminée par horreur du vide; ce qu’on doit lui demander surtout, c’est de bien remplir ce vide, d’avoir un joli aspect, assez riche de ton pour ne pas amener la tristesse, assez doux pour ne pas tout tuer par son voisinage c’est là le grand mérite de ces vases chinois et japonais, ils sont admirables et modestes; comme ces hommes silencieux qui ne découvrent tout à coup la finesse de leur esprit, la sûreté de leur jugement, que pressés par leurs interlocuteurs, et qui habituellement gardent le silence, Fig. 1. > $5 Site ,*'ar jsr tandis que les sots babillent à perdre haleine, de même ces beaux vases, très-doux d’aspect, peuvent passer inaperçus; les regarde-t-on un instant avec attention, leur charme pénètre, on ne sait plus s’en détacher. L’auteur s’est abandonné à la plus pure fantaisie; personne n’a jamais vu ces grosses bêtes aux formes bizarres qui s’entrelacent sur leur panse arrondies; c’est à peine si elles ont été entrevues dans les rêves les plus incohérents; ces figures bizarres vous entraînent au travers de ce monde inconnu, dans lequel les conteurs orientaux accumulent si libéralement toutes les richesses, on aban- Sfifi EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES. donne avec eux la réalité pour voyager en pleine fantaisie. C’est là leur suprême qualité. Si une œuvre sérieuse est bonne quand elle excite la pensée, une œuvre de fantaisie est agréable lorsqu’elle fait rêver. Le charme de la musique est de fournir un thème sur lequel l’imagination, la folle du logis, brode à son aise? Quelles innombrables armées on voit défiler en entendant la symphonie héroïque ! Les géants de Gulliver peuvent seuls marcher au pas de ces grands accents; combien de bergères enrubannées, poudrées, à la jupe courte et ballonnée, j’ai vues danser devant moi pendant la pastorale! On aime ainsi à se perdre dans les songes les plus vagabonds, devant les êtres fantastiques des vases japonais et chinois ; à chaque instant, avec un nouveau plaisir, on y découvre une nouvelle folie. L’harmonie de leurs teintes est admirable; ils sont dorés, c’est à peine si on le croit; ils sont émaillés, mais leurs couleurs sont douces, elles n’ont rien de criard , bien différents en cela de nos gros bronzes dorés, tout battants neufs, qui crèvent les yeux malgré tout. Que cette pagode en bronze doré, est amusante! Sur le toit des monstres tortillés, font siffler leur langue pointue, ils défendent le dieu de Jade, immobile au fond du sanctuaire, contre les entreprises des impies. Que ces boîtes d’ivoire sont finement découpées ! On y retrouve cette patience de main d’œuvre, cette abnégation de l’artiste si loin de nous aujourd’hui et que nous avons connu autrefois, quand des scribes habiles passaient une vie tout entière, abritée par l’ombre pieuse du cloître, a enluminer un manuscrit de curieuses miniatures. Quel merveilleux travail encore dans ces admirables paravents de laque, que l’exiguïté de nos appartements ont fait passer de mode. Pourquoi faut-il que le plaisir de voir ces belles choses soit empoisonné par le souvenir d’un pillage, d’une destruction indigne d’un peuple civilisé? Nos bronzes dorés sont peut-être un peu meilleurs qu’il y a quelques années; nous avons eu naguère une avalanche de modèles détestables, de sujets de pendules d’un goût affreux; tout cela s’est un peu modifié; on a pris l’excellent parti de se servir surtout de réduction soit de l’antique, soit des bonnes statues modernes la belle Pénélope de M. Cavelier, réduite par M. Bar- bedienne, a fait un excellent motif de pendule pour une chambre LES INDUSTRIES D’ART. 8 - & Kl délia Robbia, très-riche et puissant de ton. M. Lisci fera bien de s’en tenir i sa faïence et d’abandonner la fabrication de la porcelaine décorée; celle qu’il a montrée est d’un goût horrible. LES INDUSTRIES D’AIIT. 889 Nous ne reviendrons pas sur les porcelaines de Chine et du Japon, médiocrement représentées au reste à Kensington, et qui n’ont d’autres tendances que le statu quo dans une fabrication qui a produit de si merveilleux résultats. Au point de vue de l’art, la céramique a encore énormément à faire; la porcelaine doit surtout chercher d’habiles dessinateurs y\ 'îL** r 4M % f \ .? \ * Ih'Tl'UVbltA- tld .SC "MACHINES A FAIRE LES MORTAISES .ET LES. BAIflURES Details de transmission Kio\ x rUiuehe lu Annales du t'enserrateire Imper ni! des Arts et Me tiers. / tio*. 2 . ..'Y/r . x Benniÿi'üJy, j <* . éxi&'ï'*- imm iliilS IMll Sïiéllââ WWà {$&&;i •&£;• ,v; •iJ* ; 'Vvîfrift Vt'-^ -jtkÀ. ' c 'a'&?i"$i Travail en silence, et la réussite se chargera du bruit.”
Développeur Collection - Jersey Luxe H/F Mode, Français, Anglais Description du poste Présentation d'entrepriseL'agence Depech'Mode Paris est spécialisée dans les métiers de la création et du design ainsi que dans la production et développementNotre enjeu est de vous garantir des réponses sur mesure et de vous soutenir dans vos recherches de postes en intérim, CDD, CDI. Nos engagements Efficacité, réactivité, qualité et c'est avant tout une équipe dynamique, sérieuse, humaine avec l'énergie au service du chic et du glamour."Construisez vos projets en silence la réussite se chargera du bruit". Depech'Mode Paris Description du poste* Suivi de sa catégorie dans le plan de collection cadré par le merchandising ; * Suivi du budget de collection pour sa catégorie ; * Relation avec les fabricants en phase de collection ; * Gestion et saisie de la nomenclature de collection dans le PLM ; * Costing en lien avec le Target Price ; * Dossier technique de collection ; * Lancement prototypes ; * Suivi et réception prototypes ; * Participation essayages de collection en lien avec les modélistes ; * Passation lors de la réunion technique. Profil recherchéVous detentez une forte culture mode et connaissance du jersey et du coupé cousuDiplôme Stylisme de Mode, DSA design de mode ou diplôme d'une école spécialisée, avec une expérience de 2 à 5 ans minimum sur un même type de posteConnaissance SAP/PLM, maîtrise d'ExcelAisance relationnelle, force de proposition, bonne gestion des priorités, respect du timingAnglais courant Origine Site web de l'entreprise Publié 24 Aoû 2022 Langues Français, Anglais7views, 0 likes, 0 loves, 0 comments, 2 shares, Facebook Watch Videos from RAZOU: Travail dur en silence 狼, le reste se chargera de faire du bruit PRÉAMBULE Le règlement intérieur du Lycée Georges Brassens a été adopté par le Conseil d’Administration du 3 février 2016 en se conformant à tous les textes juridiques supérieurs (Constitution, Droits de l’Homme ). Texte éducatif, il est l’expression du pouvoir de réglementation dont dispose l’Etablissement Public Local Travail en silence la réussite se chargera du bruit »易 紐♂️. 29 Jan 2022
Lhésychia extérieure (la vie loin du monde), alliée à la prière continuelle et à l’ascèse pratiquée avec discernement, apporte très vite à l’âme l’hésychia intérieure, c’est- à-dire la paix, laquelle est une condition indispensable au subtil travail spirituel. L’homme alors n’est plus gêné par le bruit extérieur, car, en fait, seul son corps se trouve sur terre93Likes, 9 Comments - Coach Nko (@teamnko) on Instagram: “#TEAMNKO travail en silence la réussite se chargera du bruit !!!! 🦍💪🏿🥊” Lergonomie et la sécurité ne sont pas du tout prises en compte lors de la conception de ces machines. On ne peut donc agir qu’a posteriori », regrette Serge Vittoriano. Montant de l’investissement pour cette partie : 120 000 euros. « La bonne entente avec nos dif-férents prestataires a été une des clés de la réussite, souligne travailleen silence, la réussite se chargera du bruit. 13 Dec 2021
Travailen silence, la reussite se chargera du bruit. 10K views, 295 likes, 2 loves, 24 comments, 12 shares, Facebook Watch Videos from Abdelkader Oueslati: Travail en
Laréussite se chargera du bruit ” Jun 29, 2019 - 20.8k Likes, 106 Comments - Femme d'Influence Magazine (@femmedinfluencemag) on Instagram: “Fais tes projets en256Likes, 2 Comments - Zakaria Grich (@zakariagrich_20) on Instagram: “Travail en silence, la réussite se chargera du bruit. #workhard 👀⚽️” IOj6se.